vendredi 4 juillet 2025

IA : le rêve impensé de Diderot et d'Alembert...

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L’Encyclopédie est un ouvrage majeur du XVIIIe siècle et la première encyclopédie française. Par la synthèse des connaissances du temps qu’elle contient, elle représente un travail rédactionnel et éditorial considérable pour cette époque et fut menée par des Encyclopédistes constitués en « société de gens de lettres ». Enfin, au-delà des savoirs qu’elle compile, le travail qu’elle représente et les finalités qu'elle vise, en font un symbole de l’œuvre des Lumières, une arme politique et à ce titre, l’objet de nombreux rapports de force entre les éditeurs, les rédacteurs, le pouvoir séculier et ecclésiastique.


La phrase importante est : « Par la synthèse des connaissances du temps qu’elle contient... »

Éditée de 1751 à 1772 (21 ans), l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers voulait être, selon la volonté de leurs auteurs, un compendium de l'époque, de tous les savoirs humains accessibles en ce temps-là...

Jamais ils n'auraient pu imaginer une seule seconde ce que l'on vit aujourd'hui, ni ce que nous vivrons d'ici quelques années selon Eric Schmidt :

D'ici 3 à 5 ans (2028-2030), émergence de l'intelligence artificielle générale (AGI, celle qui mettra dans la poche de chacun de nous l'équivalent du plus intelligent des experts humains pour chaque problème !)

En fait, nous l'avons pratiquement déjà avec l'IA embarquée sur nos smartphones : quand, dans l'histoire de l'humanité, a-t-il été possible de poser n'importe quelle question, dans n'importe quelle langue, sur n'importe quel sujet, et d'obtenir une réponse pertinente quasi-instantanée ? Jamais. Et, tout comme Federico Pucci ne pouvait pas prévoir l'accessibilité gratuite de la traduction automatique universelle, ni Diderot ni d'Alembert n'auraient osé concevoir la réalité de ces jours-ci, à savoir une « intelligence artificielle » capable de :

  • comprendre la langue naturelle, même si elle est imparfaite,
  • traduire automatiquement, souvent sans perte de sens,
  • synthétiser une énorme masse d'informations,
  • générer une réponse adaptée au contexte, presque en temps réel.

Un tel accès planétaire à la connaissance, rendu disponible dans quasiment toutes les langues du monde par des IA toujours plus intelligentes, spécialisées et collaboratives, était tout juste inconcevable, et impensé. Or ici et là, je vois tous les jours des discussions de gens très au courant, très experts et documentés, qui semblent trouver ça normal, ne s'étonner de rien, évoquer des scénarios futuristes jugés plausibles...

Non, ce n'est pas normal ! Avec l'informatique quantique, je les ai respectivement nommées la troisième et la quatrième révolutions civilisationnelles : SUP². Tout cela est si extraordinaire, quand bien même un miroir peut éclairer ou éblouir, voire aveugler !

En 2025, Jules Verne aurait pu nommer l'avenir « L'ère des consciences multiples », où l’IA ne se contente plus de répondre aux questions, mais participe activement à la pensée humaine. L’intégration fluide de l’IA dans les appareils du quotidien (lunettes, oreillettes, interfaces neuronales non invasives) dote chaque individu de “consciences auxiliaires” multiples :

  • Une IA spécialisée en communication optimise la façon de s’exprimer, traduit instantanément et vous signale en temps réel ce que votre interlocuteur ressent.
  • Une IA cognitive complète la mémoire, anticipe les oublis, propose des liens, des associations d'idées, des documents, des conversations passées.
  • Une IA éthique pose les bonnes questions lorsqu'il s'agit de prendre une décision délicate, en simulant plusieurs perspectives morales.
  • Une IA éducationnelle/pédagogique enseigne aux enfants à ne plus apprendre par mémorisation, mais par interactions soufflées par leurs robots conversationnels. Chaque élève a un programme sur mesure : langues, mathématiques, histoire, etc. toutes disciplines vécues en réalité augmentée ou à travers des jeux immersifs co-construits avec l’IA. Un enfant peut dire à son IA : « Emmène-moi dans la Rome antique » et se retrouver plongé en quelques secondes dans un dialogue interactif avec Cicéron ou César.
  • Une IA médicale, professionnelle, artiste, etc. Les médecins travaillent avec des IA expertes qui détectent des pathologies avant l’apparition des symptômes. Les délais actuels de découverte de nouvelles molécules par les laboratoires pharmaceutiques sont divisés par 10 ou plus. Les consultants et/ou artisans déploient des activités professionnelles augmentées. Les créateurs, artistes, architectes collaborent avec des IA capables d’imaginer des formes et des idées inexplorées par l’humain.

Le travail humain devient curation, choix, responsabilité : l’humain décide de la direction, l’IA exécute ou propose. Les scénarios sont infinis. Attention toutefois au revers de la médaille :

  • Des « humains déconnectés » sont marginalisés, car incapables de suivre le rythme cognitif des « humains augmentés ».
  • La frontière entre ce qu’on pense et ce que l’IA suggère devient floue. Qui décide vraiment ?
  • Certains États imposent des IA idéologiquement filtrées : ce que tu crois savoir dépend de l’IA que tu utilises. L'IA déploie la propagande et le « crédit social » à l'échelle planétaire.
  • Les cyberattaques peuvent désormais désinformer, manipuler la pensée des masses via les IA personnelles.

Globalement ce futur d'une « pensée partagée » n'est rien d'autre qu'une nouvelle forme de solitude, porteuse de risques d'atrophie cognitive, nous devrons donc apprendre à vivre avec l’IA sans lui céder notre libre arbitre pour devenir les navigateurs d’un monde où penser ne sera plus une tâche solitaire, destinée à s'inscrire dans un dialogue constant avec des consciences créées par l’humanité elle-même.

Je conclurai sur cette citation de Diderot, extraite de son Discours préliminaire à l'Encyclopédie :

Le but d’une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la Terre [...] afin qu’en devenant un bien commun, elles ne soient plus la propriété des seuls privilégiés.

Appliqués à l'IA en 2025, ces mots sont plus que jamais prophétiques !

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