dimanche 22 juin 2025

OpenAI et Microsoft


Cette frise chronologique retrace le partenariat né en 2019 entre Microsoft et OpenAI (créée en 2015), qui commence à battre de l'aile en 2024 après 5 années d'une collaboration - très - fructueuse : Microsoft, qui a investi massivement dans l'entreprise (un total d'environ 14 milliards de dollars depuis 2019), est le fournisseur exclusif du cloud d’OpenAI via Azure. Toutes les API d’OpenAI tournent sur Microsoft Azure, et Microsoft intègre dans ses produits les technologies d'OpenAI pour améliorer ses services avec des capacités d'IA avancées.

Au mois de juin 2024, Microsoft, dans le dépôt réglementaire de ses comptes annuels auprès de la SEC (Securities and Exchange Commission) américaine, a qualifié pour la première fois OpenAI de concurrente :
Nos offres en matière d’intelligence artificielle sont en concurrence avec les produits d’IA proposés par des hyperscalers tels qu’Amazon et Google, ainsi qu’avec ceux d’autres concurrents émergents, notamment Anthropic, OpenAI, Meta et d’autres solutions open source, dont beaucoup sont également des partenaires actuels ou potentiels.

Ainsi que dans le binôme recherche-publicité :
Nos activités de recherche et de publicité liée à la recherche et à l’actualité sont en concurrence avec Google, OpenAI, ainsi qu’avec une grande variété de sites web, de plateformes sociales comme Meta, ou de portails qui fournissent du contenu et des services en ligne aux utilisateurs finaux.
La société énumère ensuite toute une série de risques liés à l'intelligence artificielle, auxquels OpenAI pourrait ne pas être étrangère (je résume) :
Microsoft utilise de plus en plus l’intelligence artificielle (IA) dans ses produits et services, et permet aussi à ses clients d’y avoir accès pour leurs propres usages. Une partie de cette IA est développée par Microsoft, l’autre par des partenaires comme OpenAI. L’IA est prometteuse, mais elle présente aussi des risques : les algorithmes peuvent contenir des erreurs ou des biais ; les données utilisées pour entraîner l’IA peuvent être incomplètes ou problématiques ; les contenus générés peuvent être inexacts, choquants ou même illégaux.

Ces problèmes peuvent nuire à l’image de Microsoft, entraîner des plaintes, des régulations, ou empêcher les produits de fonctionner comme prévu. Il peut aussi être nécessaire qu’un humain vérifie ce que produit l’IA. Il y a également des risques juridiques, notamment liés aux droits d’auteur, à la vie privée, à la sécurité des données ou aux nouvelles lois sur l’IA comme le AI Act européen ou les décrets américains. Enfin, certains usages de l’IA peuvent poser des questions éthiques (emploi, surveillance, liberté…) et avoir des impacts sur la société. Si Microsoft propose des solutions mal encadrées ou mal utilisées, cela pourrait nuire à sa réputation, à ses clients ou à ses activités.

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Cette alliance technologique permet à Microsoft de rester à la pointe du marché de l'IA en bénéficiant des innovations d’OpenAI, tout en fournissant à cette dernière les ressources et la puissance de calcul nécessaires pour entraîner et déployer ses modèles d'IA. Mais disons que leurs propres ambitions les positionnent de plus en plus comme concurrents réels plutôt que comme partenaires, chacune étant amenée à jouer un rôle distinct dans l'IA et l'IQ à l'avenir.

Pour l'heure, Microsoft intègre les technologies d'OpenAI dans ses produits, comme Copilot, Office 365 ou Bing, afin d'améliorer ses services avec des capacités d'IA avancées, tout en développant ses propres technologies d'IA et modèles d'apprentissage automatique, notamment via Azure AI, et ses propres initiatives de recherche, susceptibles de concurrencer les offres d'OpenAI dans le futur. 

Bien que leur partenariat soit solide, Microsoft diversifie ses efforts en IA pour réduire sa dépendance à l'égard d'OpenAI, ce qui pourrait créer une concurrence à long terme, surtout si OpenAI commercialise ses modèles directement à grande échelle. En résumé, ils collaborent étroitement pour l'instant, mais leurs intérêts pourraient diverger à mesure que le marché de l'IA évolue.

OpenAI et Microsoft, partenaires et/ou concurrents ?

Voyons le contexte initial de ce partenariat stratégique clé et les circonstances ayant conduit à la situation actuelle.

Le partenariat est né d'un besoin mutuel, les deux organisations partageant la nécessité d'accélérer l'innovation en IA : OpenAI avait besoin de ressources financières et informatiques, tandis que Microsoft cherchait à se positionner comme leader dans l'IA face à une concurrence croissante. 

En juillet 2019, dans un contexte de besoins financiers croissants pour OpenAI et d'ambitions stratégiques en IA pour Microsoft, cette dernière a annoncé son investissement d'1 milliard de dollars dans OpenAI. L'accord stipulait que Microsoft fournirait des ressources cloud via Azure pour entraîner et déployer les modèles d'IA d'OpenAI. En retour, OpenAI a accepté de collaborer avec Microsoft pour intégrer ses technologies dans les produits Microsoft, comme Azure AI et, plus tard, des outils comme Copilot.

Objectifs initiaux d'OpenAI : à l'époque, OpenAI, Organisation à but non lucratif fondé en 2015 par Elon Musk, Sam Altman et d'autres, cherchait à accélérer ses recherches sur l'intelligence artificielle générale (AGI). Cependant, les coûts croissants de développement des modèles d'IA (comme GPT) nécessitaient des ressources financières et informatiques importantes, dépassant les capacités d'une organisation à but non lucratif ou autofinancée.

Transition d'OpenAI : en 2019, OpenAI a évolué d'une structure à but non lucratif vers une entité hybride, avec la création d'une branche à but lucratif (capped-profit) pour attirer des investissements. Cela a permis de financer des projets ambitieux tout en restant aligné sur sa mission de développer une IA sûre et bénéfique.

Rôle de Microsoft : en cherchant à renforcer sa position dans l'IA et à concurrencer des géants comme Google et Amazon, Microsoft a saisi une opportunité stratégique en investissant dans OpenAI, en obtenant un accès privilégié à des technologies d'IA de pointe et en renforçant son offre cloud Azure, qui est devenue la plateforme exclusive pour les besoins informatiques d'OpenAI.

Évolution du partenariat : en 2020, Microsoft a obtenu une licence exclusive pour intégrer GPT-3 dans ses produits. Après le succès de ChatGPT fin 2022, Microsoft a renforcé son engagement avec un investissement supplémentaire de 10 milliards de dollars en janvier 2023, consolidant le partenariat. Ce partenariat a permis à Microsoft d'intégrer des technologies comme ChatGPT dans Bing, Teams, et Office 365, tandis qu'OpenAI a bénéficié d'une infrastructure cloud robuste pour ses recherches.

Résumé des évolutions majeures et des développements récents (jusqu'en juin 2025)

Consolidation en 2023

En janvier 2023, Microsoft a annoncé un investissement pluriannuel de 10 milliards de dollars dans OpenAI, renforçant son rôle de fournisseur cloud exclusif via Azure et intégrant les modèles d'OpenAI (comme ChatGPT, DALL-E, GPT-4) dans ses produits (Bing, Copilot, Office 365). Cet accord a permis à OpenAI d'accéder à des supercalculateurs Azure pour accélérer ses recherches, tandis que Microsoft a bénéficié d'un accès exclusif à certaines technologies.

Ce partenariat a suscité des inquiétudes concurrentielles, attirant l'attention des régulateurs, notamment la Competition and Markets Authority (CMA) britannique et la Federal Trade Commission (FTC) américaine, qui ont enquêté sur un possible contrôle déguisé de Microsoft sur OpenAI.

Crise de gouvernance en novembre 2023

Le licenciement temporaire de Sam Altman, PDG d'OpenAI, par son conseil d'administration a révélé la dépendance d'OpenAI envers Microsoft. Microsoft a soutenu Altman, proposant de l'embaucher avec une équipe de recherche IA, ce qui a poussé 738 des 770 employés d'OpenAI à menacer de rejoindre Microsoft si Altman n'était pas réintégré. Altman a été rétabli cinq jours plus tard, avec un nouveau conseil d'administration. Cet épisode a renforcé l'influence de Microsoft, qui a obtenu un siège d'observateur (sans droit de vote) au conseil d'OpenAI.

Tensions et renégociations (2024-2025)

Restructuration d'OpenAI : OpenAI cherche à transformer sa structure hybride (à but non lucratif et lucratif) en une "public benefit corporation" pour faciliter une éventuelle introduction en bourse. Cette transition nécessite l'accord de Microsoft, qui détient 49 % d'OpenAI Global, LLC, et pourrait perdre ses droits sur les profits futurs (plafonnés à environ 120 milliards de dollars). Les négociations, entamées fin 2024, sont tendues, avec des désaccords sur la définition de l'intelligence artificielle générale (AGI), qui permettrait à OpenAI de cesser de partager ses technologies avec Microsoft dès lors qu'elle serait atteinte.

Diversification d'OpenAI : OpenAI réduit sa dépendance à Azure en signant des accords avec d'autres fournisseurs cloud, comme Google Cloud (mai 2025) et Oracle, et en développant ses propres infrastructures, notamment le projet "Stargate" avec Oracle, SoftBank et MGX. OpenAI envisage également de produire ses propres puces IA avec Broadcom et TSMC d'ici fin 2025.

Conflits anticoncurrentiels : OpenAI a envisagé de porter plainte contre Microsoft pour pratiques anticoncurrentielles, notamment en raison de l'exclusivité Azure et des demandes de Microsoft d'accéder à la propriété intellectuelle de Windsurf, une startup IA qu'OpenAI souhaite acquérir pour 3 milliards de dollars. Google a également poussé la FTC à examiner l'accord exclusif Azure, intensifiant les pressions réglementaires.

Concurrence croissante : Microsoft développe ses propres modèles IA (par exemple, un modèle concurrent de GPT en 2024) et teste des alternatives à OpenAI, comme les modèles de xAI, Meta et DeepSeek pour Copilot, signalant une volonté d'indépendance. OpenAI, de son côté, commercialise ses modèles directement, entrant en concurrence avec les produits Microsoft comme Copilot.

Retrait de Microsoft du conseil d'OpenAI (juillet 2024)

Sous la pression des autorités antitrust (CMA, FTC, Commission européenne), Microsoft a renoncé à son siège d'observateur au conseil d'OpenAI pour éviter une enquête approfondie sur un possible contrôle déguisé. Cette décision a marqué un recul symbolique de l'influence directe de Microsoft, bien que son investissement et son partenariat technique restent intacts.

État actuel (juin 2025)

Les négociations entre Microsoft et OpenAI sont dans une phase critique, avec des enjeux autour de l'exclusivité Azure, des droits sur les profits futurs, et de l'accès aux technologies post-AGI. OpenAI propose à Microsoft 33 % de sa future entité en échange de concessions majeures, mais un refus pourrait compromettre 20 milliards de dollars de financement pour OpenAI.

Les deux entreprises affirment publiquement leur volonté de maintenir un partenariat à long terme, mais les tensions suggèrent un possible "divorce structuré". OpenAI se positionne pour une plus grande autonomie, tandis que Microsoft diversifie ses efforts en IA pour réduire sa dépendance à OpenAI.

Le partenariat reste sous surveillance réglementaire, avec des enquêtes en cours en Europe, aux États-Unis et au Royaume-Uni, ce qui pourrait forcer une redéfinition des termes.

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Initialement synergique, le partenariat OpenAI-Microsoft est devenu plus complexe et concurrentiel. Les investissements massifs de Microsoft (près de 14 milliards de dollars au total) et l'intégration des modèles d'OpenAI dans Azure et Copilot ont renforcé leur collaboration, mais la quête d'autonomie d'OpenAI, les ambitions concurrentielles de Microsoft, et les pressions réglementaires ont engendré des frictions. Les négociations en cours pourraient soit redéfinir un équilibre, soit mener à une séparation progressive, marquant un tournant dans la course à l'IA, dont OpenAI et Microsoft resteront quoi qu'il en soit des acteurs majeurs.

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