samedi 3 mai 2025

Intelligence artificielle - Quatrième bloc

Intelligence artificielle - Premier bloc

Intelligence artificielle - Deuxième bloc

Intelligence artificielle - Troisième bloc

Les quatre blocs en PDF

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  1. L'intelligence artificielle et le marketing
  2. L'intelligence artificielle et la comptabilité
  3. L'intelligence artificielle et l'éducation
  4. L'intelligence artificielle et l'enseignement
  5. L'intelligence artificielle et la formation
  6. L'intelligence artificielle et les langues
  7. L'intelligence artificielle et la culture
  8. L'intelligence artificielle et les services publics
  9. L'intelligence artificielle et les loisirs
  10. L'intelligence artificielle et les bibliothèques

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1. L'intelligence artificielle et le marketing

Sur mon profil X-Twitter est restée la mention Translator & Interpreter | Content & Language Consultant | Branding & Web Marketing Coach for freelancers, qui témoigne de mon intérêt pour le Branding/Marketing. Entre 2008 et 2017 j'ai animé une dizaine de sessions dédiées aux professionnels des langues entre Tunisie, Italie et France, documentées sur SlideShare dans mes présentations et autre documentation (à ce jour globalement vues 200 000 fois). Mon introduction est la plus consultée :


Ainsi, en partant de tout le matériel didactique et formatif réalisé pour les langues, l'idée m'est venue de le retravailler pour en faire un guide pratique à l’intention des freelances, des consultants indépendants et de tous les professionnels libéraux travaillant en solo, mais également des TPE/PME-PMI à la recherche de pistes de réflexion et de méthodes pour promouvoir leur image et leur notoriété. En effet, les bouleversements en cours qui intéressent l'ensemble des professions libérales n'étant pas prêts de s'arrêter..., j'ai affiné SOLO² :


Déclinaison du SOHO (Small Office / Home Office), le SOLO² est un concept réactualisé du travail en indépendant, qui entend adapter une philosophie de Lean Office à une version « Small », personnalisée, en éliminant les nombreux gaspillages de temps, d’énergie et, donc, d’argent, qui caractérisent souvent la façon de travailler à domicile, et s’inspirer du branding & marketing à l’intention des auto-entrepreneurs et des professionnels exerçant en profession libérale, voire en portage salarial ou en société, qui sont ma cible de prédilection.

Toutefois ma conception du marketing reste artisanale, surtout orientée freelances. OK Boomer, me direz-vous, il serait temps de te mettre à la page !

Or le marketing n'est d'aucune utilité si vous n'avez rien à vendre : produits, services, ou votre professionnalisme. Donc a priori l'AI marketing concerne davantage les sociétés, bien que certaines applications de l'IA, orientées client, s'avèrent précieuses aussi pour les indépendants :

Côté production d'images et d'illustrations, DALL-E est un modèle d'intelligence artificielle développé par OpenAI (la même société qui est à l'origine de ChatGPT), dont le nom fusionne le D de Salvador Dalí à WALL-E (le robot de Pixar), pour symboliser sa capacité de créer des œuvres artistiques et technologiques, spécialisé dans la génération d'images à partir de descriptions textuelles

En fin de compte, le grand apport de l'IA est qu'au lieu de tout faire tout seul dans son coin, ça accélère le traitement de gros volumes d'infos en l'automatisant, y compris grâce à l'utilisation d'agents IA. Je vous laisse sur quelques lectures :
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2. L'intelligence artificielle et la comptabilité

Comme pour les autres professions, l'intelligence artificielle redéfinit les métiers de la comptabilité, dont beaucoup sont promis à disparaître, ou pour le moins à se transformer en profondeur. Dès 2013, dans The Future of Employment: How Susceptible are Jobs to Computerisation? (Oxford University), C.B. Frey et M.A. Osborne prévoyaient qu'environ 47 % du total des emplois aux États-Unis auraient dû faire face à un « risque élevé d'informatisation » au cours des deux décennies successives, à savoir d'ici le début des années 2030. 

En 2018, l'étude « L'impact de la révolution digitale sur l'emploi », de l'Institut Sapiens, classait la comptabilité parmi le top 5 des métiers en voie de disparition. Nous y sommes donc ! Selon le cabinet PWC, dans son rapport intitulé Will robots really steal our jobs?, les taux d'automatisation prévisibles menaçaient potentiellement jusqu'à 30 % des emplois au Royaume-Uni, 38 % aux États-Unis ou 35 % en Allemagne, contre seulement 21 % au Japon. 

Les services financiers seraient plus touchés que les autres secteurs par la première vague d’automatisation en cours, et l'arrivée d'outils comptables dopés à l'IA ne va certes pas tranquilliser les collaborateurs des cabinets : saisie des documents, facturation électronique, réconciliation de compte, rapprochement bancaire, automatisation des tâches répétitives, analyse des données, génération de rapports, conformité réglementaire, détection des erreurs, anomalies, fraudes, etc., toutes ces opérations autrefois chronophages ne prennent plus que quelques secondes et permettent de dessiner plus finement les tendances en cours, financières ou autres.

L'évolution est donc claire quant aux aspects difficilement remplaçables par l'IA :

  • Conseil stratégique : moins de temps consacré aux tâches mécaniques, plus d'accent sur les missions à haute valeur ajoutée
  • Jugement professionnel : les situations complexes requièrent une compréhension profonde du contexte économique et humain et une évaluation subtile des risques
  • Relation client : les dimensions humaines de confiance, d'empathie et de compréhension des problématiques spécifiques sont fondamentales pour chaque client
  • Innovation fiscale et financière : l'orientation des décisions stratégiques d'une entreprise conception et une optimisation individualisée

Une situation dont les contours étaient déjà tracés dès 2021, dans l'étude « L'attractivité et l'avenir de la profession comptable á l'horizon 2040 » du cabinet Sophos, qui indiquait : « À l’horizon 2040, les cabinets d’expertise comptable (…) seront devenus des sociétés multiservices, centrées et guidées par un objectif principal ; aider les entreprises à créer de la valeur et à piloter leur performance globale ». [Début]

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3. L'intelligence artificielle et l'éducation

L'éducation concerne l'individu en général et son développement global. Les parents éduquent (ou pour le moins devraient éduquer) l'enfant, l'adolescent (avec la collaboration de l'enseignement), puis la vie et les milieux sociaux et professionnels éduquent (ou pour le moins devraient éduquer) le jeune et l'adulte...  

Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Leur rôle consiste à poser les valeurs et les bases humaines et affectives sur lesquelles l’école, la société et la vie viendront construire ensuite.

Que vient faire l'IA là-dedans ? En fait, pas grand chose ! L'IA n'est qu'un outil, extrêmement puissant et perfectionné, certes, mais comme tous les outils, toutes les techniques, cela dépend de qui l'utilise et comment, quand, pourquoi, dans quelles circonstances, etc.

Au niveau des parents, l'IA pourrait faciliter leur rôle de curateurs de solutions éducatives et de médiateurs technologiques pour accompagner leurs enfants dans l'appropriation et l'utilisation des mille dispositifs désormais à leur portée et les guider dans leurs usages numériques (l'avons-nous fait avec la télévision et la presse, en matière d'éducation à l'image et de décryptage de l'information ?), pour peu que les parents eux-mêmes en soient capables, ce qui est encore loin d'être évident, avec dans certains cas des renversements de situation (ce sont les enfants qui aident leurs parents à mieux maîtriser les technologies, exemple de moi et mon fils, que je consulte régulièrement pour l'utilisation de mon mobile) (perso je fais un blocage sur le smartphone et ses myriades d'applis, trop invasif à mon goût)...

Selon moi l'éducation porte bien davantage sur les composantes abstraites de la transmission des valeurs (principes moraux et éthiques), du développement de l'identité, de l'élaboration des structures mentales, de l'intériorisation des normes sociales, du développement émotionnel et relationnel, de la transmission culturelle et du sens, justement en donnant du sens à l'existence. 

Bien qu'invisible, cette dimension abstraite de l'éducation, qui façonne profondément ce que deviendra l'enfant, se transmet souvent de manière implicite, à travers l'exemple parental, les récits, les discussions adaptées à chaque âge de l'enfant qui grandit, ainsi qu'à travers les expériences significatives partagées au sein de la famille et de la communauté.

C'est pourquoi, plutôt qu'à l'éducation, je vois l'IA mieux adaptée à la formation et à l'enseignement. Du reste les enseignants ne dépendent-ils pas du ministère de l'Éducation nationale ? Or quand on voit ce qu'est devenue l'éducation aujourd'hui en France, on peut s'interroger sur le choix du terme... Je trouve la dénomination italienne d'Instruction publique beaucoup plus pertinente (quand bien même le gouvernement Meloni l'a renommé en ministère de l'Instruction et du Mérite, le choix des mots n'est jamais neutre...) !

En conclusion, l'IA est parfaite - et fortement conseillée - pour répondre aux questions que se posent les parents d'une manière générale, et plus particulièrement sur l'éducation. En revanche, dans le lien parents-enfants, son rôle se limiterait plutôt à du soutien et de l'accompagnement, car jamais elle ne remplacera la bienveillance et l'amour de la relation humaine. Par conséquent je laisse à chacun(e) le soin de choisir ses propres outils, si besoin est... [Début]

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4. L'intelligence artificielle et l'enseignement

Lorsque l'on soumet aux moteurs du Web la requête "L'intelligence artificielle et l'éducation", la plupart des résultats renvoient à l'enseignement et non à l'éducation, alors qu'en toute logique le premier est une composante de la seconde.

Dans un cadre scolaire ou universitaire, la dimension cognitive de l'enseignement se focalise sur la transmission de savoirs et de compétences techniques. Dans ce contexte, l'IA n'a pas vocation à remplacer les enseignants/professeurs, mais plutôt à les assister pour personnaliser, optimiser et enrichir les processus d’apprentissage, à travers la personnalisation d'études de cas, l'adaptive learning, les tutoriels, la génération de quiz, de scénarios pédagogiques ou d'articles conçus par l'IA, la création de contenus en général (texte, images et autres...).

Comme dans beaucoup de domaines, nous allons donc vers une hybridation enseignement-IA, où le soutien de l'intelligence artificielle aux enseignants passe par la correction automatisée, la gestion des classes, l'analyse des besoins, voire l'accessibilité et l'inclusion pour les porteurs de handicaps (reconnaissance vocale pour les malentendants, synthèse vocale pour les malvoyants, ou traduction en temps réel pour les élèves allophones, etc.), l'enseignement dans des zones reculées (plateformes diverses) ou l'apprentissage immersif (IA + réalité virtuelle).

En bref, l’IA permet de transformer la façon d’enseigner, avec potentiellement un fort impact sur le rôle des enseignants, et de nouveaux enjeux, de nouveaux défis, de nouveaux dangers...

Quelques conseils et règles simples à respecter : explorer et tester les outils, en allant des plus simples aux plus complexes (pour la plupart, des tutoriels existent pour faciliter l’auto-formation) ; intégrer progressivement l'IA en classe, en commençant à utiliser ces outils en situation réelle avec les apprenants, tout en prévoyant des solutions alternatives pour pallier d'éventuels dysfonctionnements

Une dernière question : qui formera les enseignants ? [Début]

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5. L'intelligence artificielle et la formation

Les objectifs de l'enseignement sont les savoirs théoriques, ceux de la formation l'acquisition de savoir-faire et le développement de compétences pratiques dans des contextes professionnels ou techniques. On se forme soit pour un métier, soit pour se mettre à niveau et conserver son employabilité si on en a déjà un. La formation peut se dérouler dans des centres de formation professionnelle, des entreprises, des organisations, des ateliers, des lieux d'enseignement, ou via des programmes de développement personnel, des mises en situation (FEST), des séminaires, des stages, le e-learning, le tutorat, etc. Elle peut être continue, en alternance, à distance, programmée, etc., en vue d'acquérir de l'expertise, des soft skills, d'apprendre l'adaptabilité et la résilience..., cela dépend de différents facteurs : niveau d'études initial, objectifs professionnels, contraintes de temps et de budget, style d'apprentissage de chacun(e), et ainsi de suite.

L'IA intervient essentiellement pour personnaliser les parcours d’apprentissage, et améliorer l'engagement des apprenants. Il incombe à chaque responsable en charge de dispenser la formation de s'adapter aux contextes, aux équipes, et de considérer l'IA comme un outil pédagogique, non comme une solution miracle. Une entreprise peut également décider d'intégrer l'IA en interne pour former ses collaborateurs ou leur servir d'assistant numérique, voire de coach personnel.

Quelques liens pour vous inciter à approfondir :

Bonne lecture ! [Début]

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6. L'intelligence artificielle et les langues

En général, dans le binôme "intelligence artificielle et langues", il est question d'apprentissage/enseignement des langues (essentiellement vivantes, mais pas seulement), et donc des ressources que l'IA peut mettre à disposition des élèves/enseignants. Pêle-mêle :
Autres ressources documentaires :

Enfin, on ne peut mener une réflexion sur l'intelligence artificielle et les langues sans évoquer Duolingo et Google...

Je m'étais intéressé à Luis von Ahn il y a plus de 10 ans dans une de mes présentations, diapositive n° 35 intitulée « Apprendre gratuitement les langues en traduisant le Web » :


La société, devenue depuis l'un des acteurs incontournables de l'apprentissage des langues, vient juste de lancer 148 nouveaux cours de langue élaborés à partir de l'IA :
Developing our first 100 courses took about 12 years, and now, in about a year, we’re able to create and launch nearly 150 new courses. This is a great example of how generative AI can directly benefit our learners. This launch reflects the incredible impact of our AI and automation investments, which have allowed us to scale at unprecedented speed and quality.
En gros, « Nous avons mis à peu près 12 ans pour développer nos 100 premiers cours, et tout juste un an pour lancer près de 150 nouveaux cours : c'est là un formidable exemple des avantages de l'IA générative pour nos apprenants, et cela témoigne de l'impact exceptionnel de nos investissements dans l'IA et l'automatisation, qui nous ont permis d'évoluer à une vitesse sans précédent et avec une qualité remarquable. »

Sa nouvelle devise est AI-first ! Ça doit être un partisan de MAGA (Make AI Great Again)... Dans la foulée, il a donc viré 10% de ses salariés. Voici la lettre qu'il leur a adressée :

L'avant-dernier paragraphe est intéressant : 
Ceci étant dit, Duolingo reste une entreprise qui se soucie profondément de ses employés. Il ne s'agit pas de vous remplacer par l'IA. Il s'agit de supprimer les goulots d'étranglement afin de pouvoir exploiter pleinement les personnels exceptionnels dont nous disposons déjà. Nous souhaitons d'abord que vous vous concentriez sur le travail créatif et les problèmes concrets, plutôt que sur des tâches répétitives. Nous allons donc vous accompagner en vous proposant davantage de formations, de mentorat et d'outils pour exploiter l'IA dans le cadre de vos fonctions.
Un joli petit tableau que Google vient chambouler en annonçant trois outils d'apprentissage des langues basés sur l'IA (Tiny Lesson, Slang Hang et Word Cam). Et Google, c'est ... Google !
  • Tiny Lesson est conçu pour une acquisition de vocabulaire ciblée. Les utilisateurs choisissent une langue et un thème (voyages, gastronomie, affaires) et reçoivent instantanément une liste de mots pertinents, accompagnée d'extraits audio et de définitions.
  • Slang Hang offre aux utilisateurs un aperçu du langage courant en simulant des conversations réelles intégrant l'argot local (toutefois, Google met en garde les utilisateurs contre toute inexactitude éventuelle générée par l'IA).
  • Word Cam est un outil de traduction d'images amélioré permettant à l'internaute de prendre des photos de scènes du quotidien. Les objets contenus dans ces images sont instantanément étiquetés dans la langue choisie, alliant ainsi le contexte réel à l'enrichissement du vocabulaire.
Pour l'heure, ces outils ne sont ouverts à l'exploration que sur la plateforme expérimentale de Google (certaines options prenant même en charge des dialectes régionaux). Or si l'avenir de cet écosystème en évolution n'est pas encore totalement assuré, son existence signale d'ores et déjà une accélération vers des systèmes d'apprentissage interactifs et adaptatifs.

La bataille des langues entre dans une nouvelle phase, et la concurrence pour les solutions telles que Duolingo et les autres va être rude (notamment avec l'arrivée d'un nouvel acteur : NVIDIA !)... [Début]

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7. L'intelligence artificielle et la culture

Dès 2020, une mission « Intelligence artificielle et culture », commanditée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), a produit un rapport « fruit d’une réflexion menée à partir d’auditions, de contacts informels et de nombreuses lectures », selon ses auteures, Alexandra Bensamoun (professeure à l’Université de Rennes 1) et Joëlle Farchy (professeure à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).


Je signale ce rapport à toutes fins utiles, car il aborde très largement les problématiques juridiques, certes incontournables, mais ce n'est pas du tout l'angle d'approche que je privilégie. Je suis plutôt branché "culture et création", et donc sur le rôle de l'IA, entre imitation et innovation culturelle, dans la production culturelle et la création liée à toute forme d'expression (art pictural, musique, cinéma, littérature, etc.), d'où les questions de la place de l'artiste / du créateur dans la chaîne et de la pertinence de l'intervention humaine dans le processus créatif.

Ainsi que sur leur corollaire : la "consommation" de culture (la consommation culturelle inclut tous les biens et services acquis pour satisfaire les besoins liés à la culture), que l'on appelle fréquemment aujourd'hui la "culture de masse" (comprendre les choix : 600 pages de thèse !)...


Le mode de production influant le mode de consommation, et réciproquement, dans une boucle évolutive où l'IA intervient - et interviendra de plus en plus - à tous les niveaux, en tenant compte du fait que la culture n'est pas, a priori, un objet de consommation comme les autres, et qu'elle génère un comportement des consommateurs toujours plus complexe :
À l’heure actuelle, on observe l’existence d’un « homo consumericus de troisième type », c’est-à-dire un « turbo consommateur flexible » (décalé, mobile) totalement libéré des anciennes cultures de classe, imprévisible dans ses goûts, à la recherche d’expériences émotionnelles et de mieux-être, de qualité de vie, d’authenticité, d’immédiateté.

D'autre part, il est désormais notoire que l'IA, pour entraîner ses moteurs, est à la recherche permanente de données qui ne lui appartiennent pas mais qui ont été créées par d'autres, les véritables titulaires des droits... Donc la transparence des fabricants d'IA dans l’utilisation des contenus qu'ils "pompent", outre devenir si possible un "levier de rémunération" pour les auteurs (j'ai observé que les robots conversationnels d'IA indiquent toujours plus fréquemment les sources de là où ils vont puiser leurs raisonnements), est en fait une véritable reconnaissance de la paternité des contenus.

Côté consommateurs, bien que, potentiellement, toutes et tous aient "librement" et "gratuitement" accès à la culture, qui s'est considérablement démocratisée, en réalité de nombreuses fractures (pas seulement numériques) entre classes sociales et générations entravent cet accès. Il devrait y avoir un nivellement par le bas, au sens positif, où la base de la pyramide des utilisateurs devient toujours plus large et inclusive. Car dans la réalité, aujourd'hui nous assistons plutôt à une IA dominante de sens contraire, avec une « homogénéisation culturelle forcée engendrée par les outils d’IA, essentiellement entraînés avec des textes écrits en anglais à l’aide d’algorithmes rédigés en langue anglaise, qui sont conçus pour des contextes propres aux économies avancées et alignés sur les valeurs de ces dernières. » 

Il s'ensuit que les outils et services d’IA s’adaptent souvent mal aux environnements des cultures et des pays non anglophones, et que leurs résultats dans les langues locales laissent beaucoup à désirer. Cette situation entame la confiance dans l’IA et ralentit son adoption par celles et ceux qui se trouvent du mauvais côté de la fracture numérique grandissante.

Alors qu'au contraire l'IA devrait contribuer activement à éliminer ces fractures, ou pour le moins à les atténuer, en facilitant dans toutes les langues un accès équivalent aux œuvres et à la production culturelle lato sensu.

En France, Mistral.ai tente de réduire le biais anglo-saxon de l'IA. [Début]


8. L'intelligence artificielle et les services publics

L'IA pourrait bien moderniser les services publics, MAIS, ne pas confondre vitesse et précipitation : les annonces tonitruantes des politiques d'un côté, la réalité du terrain de l'autre...

J'ai déjà traité dans mes quatre blocs le rapport entre IA et nombre de ces services publics (éducation, santé, sécurité, droit, transports, etc.), mais pas encore de la contribution, par l'intermédiaire de l'IA, de l'État, des collectivités locales ou d'autres entités publiques et administratives au déploiement de ces services, dont quelques-unes des caractéristiques principales sont les suivantes :
  • Intérêt général (réponses à des besoins collectifs de la société) 
  • Accessibilité [destinés à l'ensemble des citoyen(ne)s, indépendamment de leur situation psycho-physique,  géographique, financière ou sociale]
  • Qualité (normes de qualité minimales pour en assurer l'utilité)
  • Continuité et amélioration continue (services fournis de manière régulière et constante, sans en compromettre la fourniture, même en cas de perturbations ou de crises, y compris via la dématérialisation)
  • Adaptabilité [selon les évolutions de la société et les besoins changeants des citoyen(ne)s] [le paradoxe étant qu'il y a parfois renversement de l'adaptabilité des services publics vers l'adaptabilité des usagers, qui doivent être capables de faire les démarches en ligne parce que le progrès prend ce sens (nombre d'usagers ne pouvant bénéficier des services publics s'ils ne s'adaptent pas, d'où le concept de "maltraitance institutionnelle"...)]
  • Efficacité (capacité des prestataires publics d'atteindre les objectifs fixés en utilisant les ressources de manière judicieuse)
  • Responsabilité (des prestataires publics)
Si l'on en croit le Conseil d'État, l'IA et l'action publique doivent construire la confiance et servir la performance, en permettant d'assister l’humain dans des tâches impossibles à réaliser jusque-là...

Et puisque l'on parle de l'État, à côté des services publics, il y a aussi les services régaliens, à savoir ses missions et prérogatives essentielles, indispensables à l'exercice de sa souveraineté et à la garantie de l'ordre public :
Je les mentionne uniquement par souci de précision, car cela sort des visées (modestes) du présent billet. Je terminerai en signalant une récente publication de la CNIL sur le sujet (notamment ses recommandations relatives à l'emploi) :

[Début]

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9. L'intelligence artificielle et les loisirs

Qu'il s'agisse du divertissement ou du tourisme (activités menées pendant le temps dont on peut librement disposer en dehors de ses occupations et contraintes habituelles), une récente étude indique les loisirs les plus populaires en France en 2024 :


En clair, par ordre d'importance :
  1. Les voyages, le tourisme
  2. Les livres et la lecture
  3. La musique
  4. Le jardinage
  5. Les spectacles, le cinéma, le théâtre, les concerts, etc...
  6. Le bricolage
  7. L'aménagement et la décoration de la maison
  8. L'actualité sportive ou le sport
  9. L'actualité politique et sociale
  10. La mode, les vêtements
  11. Les sciences
  12. L'actualité économique et financière
  13. Les techniques, en général ou dans certains domaines
  14. Les arts (peinture, sculpture, gravure, photographie d'art)
Sans fournir de liens à chaque fois sur "IA et ceci" ou "IA et cela", je vous propose de saisir vous-même les requêtes "IA + secteur" dans les moteurs et d'analyser les nombreux résultats (signe que l'IA est désormais omniprésente dans tous les domaines) ou, mieux encore, de tester directement les IA ci-dessous :
avec le prompt suivant (ou l'invite, si vous préférez) :
« Quel est l'impact de l'intelligence artificielle sur la cuisine [ou l'un des 14 secteurs ci-dessus] »
Et d'étudier ensuite les réponses, y compris les sources, lorsqu'elles sont mentionnées, puis de comparer (aussi bien entre les IA qu'entre les résultats des IA et ceux des moteurs de recherche). J'en ai fait moi-même l'expérience et je vous en parle au point suivant... [Début]

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10. L'intelligence artificielle et les bibliothèques (livres et documentation lato sensu)

Au Canada et, au-delà de ses frontières, partout dans le monde :
L'IA aide les bibliothèques à relever des défis complexes et à répondre aux besoins changeants des chercheurs, des éducateurs et des étudiants, dans des domaines tels que l’analyse de données, la découverte de ressources et les services personnalisés aux utilisateurs. En adoptant ces innovations, les bibliothèques de recherche jouent également un rôle essentiel dans la promotion d’approches éthiques et inclusives de l'IA...
L'exemple de la BNF est particulièrement parlant à cet égard :
Plus de 40 millions de documents de multiples natures (livres, manuscrits, cartes, partitions, objets, documents sonores et jeux vidéo) dans les magasins physiques de la Bibliothèque, près de 9 millions de documents numérisés et accessibles dans Gallica, 15 millions de notices dans le catalogue général, 40 milliards d’URL collectées dans les archives de l’internet : ces chiffres donnent une idée de l’immensité des gisements documentaires sur lesquels la Bibliothèque veille. Face à une telle volumétrie, l’IA ouvre aux bibliothécaires comme aux publics de nouvelles voies vers l’intelligibilité des collections. 
Des chiffres impressionnants ! Voici pour terminer une présentation d'Alice Bernard (conseillère numérique France Services à la bibliothèque départementale d’Indre-et-Loire, et formatrice), intitulée « Les intelligences artificielles en bibliothèque » :


Voilà. Je préfère m'arrêter là. 

En concluant cette série de quatre blocs sur l'Intelligence artificielle par une expérience, vécue en préparant ce billet, et ce dixième point en particulier. Durant mes recherches de matériel sur les bibliothèques, je suis tombé sur ce passage de Umberto Eco :
« C’est une absurdité de croire qu’il faille absolument lire tous les livres que l’on achète, tout comme il est ridicule de reprocher à quelqu’un d’acquérir plus de livres qu’il n’en pourra jamais lire dans une vie. Ce serait comme dire qu’il faut utiliser tous les couverts, tous les verres, tous les tournevis ou forets que l’on possède avant d’en acheter de nouveaux. Il est des choses dans l’existence dont il faut toujours disposer en abondance, même si l’on n’en utilisera qu’une infime partie. Prenons les livres comme des remèdes : mieux vaut une armoire pleine de soins que quelques fioles esseulées. Le jour où l’âme vacille ou vacille le cœur, on ouvre alors cette armoire — non pas au hasard — mais pour y choisir le livre juste, celui qui saura panser, éclairer, relever. D’où l’importance de toujours avoir un vaste éventail de choix. Celui qui n’achète qu’un seul livre, le lit, puis s’en débarrasse, ne fait qu’appliquer à la lecture une logique de consommation. Il traite le livre comme une simple marchandise, un bien de passage. Mais ceux qui aiment les livres savent qu’ils ne sont rien de tout cela. Un livre n’est pas un produit. C’est une présence ».
dont l'authenticité a été mise en doute en adressant une demande de vérification à Grok :

Voici la réponse de Grok :

La citation attribuée à Umberto Eco semble apocryphe. Après vérification, aucune source fiable, y compris ses œuvres, discours ou le documentaire *Umberto Eco : A Library of the World*, ne confirme qu’il l’ait dite ou écrite. Bien que le propos reflète ses idées sur les livres, notamment sa notion d’« antilibrairie » et son amour des bibliothèques, les mots exacts ne sont pas authentifiés. Il est donc probable qu’Eco n’ait pas formulé cette citation ainsi.

Intrigué, j'ai décidé de demander la même vérification (en français et en italien) à d'autres IA, dont voici les réponses (sans préciser qui a répondu quoi, et en quelle langue) :

1.

La citation que vous mentionnez provient du livre N’espérez pas vous débarrasser des livres, un recueil de dialogues entre Umberto Eco et Jean-Claude Carrière. Dans cet ouvrage, Eco exprime sa vision personnelle de la lecture et de la collection de livres, soulignant que l'acquisition de livres ne doit pas être motivée uniquement par l'intention de les lire tous, mais plutôt par le plaisir d'avoir un large éventail de choix à disposition. Il compare les livres à des remèdes, suggérant que, tout comme une armoire pleine de médicaments peut être utile même si l'on n'en utilise qu'une petite partie, une bibliothèque bien fournie offre des ressources pour nourrir l'esprit aux moments opportuns.

Cette perspective met en lumière l'importance de la diversité et de la richesse des livres dans une bibliothèque personnelle, et critique une approche consumériste de la lecture qui se limiterait à lire un seul livre à la fois avant de s'en débarrasser.

Pour une exploration plus approfondie de cette philosophie, vous pouvez consulter le livre N’espérez pas vous débarrasser des livres, disponible sur des plateformes telles que Babelio. [En citant plusieurs sources, dont celle-ci.] [J'ai vérifié personnellement, et contrairement à ce qu'affirme l'IA, aucune mention de ce texte n'est faite dans le livre cité]

2.

Cette citation d'Umberto Eco provient de son livre "Cette chaire n'est pas une pipe" [Alternative : Comment voyager avec un saumon. Nouveaux pastiches et postiches]

3.

Cette citation d'Umberto Eco provient de son essai "De Bibliotheca" (ou "La bibliothèque" en français), écrit en 1981. Dans ce texte, Eco réfléchit sur la nature des bibliothèques, leur utilité et leur signification culturelle.

Ce discours a été prononcé à l'origine lors de l'inauguration de la bibliothèque municipale de Milan. Eco y développe sa vision sur la relation entre les lecteurs et leurs livres, défendant l'idée qu'une bibliothèque personnelle abondante n'est pas un signe d'ostentation mais une nécessité intellectuelle - une sorte de pharmacie de l'esprit où l'on peut trouver le remède approprié quand le besoin s'en fait sentir.

Cette réflexion s'inscrit parfaitement dans la pensée d'Eco, qui était lui-même un collectionneur passionné de livres et possédait une immense bibliothèque personnelle. Sa vision du livre comme objet culturel dépassant largement sa dimension commerciale est une constante dans son œuvre. [J'ai vérifié le discours prononcé lors de l'inauguration de la bibliothèque municipale de Milan, et cela n'a rien à voir avec la citation]

4.

Cette citation souvent attribuée à Umberto Eco circule largement sur internet, notamment dans des articles et discussions sur la bibliophilie, mais elle ne figure pas textuellement dans ses œuvres publiées. Elle semble plutôt être une reformulation libre inspirée de ses idées sur les livres et la culture, mélangée à des ajouts poétiques.

Origine probable : Un mélange d'inspirations

Umberto Eco était un grand bibliophile (il possédait plus de 30 000 livres) et a souvent défendu l'idée qu'une bibliothèque personnelle est un "antidote à l'oubli", un outil de recherche bien plus qu'une simple collection de livres lus.

Dans De Bibliotheca (1981, conférence), il compare les livres à des "remèdes" et évoque l'importance d'avoir une réserve de savoir à portée de main.

Dans Sur les épaules des géants (2017), il parle des livres comme "outils" qu'on ne consulte pas toujours, mais dont la présence est essentielle.

La métaphore des couverts/outils ressemble à des propos tenus par d'autres auteurs (comme Anatole France ou Jorge Luis Borges), mais elle a été popularisée sous le nom d'Eco.

La version exacte de la citation semble issue de forums ou blogs (années 2000–2010), où des lecteurs ont synthétisé ses idées avec une touche littéraire.

Citations vérifiables d'Umberto Eco sur le sujet

En voici une, plus authentique :

« La bibliothèque est une sorte de cerveau artificiel qui multiplie nos possibilités de mémoire. On n’a pas besoin d’avoir lu tous les livres, mais ils doivent être là, comme une pharmacie où l’on trouve le remède au bon moment. » (De Bibliotheca, 1981)

Pourquoi cette confusion ?

Eco a souvent parlé de l'accumulation culturelle et du rôle des livres comme "objets potentiels" plutôt que consommables.

Le style de la citation apocryphe est proche de sa pensée, d'où son attribution erronée.

Conclusion

La citation est inspirée d'Eco, mais reformulée de manière créative. Pour retrouver sa vraie pensée, mieux vaut se plonger dans ses essais (De Bibliotheca, Sur les épaules des géants) ou ses interviews.

Le saviez-vous ? Eco disait aussi : "Un livre non lu est plus utile qu’un livre lu, car il représente une possibilité infinie." (idée reprise par Tzvetan Todorov).

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Je vous fait grâce des autres réponses. Résultats :

  1. La numéro 1 est fausse.
  2. La numéro 2 propose faussement deux livres où la citation n'est pas mentionnée.
  3. La numéro 3 est fausse, y compris la circonstance de la bibliothèque municipale de Milan.
  4. La numéro 4 est vraie.
En fait, j'ai demandé à 5 IA, qui m'ont fourni 4 réponses fausses, et 1 vraie. Si l'on y ajoute celle de Grok, également vraie, cela me donne au final 6 IA consultées4 réponses fausses et 2 vraies. La problématique est la suivante : lorsque vous consultez une IA, comment déterminer si les réponses qu'elle vous fournit sont fausses ou vraies ? Il en va donc de l'IA comme de tous les médias en 2025, ne jamais rien donner pour acquis, mais vingt fois sur le métier, recouper, recouper, et recouper encore les infos et les sources ! [Début]

À suivre...

mardi 29 avril 2025

Intelligence artificielle - Troisième bloc

Intelligence artificielle - Premier bloc

Intelligence artificielle - Deuxième bloc

Intelligence artificielle - Quatrième bloc

Les quatre blocs en PDF

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  1. L'intelligence artificielle et la politique
  2. L'intelligence artificielle et la statistique
  3. L'intelligence artificielle et la santé
  4. L'intelligence artificielle et l'environnement
  5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie
  6. L'intelligence artificielle et la fabrication / production
  7. L'intelligence artificielle et la construction / le BTP
  8. L'intelligence artificielle et l'énergie
  9. L'intelligence artificielle et l'agriculture
  10. L'intelligence artificielle et les ressources humaines

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1. L'intelligence artificielle et la politique

Le mercredi 3 mai 2023, Libération titrait en une « Intelligence artificielle et politique : les liaisons dangereuses ». 


Popularisation de ChatGPT, diffusion de fausses images, accélération des techniques de propagande... L'irruption de l'IA bouleverse déjà le monde politique, qui redoute son influence sur la présidentielle de 2027.

Et une ingérence dans les processus démocratiques, les quatre pages d'articles successives (2-5) étant totalement à charge de l'IA. Or deux ans ont passé, nous sommes à mi-chemin de l'élection présidentielle et qu'a fait la politique depuis pour affronter la question ? Rien...

Si ce n'est la publication d'un beau rapport, le 13 mars 2024, intitulé « IA : notre ambition pour la France », où Macron partage sa volonté affichée de faire du pays un champion de l'IA, parfaitement conscient de la situation, où les rapporteurs écrivent noir sur blanc de bien belles paroles, à partir de la page 54, point 1.7, L’IA peut-elle nuire à la qualité de l’information ? :
Or, l’IA a le potentiel de mettre en cause l’activité des entreprises de presse et par conséquent le rôle fondamental qu’elles jouent dans la production d’une information fiable et pluraliste. De nouveaux médias à base exclusive d’IA, sans respect de ces responsabilités, cherchent déjà à se positionner comme concurrents des médias « traditionnels ». Des sites fournissent des informations non fiables, générées par des IA et portant souvent des noms destinés à faire croire qu’il s’agit de contenus produits par des journalistes. S’ajoutent des robots plagiaires qui utilisent de manière irrégulière les contenus publiés par les médias traditionnels pour produire des articles, sans créditer leurs sources et sans rémunération.
Le cadre est posé. À quand un numéro vert ? Comme l'observe Tariq Krim

À deux ans de la prochaine élection présidentielle, les politiques numériques de l’État français semblent désormais en pilotage automatique.
  • Absence de vision claire : aucune doctrine numérique forte n’est portée par le gouvernement. Les grands outils comme France 2030 ou la BPI sont en train de se réorienter vers les secteurs défense et souveraineté après avoir joué la carte de la réindustrialisation, mais il va falloir du temps pour que cette stratégie porte ses fruits.
  • Stratégie du risque politique zéro : pour l’instant, on cherche à gagner du temps pour masquer la sidération face à la politique économique et diplomatique des US.
Donc, il est vrai que ChatGPT peut servir de « super-propagateur d'infox », que les images peuvent informer ou désinformer, et l’IA doper les arnaques et la propagande en ligne, etc., mais c'est exactement la même chose pour chacun des 40 binômes « Intelligence artificielle et... » que je traite dans mes billets : tous se prêtent à une simple analyse SWOT pour identifier forces, faiblesses, opportunités et menaces, pour trouver un équilibre entre positif et négatif, et d'une manière générale les parties prenantes préfèrent de loin mettre en avant le positif.

La politique, non ! C'est tout le contraire. Pourquoi ? Avez-vous jamais entendu Retailleau dire un seul mot positif sur l'immigration ? Et pourtant...

Dissertation. Prenez, au choix, l'un des cinq sujets problématisés par ChatGPT, vous avez quatre heures :
  1. L’intelligence artificielle peut-elle améliorer le processus démocratique ou constitue-t-elle une menace pour la démocratie ?
  2. L’intelligence artificielle remet-elle en question la souveraineté des États ?
  3. L’intelligence artificielle permet-elle une gouvernance plus efficace ou accentue-t-elle les inégalités politiques ?
  4. Peut-on confier des décisions politiques à une intelligence artificielle ?
  5. L’intelligence artificielle transforme-t-elle la manière de faire campagne et de gouverner ? [Début]
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2. L'intelligence artificielle et la statistique

Habituellement, lorsque l'on parle de statistiques on pense "sondages" ! Ou à la rigueur "chiffres" auxquels on fait dire tout et son contraire, ça dépend du moment et des humeurs... Mais qui dit "sondages" dit aussi "élections" et donc "vote".

L'IA influence-t-elle les électeurs ? C'est évident ! Mais ni plus ni moins que les sondages avant elle, qui se satisfaisaient fort bien des médias dominants (télé, radio, presse, etc.) pour manipuler l'opinion publique à l'envi... Il est d'ailleurs intéressant de comparer la liste des milliardaires propriétaires de tous les médias qui comptent, aux noms des acteurs qui possèdent les principaux instituts de sondage : surprise, beaucoup se recoupent (groupes Bolloré, Pinault, Arnault, Saadé, Dassault, Bouygues, Niel, Drahi, Amaury, Havas, Lagardère, Rothschild, Medef, Fidelity, Kretinsky, Stérin, etc.), la plupart étant plus ou moins des soutiens enthousiastes de Macron, par ailleurs.

Donc l'IA est un outil puissant, certes, mais rien de nouveau sous le soleil.

N'oublions pas que d'autres applications impliquent l'intelligence artificielle et la statistique, comme les algorithmes génétiques, la finance, les indices de prix, les SIG, les grandes cohortes de données en santé, etc.

Il n'y a pas que la politique dans la vie ! [Début]

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3. L'intelligence artificielle et la santé

Il y a aussi la santé !

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) nous propose une excellente introduction en la matière, à lire absolument pour mieux comprendre, en profondeur, de quoi il s'agit.

Les implications de l'IA pour la santé ont une portée gigantesque, un billet de 100 pages ne suffirait pas à épuiser le sujet. Pour ne parler que du cancer, le potentiel en termes de prévention, de détection et de personnalisation des traitements fait naître d'immenses espoirs chez les patients et les médecins. Plus de 160 000 décès chaque année en France à cause du cancer, près de 20 millions de cas diagnostiqués sur un an dans le monde (dont la moitié à peu près décèdent), la maladie cancéreuse produit une quantité considérable de données (outre que de souffrances...) :

Ces grands volumes de données posent des problèmes d’archivage dans la durée, d’administration de bases de données gigantesques, centralisées ou réparties. Les autres défis autour des données sont la centralisation et le croisement de sources multiples, l’interopérabilité, le partage entre structures hospitalières et la ville, le contrôle de la qualité, le lien entre clinique, images et omiques, la sécurité des bases de données et la protection des personnes.

Un challenge difficile à surmonter est l’utilisation du traitement automatique du langage naturel afin d’exploiter la richesse des informations contenues dans les dossiers médicaux en données utilisables pour la recherche dans une modélisation partagée de la maladie selon des standards internationaux.

(blanc) 

L’IA permet parfois de faire aussi bien et plus vite ce que sait faire un cerveau humain : reconnaître une tumeur ou compter les cellules. Mais l’IA, c’est aller au-delà de ce qu’un cerveau humain est capable de faire grâce à la puissance des machines en analysant des quantités de données considérables. Ainsi, le codage automatique de centaines de milliers de comptes rendus médicaux, l’étude quantitative des données à l’origine des images ou l’interprétation automatique du transcriptome illustrent les apports de l’IA avec des résultats jusque-là inatteignables. Il ne s’agit plus d’outils qui aident ou remplacent le médecin mais d’outils qui permettent d’aller plus loin dans la recherche, les soins et la compréhension de la maladie.

Résumé d’une communication présentée lors de la journée dédiée « Médecine et intelligence artificielle » du mardi 3 mai 2022 à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Nordlinger B, Villani C, de Fresnoye O Dir. Médecine et intelligence artificielle. Paris : CNRS éditions, 2022 ».

La dernière partie que j'ai soulignée est fondamentale et peut pratiquement s'appliquer à toutes les disciplines en matière de santé ! [Début]

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4. L'intelligence artificielle et l'environnement

Les problèmes de santé ont une origine à la fois endogène, nous les portons en nous, et exogène, à savoir qu'ils sont provoqués par des facteurs externes, dont notre environnement. 

Chaque jour il est question de transition écologique, de green deal, de biodiversité, de responsabilité environnementale, etc., désormais l'intelligence artificielle devient durable, voir la feuille de route internationale pour le lancement de la coalition mondiale (février 2025), et naturellement, l'intelligence artificielle a son mot à dire sur chacun des objectifs de développement durable de l'agenda 2030, bien fourni :


Au début du mois s'est déroulé au Rwanda le sommet mondial sur l'intelligence artificielle en Afrique, qui s'est conclu par une Déclaration Africaine sur l'Intelligence Artificielle, dont les objectifs :
  • Exploiter le potentiel de l'IA pour stimuler l'innovation et la compétitivité afin de faire progresser les économies, les industries, et les sociétés africaines.
  • Positionner l'Afrique comme un leader mondial dans l'adoption d'une IA éthique, fiable, et inclusive.
  • Favoriser la conception, le développement, le déploiement, l'utilisation, et la gouvernance durables et responsables des technologies d'IA en Afrique.
s'accompagnent des engagements suivants :
  • Initiatives d'éducation à l'IA à l'échelle du continent avec le développement de programmes scolaires pour les jeunes à tous les niveaux
  • Programmes adaptés d'établissements d'enseignement supérieur qui fournissent des compétences en IA compétitives au niveau mondial
  • Capacité accrue de recherche en IA dans les établissements d'enseignement supérieur en renforçant les programmes de doctorat en Afrique et en développant la capacité de recherche grâce à des partenariats internationaux stratégiques
  • Programmes qui informeront et habiliteront les citoyens à connaître les avantages et les risques de l'IA grâce à des formations de sensibilisation et d'alphabétisation à l'IA
  • Création d'un Panel Scientifique Africain sur l'IA, qui sera composé d'experts en IA d'Afrique et de la diaspora, pour promouvoir une recherche contextuelle pertinente et fondée sur des preuves sur les risques, les opportunités, et l'impact socio-économique de l'IA en Afrique, fournissant une base de connaissances pour les décideurs politiques, les chercheurs, et les praticiens
Comme on le voit, compte tenu de l'importance de l'IA à l'échelle mondiale, chaque continent, chaque pays, tente de se positionner le mieux possible en vue d'affronter les bouleversements en cours. [Début]

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5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie

Dans un mois aura lieu le King’s Festival of Artificial Intelligence, avec toute une série d'événements autour de l'IA, y compris sur la médecine, les maladies, l'accès aux données de santé : on parle ici de médecine prédictive, de soins extrêmement précis, de diagnostics simultanés de millions de patients, en identifiant les causes profondes de chaque malade et en tenant compte de l’intégralité de ses antécédents cliniques, biologiques, de son mode de vie, tout en adaptant les interventions en fonction des projections et des simulations sanitaires individualisées.

Au fur et à mesure que l'apprentissage par renforcement des modèles d'IA s'affine, ils peuvent prendre eux-mêmes les décisions mais manquent d'explicabilité : or c'est un problème d'éthique (cfr. les documents du Comité d'éthique de l'Inserm - CEI), mais aussi juridique, puisque les décisions prises par le modèle engagent la responsabilité des cliniciens. Un médecin n’acceptera jamais un diagnostic automatisé sans l’avoir lui-même validé au préalable.

Tous les aspects de la médecine sont concernés, de l'imagerie médicale aux neurosciences, des ovocytes aux lois de bioéthique, de l'antibiorésistance à la surprescription de médicaments pour les enfants et les adolescents, la liste est potentiellement sans fin.

Et puisqu'il est question de médicaments, arrêtons-nous un instant sur la pharmacie. Une thèse s'interroge : l’officine, bientôt dotée d’intelligence artificielle ? Une question à laquelle a déjà répondu, depuis quelques années déjà, la grande industrie pharmaceutique : oui !

Cela étant, les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas toujours les compétences requises. Si l'on prend l'exemple de Sanofi, qui n'est quand même pas le pharmacien du coin, ils ne se sont mis à l'IA qu'en juin 2023. Car l'intégration de l'IA dans le secteur pharmaceutique implique de nombreux défis, notamment en matière de protection des données sensibles, de conformité réglementaire et de risques de biais dans les résultats générés par l’IA. Des premières recherches à la commercialisation du médicament, il faut compter entre 12 et 15 ans !

En intégrant l'IA, l'ambition de Sanofi est de réduire cette durée de moitié. Au mois de mai 2024, ils ont lancé le programme Muse, en partenariat avec OpenAI et FormationBio (voir comment se déroule le déploiement de Muse, ici et ), qui vise à recruter des patients pour les essais cliniques, tout en réduisant les délais de recrutement. Concrètement, l’outil analyse le contexte (maladie, traitements existants), identifie les profils des patients idéaux, puis élabore des stratégies de recrutement à l’aide de documents et de questionnaires personnalisés pour chaque population visée. L’objectif étant d'augmenter la pertinence des essais en recrutant des profils issus de groupes d’habitude sous-représentés. (Interview de Kaoutar Sghiouer, responsable monde de la data et de l'intelligence artificielle chez Sanofi, dans Challenges n° 861 / 6-12 février 2025).

Toujours selon Kaoutar Sghiouer (interview à BFMTV), les principaux avantages de l'IA sont la prédiction des performances et la simulation de la stabilité d'un médicament, ainsi que l'optimisation de sa production manufacturière et de la logistique, en attendant l'IA augmentée, qui devrait permettre d'individualiser les traitements (zéro possibilité de ne pas y avoir accès), et de créer un "doublon" d'un médicament, ou une "copie", un peu à l'instar de l'ARN-messager. Je laisse aux spécialistes le soin de déchiffrer, pour l'heure, ce sera tout pour la MedTech...

Enfin, indépendamment de ce qui précède, le binôme IA-Pharma représente aussi un espoir pour le traitement des maladies orphelines.

Du côté obscur de la force, je mentionnerais juste les risques en termes d'agents pathogènes et d'armes biologiques (ou autres). Sur les premiers, Eric Schmidt a déjà lancé un fort avertissement. Sur les secondes, dès 2023, Dario Amodei a témoigné devant le Sénat des États-Unis, en précisant que, selon lui, dans les prochaines années, il existait un risque majeur qu'un chatbot soit capable de guider les utilisateurs à travers chaque étape nécessaire à la création d'une arme biologique : « Cela pourrait considérablement élargir l'éventail des acteurs disposant des capacités techniques nécessaires pour mener une attaque biologique à grande échelle ».

Suite à son témoignage, deux sénateurs ont demandé une enquête plus approfondie, en se basant sur une étude conjointe Harvard/MIT, qui présentait l'expérimentation suivante
Pour tester les dangers des derniers modèles d'intelligence artificielle comme GPT-4, ils ont donné une heure à trois groupes d'étudiants – tous sans formation en sciences de la vie – pour voir si l'utilisation des chatbots pouvait les aider à créer une nouvelle épidémie mortelle.

Dans le temps imparti, les résultats obtenus ont utilement informé les étudiants de quatre candidats potentiels à une pandémie, comme la variole ; expliqué comment des agents pathogènes peuvent être synthétisés à partir d'une séquence génomique et liés à des protocoles spécifiques ; et indiqué des entreprises susceptibles de créer des séquences d'ADN personnalisées sans dépistage préalable de commandes suspectes.
Selon l'étude :
Collectivement, ces résultats suggèrent que les LLM (les grands modèles de langage qui alimentent les chatbots comme ChatGPT, bien conscient du problème) rendront les agents de classe pandémique largement accessibles dès qu'ils seront identifiés de façon crédible, même à des personnes peu ou pas formées en laboratoire. Parmi les mesures utiles en vue d'empêcher toute non-prolifération : l'évaluation préalable des LLM par des tiers, le traitement des jeux de données d'apprentissage pour éliminer les concepts nocifs, et un filtrage vérifiable de l'ADN généré par les fournisseurs de synthèse et utilisé par les organismes de recherche sous contrat ou par les « laboratoires cloud » robotisés afin de concevoir des organismes ou des virus.

Si vous souhaitez conclure, personnellement, je ne sais pas trop quoi dire ! Une petite vidéo, peut-être... [Début]

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6. L'intelligence artificielle et la fabrication / production

Dans un article intitulé « Comment l'IA révolutionne l'industrie manufacturière », Appinventiv nous propose les douze principaux domaines les plus impactés :
Voici la liste :
  1. Gestion de la chaîne logistique
  2. Cobots (robots collaboratifs)
  3. Gestion d'entrepôt
  4. Optimisation des chaînes de montage
  5. Maintenance prédictive
  6. Développement de nouveaux produits
  7. Optimisation des performances
  8. Assurance qualité
  9. Simplification des formalités administratives
  10. Prévision de la demande
  11. Gestion des commandes
  12. Usines connectées
Usine 4.0, gestion de réseaux privés sécurisés, surveillance de l’état de santé des équipements, supervision de leur consommation et géolocalisation indoor de leur emplacement, monitoring des machines d’analyses, binôme IoT/Big Data, binôme IA/robotique (le cerveau et les bras de l'industrie, auxquels ajouter la vision industrielle), binôme OT/IT, etc., nous sommes déjà en route vers l'Usine 5.0 avec la collaboration entre humains et machines (applications collaboratives robotisées).

Pour l'instant, je me contenterai d'approfondir les points 2 et 12.

Point 2les cobots

Il s'agit des robots collaboratifsprobablement plus coopératifs que collaboratifs. En termes simples, la différence entre robotique collective (ou robotique en essaim) et robotique collaborative est que la première utilise de nombreux robots travaillant ensemble pour accomplir une tâche complexe, tandis que la seconde implique des robots conçus pour travailler directement avec des humains dans un environnement partagé. Cette dernière est également connue sous le nom de cobotique

En relation au point précédent (5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie), l'utilisation médicale des cobots peut se décliner sous plusieurs formes d'assistance : aider les patients à se lever, à être plus attentifs lors de séances de rééducation, voire apporter un soutien émotionnel vis-à-vis de personnes handicapées et déprimées, ou avoir une fonction d'auxiliaires thérapeutiques au service de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il peut aussi s'agir de robots chirurgicaux assistés par des médecins.

Cette branche technologique émergente vise à combiner la cognitique (intégration de l’humain et du numérique, etc.), les facteurs humains (comportement, décision, robustesse, contrôle de l’erreur, etc.), la biomécanique (mécanique physique, dynamique des mouvements, efforts, limites biologiques, etc.) avec la robotique classique (modélisation, programmation, mouvements, capteurs, forces, etc.). De même qu'elle soulève plusieurs enjeux en matière de santé et de sécurité au travail (SST).

La nouvelle spécification technique ISO/TS 15066 pour la collaboration avec les robots définit qu’une application robotique collaborative implique la mise en œuvre d’au moins l'une de ces 4 mesures de sécurité :
  1. Arrêt nominal de sécurité contrôlé (le robot s'immobilise lorsqu'il détecte une présence dans son espace de travail)
  2. Guidage manuel (le robot ne se déplace que lorsqu’il est sous contrôle d’un opérateur)
  3. Contrôle de la vitesse et de la distance de séparation (fonction de sécurité actionnée par des capteurs lorsque quelqu'un se trouve à proximité)
  4. Limitation force et énergie (limitation de la force du robot lorsqu’il entre en contact avec une personne)
En clair, en robotique collective, les systèmes sont dotés d'un grand nombre de robots homogènes "simples" agissant ensemble de manière décentralisée, en suivant des règles locales pour réaliser des tâches globales, alors qu'en robotique collaborative des robots hétérogènes, souvent plus complexes, opèrent de concert en se coordonnant explicitement pour accomplir une tâche commune. Pour en savoir plus...

Point 12 : les usines connectées

Rothschild nous propose une belle illustration des (r)évolutions industrielles :


Nous sommes donc aujourd'hui à la frontière entre l'usine 4.0 et l'usine 5.0. ChatGPT nous propose le comparatif suivant :


Pour Proaction International, en revanche, les trois piliers de l'industrie 5.0 sont l'humanocentrisme, la durabilité et la capacité d'adaptation :


Une capacité d'adaptation qui passe par le partage transparent des informations entre personnes, machines et capteurs afin d'autonomiser les travailleurs, qui sont très certainement connectés aussi (ou augmentés).

Nous sommes passés de l'Internet des objets (IoT) à l'Internet industriel des objets (IIOT) pour une usine intelligente (smart factory), où l’intelligence artificielle est le cerveau du système, avec les rôles principaux ci-après :
  • Maintenance prédictive
  • Optimisation de la production
  • Contrôle qualité intelligent
  • Gestion logistique et des stocks
  • Aide à la décision
Les systèmes industriels (SI), qui se caractérisent par les couches OT (Operational Technology), IT (Information Technology) et ICS (Industrial Control System) de contrôle-commande industriel exigent une disponibilité continue et ne tolèrent que peu, voire pas, d’interruptions. Tout arrêt imprévu ou toute défaillance peut entraîner des pertes financières, des dommages humains, matériels ou environnementaux, et même perturber des chaînes d’approvisionnement critiques comme l’eau, l’électricité, le gaz ou les transports.

En bref, hier c'était l'avenir de la production, aujourd'hui, nous y sommes déjà ! [Début]

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7. L'intelligence artificielle et la construction / le BTP

Nous retrouvons ces chaînes d’approvisionnement critiques (eau, électricité, gaz, transports) aussi dans le BTP. Dans la construction lourde et l'exploitation minière, les chaînes d'approvisionnement sont souvent décentralisées, d'où une augmentation des coûts de transport. Beaucoup des secteurs que j'ai traités se recoupent parfois. Lorsque vous parlez d'armes biologiques, cela concerne autant le secteur militaire que pharmaceutique. De même, lorsque vous parlez du bâtiment, la domotique n'est jamais très loin...

Dès 2019, la FFB (Fédération française du bâtiment) a mis en place un groupe de travail sur le binôme « Intelligence artificielle et bâtiment » représentant divers métiers et territoires. Un rapport intitulé « Comprendre, anticiper et agir : des opportunités pour la profession » a été publié, qui résume six mois de réflexions basées sur la tenue d'une trentaine d'auditions d'experts, chercheurs, institutionnels, députés, start-up et grandes entreprises.

Le rapport insiste sur la nécessité de faire des entreprises du bâtiment « des productrices conscientes de données », une question complexe pour trois raisons :
  • le secteur s’avère fragmenté : il compte de nombreux métiers (donc d’intervenants) et près de 400 000 entreprises de toutes tailles en France métropolitaine ;
  • les données d’un chantier ou de toute intervention n’apparaissent pas suffisamment organisées pour être structurées en l’état : sauf exception, elles sont au mieux classées dans un fichier Excel ;
  • les données se révèlent rarement partagées, chacun gardant ses prérogatives sur son domaine d’activité ou peut-être, de manière plus prosaïque, n’y a-t-il pas de réelle demande de partage.
La qualité du réseau numérique est également un enjeu, le numérique constituant (après l’eau, le gaz et l’électricité) un nouveau « fluide ». La prévention n'est pas oubliée non plus.

Donc, concernant la gestion et la maîtrise des données, le rapport identifie quatre risques :
  1. perte de la maîtrise des données
  2. non-interopérabilité des systèmes
  3. cyberattaques
  4. fiabilité du cloud
et trois cas d’utilisation des données selon la CNIL :
  1. IN-IN : seul l’utilisateur en a la maîtrise ;
  2. IN-OUT : données transmises à un prestataire, sans action sur le bâtiment ;
  3. IN-OUT-IN : pilotage automatique à distance.
Les implications majeures des données dans le bâtiment, notamment juridiques, sont reprises dans ce schéma :


Or, vu que les données constituent le « carburant » de l’IA, ce rapport sera suivi d'un second, quatre ans plus tard (juin 2023), intitulé « Mobiliser les données au service de l’IA et de l’innovation dans le secteur du bâtiment », pour présenter des exemples concrets d’application et les enjeux du cadre règlementaire européen en cours de définition.

La FFB met désormais à disposition de ses adhérents des modules opérationnels sur « La mise en place d’un diagnostic data IA », « Le choix de l’approche IA » et « L’expérimentation de la solution IA ».

Comme le souligne Quentin Panissod, l'IA s’incarne, dans le secteur du bâtiment, dans de multiples terrains d’application à toutes les étapes des projets. De la conception des plans à l’anticipation des pannes en passant par l’aide à la gestion des chantiers. Prometteuse, elle soulève des problèmes de compétences et de transparence, à prendre en considération pour sa pleine mise en œuvre demain.

Problèmes de compétences et de transparence transversaux à tous les secteurs. [Début]

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8. L'intelligence artificielle et l'énergie

Dans ce binôme "intelligence artificielle - énergie", remarquons tout d'abord que l'IA est une consommatrice phénoménale d'énergie. Ça va même au-delà de l'entendement ! S'il est clair que l'IA peut contribuer activement à la protection de l'environnement (nous l'avons vu plus haut), c'est également une source de pollution considérable (un peu comme la voiture électrique...). Les centres de données et les algorithmes complexes nécessitent une très grande puissance de calcul, entraînant une consommation d’énergie permanente, 24/7/365, d'où un impact significatif sur la planète

Du reste, les centre de données sont les véritables moteurs de nos vies numériques : cloud, IA, surveillance, streaming, stockage, etc. Beaucoup sont de véritables mastodontes, avec des consommations équivalant à celle de villes moyennes ou grandes. Si l'on prend les quinze plus gros data centers de la planète, on a une capacité énergétique cumulée de 2,5 GW. Donc si un parc d'1 GW de puissance installée peut alimenter 800 000 foyers en électricité, je vous laisse faire le calcul... 

Selon le CNRS, les ordinateurs, data centers et réseauxengloutissent près de 10 % de la consommation mondiale d’électricité, un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Or le problème avec l'IA, c'est que les centres de données traditionnels ne suffisent plus, raison pour laquelle Nvidia développe à présent des usines d'IA !


Vidéo :


Pour citer un exemple concret, le superordinateur Colossus d'Elon Musk, implanté à Memphis (Tennessee), construit afin d'alimenter l'intelligence artificielle de X (xAI) à l'aide de 35 turbines à gaz méthane (dont 20 n'ont pas été autorisées), capables d'alimenter une ville entière, vu que l'IA est très énergivore : elle consomme plus d'électricité pour fournir ses résultats par rapport aux requêtes de recherche classiques.

À terme, Musk a prévu d'étendre le nombre de ses processeurs à 1 million de GPU...

Mais on peut toujours faire mieux dans la démesure : le système CS-3 est conçu pour entraîner des modèles de langage 10 fois plus grands que GPT-4 et Gemini (...) en s'appuyant sur un important système de mémoire pouvant atteindre 1,2 pétaoctet. Par ailleurs, 24 000 milliards de modèles de paramètres peuvent être stockés dans un seul espace mémoire logique sans partitionnement ni remaniement, selon Cerebras (dont j'ai déjà parlé ici), qui assure : « L'apprentissage d'un modèle à mille milliards de paramètres sur le CS-3 est aussi simple que l'apprentissage d'un modèle à un milliard de paramètres sur les GPU ».

Soit 1000 fois plus rapide qu'avec les GPU (Graphics Processing Unit), qui sont des processeurs optimisés pour un traitement massivement parallèle, très utilisés pour le calcul haute performance et déjà jusqu’à 100 fois plus rapides que les CPU (Central Processing Unit) traditionnels.

Tout cela sans parler du fait que, pour être instantanément transmises d'un continent à un autre, toutes ces données empruntent des câbles, la plupart sous-marins :



[Parenthèse : le jour où j'écris ce point 8., l'Espagne et le Portugal sont en état d’urgence à cause d'une panne d’électricité géante, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de précédents d'une telle envergure. Il semble que cette perturbation majeure ait été causée par des variations extrêmes de température à l’intérieur de l’Espagne, générant un phénomène appelé « vibration atmosphérique induite » sur les lignes à très haute tension (400 000 volts). Les oscillations anormales ont désynchronisé les systèmes électriques et provoqué une réaction en chaîne sur l'ensemble du réseau interconnecté.]

Je me pose juste la question de savoir ce que l'intelligence artificielle pourrait faire pour éviter ce genre de désastre, ce qui m'amène à la deuxième partie : l'IA au service de l'énergie et de sa gestion.

À une époque où le volume total de données - produites et en transit - pourrait atteindre 175 zettaoctets (175 milliards de téraoctets, comparez avec la capacité de votre disque dur 😀) :  


et où l'informatique quantique (Google toujours présent...) prévoit de faire des bonds en avant gigantesques (voir ma réflexion sur le sujet), je vous laisse terminer votre lecture sur différents cas d'usage... [Début]

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9. L'intelligence artificielle et l'agriculture

Revenons à un domaine plus terre à terre ! En fin d'année (2-3 décembre 2025), se déroulera au centre de congrès Bellevue (Biarritz) le « Davos » de l'intelligence artificielle appliquée aux campagnes, premier forum international sur l’agriculture numérique organisé par l’Estia, l’école d’ingénieurs de Bidart, et par DeepFarm : Tera Nova, un clin d’œil à la fois à la « nouvelle terre » et aux volumes croissants de données (téra signifiant 10¹²) (voir le précédent paragraphe...).
Dix milliards d’habitants à nourrir en 2050, dans un contexte de dérèglement climatique : capteurs, drones, robots, satellites, IoT...
Avec 500 participants internationaux, 75 intervenants et une conférence scientifique quasi finalisée, l’événement promet d’attirer des figures de premier plan. Le comité d’honneur compte des personnalités telles que Barack Obama, Jack Ma, Aliko Dangote et Xavier Niel, sollicités pour des interventions phares.
Exemples d'applications :


  • Surveillance et cartographie des cultures
  • Gestion optimisée de l’eau et des intrants
  • Amélioration de la productivité et de la rentabilité
  • Réduction de l’impact environnemental
De même que l'imagerie satellite contribue à une agriculture durable, ou permet de détecter les incendies de forêt et planifier les interventions d’urgence, d’identifier des zones en manque d’eau, en déficit d’engrais ou infestées par des nuisibles.

Cela étant, à eux seuls l'intelligence artificielle et les algorithmes connexes ne régleront pas à terme le problème de la faim dans le monde, l'humain ne semble pas près d'être remplacé par la machine dans un futur proche. [Début]

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10. L'intelligence artificielle et les ressources humaines

L'humain est sans aucun doute le point commun à tous les binômes « Intelligence artificielle et... ». Or, tout comme « Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée » (Maximilien de Béthune, duc de Sully), « Expérience et compétence sont les deux mamelles dont les RH sont alimentées ».

Quand on parle RH, on pense immédiatement DRH, grandes boîtes, processus de recrutement complexes, chasseurs de têtes (ça me rappelle un souvenir : quand je m'intéressais aux noms de domaine, j'avais pris givaros.com, le site des recruteurs 😀), etc. Mais la portée des ressources humaines dans tous les secteurs est bien plus vaste que le seul périmètre des multinationales !

Un bon artisan est une ressource précieuse, un talent dirait-on en langage moderne, tout comme un bon ouvrier, un artiste, un compagnon... L'enseignement secondaire et l'université ont toujours privilégié les métiers "intellectuels" par rapport aux métiers manuels, mais l'arrivée de l'intelligence artificielle pourrait renverser cette tendance : les métiers intellectuels semblent plus facilement remplaçables que les métiers manuels. Le robot-plombier qui répare votre salle de bain, c'est pas encore pour demain. 

Cela dit, comment classifier un pilote de chasse ? Manuel ou intellectuel ? Les deux, mon général. Or dans un tweet récent, Elon Musk a prévenu que l'arrivée des essaims de drones à bas coût allait renvoyer vite fait les pilotes de chasse et les équipages dans leurs pénates (Crewed aircraft will be destroyed instantly by cheap drone swarms) ! Comme quoi, plus personne n'est à l'abri...

Donc, en recherchant "intelligence artificielle et RH", vous allez trouver nombre d'articles fort sérieux et bien documentés : je vous y renvoie pour une lecture abondante et fructueuse. [Début]