mardi 6 mai 2025

La quatrième révolution civilisationnelle : l'informatique quantique (IQ)

La troisième révolution civilisationnelle : l'intelligence artificielle (IA)

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Le 7 juin 2024, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 28/287 proclamant 2025 Année internationale des sciences et technologies quantiques, inaugurée les 4 et 5 février derniers, initiative à suivre sur X avec les hashtags suivants : #IYQ2025, #QuantumCurious, #QuantumFuture, #QuantumYear, #STEMEducation (où STEM signifie Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques).

Une journée mondiale de la quantique ayant même été fixée au 14 avril dernier. 2025 n'a pas été choisie au hasard, mais parce qu'elle marque le centenaire de la mécanique quantique, afin de sensibiliser le public à l’importance et à l’impact de la science et des applications quantiques sur tous les aspects de la vie


Dans la troisième révolution civilisationnelle, à savoir l'intelligence artificielle, je mentionnais l'informatique quantique comme la quatrième (en ajoutant un point d'interrogation que je pense pouvoir supprimer aujourd'hui). Désormais, il ne se passe pas un jour sans que sortent des infos sur l'IQ, beaucoup d'infos.

En français, je vous conseille de vous abonner à la lettre mensuelle d'Olivier Ezratty (dernière édition du mois d'avril), ou encore de suivre l'actu autour des Maisons du Quantique (initiative HQI) : 


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En 2019, Google revendique avoir atteint la suprématie quantique avec son processeur Sycamore, en affirmant avoir réalisé en 200 secondes une tâche informatique qui aurait demandé 10 000 ans à un supercalculateur à la pointe de la technologie, une "prétention" réfutée par IBM et d'autres. Chaque année, la société a progressé ensuite, jusqu'à dévoiler sa nouvelle puce quantique, Willow, en décembre 2024, une étape cruciale depuis la création de Google Quantum AI en 2012, selon Hartmut Neven.

Quatre mois plus tard, le 26 avril 2025, Google, encore et toujours, annonce une avancée majeure dans la technologie quantique, en effectuant des calculs en quelques secondes là où ces mêmes tâches demanderaient 47 ans aux supercalculateurs traditionnels les plus avancés, tels que Frontier. Un bond en avant susceptible de révolutionner tous les domaines.

Or, quelques jours plus tôt, j'avais vu passer une "vieille" info surprenante (au moins pour moi !) : grâce à sa puissance de calcul, l'informatique "classique" (très haute performance, quand même) est en mesure d'effectuer 125 millions de milliards d'opérations en virgule flottante par seconde (125 pétaflops) de performances maximales grâce à 4000 milliards de transistors et 900 000 cœurs de calcul optimisés pour l'IA :

Le système CS-3 est conçu pour entraîner des modèles de langage 10 fois plus grands que GPT-4 et Gemini, pour ne citer qu'eux. Il s'appuie pour cela sur un important système de mémoire pouvant atteindre 1,2 pétaoctet. Par ailleurs, 24 000 milliards de modèles de paramètres peuvent être stockés dans un seul espace mémoire logique sans partitionnement ni remaniement, assure Cerebras. (...) Les configurations compactes à quatre systèmes permettent d'affiner des modèles de type 70B en une journée, tandis qu'à grande échelle, en utilisant 2048 systèmes, Llama 70B peut, par exemple, être entraîné à partir de rien en une seule journée.

(Source : L'Usine digitale). 

Où 70B signifie 70 milliards de paramètres... Du reste Meta collabore déjà avec Cerebras :

Les développeurs s'appuyant sur le modèle Llama 4 Cerebras dans l'API peuvent s'attendre à des vitesses de déploiement jusqu'à 18 fois supérieures à celles des solutions GPU traditionnelles. Une accélération qui ouvre la voie à une toute nouvelle génération d'applications, impossibles à développer avec d'autres technologies.

Donc, en mettant en relation ces deux infos, où un supercalculateur peut entraîner un modèle d'IA gigantesque en une seule journée alors qu'il lui faudrait 47 ans pour effectuer les tâches accomplies par l'ordinateur quantique de Google, j'en ai conclu que ce dernier pourrait entraîner les futurs modèles géants d'IA en quelques secondes à partir de rien !

Conclusion hâtive et inexacte, due à mon ignorance en la matière ! En faisant des recherches pour expliquer ce cas de figure tout à fait incroyable, j'ai trouvé l'article intitulé : « Informatique quantique et IA : moins compatibles que prévu ? », rédigé le 8 octobre 2024 par Filippo Vicentini (professeur assistant en intelligence artificielle et physique quantique à l'École polytechnique - IP Paris), extrait du n° 8 d'octobre 2024 du magazine Le 3,14 de Polytechnique insights.

En bref, on y apprend que les ordinateurs quantiques sont notamment très lents (!), et que seuls des calculs très courts sont effectués sans pannes. Cela étant dû au fait qu'ils sont adaptés et utiles pour les applications qui nécessitent des entrées et des sorties limitées, mais une puissance de traitement énorme, mais probablement pas pour tout ce qui concerne les données volumineuses et les réseaux neuronaux (les IA, donc) :

De plus en plus d’experts reconnaissent que les ordinateurs quantiques resteront probablement très lents lorsqu’il s’agira d’entrer et de sortir des données. Pour vous donner une idée, nous pensons qu’un ordinateur quantique qui pourrait exister dans cinq ans – si nous sommes optimistes – aura la même vitesse de lecture et d’écriture qu’un ordinateur moyen de 1999-2000.

Et M. Vicentini de conclure : « Je pense que l’IA et l’informatique quantique seront des composants différents dans une pile d’outils – complémentaires mais non compatibles. »

C'est à n'y plus rien comprendre ! À la même époque IBM nous disait qu'il pourrait y avoir convergence des deux dans l'intelligence artificielle quantique (IAQ), et que l’IAQ pourrait par exemple faire passer la durée d’entraînement des LLM (grands modèles de langage) de plusieurs semaines à quelques heures, permettant ainsi la création quasi instantanée de nouveaux assistants IA hautement spécialisés dans des sujets complexes, techniques ou même expérimentaux.

En gros, mon postulat de départ ! Donc que croire ? Qui croire ? Selon les IA à qui j'ai posé la question de la compatibilité entre intelligence artificielle et ordinateurs quantiques (je ne parle pas ici de l'utilité de la première pour les seconds, mais de la puissance de calcul quantique des seconds au service de la première), toutes ont pratiquement les mêmes réponses : bien que l'entraînement des LLM grâce à l'informatique quantique soit une perspective théorique prometteuse, cela reste un domaine de recherche en développement. Et avant que cela ne devienne une réalité pratique, probablement pas avant 10 à 15 ans, des avancées significatives sont nécessaires tant au niveau de l'hardware quantique que des algorithmes.

Or il semble qu'une équipe de scientifiques et d'ingénieurs chinois ait déjà réalisé, il y a moins d'un mois, une première mondiale dans l'intégration de l'IA et de l'informatique quantique : l'ordinateur quantique Origin Wukong devient le premier au monde à affiner un modèle d'IA à un milliard de paramètres !

Là encore, que croire, qui croire ? Sur le terrain de l'IA, il est fort probable que l'informatique quantique ne concurrence pas l'informatique classique dans l'immédiat (voire jamais), et que l'on s'oriente plutôt vers une approche hybride combinant les deux, avec une convergence progressive vers l'intelligence artificielle quantique.  

Entre-temps, autant les grands acteurs - Google, IBM, Apple, Microsoft, Meta, xAI, Amazon, Nvidia, OpenAi, etc., tous très actifs dans les domaines IA/IQ - que les gouvernements et les instances internationales, dont l'Union européenne, souhaitent placer leurs pions :

La feuille de route de Google

* La feuille de route et la vision d'IBM


* Apple se prépare à la puissance de l'informatique quantique pour des communications inviolables :

« Grâce à un chiffrement résistant aux compromissions et à des défenses étendues contre les attaques quantiques les plus sophistiquées, PQ3 est le premier protocole de messagerie à atteindre ce que nous appelons le niveau 3 de sécurité, offrant des protections de protocole supérieures à celles de toutes les autres applications de messagerie largement déployées. À notre connaissance, PQ3 possède les propriétés de sécurité les plus solides de tous les protocoles de messagerie à grande échelle au monde. » 

 * Microsoft prévient que les États-Unis risquent de se laisser distancer par la Chine, qui investit des milliards dans les technologies quantiques, en soulignant l'urgence d'une action coordonnée entre le gouvernement, le monde universitaire et l'industrie. Le groupe appelle donc à accroître le financement fédéral de la recherche, à stimuler le développement des talents quantiques et à consolider la production quantique nationale afin de maintenir le leadership technologique des États-Unis dans la course mondiale à l'informatique quantique.

* Meta accélère sur l'IA multimodale et l'agentique, alors que la société dispose déjà de l'un des supercalculateurs les plus puissants du monde, et les plus rapides : le SCR (SuperCluster de Recherche), avec une puissance de calcul atteignant près de 5 exaflops, peut effectuer un quintillion de calculs par seconde : « Pour mieux comprendre cette prouesse, il faudrait effectuer un calcul chaque seconde pendant plus de 31 milliards d'années pour égaler ce que le SCR peut réaliser en une seule seconde. »

Quant au positionnement de la société sur le quantique, Zuckerberg est plus attentiste, en déclarant que les ordinateurs quantiques étaient à plus de 10 ans de devenir utiles. Il est davantage branché sur le développement d'une intelligence artificielle générale, puisqu'il a déclaré le 30 avril, lors de la présentation des résultats trimestriels, « We are focused on building full general intelligence. » 

* Concernant Elon Musk, se quête insatiable de puissance de calcul pour xAI ne faiblit pas. Après avoir mis en libre accès le programme de son robot conversationnel Grok, intégré à X, il a annoncé en mars 2025 la fusion de son entreprise xAI avec sa plateforme X pour mieux consolider les données, les modèles et les ressources informatiques des deux équipes. En revanche, bien qu'assez silencieux sur l'informatique quantique, il a manifesté son intérêt en répondant « Wow » à un post de Sundar Pichai, PDG de Google, sur la nouvelle puce « Willow » de Google Quantum AI, avant d'échanger avec lui sur la possibilité d'installer un « cluster quantique dans l'espace avec Starship », en référence au projet de vaisseau spatial de SpaceX destiné à transporter des humains et du fret vers la Lune, Mars et au-delà. Réponse de Musk : « Cela arrivera probablement »... 

* Amazon, qui concurrence déjà Starlink de Musk dans la commercialisation de connexions satellitaires très haut débit depuis l'espace, est déjà bien présent dans le calcul quantique avec AWS, parfaitement opérationnel. La suite viendra d'elle-même !

* Nvidia, après une intrusion (au sens où personne ne s'y attendait...) dans la traduction automatique, dans les LLM (sous licence), dans la robotique et la voiture autonome, etc., a signé le 20 mars 2025 un partenariat avec Pasqal (pépite française du quantique) en vue de développer le calcul intensif quantique accéléré, en intégrant les solutions de tiers sur Cuda-Q, la plateforme de simulation quantique de Nvidia (NVAQC, basé à Boston). Après les puces les plus performantes du secteur, la société met au point ses propres unités de traitement quantique (QPU), destinées à être embarquées dans des supercalculateurs IA de pointe...

* OpenAI a lancé le projet Stargate en janvier 2025, qui prévoit d'investir 500 milliards de dollars sur 4 ans, et le déploiement d'un centre de données dédié à Abilene, au Texas, d'ici fin 2026... Aux côtés d'OpenAI, les premiers financeurs sont SoftBank, Oracle et MGX, et les principaux partenaires technologiques ARM, Microsoft, NVIDIA et Oracle.

* Les États-Unis ne sont pas en reste, d'ailleurs Trump a toujours été très actif sur le sujet (la loi nationale sur l'initiative quantique a été promulguée sous son premier mandat), et il n'y a qu'à voir la photo de famille lors de sa seconde investiture pour mieux comprendre : 

* La Darpa (à l'origine d'Internet, quand même...) a sélectionné le 3 avril 2025 pour la première phase de son programme Quantum Benchmark Initiative les entreprises retenues : Alice & Bob, Atlantic Quantum, Atom Computing, Diraq, Hewlett Packard Enterprise, IBM, IonQ, Nord Quantique, Oxford Ionics, Photonic Inc., Quantinuum, Quantum Motion, QuEra Computing, Rigetti Computing, Silicon Quantum Computing Pty. Ltd., Xanadu. Des noms connus et moins connus, mais dont l'on entendra probablement parler dans les années à venir.

* Le Canada ouvre la voie avec d’importants groupes d’expertise dans les deux domaines IA-IQ. En mars 2014, le Conseil des Académies Canadiennes (CAC) a publié un rapport intitulé « Potentiel quantique », rédigé par un comité d’experts sur l’adoption responsable des technologies quantiques. Par ailleurs, la société canadienne D-Wave, qui accompagne Google depuis 2013 (à moins que ce ne soit le contraire), a récemment affirmé avoir réalisé avec un ordinateur quantique (développé depuis déjà quelques années) une simulation qui aurait demandé un million d’années avec l’informatique classique...

* La France, qui organise le 10 juin prochain, à la Station F, France Quantum, déploie une Stratégie Nationale Quantique dans le cadre du plan France 2030, avec vocation à devenir un acteur incontournable des technologies quantiques. Les militaires également se lancent dans la course au calculateur quantique universel en se donnant les moyens de leurs ambitions (500 millions d'euros), pour développer le programme Proqcima du ministère des Armées en vue de réaliser deux prototypes français d'ordinateurs quantiques universels de 128 qubits logiques (soulignons au passage qu'en français, Qubit, phonétiquement parlant, c'est pas le top...).  

* Enfin, l'Union européenne, qui a déjà financé une initiative de recherche scientifique à hauteur de un milliard d'euros, Quantum Technologies Flagship, a adopté en 2024 la loi sur l'IA (à explorer), visant à soutenir le développement d’une IA digne de confiance, qui s'inscrit dans un cadre législatif plus ample comprenant le pacte sur l'IA, un train de mesures sur l’innovation dans le domaine de l'IA, le lancement d’usines d'IA, ainsi qu'un plan coordonné en matière d'IA, sans oublier Jupiter, le premier supercalculateur exaflopique d'Europe, dans l'attente du Jules Verne, qui devrait dépasser le seuil du milliard de milliards de calculs par seconde...

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Et ce n'est pas du quantique, mais du "classique", j'ai besoin de réfléchir ! 😀

D'autres acteurs potentiels sont Intel, Quantinuum, Rigetti Computing, China Telecom Quantum Group, IonQ, le CERN et son Open Quantum Institute, SECQAI ou semblables, mais ce sera pour une autre fois...

Dernière info : un congrès international aura lieu à Naples à la fin de l'année sur l'IAQ, du 2 au 5 novembre, « 2025 IEEE International Conference on Quantum Artificial Intelligence »

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En conclusion, il est clair que tôt ou tard la partie logicielle (l'IA, le cerveau) et la partie matérielle (l'IQ, le corps) fusionneront, avec une puissance telle que l'humanité n'a jamais rien connu de semblable depuis le Big Bang ! Le problème n'est plus de savoir si la fusion Superintelligence artificielle / Suprématie quantique aura lieu, mais quand ? Cela étant, une question demeure : pour en faire quoi ?

Pour améliorer les conditions de vie de l'humanité et de la planète, ou juste pour assurer toujours davantage l'emprise stricte des quelques acteurs qui détiendront cet incommensurable pouvoir SUP² sur la multitude de celles et ceux qui en dépendront ? J'ai ma petite idée de la réponse, et elle n'est pas très optimiste...


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