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Le 24 novembre dernier, je publiais l'info exclusive du procès civil n° 8500 en commençant mon billet ainsi :
D'ici peu, l'info va faire le tour du monde : la Dragon Family a déposé hier une assignation à comparaître au Tribunal de New York, citant en jugement, notamment, le gouvernement italien, la Guardia di Finanza italienne et Silvio Berlusconi himself...Depuis, black-out global : difficile de se planter avec plus d'éclat dans ses prévisions ! À ma connaissance, PAS UN SEUL média mainstream n'en a parlé, ni presse, ni radio, ni télé, sauf quelques blogs d'illuminés, dont moi, gentil fumeur de moquette...
Enfin, selon Monsieur tout-le-monde, rien que de plus normal : pourquoi donc parler de procès "pittoresques" dont tout le monde se fout ?
Et puis hier, samedi 25 février 2012, surprise, GROSSE SURPRISE : je découvre l'info mentionnée à la une du journal catholique L'AVVENIRE, le "quotidien des évêques d’Italie", développée en troisième pleine page, avec au centre l'en-tête de l'assignation. J'en crois pas mes yeux !!!
Alors là, je peux vous dire que je me serais attendu à n'importe quelle autre source, mais pas celle-là ! Qu'aucun journal n'ait cité l'info en Italie depuis trois mois (fin novembre), alors que sont assignés à comparaître, entre autres, Berlusconi, le gouvernement italien et la Guardia di Finanza, déjà c'est peu compréhensible, mais que le premier journal à en parler soit l'Avvenire, en consacrant une pleine troisième page aux différentes affaires de bons, voilà qui ne cesse de me surprendre. Et de m'interroger !
Car au-delà des apparences, je subodore quelques raisons sous-jacentes inavouables motivant cette soudaine loquacité d'un quotidien pas particulièrement connu pour véhiculer des ragots, qui publie une telle info :
Mais revenons-en maintenant à la page d'hier de l'Avvenire pour l'analyser dans le détail, en commençant par les deux encadrés du bas, celui-de gauche remémorant l'opération Vulcanica et l'affaire du plutonium (à noter que le journaliste qui signe l'article, Nello Scavo, s'est occupé en décembre dernier du trafic de barres d'uranium impliquant Guido Garelli, dont j'ai déjà parlé...), et celui de droite la saisie des 180 milliards $, qui a également fini en eau de boudin...
Titre : Des leaders mondiaux également impliqués dans l'affaire des bons de Chiasso (Anche leader mondiali nel giallo dei bond Usa)
Sous-titre : "Faux" bons d'une valeur de 134 milliards. Et un procès "impossible" (Titoli "falsi" per 134 miliardi. E una causa "impossibile")
Intertitre : Intrigues et finance (Finanza e intrighi)
C'est à dessein que je traduis "bond Usa" par "bons de Chiasso", car c'est à eux que fait référence, de façon erronée, le journaliste de l'Avvenire, en reliant directement la saisie de Chiasso et le procès (Invece il caso dei 134 miliardi di dollari in bond Usa sequestrati a Como nel 2009 è finito davanti alla Corte distrettuale di New York) : or comme je le précise sur ma page dédiée aux 279 milliards de dollars, les titres subtilisés à Neil Keenan revendiqués dans le procès représentent une contrevaleur de 144,5 milliards de dollars, tandis que les titres saisis à Chiasso à Yamaguchi et Watanabe sont différents, et ils représentent "officiellement" une contrevaleur de 134,5 milliards de dollars...
Ceci dit l'avocat de Keenan explique de façon détaillée la saisie de Chiasso, donc l'erreur est compréhensible si l'on fait une première lecture rapide de la centaine de pages de l'assignation. Un avocat dont le journaliste nous dit qu'il est partenaire du cabinet juridique Bleakley Platt & Schmidt, "l'un des plus cotés de New York" (L’atto di citazione è stato depositato dallo studio legale Bleakley Platt & Schmidt, uno dei più quotati della Grande Mela...), d'où l'interrogation suivante :
(Quando gli chiediamo la prova dell’autenticità dei titoli, prontamente ci trasmette copia di una lettera di credenziali con cui nel 2001 la banca svizzera Ubs attestava la spendibilità dei bond poi sequestrati a Chiasso e dichiarati "fittizzi" dal governo americano. Il documento bancario è classificato come "Top secret".)
Le journaliste a contre-vérifié ensuite auprès du siège de l'UBS à Zurich, qui a répondu dans la demi-heure que le certificat était faux, en précisant que le papier à en-tête portait le logo de l'Union des Banques Suisses qui n'existait déjà plus à l'époque, suite à la fusion, en 1998, entre l'Union de Banques Suisses et la Société de Banques Suisses, et que depuis UBS AG ne représente pas un sigle mais le nom légal de la société. Donc même si les tampons et les signatures semblent authentiques, le fonctionnaire de la banque précise : « Il n'est pas à exclure que des escrocs aient pu se servir d'un vieux papier à en-tête pour donner une apparence d'authenticité à des titres habilement contrefaits. »
(«Non è da escludere che qualche truffatore – spiega una fonte interna di Ubs – possa aver usato vecchia carta intestata per rivestire di autenticità titoli abilmente contraffatti».)
Pour autant, tout en mentionnant la "Dragon Family", dont il parle comme d’une organisation aux contours opaques, certes, mais très influente en Chine, au Japon et dans d'autres tigres de l’économie asiatique, Nello Scavo constate que, vrais ou faux, ces titres n'en ont pas moins servi à excercer diverses pressions pour tenter d'obtenir des avantages politiques et économiques (Come se, falsi o no che siano, quei titoli fossero lo strumento di pressione usato per ottenere vantaggi politici ed economici).
Et financiers, ajouterais-je, comme je l'explique à propos du "faux vrai" bon d'une valeur nominale de 870 millions de dollars, émis 50 ans auparavant par ce qui était alors le Crédit Suisse, le 14 août 1961, au nom du dictateur indonésien Soekarno, dont les magistrats italiens écrivaient dans l'ordonnance de saisie :
Car au-delà des apparences, je subodore quelques raisons sous-jacentes inavouables motivant cette soudaine loquacité d'un quotidien pas particulièrement connu pour véhiculer des ragots, qui publie une telle info :
- à un moment où les relations entre l'État italien et le Vatican sont particulièrement tendues,
- à un moment où les luttes intestines internes au Vatican livrent en pature au grand public les secrets rapports de force agitant les couloirs de Saint-Pierre, et
- à un moment crucial où se joue la prochaine ratification - ou pas - de la future législation anti-blanchiment du Saint-Siège, qui indiquera à la communauté internationale si le Vatican entend continuer à se positionner comme un paradis ... fiscal - ou pas.
AsiaNews vient de publier une mise à jour (IT) (EN) intitulée « Tout porte à croire que les titres américains saisis à Chiasso sont authentiques ! »
Donc avant de rédiger ce billet, permettez-moi de reprendre le post-scriptum de mon précédent billet sur la crédibilité d'AsiaNews :
site géré par père Bernardo Cervellera, missionnaire de l'Institut Pontifical des Missions Étrangères, ex-directeur de Fides (1997-2002), l’agence de presse du Vatican, qui a vécu à Pékin et collabore actuellement au quotidien «Avvenire» et intervient comme expert de politique internationale dans des émissions télé de premier plan...
Une source reconnue, dont l'intégrité est difficile à mettre en cause !
Ceci étant précisé, voyons ce que nous dit ce nouvel article.
1. D'abord il revient sur les déclarations du porte-parole du Trésor américain, Meyerhardt, et du porte-parole de la CIA, Darrin Blackford, qui ont affirmé que les titres étaient faux, tout en s'interrogeant sur la façon dont la CIA est parvenue à cette conclusion (via Internet ?), puisque selon les sources officielles italiennes, la commission d'experts américains attendue en Italie doit encore arriver...
Il précise également que les titres étaient accompagnés d'une documentation bancaire récente et ORIGINALE, et se demande par conséquent comment les autorités américaines peuvent établir que cette documentation aussi est fausse, dès lors qu'elle ne provient ni de la Fed ni du Trésor des États-Unis ?
2. Il insiste ensuite sur l'incarcération d'Hal Turner, qui fut le premier à indiquer - dès le 20 juin - que les titres étaient en possession de deux employés du Ministère japonais des Finances, et que d'après les numéros de série, les 134,5 milliards $ faisaient partie des 686 milliards $ de la dette U.S. officiellement détenue par le Japon. Il annonçait par ailleurs que dans les jours suivants il aurait été en mesure de communiquer les numéros de série pour prouver leur authenticité (TRN has been told to expect to receive serial numbers from the bonds as proof they are real. In addition, our source claims he can obtain scanned images of some of those bonds as well. If we are given such information or images, we will report them publicly.)
Or le 24 juin Hal Turner, personnage fortement controversé, a été incarcéré, apparemment pour des menaces qu'il aurait précédemment proférées contre des juges...
AsiaNews, sans se prononcer sur la crédibilité des infos relatées par Turner, remarque cependant qu'il fut en son temps à l'origine de révélations sur l'amero...
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Je vous incite à relire l'intégralité du billet...Mais revenons-en maintenant à la page d'hier de l'Avvenire pour l'analyser dans le détail, en commençant par les deux encadrés du bas, celui-de gauche remémorant l'opération Vulcanica et l'affaire du plutonium (à noter que le journaliste qui signe l'article, Nello Scavo, s'est occupé en décembre dernier du trafic de barres d'uranium impliquant Guido Garelli, dont j'ai déjà parlé...), et celui de droite la saisie des 180 milliards $, qui a également fini en eau de boudin...
Titre : Des leaders mondiaux également impliqués dans l'affaire des bons de Chiasso (Anche leader mondiali nel giallo dei bond Usa)
Sous-titre : "Faux" bons d'une valeur de 134 milliards. Et un procès "impossible" (Titoli "falsi" per 134 miliardi. E una causa "impossibile")
Intertitre : Intrigues et finance (Finanza e intrighi)
C'est à dessein que je traduis "bond Usa" par "bons de Chiasso", car c'est à eux que fait référence, de façon erronée, le journaliste de l'Avvenire, en reliant directement la saisie de Chiasso et le procès (Invece il caso dei 134 miliardi di dollari in bond Usa sequestrati a Como nel 2009 è finito davanti alla Corte distrettuale di New York) : or comme je le précise sur ma page dédiée aux 279 milliards de dollars, les titres subtilisés à Neil Keenan revendiqués dans le procès représentent une contrevaleur de 144,5 milliards de dollars, tandis que les titres saisis à Chiasso à Yamaguchi et Watanabe sont différents, et ils représentent "officiellement" une contrevaleur de 134,5 milliards de dollars...
Ceci dit l'avocat de Keenan explique de façon détaillée la saisie de Chiasso, donc l'erreur est compréhensible si l'on fait une première lecture rapide de la centaine de pages de l'assignation. Un avocat dont le journaliste nous dit qu'il est partenaire du cabinet juridique Bleakley Platt & Schmidt, "l'un des plus cotés de New York" (L’atto di citazione è stato depositato dallo studio legale Bleakley Platt & Schmidt, uno dei più quotati della Grande Mela...), d'où l'interrogation suivante :
« Pourquoi l'un des plus importants cabinets d'avocats de New York accepterait-il, quand bien même en étant confortablement rémunéré, de se mettre à dos les principales institutions de son pays, y compris le FBI et la CIA, et de risquer par ailleurs une mise en accusation pour avoir produit de faux documents ? ». Me William Hughes Mulligan, qui dirige l'équipe juridique en charge de l'affaire, n'entend pas dévoiler ses cartes et se limite simplement à exprimer "son désaccord respectueux avec les déclarations de Darrin Blackford", l'agent des services secrets américains qui a indiqué dans un courriel envoyé à l'Avvenire que "les bons saisis étaient de faux titres".
«Perché mai uno dei più importanti studi legali di New York avrebbe dovuto accettare, anche se ben remunerato, di mettersi contro le principali istituzioni del proprio Paese, compresi Fbi e Cia, rischiando peraltro una incriminazione per aver prodotto documenti contraffatti?». L’avvocato William Hughes Mulligan, che guida il gruppo di legali che segue il caso, non vuole scoprire le carte, limitandosi a «rispettosamente dissentire dalle affermazioni di Darrin Blackford». Questi altri non è che un agente speciale dell’United States Secret Service, il quale in una mail ad Avvenire spiegò che «i titoli sequestrati sono strumenti fittizzi».Le journaliste a donc contacté directement certaines des personnes impliquées dans l'enquête et le procès, dont Neil Keenan lui-même pour lui demander quelle preuve il donnait de l'authenticité des titres qu'il revendiquait. Keenan a répondu rapidement en transmettant au journal une copie d'une lettre de créance d'UBS (document bancaire classé "Top Secret"), datée de 2001, dans laquelle la banque attestait que les titres saisis ensuite à Chiasso et déclarés faux en 2009 par le gouvernement des États-Unis étaient bien négociables.
(Quando gli chiediamo la prova dell’autenticità dei titoli, prontamente ci trasmette copia di una lettera di credenziali con cui nel 2001 la banca svizzera Ubs attestava la spendibilità dei bond poi sequestrati a Chiasso e dichiarati "fittizzi" dal governo americano. Il documento bancario è classificato come "Top secret".)
Le journaliste a contre-vérifié ensuite auprès du siège de l'UBS à Zurich, qui a répondu dans la demi-heure que le certificat était faux, en précisant que le papier à en-tête portait le logo de l'Union des Banques Suisses qui n'existait déjà plus à l'époque, suite à la fusion, en 1998, entre l'Union de Banques Suisses et la Société de Banques Suisses, et que depuis UBS AG ne représente pas un sigle mais le nom légal de la société. Donc même si les tampons et les signatures semblent authentiques, le fonctionnaire de la banque précise : « Il n'est pas à exclure que des escrocs aient pu se servir d'un vieux papier à en-tête pour donner une apparence d'authenticité à des titres habilement contrefaits. »
(«Non è da escludere che qualche truffatore – spiega una fonte interna di Ubs – possa aver usato vecchia carta intestata per rivestire di autenticità titoli abilmente contraffatti».)
Pour autant, tout en mentionnant la "Dragon Family", dont il parle comme d’une organisation aux contours opaques, certes, mais très influente en Chine, au Japon et dans d'autres tigres de l’économie asiatique, Nello Scavo constate que, vrais ou faux, ces titres n'en ont pas moins servi à excercer diverses pressions pour tenter d'obtenir des avantages politiques et économiques (Come se, falsi o no che siano, quei titoli fossero lo strumento di pressione usato per ottenere vantaggi politici ed economici).
Et financiers, ajouterais-je, comme je l'explique à propos du "faux vrai" bon d'une valeur nominale de 870 millions de dollars, émis 50 ans auparavant par ce qui était alors le Crédit Suisse, le 14 août 1961, au nom du dictateur indonésien Soekarno, dont les magistrats italiens écrivaient dans l'ordonnance de saisie :
Même si le Crédit Suisse nous a informé que le titre était faux, nous ne pouvons considérer cette réponse authentique car la banque avait tout intérêt à empêcher qu'il soit négocié. En revanche, les preuves rassemblées durant l'enquête nous portent à croire que le titre est vrai, car, durant les écoutes téléphoniques, aucun des personnages interceptés n'a jamais mentionné qu'il était faux, pas même lorsqu'ils parlaient entre eux, en indiquant au contraire que les établissements financiers impliqués avaient montré un réel intérêt pour négocier le titre, y compris après avoir effectué leurs propres contrôles préliminaires en activant des canaux parallèles pour en vérifier l'authenticité.Voyez-vous par hasard quelque analogie avec l'affaire qui nous occupe aujourd'hui ?
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Je conclurai ce billet sur une deuxième "erreur" que commet le journaliste, en nous proposant comme photos de Akihiko Yamaguchi & Mitsuyoshi Watanabe ce qui n'est en fait que la photo d'un seul et même personnage, dont j'ai eu l'occasion de parler ici :
Ce serait quand même curieux qu'il s'agisse de Yohannes Riyadi (alias Wilfredo Saurin) et Joseph Daraman, déjà bien connus et dont les noms avaient été évoqués dans la première affaire...Comparer avec les photos des passeports ici. Ceci dit, je trouve la coïncidence curieuse, juste au moment où le nom de Yohannes Riyadi revient sur le devant de la scène, prononcé ce mois-ci devant le Parlement britannique par Lord James of Blackheath (la chose n'aura pas échappé à qui lit les commentaires), lequel dénonce un "présumé" blanchiment d'argent d'une valeur de ... 15 000 milliards de dollars, qui aurait été réalisé en "avril-mai 2009" (date de la saisie de Chiasso : juin 2009...), en transitant par la Royal Bank of Scotland :
Mais j'approfondirai ça dans un prochain billet, car ça vaut son grain de sel ! Avec quelques connexions insoupçonnées...