mardi 29 avril 2025

Intelligence artificielle - Troisième bloc

Intelligence artificielle - Premier bloc

Intelligence artificielle - Deuxième bloc

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  1. L'intelligence artificielle et la politique
  2. L'intelligence artificielle et la statistique
  3. L'intelligence artificielle et la santé
  4. L'intelligence artificielle et l'environnement
  5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie
  6. L'intelligence artificielle et la fabrication / production
  7. L'intelligence artificielle et la construction / le BTP
  8. L'intelligence artificielle et l'énergie
  9. L'intelligence artificielle et l'agriculture
  10. L'intelligence artificielle et les ressources humaines

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1. L'intelligence artificielle et la politique

Le mercredi 3 mai 2023, Libération titrait en une « Intelligence artificielle et politique : les liaisons dangereuses ». 


Popularisation de ChatGPT, diffusion de fausses images, accélération des techniques de propagande... L'irruption de l'IA bouleverse déjà le monde politique, qui redoute son influence sur la présidentielle de 2027.

Et une ingérence dans les processus démocratiques, les quatre pages d'articles successives (2-5) étant totalement à charge de l'IA. Or deux ans ont passé, nous sommes à mi-chemin de l'élection présidentielle et qu'a fait la politique depuis pour affronter la question ? Rien...

Si ce n'est la publication d'un beau rapport, le 13 mars 2024, intitulé « IA : notre ambition pour la France », où Macron partage sa volonté affichée de faire du pays un champion de l'IA, parfaitement conscient de la situation, où les rapporteurs écrivent noir sur blanc de bien belles paroles, à partir de la page 54, point 1.7, L’IA peut-elle nuire à la qualité de l’information ? :
Or, l’IA a le potentiel de mettre en cause l’activité des entreprises de presse et par conséquent le rôle fondamental qu’elles jouent dans la production d’une information fiable et pluraliste. De nouveaux médias à base exclusive d’IA, sans respect de ces responsabilités, cherchent déjà à se positionner comme concurrents des médias « traditionnels ». Des sites fournissent des informations non fiables, générées par des IA et portant souvent des noms destinés à faire croire qu’il s’agit de contenus produits par des journalistes. S’ajoutent des robots plagiaires qui utilisent de manière irrégulière les contenus publiés par les médias traditionnels pour produire des articles, sans créditer leurs sources et sans rémunération.
Le cadre est posé. À quand un numéro vert ? Comme l'observe Tariq Krim

À deux ans de la prochaine élection présidentielle, les politiques numériques de l’État français semblent désormais en pilotage automatique.
  • Absence de vision claire : aucune doctrine numérique forte n’est portée par le gouvernement. Les grands outils comme France 2030 ou la BPI sont en train de se réorienter vers les secteurs défense et souveraineté après avoir joué la carte de la réindustrialisation, mais il va falloir du temps pour que cette stratégie porte ses fruits.
  • Stratégie du risque politique zéro : pour l’instant, on cherche à gagner du temps pour masquer la sidération face à la politique économique et diplomatique des US.
Donc, il est vrai que ChatGPT peut servir de « super-propagateur d'infox », que les images peuvent informer ou désinformer, et l’IA doper les arnaques et la propagande en ligne, etc., mais c'est exactement la même chose pour chacun des 40 binômes « Intelligence artificielle et... » que je traite dans mes billets : tous se prêtent à une simple analyse SWOT pour identifier forces, faiblesses, opportunités et menaces, pour trouver un équilibre entre positif et négatif, et d'une manière générale les parties prenantes préfèrent de loin mettre en avant le positif.

La politique, non ! C'est tout le contraire. Pourquoi ? Avez-vous jamais entendu Retailleau dire un seul mot positif sur l'immigration ? Et pourtant...

Dissertation. Prenez, au choix, l'un des cinq sujets problématisés par ChatGPT, vous avez quatre heures :
  1. L’intelligence artificielle peut-elle améliorer le processus démocratique ou constitue-t-elle une menace pour la démocratie ?
  2. L’intelligence artificielle remet-elle en question la souveraineté des États ?
  3. L’intelligence artificielle permet-elle une gouvernance plus efficace ou accentue-t-elle les inégalités politiques ?
  4. Peut-on confier des décisions politiques à une intelligence artificielle ?
  5. L’intelligence artificielle transforme-t-elle la manière de faire campagne et de gouverner ?
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2. L'intelligence artificielle et la statistique

Habituellement, lorsque l'on parle de statistiques on pense "sondages" ! Ou à la rigueur "chiffres" auxquels on fait dire tout et son contraire, ça dépend du moment et des humeurs... Mais qui dit "sondages" dit aussi "élections" et donc "vote".

L'IA influence-t-elle les électeurs ? C'est évident ! Mais ni plus ni moins que les sondages avant elle, qui se satisfaisaient fort bien des médias dominants (télé, radio, presse, etc.) pour manipuler l'opinion publique à l'envi... Il est d'ailleurs intéressant de comparer la liste des milliardaires propriétaires de tous les médias qui comptent, aux noms des acteurs qui possèdent les principaux instituts de sondage : surprise, beaucoup se recoupent (groupes Bolloré, Pinault, Arnault, Saadé, Dassault, Bouygues, Niel, Drahi, Amaury, Havas, Lagardère, Rothschild, Medef, Fidelity, Kretinsky, Stérin, etc.), la plupart étant plus ou moins des soutiens enthousiastes de Macron, par ailleurs.

Donc l'IA est un outil puissant, certes, mais rien de nouveau sous le soleil.

N'oublions pas que d'autres applications impliquent l'intelligence artificielle et la statistique, comme les algorithmes génétiques, la finance, les indices de prix, les SIG, les grandes cohortes de données en santé, etc.

Il n'y a pas que la politique dans la vie !

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3. L'intelligence artificielle et la santé

Il y a aussi la santé !

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) nous propose une excellente introduction en la matière, à lire absolument pour mieux comprendre, en profondeur, de quoi il s'agit.

Les implications de l'IA pour la santé ont une portée gigantesque, un billet de 100 pages ne suffirait pas à épuiser le sujet. Pour ne parler que du cancer, le potentiel en termes de prévention, de détection et de personnalisation des traitements fait naître d'immenses espoirs chez les patients et les médecins. Plus de 160 000 décès chaque année en France à cause du cancer, près de 20 millions de cas diagnostiqués sur un an dans le monde (dont la moitié à peu près décèdent), la maladie cancéreuse produit une quantité considérable de données (outre que de souffrances...) :

Ces grands volumes de données posent des problèmes d’archivage dans la durée, d’administration de bases de données gigantesques, centralisées ou réparties. Les autres défis autour des données sont la centralisation et le croisement de sources multiples, l’interopérabilité, le partage entre structures hospitalières et la ville, le contrôle de la qualité, le lien entre clinique, images et omiques, la sécurité des bases de données et la protection des personnes.

Un challenge difficile à surmonter est l’utilisation du traitement automatique du langage naturel afin d’exploiter la richesse des informations contenues dans les dossiers médicaux en données utilisables pour la recherche dans une modélisation partagée de la maladie selon des standards internationaux.

(blanc) 

L’IA permet parfois de faire aussi bien et plus vite ce que sait faire un cerveau humain : reconnaître une tumeur ou compter les cellules. Mais l’IA, c’est aller au-delà de ce qu’un cerveau humain est capable de faire grâce à la puissance des machines en analysant des quantités de données considérables. Ainsi, le codage automatique de centaines de milliers de comptes rendus médicaux, l’étude quantitative des données à l’origine des images ou l’interprétation automatique du transcriptome illustrent les apports de l’IA avec des résultats jusque-là inatteignables. Il ne s’agit plus d’outils qui aident ou remplacent le médecin mais d’outils qui permettent d’aller plus loin dans la recherche, les soins et la compréhension de la maladie.

Résumé d’une communication présentée lors de la journée dédiée « Médecine et intelligence artificielle » du mardi 3 mai 2022 à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Nordlinger B, Villani C, de Fresnoye O Dir. Médecine et intelligence artificielle. Paris : CNRS éditions, 2022 ».

La dernière partie que j'ai soulignée est fondamentale et peut pratiquement s'appliquer à toutes les disciplines en matière de santé !

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4. L'intelligence artificielle et l'environnement

Les problèmes de santé ont une origine à la fois endogène, nous les portons en nous, et exogène, à savoir qu'ils sont provoqués par des facteurs externes, dont notre environnement. 

Chaque jour il est question de transition écologique, de green deal, de biodiversité, de responsabilité environnementale, etc., désormais l'intelligence artificielle devient durable, voir la feuille de route internationale pour le lancement de la coalition mondiale (février 2025), et naturellement, l'intelligence artificielle a son mot à dire sur chacun des objectifs de développement durable de l'agenda 2030, bien fourni :


Au début du mois s'est déroulé au Rwanda le sommet mondial sur l'intelligence artificielle en Afrique, qui s'est conclu par une Déclaration Africaine sur l'Intelligence Artificielle, dont les objectifs :
  • Exploiter le potentiel de l'IA pour stimuler l'innovation et la compétitivité afin de faire progresser les économies, les industries, et les sociétés africaines.
  • Positionner l'Afrique comme un leader mondial dans l'adoption d'une IA éthique, fiable, et inclusive.
  • Favoriser la conception, le développement, le déploiement, l'utilisation, et la gouvernance durables et responsables des technologies d'IA en Afrique.
s'accompagnent des engagements suivants :
  • Initiatives d'éducation à l'IA à l'échelle du continent avec le développement de programmes scolaires pour les jeunes à tous les niveaux
  • Programmes adaptés d'établissements d'enseignement supérieur qui fournissent des compétences en IA compétitives au niveau mondial
  • Capacité accrue de recherche en IA dans les établissements d'enseignement supérieur en renforçant les programmes de doctorat en Afrique et en développant la capacité de recherche grâce à des partenariats internationaux stratégiques
  • Programmes qui informeront et habiliteront les citoyens à connaître les avantages et les risques de l'IA grâce à des formations de sensibilisation et d'alphabétisation à l'IA
  • Création d'un Panel Scientifique Africain sur l'IA, qui sera composé d'experts en IA d'Afrique et de la diaspora, pour promouvoir une recherche contextuelle pertinente et fondée sur des preuves sur les risques, les opportunités, et l'impact socio-économique de l'IA en Afrique, fournissant une base de connaissances pour les décideurs politiques, les chercheurs, et les praticiens
Comme on le voit, compte tenu de l'importance de l'IA à l'échelle mondiale, chaque continent, chaque pays, tente de se positionner le mieux possible en vue d'affronter les bouleversements en cours.

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5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie

Dans un mois aura lieu le King’s Festival of Artificial Intelligence, avec toute une série d'événements autour de l'IA, y compris sur la médecine, les maladies, l'accès aux données de santé : on parle ici de médecine prédictive, de soins extrêmement précis, de diagnostics simultanés de millions de patients, en identifiant les causes profondes de chaque malade et en tenant compte de l’intégralité de ses antécédents cliniques, biologiques, de son mode de vie, tout en adaptant les interventions en fonction des projections et des simulations sanitaires individualisées.

Au fur et à mesure que l'apprentissage par renforcement des modèles d'IA s'affine, ils peuvent prendre eux-mêmes les décisions mais manquent d'explicabilité : or c'est un problème d'éthique (cfr. les documents du Comité d'éthique de l'Inserm - CEI), mais aussi juridique, puisque les décisions prises par le modèle engagent la responsabilité des cliniciens. Un médecin n’acceptera jamais un diagnostic automatisé sans l’avoir lui-même validé au préalable.

Tous les aspects de la médecine sont concernés, de l'imagerie médicale aux neurosciences, des ovocytes aux lois de bioéthique, de l'antibiorésistance à la surprescription de médicaments pour les enfants et les adolescents, la liste est potentiellement sans fin.

Et puisqu'il est question de médicaments, arrêtons-nous un instant sur la pharmacie. Une thèse s'interroge : l’officine, bientôt dotée d’intelligence artificielle ? Une question à laquelle a déjà répondu, depuis quelques années déjà, la grande industrie pharmaceutique : oui !

Cela étant, les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas toujours les compétences requises. Si l'on prend l'exemple de Sanofi, qui n'est quand même pas le pharmacien du coin, ils ne se sont mis à l'IA qu'en juin 2023. Car l'intégration de l'IA dans le secteur pharmaceutique implique de nombreux défis, notamment en matière de protection des données sensibles, de conformité réglementaire et de risques de biais dans les résultats générés par l’IA. Des premières recherches à la commercialisation du médicament, il faut compter entre 12 et 15 ans !

En intégrant l'IA, l'ambition de Sanofi est de réduire cette durée de moitié. Au mois de mai 2024, ils ont lancé le programme Muse, en partenariat avec OpenAI et FormationBio (voir comment se déroule le déploiement de Muse, ici et ), qui vise à recruter des patients pour les essais cliniques, tout en réduisant les délais de recrutement. Concrètement, l’outil analyse le contexte (maladie, traitements existants), identifie les profils des patients idéaux, puis élabore des stratégies de recrutement à l’aide de documents et de questionnaires personnalisés pour chaque population visée. L’objectif étant d'augmenter la pertinence des essais en recrutant des profils issus de groupes d’habitude sous-représentés. (Interview de Kaoutar Sghiouer, responsable monde de la data et de l'intelligence artificielle chez Sanofi, dans Challenges n° 861 / 6-12 février 2025).

Toujours selon Kaoutar Sghiouer (interview à BFMTV), les principaux avantages de l'IA sont la prédiction des performances et la simulation de la stabilité d'un médicament, ainsi que l'optimisation de sa production manufacturière et de la logistique, en attendant l'IA augmentée, qui devrait permettre d'individualiser les traitements (zéro possibilité de ne pas y avoir accès), et de créer un "doublon" d'un médicament, ou une "copie", un peu à l'instar de l'ARN-messager. Je laisse aux spécialistes le soin de déchiffrer, pour l'heure, ce sera tout pour la MedTech...

Enfin, indépendamment de ce qui précède, le binôme IA-Pharma représente aussi un espoir pour le traitement des maladies orphelines.

Du côté obscur de la force, je mentionnerais juste les risques en termes d'agents pathogènes et d'armes biologiques (ou autres). Sur les premiers, Eric Schmidt a déjà lancé un fort avertissement. Sur les secondes, dès 2023, Dario Amodei a témoigné devant le Sénat des États-Unis, en précisant que, selon lui, dans les prochaines années, il existait un risque majeur qu'un chatbot soit capable de guider les utilisateurs à travers chaque étape nécessaire à la création d'une arme biologique : « Cela pourrait considérablement élargir l'éventail des acteurs disposant des capacités techniques nécessaires pour mener une attaque biologique à grande échelle ».

Suite à son témoignage, deux sénateurs ont demandé une enquête plus approfondie, en se basant sur une étude conjointe Harvard/MIT, qui présentait l'expérimentation suivante
Pour tester les dangers des derniers modèles d'intelligence artificielle comme GPT-4, ils ont donné une heure à trois groupes d'étudiants – tous sans formation en sciences de la vie – pour voir si l'utilisation des chatbots pouvait les aider à créer une nouvelle épidémie mortelle.

Dans le temps imparti, les résultats obtenus ont utilement informé les étudiants de quatre candidats potentiels à une pandémie, comme la variole ; expliqué comment des agents pathogènes peuvent être synthétisés à partir d'une séquence génomique et liés à des protocoles spécifiques ; et indiqué des entreprises susceptibles de créer des séquences d'ADN personnalisées sans dépistage préalable de commandes suspectes.
Selon l'étude :
Collectivement, ces résultats suggèrent que les LLM (les grands modèles de langage qui alimentent les chatbots comme ChatGPT, bien conscient du problème) rendront les agents de classe pandémique largement accessibles dès qu'ils seront identifiés de façon crédible, même à des personnes peu ou pas formées en laboratoire. Parmi les mesures utiles en vue d'empêcher toute non-prolifération : l'évaluation préalable des LLM par des tiers, le traitement des jeux de données d'apprentissage pour éliminer les concepts nocifs, et un filtrage vérifiable de l'ADN généré par les fournisseurs de synthèse et utilisé par les organismes de recherche sous contrat ou par les « laboratoires cloud » robotisés afin de concevoir des organismes ou des virus.

Si vous souhaitez conclure, personnellement, je ne sais pas trop quoi dire ! Une petite vidéo, peut-être...

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6. L'intelligence artificielle et la fabrication / production

Dans un article intitulé « Comment l'IA révolutionne l'industrie manufacturière », Appinventiv nous propose les douze principaux domaines les plus impactés :
Voici la liste :
  1. Gestion de la chaîne logistique
  2. Cobots (robots collaboratifs)
  3. Gestion d'entrepôt
  4. Optimisation des chaînes de montage
  5. Maintenance prédictive
  6. Développement de nouveaux produits
  7. Optimisation des performances
  8. Assurance qualité
  9. Simplification des formalités administratives
  10. Prévision de la demande
  11. Gestion des commandes
  12. Usines connectées
Usine 4.0, gestion de réseaux privés sécurisés, surveillance de l’état de santé des équipements, supervision de leur consommation et géolocalisation indoor de leur emplacement, monitoring des machines d’analyses, binôme IoT/Big Data, binôme IA/robotique (le cerveau et les bras de l'industrie, auxquels ajouter la vision industrielle), binôme OT/IT, etc., nous sommes déjà en route vers l'Usine 5.0 avec la collaboration entre humains et machines (applications collaboratives robotisées).

Pour l'instant, je me contenterai d'approfondir les points 2 et 12.

Point 2les cobots

Il s'agit des robots collaboratifsprobablement plus coopératifs que collaboratifs. En termes simples, la différence entre robotique collective (ou robotique en essaim) et robotique collaborative est que la première utilise de nombreux robots travaillant ensemble pour accomplir une tâche complexe, tandis que la seconde implique des robots conçus pour travailler directement avec des humains dans un environnement partagé. Cette dernière est également connue sous le nom de cobotique

En relation au point précédent (5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie), l'utilisation médicale des cobots peut se décliner sous plusieurs formes d'assistance : aider les patients à se lever, à être plus attentifs lors de séances de rééducation, voire apporter un soutien émotionnel vis-à-vis de personnes handicapées et déprimées, ou avoir une fonction d'auxiliaires thérapeutiques au service de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il peut aussi s'agir de robots chirurgicaux assistés par des médecins.

Cette branche technologique émergente vise à combiner la cognitique (intégration de l’humain et du numérique, etc.), les facteurs humains (comportement, décision, robustesse, contrôle de l’erreur, etc.), la biomécanique (mécanique physique, dynamique des mouvements, efforts, limites biologiques, etc.) avec la robotique classique (modélisation, programmation, mouvements, capteurs, forces, etc.). De même qu'elle soulève plusieurs enjeux en matière de santé et de sécurité au travail (SST).

La nouvelle spécification technique ISO/TS 15066 pour la collaboration avec les robots définit qu’une application robotique collaborative implique la mise en œuvre d’au moins l'une de ces 4 mesures de sécurité :
  1. Arrêt nominal de sécurité contrôlé (le robot s'immobilise lorsqu'il détecte une présence dans son espace de travail)
  2. Guidage manuel (le robot ne se déplace que lorsqu’il est sous contrôle d’un opérateur)
  3. Contrôle de la vitesse et de la distance de séparation (fonction de sécurité actionnée par des capteurs lorsque quelqu'un se trouve à proximité)
  4. Limitation force et énergie (limitation de la force du robot lorsqu’il entre en contact avec une personne)
En clair, en robotique collective, les systèmes sont dotés d'un grand nombre de robots homogènes "simples" agissant ensemble de manière décentralisée, en suivant des règles locales pour réaliser des tâches globales, alors qu'en robotique collaborative des robots hétérogènes, souvent plus complexes, opèrent de concert en se coordonnant explicitement pour accomplir une tâche commune. Pour en savoir plus...

Point 12 : les usines connectées

Rothschild nous propose une belle illustration des (r)évolutions industrielles :


Nous sommes donc aujourd'hui à la frontière entre l'usine 4.0 et l'usine 5.0. ChatGPT nous propose le comparatif suivant :


Pour Proaction International, en revanche, les trois piliers de l'industrie 5.0 sont l'humanocentrisme, la durabilité et la capacité d'adaptation :


Une capacité d'adaptation qui passe par le partage transparent des informations entre personnes, machines et capteurs afin d'autonomiser les travailleurs, qui sont très certainement connectés aussi (ou augmentés).

Nous sommes passés de l'Internet des objets (IoT) à l'Internet industriel des objets (IIOT) pour une usine intelligente (smart factory), où l’intelligence artificielle est le cerveau du système, avec les rôles principaux ci-après :
  • Maintenance prédictive
  • Optimisation de la production
  • Contrôle qualité intelligent
  • Gestion logistique et des stocks
  • Aide à la décision
Les systèmes industriels (SI), qui se caractérisent par les couches OT (Operational Technology), IT (Information Technology) et ICS (Industrial Control System) de contrôle-commande industriel exigent une disponibilité continue et ne tolèrent que peu, voire pas, d’interruptions. Tout arrêt imprévu ou toute défaillance peut entraîner des pertes financières, des dommages humains, matériels ou environnementaux, et même perturber des chaînes d’approvisionnement critiques comme l’eau, l’électricité, le gaz ou les transports.

En bref, hier c'était l'avenir de la production, aujourd'hui, nous y sommes déjà !

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7. L'intelligence artificielle et la construction / le BTP

Nous retrouvons ces chaînes d’approvisionnement critiques (eau, électricité, gaz, transports) aussi dans le BTP. Dans la construction lourde et l'exploitation minière, les chaînes d'approvisionnement sont souvent décentralisées, d'où une augmentation des coûts de transport. Beaucoup des secteurs que j'ai traités se recoupent parfois. Lorsque vous parlez d'armes biologiques, cela concerne autant le secteur militaire que pharmaceutique. De même, lorsque vous parlez du bâtiment, la domotique n'est jamais très loin...

Dès 2019, la FFB (Fédération française du bâtiment) a mis en place un groupe de travail sur le binôme « Intelligence artificielle et bâtiment » représentant divers métiers et territoires. Un rapport intitulé « Comprendre, anticiper et agir : des opportunités pour la profession » a été publié, qui résume six mois de réflexions basées sur la tenue d'une trentaine d'auditions d'experts, chercheurs, institutionnels, députés, start-up et grandes entreprises.

Le rapport insiste sur la nécessité de faire des entreprises du bâtiment « des productrices conscientes de données », une question complexe pour trois raisons :
  • le secteur s’avère fragmenté : il compte de nombreux métiers (donc d’intervenants) et près de 400 000 entreprises de toutes tailles en France métropolitaine ;
  • les données d’un chantier ou de toute intervention n’apparaissent pas suffisamment organisées pour être structurées en l’état : sauf exception, elles sont au mieux classées dans un fichier Excel ;
  • les données se révèlent rarement partagées, chacun gardant ses prérogatives sur son domaine d’activité ou peut-être, de manière plus prosaïque, n’y a-t-il pas de réelle demande de partage.
La qualité du réseau numérique est également un enjeu, le numérique constituant (après l’eau, le gaz et l’électricité) un nouveau « fluide ». La prévention n'est pas oubliée non plus.

Donc, concernant la gestion et la maîtrise des données, le rapport identifie quatre risques :
  1. perte de la maîtrise des données
  2. non-interopérabilité des systèmes
  3. cyberattaques
  4. fiabilité du cloud
et trois cas d’utilisation des données selon la CNIL :
  1. IN-IN : seul l’utilisateur en a la maîtrise ;
  2. IN-OUT : données transmises à un prestataire, sans action sur le bâtiment ;
  3. IN-OUT-IN : pilotage automatique à distance.
Les implications majeures des données dans le bâtiment, notamment juridiques, sont reprises dans ce schéma :


Or, vu que les données constituent le « carburant » de l’IA, ce rapport sera suivi d'un second, quatre ans plus tard (juin 2023), intitulé « Mobiliser les données au service de l’IA et de l’innovation dans le secteur du bâtiment », pour présenter des exemples concrets d’application et les enjeux du cadre règlementaire européen en cours de définition.

La FFB met désormais à disposition de ses adhérents des modules opérationnels sur « La mise en place d’un diagnostic data IA », « Le choix de l’approche IA » et « L’expérimentation de la solution IA ».

Comme le souligne Quentin Panissod, l'IA s’incarne, dans le secteur du bâtiment, dans de multiples terrains d’application à toutes les étapes des projets. De la conception des plans à l’anticipation des pannes en passant par l’aide à la gestion des chantiers. Prometteuse, elle soulève des problèmes de compétences et de transparence, à prendre en considération pour sa pleine mise en œuvre demain.

Problèmes de compétences et de transparence transversaux à tous les secteurs.

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8. L'intelligence artificielle et l'énergie

Dans ce binôme "intelligence artificielle - énergie", remarquons tout d'abord que l'IA est une consommatrice phénoménale d'énergie. Ça va même au-delà de l'entendement ! S'il est clair que l'IA peut contribuer activement à la protection de l'environnement (nous l'avons vu plus haut), c'est également une source de pollution considérable (un peu comme la voiture électrique...). Les centres de données et les algorithmes complexes nécessitent une très grande puissance de calcul, entraînant une consommation d’énergie permanente, 24/7/365, d'où un impact significatif sur la planète

Du reste, les centre de données sont les véritables moteurs de nos vies numériques : cloud, IA, surveillance, streaming, stockage, etc. Beaucoup sont de véritables mastodontes, avec des consommations équivalant à celle de villes moyennes ou grandes. Si l'on prend les quinze plus gros data centers de la planète, on a une capacité énergétique cumulée de 2,5 GW. Donc si un parc d'1 GW de puissance installée peut alimenter 800 000 foyers en électricité, je vous laisse faire le calcul... 

Selon le CNRS, les ordinateurs, data centers et réseauxengloutissent près de 10 % de la consommation mondiale d’électricité, un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Or le problème avec l'IA, c'est que les centres de données traditionnels ne suffisent plus, raison pour laquelle Nvidia développe à présent des usines d'IA !


Vidéo :


Pour citer un exemple concret, le superordinateur Colossus d'Elon Musk, implanté à Memphis (Tennessee), construit afin d'alimenter l'intelligence artificielle de X (xAI) à l'aide de 35 turbines à gaz méthane (dont 20 n'ont pas été autorisées), capables d'alimenter une ville entière, vu que l'IA est très énergivore : elle consomme plus d'électricité pour fournir ses résultats par rapport aux requêtes de recherche classiques.

À terme, Musk a prévu d'étendre le nombre de ses processeurs à 1 million de GPU...

Mais on peut toujours faire mieux dans la démesure : le système CS-3 est conçu pour entraîner des modèles de langage 10 fois plus grands que GPT-4 et Gemini (...) en s'appuyant sur un important système de mémoire pouvant atteindre 1,2 pétaoctet. Par ailleurs, 24 000 milliards de modèles de paramètres peuvent être stockés dans un seul espace mémoire logique sans partitionnement ni remaniement, selon Cerebras (dont j'ai déjà parlé ici), qui assure : « L'apprentissage d'un modèle à mille milliards de paramètres sur le CS-3 est aussi simple que l'apprentissage d'un modèle à un milliard de paramètres sur les GPU ».

Soit 1000 fois plus rapide qu'avec les GPU (Graphics Processing Unit), qui sont des processeurs optimisés pour un traitement massivement parallèle, très utilisés pour le calcul haute performance et déjà jusqu’à 100 fois plus rapides que les CPU (Central Processing Unit) traditionnels.

Tout cela sans parler du fait que, pour être instantanément transmises d'un continent à un autre, toutes ces données empruntent des câbles, la plupart sous-marins :



[Parenthèse : le jour où j'écris ce point 8., l'Espagne et le Portugal sont en état d’urgence à cause d'une panne d’électricité géante, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de précédents d'une telle envergure. Il semble que cette perturbation majeure ait été causée par des variations extrêmes de température à l’intérieur de l’Espagne, générant un phénomène appelé « vibration atmosphérique induite » sur les lignes à très haute tension (400 000 volts). Les oscillations anormales ont désynchronisé les systèmes électriques et provoqué une réaction en chaîne sur l'ensemble du réseau interconnecté.]

Je me pose juste la question de savoir ce que l'intelligence artificielle pourrait faire pour éviter ce genre de désastre, ce qui m'amène à la deuxième partie : l'IA au service de l'énergie et de sa gestion.

À une époque où le volume total de données - produites et en transit - pourrait atteindre 175 zettaoctets (175 milliards de téraoctets, comparez avec la capacité de votre disque dur 😀) :  


et où l'informatique quantique (Google toujours présent...) prévoit de faire des bonds en avant gigantesques (voir ma réflexion sur le sujet), je vous laisse terminer votre lecture sur différents cas d'usage...

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9. L'intelligence artificielle et l'agriculture

Revenons à un domaine plus terre à terre ! En fin d'année (2-3 décembre 2025), se déroulera au centre de congrès Bellevue (Biarritz) le « Davos » de l'intelligence artificielle appliquée aux campagnes, premier forum international sur l’agriculture numérique organisé par l’Estia, l’école d’ingénieurs de Bidart, et par DeepFarm : Tera Nova, un clin d’œil à la fois à la « nouvelle terre » et aux volumes croissants de données (téra signifiant 10¹²) (voir le précédent paragraphe...).
Dix milliards d’habitants à nourrir en 2050, dans un contexte de dérèglement climatique : capteurs, drones, robots, satellites, IoT...
Avec 500 participants internationaux, 75 intervenants et une conférence scientifique quasi finalisée, l’événement promet d’attirer des figures de premier plan. Le comité d’honneur compte des personnalités telles que Barack Obama, Jack Ma, Aliko Dangote et Xavier Niel, sollicités pour des interventions phares.
Exemples d'applications :


  • Surveillance et cartographie des cultures
  • Gestion optimisée de l’eau et des intrants
  • Amélioration de la productivité et de la rentabilité
  • Réduction de l’impact environnemental
De même que l'imagerie satellite contribue à une agriculture durable, ou permet de détecter les incendies de forêt et planifier les interventions d’urgence, d’identifier des zones en manque d’eau, en déficit d’engrais ou infestées par des nuisibles.

Cela étant, à eux seuls l'intelligence artificielle et les algorithmes connexes ne régleront pas à terme le problème de la faim dans le monde, l'humain ne semble pas près d'être remplacé par la machine dans un futur proche.

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10. L'intelligence artificielle et les ressources humaines

L'humain est sans aucun doute le point commun à tous les binômes « Intelligence artificielle et... ». Or, tout comme « Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée » (Maximilien de Béthune, duc de Sully), « Expérience et compétence sont les deux mamelles dont les RH sont alimentées ».

Quand on parle RH, on pense immédiatement DRH, grandes boîtes, processus de recrutement complexes, chasseurs de têtes (ça me rappelle un souvenir : quand je m'intéressais aux noms de domaine, j'avais pris givaros.com, le site des recruteurs 😀), etc. Mais la portée des ressources humaines dans tous les secteurs est bien plus vaste que le seul périmètre des multinationales !

Un bon artisan est une ressource précieuse, un talent dirait-on en langage moderne, tout comme un bon ouvrier, un artiste, un compagnon... L'enseignement secondaire et l'université ont toujours privilégié les métiers "intellectuels" par rapport aux métiers manuels, mais l'arrivée de l'intelligence artificielle pourrait renverser cette tendance : les métiers intellectuels semblent plus facilement remplaçables que les métiers manuels. Le robot-plombier qui répare votre salle de bain, c'est pas encore pour demain. 

Cela dit, comment classifier un pilote de chasse ? Manuel ou intellectuel ? Les deux, mon général. Or dans un tweet récent, Elon Musk a prévenu que l'arrivée des essaims de drones à bas coût allait renvoyer vite fait les pilotes de chasse et les équipages dans leurs pénates (Crewed aircraft will be destroyed instantly by cheap drone swarms) ! Comme quoi, plus personne n'est à l'abri...

Donc, en recherchant "intelligence artificielle et RH", vous allez trouver nombre d'articles fort sérieux et bien documentés : je vous y renvoie pour une lecture abondante et fructueuse.


P.S. Quatrième et dernier bloc à venir :
  1. L'intelligence artificielle et le marketing
  2. L'intelligence artificielle et la comptabilité
  3. L'intelligence artificielle et l'éducation
  4. L'intelligence artificielle et l'enseignement
  5. L'intelligence artificielle et la formation
  6. L'intelligence artificielle et les langues
  7. L'intelligence artificielle et la culture
  8. L'intelligence artificielle et les services publics
  9. L'intelligence artificielle et les loisirs
  10. L'intelligence artificielle et les bibliothèques (livres et documentation lato sensu)



jeudi 24 avril 2025

Intelligence artificielle - Deuxième bloc

Intelligence artificielle - Premier bloc

Intelligence artificielle - Troisième bloc

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  1. L'intelligence artificielle et les transports
  2. L'intelligence artificielle et la logistique
  3. L'intelligence artificielle et la voiture
  4. L'intelligence artificielle et la robotique
  5. L'intelligence artificielle et la domotique
  6. L'intelligence artificielle et l'informatique
  7. L'intelligence artificielle et la téléphonie
  8. L'intelligence artificielle et la sécurité
  9. L'intelligence artificielle et la cryptographie
  10. L'intelligence artificielle et le militaire
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1. L'intelligence artificielle et les transports

À l'instar de tous les secteurs, l'IA bouleverse le monde des transports : aérien (gestion des vols), ferroviaire (optimisation des horaires), maritime (automatisation des ports), routier (circulation automobile) et trafic urbain (réduction des embouteillages, gestion intelligente du trafic), etc.

Aviation, aéronautique, secteur spatial


L'expérience passagers, la manutention des bagages, la maintenance préventive des appareils, la gestion intelligente du trafic, la sécurité des aéroports, mais encore la mise au point de solutions d’IA d’aide aux pilotes, les projets d’avions sans pilotesles drones et la mobilité aérienne innovante, la menace sur les emplois dans le secteur aéroportuaire, les boîtes noires, l’apprentissage automatique utilisés pour l’exploration spatiale, etc. etc.

Chemins de fer

Mobilité ferroviaire plus intelligente et durable, maintenance prédictive pour mieux anticiper les pannes de train, des milliers de capteurs placés sur les trains transmettent chaque jour une masse colossale de données, traitées ensuite pour en sortir une information pertinente et fluidifier le trafic, en transformant ces données complexes en informations exploitables (la digitalisation du rail, selon Alstom, la deuxième révolution numérique de l'IA générative, selon la SNCF), une révolution dans la gestion des flux (analyse des données passagers et personnalisation de l’expérience voyageurs, optimisation des itinéraires, sécurité optimisée, prédiction de la demande et allocation des ressources, gestion de la maintenance et du trafic en temps réel), une application à 360° de l’IA au système intégré (comprenant des véhicules, des processus d’exploitation et des infrastructures) du transport ferroviaire. En bref, des implications pour l'ensemble du secteur ferroviaire.

Transport de fret maritime 

Optimiser les routes maritimes, réduire les consommations de carburant et les émissions de gaz à effet de serre (GES), tracer et sécuriser les marchandises, gérer la conformité réglementaire et technique, contrôle des flottes, capteurs de suivi des conteneurs intelligents, réduction de la vitesse des navires (ce qui permet des économies de carburant de 10 à 25 %), etc., l’intelligence artificielle transforme en profondeur l’industrie maritime (responsable du transport de plus de 90 % du commerce mondial et de 3 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète), et l'impression est que nous n'en sommes qu'au début...

Transport routier
 
Des initiatives comme la bourse de fret permettent de maximiser les chargements pour assurer un transport efficace, optimiser les trajets, réduire les coûts logistiques, pallier la pénurie de conducteursaméliorer la durabilité des flottes, planifier les itinéraires, etc.

L'approche centrée sur le conducteur fournit un outil prédictif pour évaluer les risques de conduite, affiner l’analyse des comportements (juste en France, selon l’ONISR, les facteurs humains sont impliqués dans 92 % des accidents mortels), à travers le développement de systèmes de perception « bio-inspirés », la mise en place de capteurs perceptifs pour les aides à la conduite ou les véhicules autonomes, là où les planificateurs humains n’ont plus la capacité d’optimiser de tête des situations de plus en plus complexes.

Dans un marché mondial de l'aide à la conduite routière (HDA) qui devrait atteindre 37,8 milliards de dollars d'ici 2033, le rôle de l'intelligence artificielle sera toujours plus crucial. 

Trafic urbain 

L'intelligence urbaine se propose de réinventer le trafic et d'améliorer la qualité de l'air au cœur des villes, avec des impacts profonds sur la santé publique, l'économie, et l'environnement. Les solutions et les applications sont nombreuses : systèmes intelligents de gestion de trafic (ITS), optimisation des feux de circulation, amélioration de la logistique urbaine, mobilité en tant que service (MaaS), sécurité et gestion des incidents, etc.


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2. L'intelligence artificielle et la logistique

La logistique est probablement l'un des domaines où la plupart des entreprises ont recours à l'IA, à diverses fins : prévision de la demande, planification des expéditions, visibilité des itinéraires, temps de transit, optimisation de l'entreposage, état des cargaisons, perturbations potentielles et transporteurs alternatifs, assistance conversationnelle basée sur l'IA pour répondre aux questions fréquentes des clients, analyse des réclamations, transmission des données pertinentes aux équipes concernées, etc.

La logistique intelligente exploite les dispositifs de l'Internet des Objets (IdO) (on parle désormais d'intelligence artificielle des objets - AIoT), tels que les capteurs, les étiquettes d’identification par radiofréquence (RFID) ou les étagères intelligentes pour superviser l'état et les niveaux d'inventaire en temps réel, etc., pour optimiser la chaîne d’approvisionnement, réduire les coûts et améliorer l’efficacité de la production.

De l'automatisation des entrepôts à la grande distribution (l'un des secteurs les plus concernés par la gestion des stocks, de nombreux usages possibles), les avantages de l’IA sont nombreux :
  • Précision optimisée
  • Économies de coûts
  • Efficacité accrue
  • Satisfaction des clients améliorée
  • Évolutivité
  • Prise de décision éclairée

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3. L'intelligence artificielle et la voiture

À la croisée des transports et de la logistique, voitures autonomes sans conducteur et gestion automatisée de flottes de véhicules utilisent des agents IA pour analyser l’environnement en temps réel et ajuster la conduite selon le trafic ou les obstacles, afin d'optimiser une navigation sécurisée, sans intervention humaine. Mais les projets ne s'arrêtent pas là : taxis aériens autonomes, déjà autorisés, livraisons autonomes (avant on avait des chauffeurs-livreurs, désormais il n'y aura plus ni chauffeurs ni livreurs...), itinéraires calculés par l'IA sous la dénomination de planificateurs de trajets, bientôt individuels :
Le planificateur apprendra automatiquement de l’expérience des recharges passées pour mieux identifier les plages où les meilleures conditions de charge sont réunies, non seulement en fonction du modèle, mais du véhicule spécifique. En d’autres termes, nous préparons un planificateur taillé sur mesure pour chaque électromobiliste. 
Côté réglementation, le déploiement des véhicules autonomes se heurte encore à la Convention de Vienne (1977), dont l'article 8-1 impose la présence d'un conducteur, l'article 8-5 ajoute que ce dernier doit avoir le contrôle de son véhicule, et l'article 8-15 précise que le conducteur doit en rester maître. Règles aisément contournables en assimilant une IA à un humain (exemple de la Californie) ! Mais soyons assurés que le cadre réglementaire ne sera pas un problème bien longtemps...

En matière de gestion du parc automobile, différents logiciels se concurrencent, il n'y a que l'embarras du choix. L'intelligence artificielle aussi y apporte sa touche, et l'impact se fait sentir !

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4. L'intelligence artificielle et la robotique

L'IA et la robotique semblent faits sur mesure l'une pour l'autre ! Ce qui ne va pas sans susciter quelques craintes : menaces pour l'emploi, dysfonctionnements, piratages, etc., mais leur point commun est que les robots opèrent aussi dans des secteurs investis par l'IA : robotique dans l'industrie en général, les véhicules autonomes, la santé, l’agriculture, la fabrication, la défense, l’aérospatiale (exploration spatiale mais aussi sous-marine), la restauration, etc.

Donc, lorsque ces derniers intègrent la première, ils apprennent à prendre des décisions de manière autonome (avec des temps d'apprentissage pouvant être extrêmement rapides) et à s’adapter à leur environnement. Pour ne citer qu'un exemple, certains entrepôts "intelligents" d'Amazon sont presque entièrement robotisés : pas de maladies, pas de grèves, pas de réclamations, bien qu'on y voie passer un humain de temps en temps...



Cela n'empêche pas certains de penser que les perspectives pour l'humanité sont prometteuses ! Moi qui ai le temps d'écrire ces billets parce que j'ai de moins en moins de travail à cause des IA traductionnelles, je n'en suis pas si sûr :-)

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5. L'intelligence artificielle et la domotique

Avant Internet, j'achetais des dictionnaires pour les besoins de mon métier. C'est ainsi qu'en 1990 je me suis procuré le Dictionnaire de domotique (sous la direction de Witold Zaniewicki), Éditeur : Milieu et techniques (Paris), diffusion Eyrolles, payé 750 FF de l'époque (un peu plus de 200€ à l'heure actuelle !).

Par curiosité, j'ai été voir si le concept d'intelligence artificielle était déjà défini. Oui :
Discipline, issue des courants de la cybernétique et de l’analyse de systèmes, reposant sur la simulation de certains processus du raisonnement humain par des procédures automatiques de recherche de solution de problèmes formels – ces procédures étant exécutées par des programmes d’ordinateur ; principaux domaines d’application : apprentissage de jeux, démonstration de théorèmes, diagnostic médical, reconnaissance de formes, synthèse de la parole ; si les recherches en intelligence artificielle, concomitantes avec le développement de systèmes-experts de plus en plus performants, proviennent de l’observation et de la représentation que l’on se fait de l’intelligence humaine, il faut aussi remarquer que la réciproque est vraie et que les innovations permanentes dans ce domaine modifient et font reculer la définition de l’intelligence humaine, c’est-à-dire les limites de sa spécificité par rapport à la machine et aux mécanismes ; ainsi peut-on concevoir les futurs développements de la domotique
Une très belle définition, qui nous permet de mesurer, 35 ans plus tard, l'écart incroyable entre ce que l'IA représentait à l'époque et ce que ces 4 billets (2 encore à venir...) en disent - brièvement - aujourd'hui.

Le dictionnaire définissait également la "maison intelligente", ce qu'était un "produit intelligent", mais encore l'immotique ou ce qu'était un "immeuble intelligent".

En 2025 l'évolution de la domotique est inarrêtable, et lorsque l'intelligence artificielle domestique vient se greffer sur les maisons connectées (ou sur les objets connectés d'une manière générale), la "maison intelligente" (ou le "bâtiment intelligent" / son "jumeau numérique") devient domotique résidentielle, en attendant la "ville intelligente" ! Nous avons vraiment changé d'échelle, mais n'en sommes qu'aux premiers ... échelons !

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6. L'intelligence artificielle et l'informatique

Initialement, l'intelligence artificielle était une branche de l'informatique ! Peut-on encore en dire autant aujourd'hui ? Je pense plutôt qu'elle s'en est émancipée et que la première va transformer la seconde. Probablement jusqu'à ce que la quatrième révolution civisationnelle "révolutionne" la troisième, qu'à son tour l'informatique quantique transforme l'IA...

En attendant, l'IA réinvente l'informatique, dans les petites et les grandes largeurs, de la programmation au développement en passant par la génération de code (générateurs) : « L'IA va écrire 80 % du code d’ici 5 ans », selon Thomas Dohmke (PDG de GitHub).


Tariq Krim nous en parlait déjà dans Quand le logiciel cessera d’obéir (Nous ne sommes pas encore prêts pour ce qui vient après le logiciel déterministe), en annonçant un changement d’une ampleur inédite dans la conception des architectures des systèmes d’IA, et il est loin d’être certain que la majorité d’entre nous en mesure pleinement l’importance — et surtout l’impact radical que cela va avoir sur la manière dont nous écrivons des logiciels.

Il est intéressant d'observer que la conceptualisation de l'intelligence artificielle remonte aux années 50, c'est-à-dire à la même époque que la création des premiers ordinateurs. Or à présent que l'informatique traditionnelle a acquis sa pleine maturité et serait plutôt sur le déclin, l'IA est au contraire en pleine phase de lancement et entame tout juste sa croissance !


Dire que l'informatique est sur le déclin est probablement exagéré, mais quoi qu'il en soit les ordinateurs tels que nous les connaissons pourraient bien laisser la place à la téléphonie mobile intelligente...

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7. L'intelligence artificielle et la téléphonie

Au niveau individuel, de plus en plus de nouveaux modèles de smartphones intègrent l’intelligence artificielle pour offrir des fonctionnalités avancées. Nous allons dans le sens de la prévision d'Eric Schmidt : que se passera-t-il lorsque les mobiles mettront dans la poche de chacun de nous l'équivalent du plus intelligent des experts humains pour chaque problème ?

  • Assistants virtuels et intelligence contextuelle
  • Photographie améliorée
  • Performances et gestion de la batterie optimisées
  • Sécurité et reconnaissance faciale
  • Amélioration de l’accessibilité et des interactions
  • Traduction/interprétation dans plusieurs langues
  • Synthèse rapide de documents pour ne retenir que les informations importantes
nous sembleront demain de simples gadgets auxquels plus personne ne prête attention.

Au niveau de l'entreprise, l’intelligence artificielle s’impose comme un nouvel étage stratégique dans la téléphonie cloud et déploie toute son influence transformatrice :
  1. SVI intelligents (serveurs vocaux interactifs)
  2. Conversations analysées en temps réel
  3. Assistants IA d'accompagnement des collaborateurs
  4. Personnalisation affinée des interactions et de l'expérience client
  5. Automatisation des tâches
  6. Amélioration de la qualité des appels
  7. Résolution des problèmes, etc.
En clair, l'IA dessine un avenir incontournable dans le secteur des télécommunications. Les opérateurs télécom ne s'y trompent pas et investissent massivement, y compris dans la sécurité, un autre enjeu majeur pour l’industrie...

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8. L'intelligence artificielle et la sécurité 

Les deux faces du binôme intelligence artificielle - sécurité sont 1) la sécurité de l'intelligence artificielle, et 2) la sécurité par l'intelligence artificielle.  

1) La sécurité de l'intelligence artificielle 

Toute utilisation abusive, voire malfaisante, de l'IA peut vite s'avérer très problématique. Selon Eric Schmidt, il existe de nombreuses preuves que, s'ils ne sont pas contrôlés, les nouveaux modèles d'IA peuvent produire des agents pathogènes, notamment des virus, juste en prenant des souches existantes et en les modifiant. Pour l'heure personne ne sait, ni ne peut imaginer, jusqu'où cela nous mènerait. L'exemple d'une pandémie vient immédiatement à l'esprit, mais le bioterrorisme n'est qu'une menace parmi tant d'autres...


En vous invitant vivement à lire en détail la note de synthèse, en français, je vous en livre juste la conclusion (c'est moi qui souligne en graissant) :
L’avenir de l’IA à usage général est incertain, dans un contexte où de nombreuses trajectoires paraissent possibles, même dans un avenir proche, avec des résultats parfois très positifs, parfois très négatifs. Mais aucun aspect de l’avenir de l’IA à usage général n’est inévitable. Comment l’IA à usage général sera développée et par qui, quels problèmes sera-t-elle conçue pour résoudre, les sociétés pourront-elles en extraire pleinement le potentiel économique, qui en bénéficiera, à quels types de risques nous exposons-nous et quelles sommes investirons-nous dans la recherche pour en atténuer les risques ? Ces questions, comme un tas d’autres dépendent des choix que font les sociétés et gouvernements aujourd’hui et qu’ils feront demain pour façonner le développement de l’IA à usage général.
Quoi qu'il en soit, l'AI safety est promise à un bel avenir !

2) La sécurité par l'intelligence artificielle

Faisons donc confiance à notre prochain, ne serait-ce qu'une seconde, et voyons ce que l'intelligence artificielle peut faire POUR la sécurité. Notamment en matière de sécurité de l’information, de détection des menaces, de fraudes, de deepfakes, d'hallucinations, de cybersécurité, voire en sécurité informatique dans le monde nucléaire

Par exemple, dans le cas de la prévention des pertes de données (DLP) dans le cloud, le pilotage par l'IA permet de comprendre et d'analyser en profondeur le contenu des pages d'un document pour détecter les informations personnelles identifiables (PII) et les informations de santé protégées (PHI) et en empêcher ainsi toute fuite indésirable. De fait, automatiser l'analyse des menaces permet de mieux les contrer, à temps si possible !

Manifestement, le pendant de ce qui précède est ce que l'intelligence artificielle peut faire CONTRE la sécurité, outre les risques qu'elle fait peser sur les organisations publiques et privées en termes de désinformation, de manipulation et d’escroqueries diverses

Enfin, dans le domaine de la sécurité, il y a une convergence naturelle entre intelligence artificielle et intelligence économique, raison pour laquelle les experts en intelligence artificielle devraient désormais être intégrés aux métiers de l'intelligence économique tout court :

Source : EGE

Sur ce 8e point, il est évident que les termes sécurité/sûreté sont interchangeables. 


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9. L'intelligence artificielle et la cryptographie

La fusion de l'IA et de la cryptographie avancée inaugure une ère nouvelle dans la lutte contre la cybercriminalité et le Dark Web. Ce point est étroitement lié au précédent, bien que cette alliance puisse parfois déboucher sur des résultats surprenants et décrypter de vieilles énigmes !


Il ne reste plus qu'à associer l'informatique quantique au binôme intelligence artificielle-cryptographie, et la sécurité des données numériques, et pléthoriques, devrait faire un grand bond en avant. On va même passer direct au chiffrement quantique...

Cela pourrait être déterminant pour le chiffrement des cartes bancaires, les signatures électroniques et les communications sécurisées sur Internet, autant d'opérations vitales pour toute personne vivant  dans un régime totalitaire et qui ne plaît pas au régime. Or qui est-ce qui est en train de développer un super-ordinateur quantique ? La Chine !

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10. L'intelligence artificielle et le militaire

Je n'ai pas choisi l'argument le plus marrant pour terminer ce second bloc ! Par contre il est logique de le traiter après la sécurité et la cryptographie, vu que les militaires ont toujours été en pointe dans ces domaines. Rappelons que nous devons la naissance d'Internet à l'Agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA : Defense Advanced Research Projects Agency), chargée de développer de nouvelles technologies à usage militaire...

Une récente publication de l'ONISTS (Observatoire national de veille stratégique des innovations scientifiques et des technologies de rupture pour la sécurité intérieure) nous signale la sortie d'un rapport de l'UNIDI (Institut des Nations-Unies pour la Recherche sur le Désarmement), en précisant :
L'intelligence artificielle ramenée au domaine militaire est souvent liée à des sujets d'autonomie ou à des systèmes d'armes qui demeurent des question très importantes, mais ces domaines ne représentent qu'une très petite partie de l'éventail des applications militaires possibles de l'intelligence artificielle.
Je cite :
  • Contrôle des drones et des robots militaires pour des missions de surveillance et de reconnaissance
  • Prévention des attaques
  • Assistance au commandement et proposition de solutions stratégiques
  • Gestion des approvisionnements et de la logistique
  • Optimisation des itinéraires de transport et des déploiements de forces sur le terrain
  • Planification des stocks de matériel et de fournitures et des mouvements de personnel et de matériel
  • Développement de nouvelles technologies de drones et de robots autonomes
Il est certain que les armes restent la chasse gardée (si l'on peut dire) des militaires, mais de telles innovations utilisées à des fins militaires, entre les mains de régimes autoritaires tels que la Chine, la Russie ou de dictatures comme la Corée du Nord, représentent une menace significative...


P.S. Sous réserve d'ajustements de dernière minute, les deux blocs restants devraient ressembler à ce qui suit.

  1. L'intelligence artificielle et la politique
  2. L'intelligence artificielle et la statistique
  3. L'intelligence artificielle et la santé
  4. L'intelligence artificielle et l'environnement
  5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie
  6. L'intelligence artificielle et la fabrication / production
  7. L'intelligence artificielle et la construction / le BTP
  8. L'intelligence artificielle et l'énergie
  9. L'intelligence artificielle et l'agriculture
  10. L'intelligence artificielle et les ressources humaines
Quatrième bloc :
  1. L'intelligence artificielle et le marketing
  2. L'intelligence artificielle et la comptabilité
  3. L'intelligence artificielle et l'éducation
  4. L'intelligence artificielle et l'enseignement
  5. L'intelligence artificielle et la formation
  6. L'intelligence artificielle et les langues
  7. L'intelligence artificielle et la culture
  8. L'intelligence artificielle et les services publics
  9. L'intelligence artificielle et les loisirs
  10. L'intelligence artificielle et les bibliothèques (livres et documentation lato sensu)