Le second marché des noms de domaine sur InternetPréambule
Le second marché
Sedo
* * *
PréambulePour s’assurer une
présence globale sur Internet, le point de départ absolu est le
nom de domaine, d’où l’importance cruciale de son choix.
Sans vouloir entrer dans les détails (le sujet mériterait un billet à part entière), citons quelques caractéristiques essentielles pour un bon domaine :
- court : souvent, plus un nom est court, plus il confère d’autorité à votre site, il le crédibilise en quelque sorte ;
- accrocheur : facile à mémoriser pour les internautes, qui sont donc plus facilement fidélisables (faire en sorte qu’ils reviennent…) ;
- unique : là encore, l’originalité et la créativité font sortir le nom du lot ;
- descriptif : doit expliciter le cœur de métier, le service clé, la marque, etc.
- et ainsi de suite.
Autant d'attributs auxquels tout internaute averti ajouterait le fameux «
dot-com », que ce soit un
.COM.
Quant à la distinction «
nom générique » vs. «
nom de marque » (ou «
nom marqué », pour mieux traduire «
branded domain »), il y a des partisans dans les deux camps, tout dépend des intentions/ambitions de chacun(e).
Un domaine qui contient un nom générique est plus facilement positionnable dans les moteurs de recherche, d’où un trafic accru, notamment en
saisie directe, parfois loin d’être négligeable. Pour autant, les génériques, même pertinents, ont souvent
moins la cote que leurs équivalents de marque, plus prestigieux.
Les anglo-saxons qualifient les noms de domaine de «
real estate », l’immobilier de l’Internet. Ils savent de quoi ils parlent, puisque c'est aux États-Unis que sont hébergés plus des 2/3 de tous les domaines de la planète :

La métaphore est particulièrement bien choisie vu les similarités entre monde réel et espace virtuel : dans l’un nous avons une adresse physique avec un immeuble, un hôtel, une villa, etc., dans l’autre une adresse IP associée à un nom de domaine avec site (construit) ou sans (stationné), dans l’un nous avons des quartiers huppés ou des bas-fonds, dans l’autre des domaines de classe ou de dernière zone, ici le palais Brogniart et là Stocks.com, ici Pigalle et là Sex.com (le nom le plus cher de l'histoire d'Internet à ce jour, pour l'acheter,
14 millions de dollars ont été déboursés, seul mot qui convient :-), etc.
Or même si en théorie les adresses
IPv6 sont infinies, et la
connectivité pratiquement illimitée (
avec une population humaine de 50 milliards d'habitants, où chaque personne disposerait d'une centaine d'accès Internet il y aurait assez d'adresses pour que chaque ordinateur, imprimante, téléphone mobile, console de jeu, système d'alarme, réfrigérateur, cafetière ... ait un accès Internet complet avec une adresse IP unique pour chaque appareil…),
les domaines correspondants sont loin d’être aussi répandus, notamment en .COM (les plus prisés, ils dépassent les trois quarts de parts de marché, même si les extensions alternatives connaissent un succès croissant, y compris celles liées à certains noms de pays), autant pour des raisons historiques que pour leur potentiel commercial.
Par ailleurs, plus Internet prend de l’âge, plus la possession d’un nom en .COM devient un signe d’antériorité, qui finit par conférer une certaine légitimité à son détenteur.
Ainsi la possibilité que les meilleurs s’épuisent n’est plus seulement un risque, mais bel et bien une réalité. C’est là qu’intervient
le second marché.
[Début]* * *
Le second marchéSorte de bourse aux domaines, c’est le lieu virtuel où se vendent, s’achètent et s’échangent les noms déjà enregistrés (d’où «
second marché », ou «
aftermarket » en anglais), des traditionnels .COM, .NET et .ORG aux
IDN derniers nés. Sur ces places de marché dédiées («
Domain marketplaces »), il est possible de négocier en temps réel des millions de domaines, une habitude très ancrée chez les anglo-saxons et malheureusement peu pratiquée par les francophones. Même si la situation évolue…
Mais pourquoi ce troc, me direz-vous ? Simplement parce que la plupart des noms aujourd’hui disponibles à l’enregistrement sont ceux qui ont le moins de « prix », en termes d’image et de capacité à véhiculer les valeurs d’une marque ou d’une entreprise.
Selon l’étude
Interesting Facts About Domain Names, signée
Dennis Forbes (immédiatement promu expert ès-domaines par
The Wall Street Journal), publiée fin mars et analysant les noms en .COM (environ 47,7 millions de domaines, hors IDN),
100% des domaines de 2 et 3 lettres étaient déjà pris, respectivement sur 676 (2 lettres), 1296 (1 lettre + 1 chiffre), 17 576 (3 lettres) ou 46 656 (combinaison lettres + chiffres) séquences possibles (essentiellement des sigles), tandis que restaient disponibles 97 786 quatre caractères (sur 456 976 combinaisons) et environ 11 015 028 cinq caractères (sur 11 881 376 possibilités). Certes, il pourrait sembler qu’avec presque 90% de 5 caractères encore disponibles on peut toujours trouver son bonheur. Or à moins de vouloir prendre un nom d’étoile,
il est sûr que les quelque 900 000
domaines de cinq caractères
déjà enregistrés couvrent toutes les significations/marques décentes.
Pénurie aussi au niveau des noms et prénoms, tant masculins que féminins, et bien que l’étude concerne en premier lieu les États-Unis, il est clair que c’est du pareil au même dans les autres pays. La France ne fait pas
exception.

Le deuxième volet de l’étude, intitulé
Domain Name Analysis - More Fascinating But Entirely Useless Charts, expose d’autres curiosités et graphiques, tels que celui-ci sur la diversité et la longueur des noms, dont il nous dit que
la longueur moyenne plus représentée est de 11 caractères (sur 63 maxi).

Une moyenne qui s’allonge, puisqu’elle n’était que de
10 caractères en 2001.
Tout cela pour dire qu’avec cette pléthore de noms enregistrés,
la pénurie de domaines disponibles en .COM va aller en s’aggravant. Mais
le malheur des uns faisant le bonheur des autres, il est évident que cette disette est
une opportunité à saisir pour les acteurs du second marché.
Indépendamment du nom qu’on voudra bien leur donner :
domaineurs (
domainers),
courtiers en domaines (
domain brokers),
négociateurs,
spéculateurs, etc., l’étendue de leurs services s’accroît tous les jours et va de l’évaluation d’un nom (
appraisal), passe par toutes les étapes intermédiaires, jusqu’à son transfert post-achat, une phase particulièrement délicate (si le détenteur des droits est dans un pays exotique, par exemple, outre les problèmes linguistiques, les risques de fraude sont toujours aux aguets).
Des systèmes d’enchère sur les noms se mettent également en place, tels que celui dernièrement imaginé par
SnapNames, dans lequel des partenaires majeurs de l’industrie des domaines proposent quotidiennement les noms arrivant à expiration avant qu’ils ne redeviennent disponibles au public.

Ces enchères durent trois jours au maximum, délai pendant lequel quiconque peut participer à n’importe quel moment, et le domaine est adjugé au mieux-disant, même s’il n’y a qu’un offrant.

De même, une liste journalière des domaines expirés est consultable sur
Pool.com, avec des fourchettes de prix entre 8,00 $ et ...
Sky is the limit !
L’autre grand business du second marché est celui du
stationnement des noms sur des pages parking, monétisables par les liens sponsorisés des grandes régies mondiales, dont
Google, pour n'en citer qu'une. À ne pas confondre avec les
bidonnages en tout genre (bien que la frontière soit parfois
floue), dénoncés par
Bob Parsons sous l’appellation de
domain kiting, qui sont le seul fait des registreurs. Juste pour donner un exemple évident : le 14 août,
Dotster a enregistré 281 351 domaines, un pic parfaitement visible sur le graphique suivant :

Or croyez-vous que ça corresponde à autant de demandes d’enregistrement provenant de clients réguliers ? Un phénomène que devrait bientôt combattre
la longue traîne des noms de domaine…Donc, pour en revenir au second marché, les opérations mentionnées ci-dessus sont autant de transactions où chaque courtier devrait tenir de bout en bout son rôle de
tiers de confiance.
[Début]* * *
SedoJ’ai décidé de m’intéresser à
SEDO (Search Engine for Domain Offers), car c’est le seul acteur majeur du second marché qui a une dimension véritablement européenne et joue aussi dans la cour des grands :
les États-Unis.
La société, qui vient de fêter son cinquième anniversaire début août, a été créée en 2001 par trois étudiants, Tim Schumacher, Ulrich Priesner et Marius Wuerzner. Siège social à Cologne et filiale à Boston, elle emploie aujourd’hui une centaine de personnes et exploite un portefeuille de 5 millions de domaines, pour le compte de 350 000 clients issus de plus de 240 pays, avec un volume mensuel de transactions dépassant 3 millions d'euros. Et la tendance est à la hausse, comme nous l’explique ce
communiqué de presse.

Grâce à sa plateforme d’enchères anonymisée, vendeurs et acheteurs potentiels négocient l’offre et la demande des noms.
Elle propose en outre l’un des principaux services de
parking de domaines pour les francophones (entre autres), tout en voulant se
démarquer des différentes formes de
typo-squatting ou cyber-squatting. Selon
François Josse, Sedo France,
quelques mois après la libéralisation du .FR, les noms stationnés chez nous avec cette extension ont augmenté de 150% et les revenus associés de 300% !
D’après l’
une de leurs études, les ventes totales de domaines ont été multipliées par six au cours des trois dernières années, et en 2005 le volume des transactions a doublé par rapport à l’année précédente, dégageant un C.A. supérieur à 9 millions d’euros, pour un prix de vente moyen de 1 860,00 € par domaine en .COM :

Ce qui semble plutôt prometteur pour l’avenir. Écoutons Tim Schumacher (photo), Directeur Général :
En outre, de nombreux pays ont assoupli leurs conditions en termes d’achat-vente de noms de domaine. Cette tendance devrait se confirmer et le marché devrait connaître ces prochaines années une croissance soutenue.
Et d’ajouter : «
Nous prévoyons de dépasser les 10 millions de domaines en vente sur Sedo d’ici à deux à trois ans. »

Déjà, en 2002, l’entreprise annonçait, dans un communiqué intitulé
Presque un nom de domaine sur deux est à vendre : «
Les noms de domaines encore disponibles sur le marché sont un bien rare… Qui veut se faire une place sur Internet ne dispose que d'un choix restreint. »
En fait, le portefeuille de noms en .COM n’est pas extensible à l'infini, et s'il totalise grosso modo les 3/4 de plus de 72 millions de domaines enregistrés aujourd'hui, il ne devrait plus représenter qu'une portion bien moindre des quelque
240 millions de domaines prévus à l’horizon 2010. D'où l'importance de réserver dès à présent, car dans la logique d'attribution des noms, c'est la loi du « premier arrivé, premier servi ». Or comme aiment à le répéter les anglo-saxons, «
Second place is first looser » : la deuxième place est celle du premier perdant...

Quant au marché français, suivra-t-il l’évolution ? Tous les espoirs sont permis, même si ce n’est pas gagné d’avance ! En réponse à un de mes courriels, Joël Ghebaly, responsable Marketing & Commercial, déclare :
Pendant que le principal souci de mes collègues anglophones est de fidéliser nos clients face à la concurrence, (en France) nous en sommes encore à expliquer qu'il n'est pas illégal de revendre un nom de domaine !
Certes, si les personnes chargées de relayer l'actualité auprès du grand public, comme certains
journalistes de Silicon.fr par exemple (les mêmes qui n'ont pas l'air d'être trop dérangés lorsqu'ils sont
plagiés), ne retiennent du second marché que les aspects négatifs (cf. le
cybersquatting) en l'assimilant en termes particulièrement mal choisis à «
un marché souterrain, un marché gris », aux mains d'«
individus ou de groupuscules quasi-mafieux », on voit mal comment sortir de ce cercle vicieux. Toujours cette marotte bien franco-française de titiller la peur et la crainte, de brandir l'aspect sécuritaire pour foutre la trouille aux gens, juste histoire de les rendre plus dociles.
Ce n'est plus de l'information, c'est de la désinformation. Délibérément coupable. Ils feraient mieux d'apprendre à exercer correctement leur métier, le sensationnalisme à tout prix n'en fait pas partie...
Outre-Atlantique, en revanche, l'approche est diamétralement opposée. Tandis que les français voient le verre à moitié vide, les anglo-saxons le voient
à moitié plein :
But now the next wave is here in the form of the domain name aftermarket ... a time when previously registered domain names are coming back on the market as their registrations expire. It's a huge business with multiple companies dedicated to the business of backordering these names through a competitive bidding process. As marketers, what it means for many of our clients is a chance to get the domain names they always wanted.
Aujourd'hui la nouvelle vague déferle avec le second marché des noms de domaine... où les noms précédemment enregistrés arrivent à expiration et redeviennent disponibles. Une opportunité géante pour beaucoup de sociétés dédiées au réenregistrement de ces domaines via des processus d'enchères. En tant que marketers, cela signifie que nos clients ont maintenant une chance de récupérer les domaines qu'ils ont toujours voulu avoir.
Cherchez l'erreur...
En conclusion, si vous avez un nom en .COM, gardez-le jalousement, et si vous en détenez plusieurs, et bien pensez à réaliser la
valeur de ces « actifs virtuels » sur
le second marché. Pour terminer par l'analogie avec l'immobilier,
un domaine, c'est comme la pierre : un placement ! Un
investissement, soit pour y vivre, soit pour en tirer un revenu.
Ce n’est pas illicite ni honteux, c'est légal et respectable. Ce n’est pas de la fraude, c'est du commerce ! [Début]Lien connexe :
Le marché secondaire des noms de domaine, OCDE, mai 2006, PDF téléchargeable
P.S. Dernière minute : DNForum.com, le meilleur forum au monde où discuter, acheter et vendre des noms de domaine (récompensé en 2006 par un «
Name Intelligence Award »), vient tout juste d'annoncer son partenariat avec
iREIT, nouvel acteur devenu un
géant du second marché en quelques mois. Il faut dire que son président n'est autre que Marc Ostrofsky (photo), qui avait acheté
Business.com en 1997 pour la modique somme de 150 000 $, avant de le revendre deux ans plus tard pour la somme tout aussi modique de 7,5 millions de dollars. Encore une success story à l'américaine...

Dans l'espace francophone, les seuls acteurs d'envergure que je connaisse sont Stéphane Pictet et Stefan Renninger, de
Virtual Network, dont le portefeuille est bien garni avec plus de 400 top domaines : fleurs.com, assurances.com, cigares.com, vins.com, humour.com, jeux.com, acheter.com, allo.com, concours.com,
gratuit.com, livres.com, madame.com, mariage.com, portail.com,
musique.com, tourisme.com, etc., sans oublier le petit dernier,
annonces.com (acheté sur
Sedo), pour un réseau qui aurait généré au mois d'avril 2006, selon Médiamétrie, plus de 12 millions de visites et 180 millions de pages vues. Un beau panel de noms génériques ... qui ne sont pas à vendre ! Quoique : j'ai vu
gratuit.com en vente sur ... Sedo, négociable autour de
150 000 euros !
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