vendredi 25 mars 2016

Travailler en « solo » : état des lieux

Être son propre patron, s’installer à son compte, créer « son entreprise » est un rêve lointain pour certains, une ambition vécue (et voulue) pour d’autres, voire une triste réalité (subie) pour d’autres encore. Mais que travailler en indépendant soit un choix ou une obligation, il n’empêche que les bouleversements à l’œuvre dans le monde du travail de nos sociétés « modernes » s’orientent toujours plus vers une désintégration de l’emploi traditionnel pour laisser la place à une myriade de professionnels travaillant chez eux (du genre société « BD Conseil », fondée par Bernard Durand et domiciliée dans son séjour). Ils exercent seuls pour la plupart, en solo, justement, c’est-à-dire sans hiérarchie, sans lien (formel) de subordination, autonomes commercialement et administrativement à défaut d’être clairement encadrés au plan juridique, en qualité de TNS : travailleurs non salariés (non agricoles).

Pour autant la nomenclature du « solo » est longue : auto-entrepreneur ou entrepreneur individuel, micro-entrepreneur (ou micropreneur), prestataire solo (ou solopreneur), porté (en portage salarial) ou porteur de projet (ça fait mieux), consultant (probablement le terme le plus galvaudé), expert, professionnel libéral, travailleur à domicile, autonome, indépendant (quand bien même cette dénomination fait l’objet d’une définition légale précise*), nomade, sous-traitant, franchisé, voire pigiste ou télétravailleur (bien qu’en télétravail l’employé peut aussi être salarié, mais « délocalisé » à domicile pour le compte de son entreprise), etc.

Suivant son statut juridique il peut également s’agir d’une micro-entreprise, d’une TPE, d’une entreprise unipersonnelle ou d’une EURL, sans oublier différents anglicismes : SOHO (Small Office/Home Office), Mom and pop shop, home based heroe, a brand called YOU, Me2B (ou Me2Be), e-business owner et, naturellement, le plus francisé de tous, freelance (ou free-lance), mais j’en oublie sûrement et la liste ne saurait être exhaustive…

Tous partagent une devise commune, style Louis XIV : « L’entreprise, c’est moi ! »

Cependant cette multiplication des appellations trahit une grande confusion, un peu à l’image d’une société encore incapable d’appréhender ce phénomène à sa juste mesure et de lui accorder la reconnaissance qui lui est due. Avec toutes les implications sociales, personnelles et professionnelles que cela entraîne !

Donc en fait le mot-valise « solo » dissimule un immense fourre-tout de situations où le pire côtoie le meilleur et tous les entre-deux possibles : de la nébuleuse des intermittents/intérimaires alternant contrats zéro-heure et CDD ou allant pointer au chômage entre une « mission » et l’autre, à l’univers prospère mais restreint des consultants de haut vol, le monde de l’auto-emploi est particulièrement instable (flexible) avec autant de parcours professionnels que d’individus.

Par ailleurs l’apparente indépendance juridique dissimule trop souvent une dépendance économique du solo vis-à-vis de ses principaux donneurs d’ordre (quand ce n’est pas « de son principal donneur d’ordre »), situation débouchant alors sur un rapport de forces fortement déséquilibré entre « client » et « prestataire », avec à la clé l’exploitation du second par le premier. Exploitation qui peut aussi passer par un tiers dès lors qu’il y a intermédiation, selon le cas traditionnel « donneur d’ordre --> agence --> exécutant final ».

Comme on le voit la situation est complexe et les pièges nombreux. Selon les dernières statistiques disponibles de l’INSEE (étude « Emploi et revenus des indépendants », 2015), ce sont 2,8 millions de personnes qui exercent en France une activité non salariée à titre principal ou en complément d’une activité salariée fin 2011 (qui est l’année de référence des statistiques présentées dans l’ouvrage).

La définition de l’INSEE de ce qu’est un travailleur non salarié est importante :
Les non-salariés désignent l’ensemble des affiliés à un régime social non salarié, dont les cotisations sociales sont recouvrées par le régime social des indépendants (RSI), l’Urssaf ou la Mutualité sociale agricole selon le profil et le risque couvert. Tous les pluriactifs (percevant à la fois des revenus d’activité salariaux et non salariaux) sont pris en compte, y compris ceux exerçant à titre principal une activité salariée. 
On distingue les non-salariés « classiques », entrepreneurs individuels « classiques » ou gérants majoritaires de sociétés, et les auto-entrepreneurs. 
L’auto-entreprenariat est un régime spécifique créé dans le cadre de la loi de Modernisation de l’économie du 4 août 2008 et mis en place au 1er janvier 2009 pour les entreprises individuelles qui relèvent du régime fiscal de la micro-entreprise. Il offre des formalités de création d’entreprise allégées ainsi qu’un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations et contributions sociales. On considère qu’un auto-entrepreneur est économiquement actif en 2011 s’il a déclaré un chiffre d’affaires positif dans l’année ou, en cas d’affiliation en 2011, s’il a déclaré au moins un chiffre d’affaires positif au cours des quatre trimestres qui ont suivi son assujettissement (éventuellement en 2012).
En gros ils représentent une personne en emploi sur dix, sont davantage présents dans les activités où les petites et moyennes entreprises sont nombreuses et où la relation de proximité est privilégiée, surreprésentés dans certains services aux particuliers, peu présents dans les secteurs davantage soumis à la concurrence internationale (où les grandes entreprises prédominent et où les investissements de départ sont élevés) et sous-représentés dans les services aux entreprises et mixtes.



Donc ce rapport d’un travailleur sur 10 qui est en auto-emploi (rapport pouvant atteindre 1 sur 5 dans certains départements), témoigne d’une progression touchant 26 % entre 2006 et 2011 dans tous les secteurs d’activité (hors secteur agricole). Avec une dynamique particulièrement forte dans les services aux entreprises et mixtes (+ 47 %) et dans les services aux particuliers hors santé (+ 38 %), une multiplication par 2,5 des effectifs dans les activités spécialisées « autres » (publicité, design, photographie, traduction, …), ou encore une hausse de 80 % dans l’information et la communication (informatique notamment), les arts, spectacles et activités récréatives ou l’enseignement (enseignement artistique, culturel ou sportif, formation continue, soutien scolaire, cours de langues), etc.

Sur ces presque 3 millions de non-salariés, 1 sur 5 a un statut d’auto-entrepreneur économiquement actif, soit près de 600 000 personnes, dont 40 % de femmes.

Et parmi ces auto-entrepreneurs, un sur trois cumule son activité avec un emploi salarié. Ces pluriactifs (hors santé) exercent majoritairement leur activité salariée dans un autre secteur que leur activité non salariée. Pour autant ce type d’activités se caractérise par de fortes disparités de revenu, plus élevées que chez les salariés, même si les inégalités diffèrent selon les secteurs, et selon le sexe : les femmes sont moins bien rétribuées que les hommes, en gagnant jusqu’à un quart de moins.

À noter que les auto-entrepreneurs sont quasiment absents des activités juridiques ou de santé, composées essentiellement de professions réglementées n’ouvrant pas droit à ce statut, tandis qu’un tiers de l’ensemble des non-salariés exercent une profession libérale à titre principal ou en complément d’une activité salariée : 50 % dans la santé (médecins, infirmiers, pharmaciens, etc.), 8 % dans le domaine juridique (avocats, notaires, etc.) et 42 % dans le domaine « technique ».

Tous ces chiffres en augmentation constante sont le signe d’une nouvelle donne dans le monde du travail, d’une tendance lourde destinée à durer, face à laquelle un nombre grandissant de jeunes et de moins jeunes sont et seront confrontés.

Personnellement, c’est une réalité que je vis depuis 30 ans déjà, raison pour laquelle j’aimerais mettre mon expérience à disposition et partager des conseils sur comment affronter cette nouvelle façon de concevoir sa carrière, dans une optique de réussite et de long terme.

Prochaines étapes de ce parcours :
  • Du Solo au SOHO
  • Du SOHO au Solo 2.0
  • Du Solo 2.0 au SOLO²
À suivre…


* Selon l’INSEE, les indépendants sont essentiellement des non-salariés n’ayant pas de lien de subordination juridique permanente à l’égard d’un donneur d’ordre et ne disposant pas de contrat de travail (ils ne bénéficient donc pas de la protection du droit du travail).

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