Sept côtes cassées, une fracture du coude, une autre de l’omoplate, des traces de décharges électriques sur les organes génitaux, des brûlures de cigarette autour des yeux et en d’autres endroits, des coupures infligées avec un rasoir ou une lame tranchante sur le corps, le dos et aux épaules, des signes de matraquage sous la plante des pieds, des lésions traumatiques partout, abrasions, ecchymoses, contusions sur le nez et le visage, écorchures et traces de coups de poing et de pied, les ongles arrachés aux doigts d’une main et d’un pied, les oreilles coupées, des dents brisées… ce ne sont là que les informations éparses que j’ai pu rassembler sur la monstrueuse agonie et le pauvre corps supplicié de Giulio.
Or j'ai lu ces derniers temps deux infos qui sont venues corroborer mon pessimisme.
1. Le gouvernement Meloni a mis à jour la liste des pays d'origine sûrs dans un document interministériel publié le 7 mai au Journal Officiel de la République italienne et signé par les ministres Antonio Tajani (Affaires étrangères), Matteo Piantedosi (Affaires intérieures) et Carlo Nordio (Justice), qui inclut l'Égypte !
Tajani, interrogé sur la justification de ce choix au moment-même où le procès des tortionnaires de Giulio Regeni est en cours en Italie, a fait semblant de s'énerver en disant que jamais ils (lui et son gouvernement) n'avaient laissé tombé l'affaire Regeni, en démentant concrètement par les faits ce qu'il prétend affirmer par les mots ! Les parfaits héritiers de Berlusconi...
2. Le tristement célèbre centre de détention de la Sécurité égyptienne du Caire où Giulio et des milliers d'autres prisonniers ont été torturés er assassinés va laisser la place à un hôtel de luxe de la chaîne Marriott International.
Dans ce bâtiment, Giulio était détenu dans la pièce 13, selon le témoin Y, qui l'a vu en présence de deux officiers et deux agents, à moitié nu, des signes de torture sur tout le corps, enchaîné et délirant en italien. Allez savoir si le futur hôtel aura aussi une chambre 13...
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À Fiumicino, il y a une petite route qui longe l'embouchure du Tibre et l'enceinte grillagée de l'aéroport international de Rome, où une pancarte indique le monument à Pier Paolo Pasolini. Le lieu, qui semble à l'abandon, conserve toute sa poésie, quand bien même l'événement qu'il commémore est loin d'être poétique : Pasolini a été trucidé non loin de cet endroit par une bande de voyous, commandités par des politiques et des mafieux encore plus voyous qu'eux.
Mais pourquoi est-ce que je vous parle de Pasolini, me direz-vous, alors qu'il devrait être question ici de justice et de vérité pour Giulio Regeni ? Simplement parce que le "Je sais" de Pasolini, emblème de la dénonciation des abus de pouvoir et de la corruption, symbole de la lutte contre l'opacité et la manipulation par les autorités d'un pays, s'applique parfaitement au cas Regeni.
Le 14 novembre 1974, Pasolini publie dans le Corriere della Sera un article intitulé « Cos'è questo golpe? Io so », qu'on pourrait traduire par "Je sais qu'il s'agit d'un coup d'état", où Pasolini débute 12 fois ses premières phrases par : "Je sais..." :
Je sais.Je sais quels sont les noms des responsables...Je sais quels sont les noms de ceux qui tirent les fils...Je sais mais je n'ai pas les preuves, ni même les indices.Je sais parce que je suis un intellectuel, un écrivain, etc.
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