Les deux premières furent l'Imprimerie et Internet, l'Intelligence artificielle sera (est) la IIIe révolution civilisationnelle. La différence étant qu'il aura fallu un peu plus d'un demi-millénaire entre la première et la deuxième, contre une cinquantaine d'années entre la seconde et la troisième : une évolution 10 fois plus rapide !
Je n'ose penser quelle sera la quatrième, et quand... L'informatique quantique ?
Dans révolution il y a évolution. Toutefois cette dernière peut être positive ou négative. Par exemple, lorsque l'on pense « révolution industrielle », on peut être saisi par la crainte de la « destruction créatrice » d'emplois, cette force motrice de la croissance selon Joseph Schumpeter... Des métiers disparaissent, de nouvelles professions apparaissent, au mieux se côtoient pendant quelque temps. Dans cette jungle, il incombe à chacun(e) de trouver sa propre réponse.
L'idée de ce billet m'est venue en constatant le déploiement de plus en plus omniprésent des IA traductionnelles, dont je peux ressentir chaque jour les effets directs sur mon activité désormais ultra-quarantenaire...
Pour commencer la préparation de ce billet, j'ai donc posé à 4 Intelligences artificielles (IA pour les intimes) - ChatGPT, Mistral.ai, Deepseek et Gemini - la question suivante : Quelles sont les plus importantes révolutions industrielles ?
Je vous ai concocté les résultats sous forme de tableau synoptique, selon le schéma suivant :
- Introduction
- 1e révolution industrielle (Innovations/Impact)
- 2e révolution industrielle (Innovations/Impact)
- 3e révolution industrielle (Innovations/Impact)
- 4e révolution industrielle (Innovations/Impact)
- Conclusion
En cliquant sur les images vous avez un accès direct au PDF correspondant.
Introduction*
Ce devait être le titre de ce billet, et puis j'ai pensé que non, ça ne collait pas ! Comme son nom l'indique, la cinquième révolution industrielle se limite davantage à l'Industrie 5.0, dont le but, en bref, ne consistera plus uniquement à automatiser et optimiser les processus, mais à améliorer la vie des travailleurs grâce à la technologie plutôt que de les remplacer par des robots.
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C'est là où le bât blesse avec l'intelligence artificielle puisque, selon moi, dans de nombreux secteurs, elle vise purement et simplement à prendre la place des ressources humaines, les digital workers n'ayant pas d'état d'âme.
Car si la deuxième révolution ne s'est pas substituée à la première, si l'écran n'a pas tué l'écrit (de même que ceci n'a pas tué cela...), au grand bonheur des obsédés textuels, en remplaçant juste le texte classique par l'hypertexte, l'antique palimpseste par le moderne palimptexte, le passage de la deuxième à la troisième révolution civilisationnelle, 10 fois plus rapide que le premier, ressemble davantage à un choc des civilisations et me semble beaucoup plus préoccupant, bien moins "empathique".
Plus aucun domaine n'est à l'abri, ce que démontrent différentes études prospectives, des armées à l'éducation, de l'enseignement à la logistique et aux transports, du droit à la banque en passant par la médecine, etc., pour n'en citer que quelques-uns, et de nombreux emplois, y compris qualifiés, devront soit se mettre à niveau, soit disparaître...
Depuis plusieurs années la traduction / l'interprétation est déjà confrontée à cette problématique, accompagnée d'une baisse généralisée des services (et des salaires) que je nomme industrialisation du good enough... J'y reviendrai plus loin.
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Dans sa newsletter du 11 avril 2025, Tariq Krim (éditions Cybernetica), que j'ai rencontré il y a fort longtemps, publie un article intitulé « Quand le logiciel cessera d’obéir », où il nous propose une vision élargie de l'intelligence artificielle et de la rupture actuelle, en termes de conception architecturale des systèmes d’IA, notamment avec MCP (une brèche dans le code de programmation) et le protocole agent-à-agent (A2A) de Google. Tout ceci présage d'un fonctionnement de l'IA en réseau de systèmes intelligents se parlant directement sans passer par nous : les machines prennent le contrôle, les robots prennent le pouvoir ! Sans parler des questions d'éthique...
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Le monde des agents est foisonnant ! Parmi cette myriade, pour ne prendre qu'un exemple, celui de MindStudio offre des agents pour la recherche, l'analyse de contenu (voir en P.S.), la création (podcasts, billets, articles, vidéos, etc.), la génération d'images, pour les étudiants, les financiers, les développeurs, etc., il suffit d'installer l'extension sur Chrome et à la seconde tous ces agents sont à votre disposition :
Donc, sans compter les outils de création de sites, de logiciels via prompt (le vibe coding), dont le lancement par Google d'un nouvel outil impressionnant (firebase.io) ou les perspectives d'autres acteurs de premier plan, vous comprenez bien que lorsque Tariq Krim évoque la possibilité (déjà réalité) que tout ce joli monde fonctionne en réseau de systèmes intelligents se parlant directement sans passer par nous, c'est instantané et exponentiel, et les perspectives réelles vont bien au-delà de notre compréhension simplement humaine.
Eric Schmidt lui-même confirme cet état de fait : « Les ordinateurs sont auto-apprenants. Ils n'ont plus besoin de nous écouter »...
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- Plaidoyer pour un marketing de la traduction
- SOLO², branding & marketing à l’intention des auto-entrepreneurs et des professionnels exerçant en profession libérale
- Le « nouveau maintenant » de nos professions
- Transition université - marché du travail
- Conseils aux jeunes qui réfléchissent à leur carrière future
- De l'évolution du métier de traducteur-interprète et de la nécessité de s'adapter
- La création de son propre emploi
- Télétravail : sommes-nous prêts ?
J'ai expliqué dans un récent billet que la profession est en plein bouleversement, où le traducteur devient post-éditeur de traduction automatique (ce qui n'est plus le même métier), autrement dit l'inspecteur des travaux "finis"... Si l'on passe sous silence le fait que certains (Jaap Van Der Meer) rêvent d'automatiser aussi la post-édition, toute la problématique se concentre donc sur la finition !
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Lorsque j'avais mon bureau de traduction à Rome, je recevais des étudiants français en stage provenant de différentes universités (Grenoble, Rennes 2), où mon rôle consistait, dans une ultime opération, à contrôler et parfaire le texte à livrer. Une traduction réalisée à 95% n'est pas un produit fini : il manque 5%. On ne dirait pas, mais 5% de 1000 mots ce sont 50 mots incorrects. C'est énorme et ça fait toute la différence : la finition qualifie le traducteur de métier.
Or une IA traductionnelle n'est ni plus ni moins qu'un stagiaire : sans vérification et correction finales, le client n'en aura jamais pour son argent (if you pay peanuts you get monkeys), quand bien même il aura payé très peu (en tout cas bien moins qu'il y a quelques années), car là est le paradoxe de la quadrature du triangle : entre DÉLAIS, COÛTS et QUALITÉ, prenez-en deux et oubliez le troisième ! Désormais, un adage d'autrefois…
L'élément nouveau qu'introduit l'IA est que deux des trois paramètres sont (plutôt brillamment) résolus ! Les DÉLAIS sont immédiats, et les COÛTS éliminés, ou peu s'en faut. Y compris sur d'énormes quantités. Aucun traducteur humain n'est compétitif face à une telle réalité. Ne reste plus que la QUALITÉ, dont le degré ultime se définit au moment de la finition. À l'heure actuelle, sans cette réception - au sens technique - de la traductrice ou du traducteur en charge du « contrôle qualité », aucun agent intelligent (intellagent ?) artificiel n'est encore en mesure d'assurer seul ce niveau de finition. L'IA peut s'en rapprocher pour certains couples de langues et domaines (les plus documentés), mais ça reste très compliqué pour d'autres (IT > FR en juridique, par exemple), et bien que ça soit probablement à sa portée, cela demandera encore pas mal de temps. Nous sommes donc en sursis...
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Pour conclure, je terminais un précédent billet par cette citation :
Pourtant, une conséquence bien concrète de tout ce chambardement : après 40 ans de métier, j'ai de moins en moins de travail...De quoi se demander si traducteur-interprète est un métier d'avenir ?
J'en doute !
Mon sentiment est qu'au fil du temps l'avènement de l'IA dépasse et rend vains tous mes questionnements, les uns après les autres, peut-être le temps de la réflexion est-il venu...
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