samedi 10 mai 2025

SUP² = SUPerintelligence artificielle + SUPrématie quantique

La troisième révolution civilisationnelle : l'intelligence artificielle (IA)

La quatrième révolution civilisationnelle : l'informatique quantique (IQ)

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J'ai terminé mon dernier billet sur la conclusion suivante :

Il est clair que, tôt ou tard, la partie logicielle (l'IA, le cerveau) et la partie matérielle (l'IQ, le corps) fusionneront, avec une puissance telle que l'humanité n'a jamais rien connu de semblable depuis le Big Bang ! Le problème n'est plus de savoir si la fusion Superintelligence artificielle / Suprématie quantique aura lieu, mais quand ? Cela étant, une question demeure : pour en faire quoi ?

Pour améliorer les conditions de vie de l'humanité et de la planète, ou juste pour assurer toujours davantage l'emprise stricte des quelques acteurs qui détiendront cet incommensurable pouvoir SUP² sur la multitude de celles et ceux qui en dépendront ?

Je ne répondrai certes pas précisément dans ce billet à la question quand ?, je n'ai pas la boule de cristal, mais les bouleversements civilisationnels dont cette nouvelle réalité est porteuse m'interrogent.

Déjà il y a plus de 10 ans, quelqu'un opposait à la super-intelligence le principe de super-précaution, en avertissant : « L'intelligence artificielle est potentiellement plus dangereuse que le nucléaire... ». Un certain Elon Musk

Selon IBM, la superintelligence artificielle (ASI) est un système logiciel (...) dont la portée intellectuelle dépasse l’intelligence humaine, et qui possède des fonctions cognitives de pointe et des compétences de réflexion extrêmement développées, plus avancées que celles de n’importe quel être humain

Au final, on parle donc d'un système capable de dépasser les capacités de l'ensemble des humains dans tous les domaines de la connaissance, raisonnement, créativité, résolution de problèmes, etc.


Naturellement, cela ne va pas sans risques :
  • Perte de contrôle
  • Conséquences imprévues
  • Préjugés et discrimination
  • Impacts sociétaux et économiques
  • Dépendance à l’IA

Pour ne citer que les plus évidents. Mais de fait, nul ne sait où une telle (r)évolution pourra(it) nous conduire... 

Pour l'heure, Pasqal nous indique que « l'efficacité de l'IA est souvent limitée par la puissance de traitement des ordinateurs classiques, en particulier lorsqu'il s'agit de grands ensembles de données ou de modèles complexes. C'est là que la synergie entre l'informatique quantique et l'IA devient la plus évidente. »

Les chinois, qui ont été rapidement capables de concurrencer l'existant en développant à moindre coût une application d'intelligence artificielle hautement performante, ont déjà fait les premiers pas dans ce sens il y a un mois, en affinant un modèle d'IA à un milliard de paramètres sur leur ordinateur quantique "Origin Wukong", ce qui prouve, s'il en était besoin, que la synergie annoncée par Pasqal est d'ores et déjà bien à l'œuvre, nous ne sommes plus dans un avenir plus ou moins proche, mais dans le présent : hic et nunc !

Or IBM a déjà introduit l'utilité quantique, ainsi définie par la firme :

Pour la première fois dans l'histoire, les ordinateurs quantiques démontrent leur capacité à résoudre des problèmes à une échelle dépassant la simulation classique par force brute, où les seules alternatives sont des méthodes d'approximation classiques soigneusement élaborées et spécifiques à un problème. Ceux qui apprendront à exploiter ces capacités aujourd'hui pourraient être parmi les premiers à bénéficier de l'avantage quantique.

Où, selon moi, l'avantage quantique est l'état entre l'utilité quantique et la suprématie quantique. Je dis "selon moi" car, comme souvent lorsqu'il s'agit de nouveaux concepts, ni leur sens ni leur périmètre ne sont clairement définis. Le terme même de "suprématie quantique" ne fait pas l'unanimité, et d'aucuns lui préfèrent "avantage quantique", en plaçant celui-ci devant celle-là car ils arguent que l'"avantage" se situe avant tout sur un plan pratique, là où la "suprématie" reste plus théorique. 

 Pour ce qui me concerne, dans une échelle de significations, "avantage" se place loin derrière "suprématie", dont il n'arrive qu'au seizième rang de ses synonymes, après supériorité, prééminence, domination, maîtrise, prépondérance, souveraineté, royauté, prédominance, primauté, hégémonie, sceptre, omnipotence, grandeur, ascendant, aristocratie...


Par conséquent, mettre l'avantage devant la suprématie est illogique, un non-sens pur et simple. L’expression « suprématie quantique », créée en 2012 par John Preskill, conseiller du CIFAR, définit « le point où les ordinateurs quantiques peuvent accomplir des tâches qu’aucun ordinateur classique ne peut accomplir, peu importe si ces tâches sont utiles ».

C'est pour cela qu'IBM, en 2019, lorsque Google a revendiqué avoir atteint la suprématie quantique, a rejeté la prétention de Googleun supercalculateur de pointe nécessiterait environ 10 000 ans pour effectuer une tâche équivalente »), en soutenant qu'une simulation idéale de la même tâche pourrait être réalisée sur un système classique en 2,5 jours et avec une fidélité bien supérieure. Et donc, le seuil proposé par John Preskill en 2012 n’a pas été atteint :
Because the original meaning of the term “quantum supremacy,” as proposed by John Preskill in 2012, was to describe the point where quantum computers can do things that classical computers can’t, this threshold has not been met.
Selon le document « Characterizing quantum supremacy in near-term devices », « la suprématie quantique est atteinte quand une tâche informatique formelle est réalisée par un ordinateur quantique alors qu’elle ne peut l’être par aucun algorithme connu sur un ordinateur classique dans un temps humainement raisonnable », une définition plus précise et plus universellement acceptée :
Quantum supremacy is achieved when a formal computational task is performed with an existing quantum device which cannot be performed using any known algorithm running on an existing classical supercomputer in a reasonable amount of time.
10 000 ans, c'est pas raisonnable, 2,5 jours oui !

Du reste, IBM établit une différence claire entre utilité et avantage quantique : « Fondamentalement, l'utilité est une première étape clé vers la démonstration de ce qu'est l'avantage » (Abhinav Kandala).


De mon avis de novice, la suprématie quantique arrivera plutôt rapidement que tardivement, disons d'ici dix ou quinze ans. Dans son rapport intitulé « Potentiel quantique », le Canada nous dit dans le sommaire :
Le monde vit actuellement une deuxième révolution quantique. Les technologies quantiques évoluent depuis plusieurs décennies, passant du concept théorique à la mise en pratique. Une évolution qui inclut des améliorations constantes et accélérées des capacités, des réductions de coûts et une variété croissante d’applications potentielles et nouvelles. Les technologies quantiques offrent la possibilité d’exploiter les propriétés de la mécanique quantique afin de repousser les limites du possible.
Or la partie graissée s'applique tout aussi bien à l'IA, dont la dernière avancée date ... d'hier !

Et puisque l'on parle réduction de coûts, le développement de ChatGPT, initialement commercialisé en 2022, a coûté 540 millions $ ; celui de Gemini (2023), 191 millions $ ; celui de DeepSeek (2025), juste 6 millions $...  

Par conséquent, à ce rythme-là, aussi bien en informatique classique que quantique, il est clair que les choses évoluent vite, très vite. Selon ChatGPT, l'échéancier des principaux acteurs est le suivant :


Pour la plupart, les démonstrations faites actuellement en vue de revendiquer la suprématie quantique ont concerné des problèmes algorithmiques conçus spécifiquement pour mettre en évidence les capacités des ordinateurs quantiques, mais sans applications pratiques directes. Cela est en train de changer avec D-Wave ou IonQ, par exemple, et les acteurs chinois ou d'autres vont probablement nous réserver quelques surprises.

Or pour atteindre une suprématie quantique reconnue, applicable, durable, robuste, répétable, incontestable et utile, il faudra disposer de processeurs quantiques tolérants aux fautes (avec correction d’erreurs), capables de faire des calculs plus longs et plus fiables. Parmi les défis techniques majeurs :
  • Réduction du bruit et des taux d'erreur quantique
  • Augmentation du nombre (des milliers, voire des millions) de qubits stables, corrigeables et interconnectés
  • Qualité (finesse) des opérations quantiques (fidelité des portes logiques)
  • Développement de codes correcteurs d'erreurs efficaces
  • Avancées dans les algorithmes hybrides quantique-classique
La fourchette des prévisions que j'ai pu consulter va de 5 ans (2030) à 20 ans (2045), mais gageons qu'avec l'intelligence artificielle élevée à la puissance exponentielle de l'informatique quantique (IAIQ), l'état SUP² sera vite atteint !

Voilà pour le quand. Pour en faire quoi ? (la question reste posée...)


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