lundi 8 décembre 2025

Stratégie Européenne de Sécurité 2026

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Au mois de mai dernier, l'historien Andrew Preston a publié Total Defense: The New Deal and the Invention of National Security, un ouvrage dans lequel il démontre que la notion moderne de « sécurité nationale » américaine n’a rien d’intemporel. Loin d’être née avec la guerre froide, elle est selon lui le produit des années Roosevelt et du New Deal : une extension à l’échelle mondiale d’une logique initialement conçue pour l’intérieur, celle de la « sécurité sociale ». Roosevelt, confronté à la crise de 1929, avait redéfini la mission de l’État pour garantir la sécurité économique — emploi, retraite, assurance-chômage — via le Social Security Act de 1935. À la fin des années 1930, il transpose ce modèle protecteur à la scène internationale, donnant naissance à l’idée de « défense totale » : il ne s’agit plus seulement de défendre le territoire américain, mais de protéger un mode de vie, des institutions et des valeurs face à des menaces idéologiques, économiques et militaires situées potentiellement à l’autre bout du monde.

Avant cette mutation, la défense nationale se confondait largement avec la protection du territoire. Tout au long du XIXᵉ siècle et jusqu’à l’entre-deux-guerres, les États-Unis bénéficient d’une situation de « free security » : deux océans les isolent, aucun voisin hostile ne les menace, et l’opinion publique peine à percevoir les dangers extérieurs. Roosevelt et son entourage s’inquiètent pourtant de cette insouciance stratégique face à la montée des régimes fascistes en Europe et en Asie. Ils cherchent à faire comprendre que des événements géographiquement lointains peuvent avoir des conséquences directes pour les États-Unis. C’est dans ce contexte qu’émerge la doctrine de la sécurité nationale : désormais, les menaces distantes — qu’elles soient militaires, idéologiques ou économiques — doivent être pensées comme dangereuses, susceptibles d’altérer le « mode de vie américain ».

L’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, joue un rôle décisif dans cette évolution. D’abord, elle constitue une preuve manifeste que Roosevelt avait raison : une puissance située de l’autre côté du Pacifique peut frapper le territoire américain sans avertissement, brisant l’illusion de sécurité géographique. Ensuite, elle provoque une bascule immédiate de l’opinion publique : ce qui était une controverse — faut-il intervenir en Europe ? aider le Royaume-Uni ? — devient en quelques heures un consensus en faveur de la guerre et de la mobilisation totale. La « défense totale » cesse alors d’être un discours pour devenir une réalité concrète : économie de guerre, conscription, expansion spectaculaire de l’appareil militaire. Enfin, Pearl Harbor ancre durablement l’idée qu’il faut un appareil de sécurité permanent : renseignement centralisé, armée en alerte, alliances durables. Après 1945, cette mémoire de la vulnérabilité nourrit la construction de l’« État de sécurité nationale » — National Security Act de 1947, CIA, Conseil de sécurité nationale — que Preston considère comme l'institutionnalisation d’un cadre mental forgé avant même la guerre.

Entre 1937 et 1942, la notion de « sécurité nationale » s’élargit donc considérablement : elle inclut désormais l’économique, le social, le culturel, et non plus seulement le militaire. Toute menace — nazisme hier, communisme ensuite, terrorisme plus tard — peut être interprétée comme mettant en péril la démocratie libérale américaine. Cette extension du sens permet aussi de présenter comme vitales des politiques qui relèvent en réalité de choix stratégiques, abaisse le seuil du recours à la force et renforce l’idée d’une Amérique investie d’une mission protectrice globale.

Dans cette perspective, la guerre froide n’apparaît pas comme l’origine de l’État de sécurité nationale, mais comme son accélérateur. Elle déplace progressivement les priorités : ce qui, à l’époque du New Deal, formait un projet équilibré entre sécurité sociale et sécurité nationale bascule vers une hypertrophie du volet sécuritaire, au détriment en partie des ambitions sociales.

Cet arrière-plan historique permet aussi de mieux comprendre les débats contemporains, notamment la question de savoir si l’ère Trump marque un retour à l’isolationnisme. En réalité, il ne s’agit pas d’un véritable retour à l’isolationnisme classique des années 1920-30 — rejet des alliances, refus des engagements extérieurs, neutralité stricte. Trump n’a ni réduit le budget militaire ni démantelé les bases américaines à l’étranger, et il a maintenu une politique de puissance vis-à-vis de la Chine ou de l’Iran. Ce qu’il propose, plutôt, est une forme de souverainisme opportuniste : « America First », méfiance envers les institutions internationales, dénonciation des alliances jugées coûteuses, retrait d’accords multilatéraux. On reste dans le jeu mondial, mais à condition que les bénéfices soient directs et immédiats pour les États-Unis.

Sur ce point, Preston aide à comprendre que Trump ne remet pas en cause l’État de sécurité nationale tel qu’il s’est constitué depuis Roosevelt. Il en modifie les priorités et la rhétorique — l’immigration, la Chine ou les « élites globalistes » deviennent des figures de menace — mais il conserve le réflexe central : se penser en termes de danger permanent et de défense du « mode de vie américain ». La logique de sécurité nationale demeure, mais elle se combine à une nostalgie isolationniste, produisant une politique extérieure moins généreuse, plus méfiante, plus conditionnelle.

En définitive, Preston montre que la « sécurité nationale » américaine est une construction historique née du New Deal, renforcée par Pearl Harbor et institutionnalisée après 1945. Elle structure encore en profondeur la manière dont les États-Unis se perçoivent : une « nation de sécurité », prête à intervenir — ou à se retirer — selon ce qu’elle identifie comme essentiel à la préservation de son identité et de sa prospérité. L’Amérique d’aujourd’hui, même sous Trump, reste façonnée par cet héritage, oscillant entre engagement global et tentation de repli, mais toujours guidée par la conviction que son mode de vie doit être protégé à tout prix.

[Parenthèse : en arrière-plan, cela semble suggérer qu’en Europe, soit on n’a rien de commun, soit on n’assume pas ce qu’on a en commun...]

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L'administration Trump a récemment publié ce document, daté novembre 2025 et intitulé National Security Strategy of the United States of America, qui m'a fortement marqué. Dans le style Trump le plus cru. Comme dirait quelqu'un, « c'est du brutal » !

En le lisant, je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec la position américaine au sortir de la deuxième Guerre mondiale : les États-Unis s’imposent comme la première puissance mondiale et se présentent comme les « garants du monde libre », à l'époque pour "contenir" l’expansion de l’URSS. 

Pour autant, ce fameux « monde libre » n’a jamais été un ensemble homogène de démocraties, mais un espace hiérarchisé, défini d’abord par la lutte contre le communisme puis par les impératifs de puissance des États-Unis. La défense de la liberté politique a souvent cédé devant la priorité stratégique de l’anticommunisme, justifiant le soutien à des dictatures en Amérique latine, en Asie ou en Europe du Sud, ainsi que des interventions directes contre des gouvernements élus.

La "guerre froide" s'est traduite par un soutien américain à différentes dictatures d’extrême droite, en Grèce, au Chili, en Argentine, au Brésil, en Indonésie, en Iran (1953)..., par des coups d’État, des opérations clandestines, par l'appui à des régimes autoritaires en Europe du Sud (Portugal, Espagne franquiste, Turquie des années 80), voire par l'institution de protectorats, ou quasi-protectorats, américains : Italie, Japon (sous Mac Arthur), France...

Nous ne devons qu'à De Gaulle - qui ne nous a pas sauvé seulement des allemands, mais aussi des américains - d'avoir rompu avec cette logique de protectorat implicite, symbolisée par la sortie du commandement intégré de l’OTAN en 1966, par l'expulsion des QG de l’Alliance du territoire français, et par la reconquête de l'autonomie stratégique du pays en refusant la vassalisation et en développant une politique de grandeur nationale ainsi qu'une force de frappe nucléaire autonome.

Or aujourd'hui, 80 ans ont passé, mais la logique d'hégémonie et de puissance n'a pas varié d'un pouce, pas changé de nature, juste de contexte et d'outils : 

  • l’Europe n’est plus en ruines, comme au temps du plan Marshall, c’est un bloc riche ;
  • la menace principale n’est plus l’URSS, mais la Chine, la fragmentation du monde, les technologies critiques ;
  • les États-Unis ne sont plus surpuissants comme en 1945 : ils sont encore n°1, mais contestés ;
  • la mondialisation a profondément désindustrialisé certaines régions américaines, créant un ressentiment massif contre le “libre-échange sans limites” ; etc.
Sûrs de leur supériorité hier, menacés sur plusieurs fronts aujourd'hui. D'où le réflexe "America first", d'où le repli stratégique, subventions massives, “Buy American”, barrières commerciales. Face à la peur du déclin, le ton se durcit, notamment vis-à-vis des "alliés". En ce sens, la National Security Strategy est un formidable exercice d'équilibrisme OTAN/EUROPE qui cherche constamment à ménager la chèvre et le chou.

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1. OTAN

Lorsque Macron déclare, en novembre 2019, que l'OTAN est en état de mort cérébrale, et l'UE au bord du précipice, les États-Unis, sous la présidence de Trump I, manifestent un désengagement croissant vis-à-vis de certaines opérations collectives, et, surtout, regardent ailleurs, vers "la Chine et le continent américain". Diagnostic du président français : s'il n'y a pas en Europe "un réveil, une prise de conscience de cette situation et une décision de s'en saisir, le risque est grand, à terme, que géopolitiquement nous disparaissions, ou en tous cas que nous ne soyons plus les maîtres de notre destin".

Ces mots furent critiqués de toutes parts (Merkel en premier lieu), or comment lui donner tort aujourd'hui ? Surtout à la lumière de cette National Security Strategy, qui a le grand mérite de mettre enfin les choses à leur place, en exprimant une position profondément révisionniste sur l’OTAN (et sur l'Europe encore davantage...), où les États-Unis ne sont plus le “leader” d’un bloc politique, mais le “convener” (organisateur) et le “supporter” (appui), où l'OTAN n'est plus une “communauté de valeurs”, mais un simple contrat. Parfaitement dans la logique de Trump.

Jusqu'ici l'OTAN était vu par les américains comme un “outil de domination”, aligné sur le long terme avec les intérêts structurels des États-Unis, à l'opposé de l'actuelle stratégie politique trumpienne, basée sur le court terme, les rapports de force, l'électorat intérieur.

Pour autant, le Pentagone, le Département d’État, une bonne partie des élites stratégiques US ne sont pas prêts à renoncer à :

  • des bases américaines partout en Europe,
  • un accès facilité aux marchés de l’armement,
  • une influence directe sur les politiques de défense européennes,
  • un bloc occidental organisé sous leadership américain.

En clair, la rhétorique de Trump ne vise pas à détruire ce pilier classique de l’hégémonie US mais à le réinstrumentaliser. En menaçant de se retirer, il transforme l’alliance en levier de chantage : il fait pression sur les Européens pour qu’ils augmentent leurs dépenses de défense et flatte, par la même occasion, un électorat américain lassé des engagements extérieurs. Traduit en langage simple : « Nous vous disons que l’OTAN reste vitale, mais nous vous faisons sentir à tout moment que nous pourrions la lâcher si vous ne faites pas ce qu’on veut. »

The Art of the Deal...

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2. EUROPE

La NSS cite 5 fois l'OTAN, et 10 fois plus l'Europe (et les européens, sous une forme ou une autre), ce qui témoigne bien du fait que le continent européen est toujours une priorité de premier rang : « L’Europe reste stratégiquement et culturellement vitale pour les États-Unis ». Pour Washington, il n'est donc pas question de l'abandonner, elle reste une ressource stratégique, économique et symbolique centrale pour la puissance américaine. Ça, c'est la partie positive...

Côté négatif, il y a beaucoup à dire. J'aborderai le sujet par la bande : la façon dont la NSS aborde la guerre en Ukraine devrait agir comme un révélateur abrupt pour les Européens. En faisant de la “cessation rapide des hostilités” un intérêt vital des États-Unis, non pour garantir une victoire complète - et ni même un retrait décent - de Kiev mais pour stabiliser les économies européennes, éviter l’escalade et rétablir la stabilité stratégique avec la Russie, le document montre clairement que Washington pense d’abord en fonction de ses propres priorités globales. 

Dès lors, persister à déléguer aux US la définition de la stratégie en Europe revient pour celle-ci à accepter d’être un simple théâtre de négociation entre grandes puissances, et non un acteur à part entière. La NSS oblige donc les Européens à regarder en face leurs propres vulnérabilités : dépendance militaire, incapacité à soutenir une guerre de haute intensité sans les stocks américains, division politique sur les objectifs de la confrontation avec la Russie aujourd'hui. Demain ? On en revient donc au constat de Macron dès 2019 : tant que l’Europe ne sera pas capable de penser et de financer sa propre sécurité, elle restera exposée au risque de voir son destin négocié “par-dessus sa tête” entre Washington et Moscou ou d'autres...

La lecture des journaux de ce jour en Italie ne laisse aucune ambiguïté : l'Europe assiégée, Axe États-Unis/Russie contre l'Europe (variante : Axe Poutine-Trump), etc., on voit bien à quel point cette prise de conscience est en train de se faire dans la douleur. Pour autant, Washington ne fait que dire tout haut ce que la pratique américaine laisse déjà voir depuis longtemps, y compris lorsque les Démocrates sont au pouvoir : les alliances sont un instrument, pas une fin en soi ; l’Europe est un atout, pas un pupitre moral ; l’Ukraine est un théâtre, pas le centre du monde. Aux Européens de décider s’ils veulent rester des variables d’ajustement ou devenir des sujets politiques.

En fait, la NSS ne fait que confirmer un diagnostic que les Européens refoulent depuis des années : tant qu’ils n’auront pas décidé, collectivement, de devenir une puissance – avec tout ce que cela implique de moyens, de risques et de responsabilités –, ils continueront à découvrir, au gré des documents américains et des unes de journaux, que leur destin se négocie ailleurs, et sans eux.

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En février 1946, George Kennan, diplomate et spécialiste de l’URSS, en poste à Moscou, transmet à Washington un long télégramme de plus de 8 000 mots, qui est à l'origine de la doctrine du containment (endiguement chez nous), dont l’idée centrale consiste à empêcher que l’URSS n’étende son système politique et son influence au-delà de sa zone déjà contrôlée, en théorisant la nécessité d’une politique de « long-term, patient but firm and vigilant containment of Russian expansive tendencies ».

Et de conclure (en français) :

Il ne faut ni céder (pas d’apaisement naïf) ni entrer dans une guerre générale, mais contenir l’expansion soviétique de manière ferme et patiente.

En 2025, presque 2026, j'adapterais ainsi cette prévision :

Il ne faut ni céder (pas d’apaisement naïf) ni entrer dans une guerre générale, mais contenir l’expansion américaine de manière ferme et patiente.

Or ce ne sont pas les pays européens, pris isolément sous prétexte de souverainisme qui n'a plus de raison d'être, qui peuvent s'employer à contenir l'expansion américaine (ou d'autres blocs géopolitiques), mais uniquement une Union européenne fédéraliste. Sans un cœur politique européen fort, sans noyau fédéral de décision “rapide” (quelques États prêts à aller plus loin, mais sous parapluie politique européen), toute autonomie reste un slogan, du pur bavardage. Dans le cadre actuel, Trump a beau jeu de pousser sa stratégie “Divide et impera”, qui fonctionne d’autant mieux qu’il n’a aucun centre en face.

Tant que tout reposera sur 27 gouvernements nationaux, Washington pourra : 

  • parler avec les plus proches, 
  • contourner les plus critiques (sa propagande s'y emploie déjà en plein, tout comme les manipulations russes), 
  • mettre en concurrence les autres,
  • et, surtout, bypasser complètement l'Union européenne...
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J'ai donc décidé de faire abstraction de cette situation et d'imaginer une réponse commune de l'Europe à la NSS, que j'ai intitulée « Stratégie Européenne de Sécurité 2026 », détricotée avec trois IA : ChatGPT, Grok et Claude. La synthèse est rédigée en faisant dialoguer Grok et Claude, et l'énumération des différents points (en P.S.) à ChatGPT.

Il m'aurait fallu des semaines de préparation et d'approfondissements pour concevoir un tel document, une demi-journée avec les modèles... Toutefois, j'en assume pleinement le contenu :

Stratégie Européenne de Sécurité 2026

« La souveraineté européenne n’est pas un slogan : elle est la condition de notre capacité à survivre, libres, prospères et influents dans un XXI siècle de plus en plus compétitif et dangereux.

Le monde change à une vitesse que nous n’avions plus connue depuis la fin de la guerre froide. Les équilibres issus de 1945 et de 1989 se fissurent durablement. Les grandes puissances agissent d’abord et négocient ensuite. L’invasion russe de l’Ukraine, avec sa brutalité tragique, a rappelé que la paix en Europe reste fragile et que notre continent demeure un espace stratégique disputé. Si nous continuons d’avancer au rythme actuel – trop lent, trop fragmenté, trop dépendant –, nous risquons, presque imperceptiblement, de voir les décisions essentielles se prendre ailleurs. Dans un premier temps. Et de disparaître ensuite...

C’est pourquoi nous avons besoin d’une stratégie claire, partagée et ambitieuse, avec un horizon précis : d’ici 2030, nous devons avoir achevé les étapes décisives qui nous rendront à nouveau maîtres de notre destin – autonomie sur les semi-conducteurs critiques, doublement de notre capacité de défense collective, indépendance énergétique vis-à-vis des régimes autoritaires, bases solides d’une démographie et d’une éducation revitalisées.

Cette stratégie repose sur cinq domaines indissociables :

  1. Souveraineté technologique
    L’intelligence artificielle, les semi-conducteurs, le quantique et la cybersécurité sont les nouveaux nerfs de la puissance. Nous en dépendons encore trop largement. Nous devons investir massivement pour redevenir concepteurs plutôt que simples consommateurs.
  2. Souveraineté énergétique
    La crise de 2022 a montré que l’énergie reste une arme stratégique. Diversifier les sources, relancer le nucléaire de nouvelle génération, développer les renouvelables et protéger nos infrastructures critiques sont les leviers d’une indépendance réelle.
  3. Capacité de défense et de sécurité
    Une Europe qui ne peut se défendre seule perd, à terme, sa liberté de choix. Nous avons besoin d’un pilier européen de défense crédible au sein de l’OTAN, qu’elle consolide sans s’y dissoudre, d’une industrie intégrée et d’une protection effective de nos frontières et de nos infrastructures.
  4. Dynamique démographique, éducative et humaine
    Aucun projet de puissance ne tient sans une société vivante et compétente. Soutenir la natalité, attirer et intégrer les talents, faire de l’éducation le premier investissement stratégique : telle est la voie. Une immigration maîtrisée et réellement intégrée peut être un facteur de rajeunissement et de dynamisme, à condition d’être pensée comme un vrai projet politique (
    sur ce sujet aussi, l’absence de maîtrise collective affaiblit l’Europe : non seulement elle nourrit les fractures internes et les réflexes identitaires, mais elle empêche de transformer un défi en ressource stratégique. Une Europe qui prétend à l’autonomie ne peut pas laisser la question démographique et migratoire aux seules logiques nationales et aux réflexes de court terme).
  5. Diplomatie et influence normative
    Une Europe forte pèse sur les règles du jeu mondial. Cela passe par une voix plus unie, une alliance atlantique rééquilibrée, une relation lucide avec la Chine et un partenariat adulte, mutuellement bénéfique, avec l’Afrique et les autres régions émergentes.

Ces cinq piliers s’inscrivent pleinement dans le cadre de nos engagements climatiques, qui ne sont pas une contrainte extérieure mais un levier d’innovation, de compétitivité et d’indépendance.

Rien de cela ne sera simple ni indolore. L’ordre de grandeur se chiffre en plusieurs centaines de milliards d’euros sur la décennie, financés par une combinaison d’efforts nationaux, d’obligations européennes dédiées à la sécurité et à la souveraineté, et de cofinancements privés. Ces moyens seront répartis équitablement, avec des mécanismes de solidarité pour les États membres les moins riches, et décidés dans la transparence démocratique.

Cela suppose aussi des formes nouvelles de coordination – un Coordinateur européen de la souveraineté, un Budget de sécurité dédié, un tableau de bord public actualisé chaque année et débattu devant les parlements nationaux et européen –, sans jamais sacrifier nos démocraties nationales à une technocratie centralisée. Le débat restera permanent, car c’est la marque même de notre projet européen.

Nous ne prétendons pas défendre une Europe éternelle ou une essence immuable. Nous défendons un projet historique, perfectible, ouvert, qui a déjà su se réinventer dans les moments les plus difficiles.

Le choix n’est pas entre toute-puissance illusoire et protectorat honteux. Il est plus honnête : soit nous assumons ensemble les efforts nécessaires pour rester un pôle de liberté, de prospérité et d’influence, soit nous acceptons, progressivement, une marginalisation qui nous priverait des espaces de manœuvre que nous tenons encore aujourd’hui pour acquis.

Nous avons les moyens humains, intellectuels, économiques et institutionnels de réussir. Il nous faut maintenant la volonté politique et la clarté du cap.

Le moment n’est pas à l’abandon du débat, mais à sa clarification. Le moment est venu de décider, ensemble, l’Europe dans laquelle nous voulons vivre.

Et de choisir une Europe qui agit, qui décide, qui compte – par responsabilité envers l’avenir, notamment de nos enfants, et non par nostalgie du passé. »

P.S. Selon ChatGPT, une Stratégie Européenne de Sécurité 2026 digne de ce nom devrait rompre avec la logique « bloc contre bloc » et être pensée selon quelques principes de base : 


Préambule


a) Partir de la sécurité humaine, pas uniquement de la sécurité des États

Non seulement :

·         frontières, armées, PIB, supériorité technologique,

mais aussi :

·         climat, eau, énergie, santé, cohésion sociale, démocratie, information, systèmes numériques.

Autrement dit :

·         protéger la possibilité d’une vie digne sur le sol européen – et au-delà – plutôt qu’en protéger abstraitement la « civilisation ».

b) Assumer la pluralité européenne, sans fantasme d’un bloc monolithique

Une stratégie européenne crédible doit accepter que :

  • les menaces ne sont pas perçues exactement de la même façon en Finlande, en Espagne, en Pologne ou au Portugal ;
  • la sécurité n’est pas que militaire, elle est aussi sociale (France), énergétique (Allemagne), territoriale (États baltes), maritime (Italie, Grèce).

Donc :

·         le texte doit être polyphonique, pas un catéchisme centralisé façon « ligne officielle unique ».

c) S’appuyer sur de la connaissance et pas sur de la dramaturgie

De même que le document US, qui joue sur plusieurs tableaux, l’Europe devrait :

  • fonder son diagnostic sur des données (climat, économie, démographie, cyber, conflits) ;
  • expliciter ses incertitudes et assumer ses limites ;
  • refuser les slogans du type « l’Europe va disparaître dans 20 ans ».

d) Subordonner la technique à des fins politiques et morales claires

L’IA, la dissuasion, l’espace, le quantique, la cyber… oui. Mais dans un cadre clair :

·         La puissance technique de l’Europe est un instrument au service de la dignité humaine, de la paix et de la justice – pas une fin en soi.

La technique ne doit pas décider des fins.

e) Dialoguer, pas seulement répondre

Plutôt que : « Les Américains disent X, nous disons Y », nous aurions un texte qui :

  • rappelle la solidarité transatlantique là où elle fait sens ;
  • affirme la capacité européenne d’analyse autonome ;
  • se permet, calmement, de ne pas reprendre les obsessions américaines (par ex. le fantasme de l’« effacement civilisationnel »).

Architecture possible


I. Préambule : une Europe lucide, non paniquée

  • Reconnaitre que le monde est instable : guerre en Ukraine, tensions au Moyen-Orient, montée des régimes autoritaires, dérèglement climatique, pression migratoire, recomposition économique. Dire clairement :

« Notre objectif n’est pas de dominer le monde mais de vivre en paix dans un monde dangereux, en restant fidèles à nos valeurs fondamentales : dignité humaine, État de droit, pluralisme, justice sociale. »


II. Vision : sécurité européenne = sécurité humaine

Quelques axes fondamentaux :

  1. Protéger la vie et la liberté des personnes vivant en Europe (citoyens, résidents, réfugiés).
  2. Préserver les conditions matérielles d’une vie digne : climat, eau, alimentation, énergie, santé.
  3. Défendre les institutions démocratiques : élections, pluralisme, indépendance de la justice, médias libres.
  4. Prévenir les conflits aux frontières de l’Europe par la diplomatie, la coopération, le développement.
  5. Assurer la résilience numérique et technologique sans tomber dans la surveillance de masse.

III. Analyse des menaces (sans hystérie civilisationnelle)

1. Menaces “dures”

  • Russie : menace militaire et stratégique, en particulier pour l’Est de l’UE, guerre en Ukraine → priorité absolue à une issue qui protège la souveraineté ukrainienne et évite l’escalade.
  • Terrorisme : moins central qu’il y a 10 ans mais toujours présent.
  • États autoritaires (Russie, Chine, autres) : ingérences, pressions, chantage.

2. Menaces “diffuses”

  • Climat et environnement : feux, sécheresses, inondations, impact sur l’agriculture, migrations climatiques.
  • Instabilité du voisinage : Balkans, Afrique du Nord, Sahel, Moyen-Orient → crises politiques et économiques qui se répercutent sur l’Europe.
  • Désinformation, polarisation : attaques informationnelles, bulles numériques, perte de confiance dans les institutions.
  • Fragilités sociales internes : inégalités, fractures territoriales, perte de confiance dans les élites, montée du ressentiment.

Et ici, on pourrait écrire noir sur blanc :

« L’érosion de la confiance interne et la polarisation de nos sociétés représentent une menace stratégique pour l’Europe au moins autant que les armées étrangères. »


IV. Principes d’action

  1. Autonomie stratégique européenne, mais pas anti-américaine
    • Continuer à coopérer avec les États-Unis (OTAN, renseignement, industrie de défense),
    • …tout en renforçant la capacité de l’Europe à se défendre et à décider par elle-même quand les intérêts divergent.
  2. Primat du droit international
    • Défense du multilatéralisme quand il n’est pas vidé de sa substance,
    • Soutien aux institutions : ONU, Cour pénale internationale, OMC (réformée), etc.
  3. Sécurité partagée avec le voisinage
    • Traiter les Balkans, la Méditerranée, le Caucase, l’Afrique du Nord non comme “zones tampons” mais comme partenaires.
  4. Proportionnalité et responsabilité dans l’usage de la force
    • Refus explicite de doctrines de frappes préventives unilatérales,
    • Intégration du droit humanitaire dans toute planification militaire.

V. Europe – Russie – Ukraine

  • Reconnaître la Russie comme menace actuelle, mais ne pas enfermer la stratégie européenne dans un face-à-face éternel de type guerre froide 2.0.
  • Dire quelque chose comme :

« Notre objectif n’est pas la destruction de la Russie, mais la garantie, pour l’Ukraine, d’une indépendance durable, et pour l’Europe, d’un ordre européen où les frontières ne se changent pas par la force. »

  • Envisager déjà le “jour d’après” :
    • Reconstruction de l’Ukraine,
    • redéfinition des régimes de sécurité en Europe (contrôle des armements, transparence des forces, lignes rouges claires).

VI. Sécurité intérieure : cohésion sociale, migration, État de droit

Au lieu de crier à l’« effacement civilisationnel » :

  • Droits et devoirs des migrants, politique de migration ordonnée, humaine, prévisible.
  • Coopération renforcée avec les pays d’origine et de transit (économie, climat, gouvernance), au lieu de tout militariser.
  • Lier sécurité et réduction des inégalités : quartiers abandonnés, discrimination, perte d’espoir → terreau de la violence et de la radicalisation.

« Une Europe où une partie significative de la population se sent exclue, méprisée ou invisible n’est pas une Europe en sécurité. La cohésion sociale est un pilier de notre sécurité. »


VII. Sécurité numérique, IA, technique

C’est ici que l’Europe pourrait vraiment répondre à ta préoccupation sur la technique :

  • Affirmer que la souveraineté numérique est un enjeu stratégique (cloud, données, 5G/6G, IA).
  • En ajoutant clairement : « L’Union européenne s’engage à développer et réguler l’intelligence artificielle, les biotechnologies et les technologies de surveillance de manière à protéger la dignité humaine, la vie privée, la démocratie. »

La puissance technique ne sera jamais un objectif en soi. Donc :

  • pas de chèques en blanc aux big tech,
  • encadrement des usages militaires de l’IA,
  • coopération internationale pour empêcher les pires scénarios (armes autonomes létales, deepfakes de masse, manipulation des élections).

VIII. Dimension économique et industrielle de la sécurité

  • Réduction des dépendances critiques : énergie, matières premières, médicaments, semi-conducteurs.
  • Politique industrielle européenne pour la défense et les technologies clés (sans se transformer en caricature ultralibérale ni en forteresse fermée).
  • Reformulation du commerce international : « L’ouverture est un choix, pas une naïveté. Nous défendrons des échanges justes, mais nous riposterons aux stratégies de coercition ou de dumping. »

IX. Annexes / Mise en œuvre

  • Feuille de route par grandes zones (Est, Sud, Arctique, Atlantique, Cyber).
  • Articulation UE / États membres / OTAN.
  • Mécanismes de révision régulière (tous les 3–4 ans).
  • Indicateurs de suivi : pas seulement budgets militaires, mais aussi :
    • résilience des sociétés,
    • qualité de l’information,
    • niveau de conflit dans le voisinage,
    • respect de l’État de droit.

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