Ce blog ayant vu le jour pour parler de traduction, permettez-moi de m'autoriser une digression sur une déclaration tenue ce jour par l'infâme Berlusconi, cette espèce de vieux bouffon qui fait également office de président du conseil des ministres italien à temps perdu et entre deux orgies (les majuscules, faut les mériter).
Donc le jour-même où le Président de la République italienne, M. Giorgio Napolitano, a prononcé un discours touchant pour l'enterrement de quatre femmes et une adolescente à Barletta, travailleuses au noir dans un atelier qui s'est écroulé sur leurs têtes en début de semaine, ce débile de Berlusconi ne trouve rien de mieux à déclarer que s'il devait renommer son parti politique, il l'appellerait "Forza Gnocca".
Or je vois ici et là dans la presse que la chose a été traduite en français par "allez minette", expression gentillette, voire guillerette, qui ne rend guère justice à la force de l'italien (tant qu'à faire, mieux vaut le "go pussy" anglo-saxon), un problème déjà rencontré dans le passé, lorsque Berlusconi avait publiquement traité de connards tous les italiens qui ne votaient pas pour lui.
Je vais donc tenter de vous expliquer le "Forza Gnocca", dont une interprétation "propre" nous dit que le terme "Gnocca" est une « référence étymologique au sexe féminin, qui désigne communément une femme avenante. »
Formellement, c'est juste, mais comme pour couillon/connard, le registre de la langue n'est pas le bon.
Voyons ça de plus près, comme dirait un gynécologue.
La première analogie berlusconienne est celle à son parti politique originel, dénommé Forza Italia, qui reprend le cri des "tifosi" lorsqu'ils supportent l'équipe d'Italie, en hurlant soit "Forza Italia" soit "Forza Azzurri", dont l'on peut transposer en français une équivalence pratiquement identique avec "Allez la France" (Forza Italia), ou "Allez les Bleus" (Forza Azzurri). Marque d'encouragement et d'enthousiasme.
Ça c'est pour la première partie de l'expression. Quant à "Gnocca", la deuxième partie, c'est effectivement l'un des termes utilisés pour désigner le sexe de la femme, ou encore la femme elle-même lorsqu'on juxtapose au terme une épithète : "bella gnocca" (traduisible par "un canon", une "affaire", un "beau colis", etc.), ou plus rarement "brutta gnocca" (un boudin) ou pire, "porca gnocca" (une salope). Ceci étant, il est clair que chaque fois qu'on fait référence à la femme par le terme "gnocca", la connotation sexuelle est prégnante.
Reste donc à savoir si dans l'expression "Forza Gnocca", le "gnocca" se réfère plutôt à la femme, ou plutôt à son sexe. Et bien sans grande crainte de me tromper, je peux vous dire qu'en ce moment, dans l'esprit des italiens, y a pas photo !
Aujourd'hui même, une députée de gauche s'est faite apostropher au Parlement par un gentil "vai a farti scopare" (va te faire baiser, va te faire tirer, etc.), qui émanerait d'un parlementaire de la Ligue du Nord dont le chef, Umberto Bossi, aime fréquemment à s'exprimer par un doigt d'honneur ou par un prout sonore lui sortant de la bouche ("pernacchia", en italien) entre deux borborygmes. C'est un jugement politique comme un autre, me direz-vous, éminemment partageable en Italie...
Ou encore lorsque les écoutes téléphoniques nous rapportent les conversations téléphoniques du premier ministre ("Poi ce le prestiamo... Insomma la patonza deve girare..." : après on se les échangera, faut faire tourner la moule...), ou le jugement que portent ses courtisanes sur lui ("un vieux cul flacide", selon celle qui est actuellement accusée d'avoir organisé le réseau de prostitution autour de Berlusconi, et qui s'appelle Minetti, avec un "i" final...), etc. etc.
Donc le meilleur moyen de traduire "Forza Gnocca" en français, pour rendre l'idée de la façon dont les italiens le perçoivent aujourd'hui, ce n'est certes pas "allez minette", mais plutôt "allez la moulasse", voire "vive la moulasse", ou la motte, la chatte, le barbu, le cresson, le gazon, la chagatte, la choune, la cramouille, la moniche, la babasse, et ainsi de suite (j'ai plus de 500 "options" dans mon dico d'argot).
Maintenant imaginez une seule seconde si Sarko nous rebaptisait l'UMP par un plaisant "Vive la moulasse", et vous voyez déjà la révolution dans les chaumières... Ici, non, tout va bien madame la marquise, c'est tout juste si l'opposition a remarqué que la chose était scandaleuse...
Au moins, on est sûr que le Silvio il travaille pour l'image de son pays et sa crédibilité dans le monde ! C'est d'ailleurs exactement ce dont l'Italie a besoin en ce moment...
Reste à savoir l'emblème qu'il choisira, mais faisons-lui confiance.
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P.S. Quand je pense à l'article 54 de la Constitution italienne, qui énonce que "tout fonctionnaire public ayant prêté serment a le devoir d'accomplir son mandat avec honneur et discipline", je me dis que plus anticonstitutionnel que Berlusconi, tu meurs !
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2 commentaires:
Votre message est très intéressant : je trouve aussi que la traduction "Allez les minettes" est très atténuée ; il y a en effet dans le terme "gnocca" une forte charge sexuelle qui le rapproche plutôt de la "moule" ou de la "chatte" en français. Cela rend bien compte du niveau d'obscénité et de vulgarité atteint par le Cavaliere, qui semble avoir désormais perdu tout contrôle.
Je ne sais pas si vous avez noté à ce propos la dernière sortie de l'"Onorevole" Daniela Santanchè, pasionaria de la droite dure italienne qui s'est récemment exclamée que "Forza Gnocca", c'était "un'idea del cazzo !". Décidément, en ce moment en Italie, le niveau monte...
"Décidément, en ce moment en Italie, le niveau monte..."
Emmanuel,
Oui, c'est d'ailleurs la seule forme de croissance que l'Italie connaît en ce moment...
Quant à la Santanché, difficile d'expliquer un tel personnage en France :-)
Tout comme la digne descendante de Mussolini qui entonne Forza Gnocca !
J-M
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