mardi 1 février 2011

L'OTAN et la démocratie

Billet "historique et prospectif", sans prétention aucune, mais long à lire...

Transitions
Yalta
La « doctrine Truman »
La « doctrine Truman » en Italie
L'Occident exportateur de démocratie...
Discours d'Obama au Caire
Post-Scriptum


* * *
Transitions

Dans un récent article de Jacques Attali, intitulé Transitions, je lis ceci :
Comment alors s’étonner que les peuples se retournent contre les démocraties qui les ont négligés ?

Pour aider à ces transitions, une solution simple serait de créer une nouvelle institution internationale, regroupant toutes les nations bénéficiant de la démocratie, revendiquant un devoir d’ingérence, et se donnant les moyens d’aider à la liberté politique, en fournissant aux peuples soumis des moyens spécifiques pour y soutenir la liberté de la presse, les partis politiques, les ONG, la lutte contre la pauvreté, et contre la corruption. Les embryons d’une telle institution existent : en économie, les démocraties sont rassemblées dans l’OCDE. En matière militaire, dans l’OTAN. Même si ce n’était pas, au départ, la raison d’être de ces deux institutions.
C'est moi qui graisse, car cette pensée selon laquelle, en matière militaire, les démocraties seraient rassemblées dans l’OTAN, m'interpelle particulièrement : au mieux je la trouve totalement saugrenue, au pire extrêmement trompeuse, voire dangereuse.

À vrai dire, j'ai commencé à m'intéresser à l'OTAN depuis que j'étudie de près l'histoire de l'Italie, et notamment les conséquences de l'influence de l'OTAN sur la situation que nous connaissons aujourd'hui (dont Silvio Berlusconi n'est qu'une excroissance tératologique, il faut bien l'avouer...).

Or la réflexion est d'importance, puisque si les États-Unis d'Amérique refont avec l'islamisme, en ce début de siècle, ce qu'ils ont fait avec le communisme à partir de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, alors il est sûr et certain que le monde va droit dans le mur...

Je signale en outre que, dans le cadre de ce billet, j'identifie l'OTAN avec les États-Unis d'Amérique, car indépendamment du nom, la substance ne change pas !

Personnellement, je fais remonter la genèse de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord à Yalta, sur les bords de la mer de Crimée, où Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline se réunirent en secret du 4 au 11 février 1945 pour décider de l’avenir du monde et prévoir la formation de gouvernements démocratiques dans l’Europe libérée...

(Ce qui suit est extrait du préambule de mon essai sur la République Italienne, commencé en début d'année dernière - et interrompu depuis en raison de l'absence totale d'intérêt d'un éditeur potentiel -, en vue du 150e anniversaire de l'Unité d'Italie, qui sera célébré le mois prochain : la date "officielle" est le 17 mars 2011, puisque le Royaume d’Italie fut proclamé par le comte de Cavour le 17 mars 1861...) [Début]


* * *

Voici un extrait du communiqué de presse publié le 11 février 1945 pour annoncer les accords de Yalta :

V. - Déclaration sur l’Europe libérée

« Le président du Conseil des Commissaires du Peuple de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, le Premier ministre du Royaume-Uni et le Président des États-Unis d’Amérique se sont consultés concernant les intérêts communs des peuples de leurs propres pays et de ceux de l’Europe libérée. Ils déclarent qu’ils sont d’accord pour coordonner, pendant la période temporaire d’instabilité politique en Europe libérée, la ligne de conduite adoptée par leurs trois gouvernements pour aider les peuples libérés de la domination de l’Allemagne nazie et les peuples des anciens satellites de l’Axe en Europe, à résoudre par des moyens démocratiques leurs difficultés politiques et économiques urgentes.

Le rétablissement de l’ordre en Europe et la reconstruction de la vie économique nationale devront être réalisés par des méthodes qui permettront aux peuples libérés d’effacer les derniers vestiges du nazisme et du fascisme et de se donner des institutions démocratiques de leur propre choix. C’est un des principes de la Charte de l’Atlantique que tous les peuples ont le droit de choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils entendent vivre et que les droits souverains et l’autonomie, dont ils ont été dépossédés de force par les pays agresseurs, doivent leur être restitués.

Afin de favoriser les conditions dans lesquelles les peuples libérés pourront exercer ces droits, les trois gouvernements prêteront conjointement leur aide aux peuples des États libérés d’Europe ou des anciens satellites de l’Axe, chaque fois qu’il sera nécessaire, en raison de la situation :
  1. d’assurer la paix intérieure du pays ;
  2. de prendre des mesures d’urgence pour soulager la détresse de la population ;
  3. d’installer des gouvernements provisoires dans lesquels seront largement représentés tous les éléments démocratiques de la population qui devront, par voie d’élections libres, constituer aussi rapidement que possible des gouvernements répondant à la volonté populaire et enfin de faciliter, si besoin en est, de telles élections.
Les trois gouvernements consulteront les autres Nations Unies et les gouvernements provisoires ou autres en Europe lorsqu’il s’agira d’examiner des questions les intéressant directement.

Lorsque, de l’avis de trois gouvernements, la situation dans un État européen libéré ou dans un ancien État satellite de l’Axe en Europe l’exigera, ils se consulteront immédiatement sur les mesures qu’ils devront prendre pour s’acquitter des responsabilités communes exposées dans la présente déclaration.

Nous réaffirmons ici notre foi dans les principes de la Charte de l’Atlantique, nous confirmons les engagements pris par nous dans la déclaration des Nations Unies et notre résolution d’édifier, en coopération avec les autres nations pacifiques, un ordre mondial régi par le droit et consacré aux intérêts de la paix, de la sécurité, de la liberté et de la prospérité commune.

En publiant cette déclaration, les trois puissances expriment l’espoir que le Gouvernement provisoire de la République française pourra bientôt se joindre à elles dans l’exécution du programme ci-dessus exposé. »

Donc si l’on peut dire que les accords de Bretton Woods, signés le 22 juillet 1944 aux États-Unis, ont tracé les grandes lignes économiques du système financier international après la Seconde Guerre mondiale, il est clair que les accords de Yalta ont dessiné, pour le bien et pour le mal, les nouvelles frontières politiques de l’après Guerre.

La référence faite à la Charte de l’Atlantique du 14 août 1941, qui « entreprend de jeter les fondements d’une nouvelle politique internationale » et servira de base aussi bien à la Déclaration des Nations unies (signée le 1er janvier 1942 par les représentants de 26 pays en guerre contre l’Allemagne) qu’à la Charte des Nations unies (signée le 26 juin 1945) réaffirme d’ailleurs l’espoir d’un « avenir meilleur pour le monde », et notamment le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Voici pour les grands principes. [Début]

Passons maintenant à la pratique.

Un article publié dans le Monde du 14 février 1945, intitulé « La conférence de Yalta », observe :
À l’issue de la conférence de Yalta, qui a duré huit jours pleins, MM. Churchill, Roosevelt et le maréchal Staline ont publié un communiqué qui est un compte rendu détaillé de leurs travaux. Tous les grands problèmes de la guerre et de la paix y sont abordés, sinon résolus, et si les clartés qu’on nous donne laissent encore subsister bien des ombres, c’est que dans le stade actuel de la guerre tout ne pouvait être réglé et, vraisemblablement, ce qui était réglé ne pouvait toujours être dit.
Or c’est dans l’espace aussi infini qu’indéfini de ce non-dit que s’ébauche l’histoire de la Ie République « démocratique » d’Italie !

Un pays dont il faut bien cerner la situation géopolitique au sortir de la guerre : un pays vaincu à la frontière du bloc occidental, en plein cœur d’une zone formée de l’Europe de l’Ouest, de la Méditerranée et du Moyen Orient, un pays absolument stratégique pour les États-Unis.

Lesquels ont parfaitement compris l’émergence du monde bipolaire qui s’annonce, avec le choc titanesque des deux blocs – capitaliste vs. communiste – sur fond de guerre froide.

Un nouveau cadre historique parfaitement théorisé par les États-Unis dans la « doctrine Truman », exposée par Harry Truman devant le Congrès américain le 12 mars 1947, et par l’URSS dans la « doctrine Jdanov », présentée le 22 septembre 1947 par le 3e secrétaire du Parti communiste de l'Union soviétique, dont la lecture, une fois expurgée de toute la propagande idéologique, n’est pas dénuée d’intérêt. Notamment au point III. Le plan américain d’asservissement de l’Europe :

La politique extérieure expansionniste, inspirée et menée par la réaction américaine, prévoit une activité simultanée dans toutes les directions :
  1. Mesures militaires stratégiques ;
  2. Expansion économique ;
  3. Lutte idéologique.
(…)
Le plan militaire stratégique des États-Unis prévoit la création, en temps de paix, de nombreuses bases et places d'armes, très éloignées du continent américain et destinées à être utilisées dans des buts d'agression contre l'U.R.S.S. et les pays de la nouvelle démocratie. Les bases américaines militaires, aériennes et navales, existent ou sont de nouveau en voie de création en Alaska, au Japon, en Italie, au sud de la Corée, en Chine, en Égypte, en Iran, en Turquie, en Grèce, en Autriche et en Allemagne occidentale.
(…)
L’une des lignes de la « campagne » idéologique qui accompagne les plans d’asservissement de l’Europe est l’attaque contre les principes de souveraineté nationale, l’appel à renoncer aux droits souverains des peuples, auxquels on oppose l’idée d’un « gouvernement mondial ». Le sens de cette campagne consiste à embellir l’expansion effrénée de l’impérialisme américain qui, sans cérémonie, porte atteinte aux droits souverains des peuples, et à présenter les États-Unis dans le rôle de champion des lois humaines, tandis que ceux qui résistent à la pénétration américaine sont présentés en partisans d’un nationalisme « égoïste » périmé.
(…)
La « doctrine Truman » et le « plan Marshall » sont, dans les conditions actuelles aux États-Unis, l’expression concrète des efforts expansionnistes. Au fond, ces deux documents sont l’expression d’une même politique, bien qu’ils se distinguent par la forme sous laquelle y est présentée une même et seule prétention américaine d’asservir l’Europe.

En ce qui concerne l’Europe, les principales lignes de la « doctrine Truman » sont les suivantes :

  1. Création de bases américaines dans la partie orientale du bassin méditerranéen, afin d’affermir la domination américaine dans cette zone ;
  2. Soutien démonstratif des régimes réactionnaires en Grèce et en Turquie, etc.
Car il est clair qu’après la guerre, les États-Unis réorientent dans un axe strictement anticommuniste les priorités de leur politique étrangère, et pour ce faire ils vont faire appel aux services et à l’anticommunisme viscéral des (ex-) fascistes dont l’Europe est pleine (mais pas seulement, puisqu’il en ira de même au Japon et en Amérique latine), amnistiés et réhabilités pour l’occasion.

D’où le soutien affiché ou latent aux dictatures de droite partout dans le monde, mais aussi l’utilisation massive des militants d’extrême-droite et, dans le cas spécifique à l’Italie, des membres de la mafia.

Autant d’affirmations qui ne sont pas des supputations, mais des vérités historiques largement documentées : c’est la politique d’endiguement (containment) préconisée par la « doctrine Truman » pour stopper l'expansion de la zone d'influence soviétique et contrer les États susceptibles d'adopter le communisme, que la doctrine antagoniste de Jdanov nomme politique extérieure expansionniste et impérialiste, dont il identifie les trois principaux axes d’intervention :
  1. Mesures militaires stratégiques, notamment avec la création de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et l’installation en Belgique de son commandement militaire – le SHAPE...
  2. Expansion économique,
  3. Lutte idéologique.
[Début]
* * *
J'arrête là la citation de mon livre pour en revenir à mon blog, et notamment au billet Obama vs. Berlusconi, où j'indique dans quels documents du National Security Council (NSC) on retrouve trace de cette "doctrine Truman" appliquée à l'Italie :
  1. Le document NSC n° 1/3 du 8 mars 1948, à la veille des élections cruciales du 18 avril suivant, pose directement le problème de la possible conquête du pouvoir par les communistes « par des moyens légaux », auquel cas les États-Unis devraient immédiatement répondre, y compris en fournissant une assistance financière et militaire à la base anti-communiste italienne. N'oublions pas que le 3 avril 1948, le congrès américain adoptait le plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe après la deuxième guerre mondiale.
  2. Le document NSC n° 10/2 du 18 juin 1948 affirme que les activités officielles à l'étranger seraient accompagnées d'opérations "couvertes" pour qu'il ne soit pas possible de remonter à la responsabilité du Gouvernement des États-Unis.
  3. Le document NSC n° 67/3 du 5 janvier 1951 (indisponible dans son intégralité, aujourd'hui encore, puisqu'une bonne partie reste sous secret militaire), prévoit explicitement des initiatives des États-Unis « pour empêcher la prise du pouvoir par les communistes. »
C'est le programme tout tracé de la stratégie de la tension, qui avait pour but délibéré non seulement d'installer un climat de violence politique afin de favoriser l'émergence d'un état autoritaire, mais aussi et surtout de faire en sorte que des attentats exécutés par des néofascistes et des subversifs d'extrême droite fussent faussement attribués aux réseaux gauchistes.
Par conséquent, je ne saurais faire ici le décompte de tous les régimes autoritaires (pour employer un euphémisme) ouvertement soutenus ou mis en place dans le monde depuis 1945 par les États-Unis [Grèce, Portugal et Espagne en Europe, combien de pays en Amérique latine ? quant au Japon et à l'Italie ("démocratie à souveraineté limitée"), ils mériteraient un chapitre à part entière (lire aussi, 134 milliards de dollars - l'opération Lys d'Or et le Traité de Versailles !)], au nom d'une Realpolitik dont Henry Kissinger fut l'un des principaux artisans, mais le fait est qu'on pourrait la qualifier de politique NIMBY, qui a simplement consisté à combattre un totalitarisme par des dictatures...

Ni plus ni moins. L'important était que tout cela se passât loin des États-Unis ! [Début]

* * *
L'Occident exportateur de démocratie...

Or plus de deux décennies après l'écroulement du Mur de Berlin rien n'a changé, au contraire, puisque ce qui fut hier l'affrontement de deux mondes - communisme vs. capitalisme -, redevient aujourd'hui l'affrontement de deux nouveaux blocs, encore plus vastes mais aux contours moins bien définis : intégralisme islamique vs. occident exportateur de démocratie, avec une fois de plus l'Europe à la traîne des États-Unis...

Comme si l'histoire millénaire et tragique des Guerres de religion ne pouvait rien enseigner au présent !

Mais des États-Unis en déclin, contrairement à la position qui était la leur à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (ils étaient alors considérés comme des libérateurs et leur suprématie n'était pas remise en cause, sauf par l'URSS), et qui n'ont probablement plus les moyens de leurs ambitions : dans ce cadre, poursuivre aujourd'hui la même logique que celle déployée hier contre l'anticommunisme, pour combattre l'intégralisme islamique par d'autres dictatures serait une ERREUR POLITIQUE phénoménale !

Hier, en dépit des intentions proclamées au grand jour de permettre « aux peuples libérés » « de se donner des institutions démocratiques de leur propre choix », les vainqueurs tramaient dans l'ombre « pour empêcher la prise du pouvoir par les communistes », y compris « par des moyens légaux », à savoir par la « voie d’élections libres ».

Une violation évidente des principes de la Charte de l’Atlantique selon lesquels « tous les peuples ont le droit de choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils entendent vivre » et « que les droits souverains et l’autonomie ... doivent leur être restitués », tout comme de l'élémentaire « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », réaffirmé dans la Charte des Nations unies.

Quant à l’espoir d’un « avenir meilleur pour le monde », dans le sillage d'un « ordre mondial régi par le droit et consacré aux intérêts de la paix, de la sécurité, de la liberté et de la prospérité commune », je ne pense pas qu'aucun gouvernement occidental aurait aujourd'hui l'impudence de prétendre exporter le "modèle démocratique" à toutes les nations de la terre, ni l'inconscience de dire aux peuples révoltés (ou en passe de l'être), d'Égypte, de Tunisie, du Maroc, d'Algérie, d'Albanie, d'Afghanistan, de Libye, de Syrie, de Jordanie, du Liban, du Soudan, du Yemen et d'ailleurs, que mieux vaut, pour leur propre bien, leur imposer une dictature - d'autant plus facile à manipuler qu'elle sera corrompue -, plutôt que de reconnaître leur droit légitime à l'autodétermination.

Pratiquement, ce sont les principaux pays de la Ligue arabe qui sont en ébullition !

Et quand Israël, enserré dans l'étau de la liberté exprimé par le réveil du monde arabe, s'entête en ­pressant Washington ­et l'Europe ­de ­soutenir Moubarak envers et contre tout, sous prétexte que sans Moubarak ce sera la guerre, en allant jusqu'à fournir en ce moment-même du matériel militaire au régime à l'agonie, je pense que là encore Israël commet une ERREUR POLITIQUE majeure qui va exactement à l'encontre des intérêts que son État prétend défendre...

Car après, « comment alors s’étonner que les peuples se retournent contre les démocraties qui les ont négligés ? »

Je suis évidemment heureux que l'Amérique ait empêché hier l'expansion du totalitarisme communiste, mais cela ne veut pas dire que les moyens discutables qui furent employés soient transposables à la réalité d'aujourd'hui. Car sur les plateaux de la balance d'un monde juste, les bénéfices obtenus dans l'immédiat ou à moyen terme compenseront-ils les dommages sur le long terme ?

On l'observe avec l'Italie de Berlusconi : après des décennies de souveraineté limitée, nous voyons ces jours-ci une majorité du pays sans plus aucune conscience critique, incapable de réagir à un régime au moins aussi déclinant que celui de ses "amis" Moubarak, Ben Ali, etc., où la population regarde avec envie ce qui se passe à Tunis ou au Caire et assiste à la révolte / révolution de ces pays au sang neuf, en se demandant dépitée pourquoi cette apathie d'une opinion publique sous hypnose, frappée d'un syndrome de Stockholm tout à fait incompréhensible aux yeux des observateurs étrangers.

Donc même si je ne demande qu'une chose (que la réalité des faits démente mon analyse), il est clair que la démocratie ne s'exporte ni ne s'impose, elle se conquiert par la base et par la libre volonté des peuples.

Nous verrons d'ailleurs si le peuple italien, à la veille de célébrer les 150 premières années de son "unité", aura la maturité nécessaire pour éradiquer le cancer berlusconien afin de repartir sur de nouvelles bases, une maturité qui lui a manqué au début des années 90...

Mais "accompagner" ici et là ces transitions en créant une nouvelle institution internationale, regroupant toutes les nations bénéficiant de la démocratie, revendiquant un devoir d’ingérence, et se donnant les moyens d’aider à la liberté politique, en fournissant aux peuples soumis des moyens spécifiques pour y soutenir la liberté de la presse, les partis politiques, les ONG, la lutte contre la pauvreté, et contre la corruption, me semble un pari extrêmement risqué, en ce sens qu'il se fonde sur le postulat d'une "vérité" dont l'histoire a montré qu'elle était loin d'être acquise !

Sûrement vaudrait-il mieux essayer d'inventer de nouvelles formes de "coopétition" entre les peuples, mais cela ne se fera jamais avec des politiques qui manquent d'imagination. [Début]

* * *
Cela me fait penser au discours précurseur tenu par Obama ... au Caire, c'était pas plus tard qu'en juin 2009 :


Les questions courageusement abordées par Obama sont :
  • l'extrémisme violent sous toutes ses formes
  • l'Afghanistan, le Pakistan, l'Iraq
  • la situation entre les Israéliens, les Palestiniens et le monde arabe
  • les droits et les responsabilités des nations sur la question des armes nucléaires
  • la démocratie
  • la liberté religieuse
  • les droits de la femme
  • l'intérêt commun à favoriser le développement et les opportunités économiques
Un discours qu'il vaudrait peut-être la peine de réanalyser en profondeur, vu ce qui se passe à présent et risque de se passer demain...

Pour conclure, je ne résiste pas à l'envie de vous en citer intégralement la fin :
Nous partageons tous cette planète pendant un court instant. À nous de décider si nous passons ce temps à nous concentrer sur ce qui nous sépare ou si nous nous engageons à faire ce qu'il faut - de façon soutenue - pour trouver un terrain d'entente, pour nous concentrer sur l'avenir que nous désirons pour nos enfants, et pour respecter la dignité de tous les êtres humains.

Tout ceci n'est pas simple. Il est plus facile de se lancer dans une guerre que de faire la paix. Il est plus facile de blâmer autrui que de s'examiner soi-même ; il est plus facile de voir ce qui nous distingue, plutôt que ce que nous avons en commun. Mais il faut choisir le bon chemin, et non le plus facile. Il y a une règle essentielle qui sous-tend toutes les religions : celle de traiter les autres comme nous aimerions être traités. Cette vérité transcende les nations et les peuples. C'est une croyance qui n'est pas nouvelle, qui n'est ni noire ni blanche ni basanée, qui n'est ni chrétienne ni musulmane ni juive. C'est une foi qui a animé le berceau de la civilisation et qui bat encore dans le cœur de milliards d'êtres humains. C'est la foi dans autrui et c'est ce qui m'a mené ici aujourd'hui.

Nous avons le pouvoir de construire le monde auquel nous aspirons, mais seulement si nous avons le courage de prendre un nouveau départ, en gardant à l'esprit ce qui a été écrit.

Le Saint Coran nous dit : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. »

Le Talmud nous dit : « Toute la Torah a pour objectif de promouvoir la paix. »

La Bible nous dit : « Bienheureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu. »

Les habitants du monde peuvent cohabiter en paix. Nous savons que telle est la vision de Dieu. C'est maintenant notre tâche sur cette Terre. Je vous remercie et que la paix de Dieu soit avec vous.
Pour le reste, OTAN en emporte le vent... [Début]


Partager sur Facebook

P.S. Je ne peux pas évoquer l'OTAN et l'Italie sans parler de la France, et notamment de la décision annoncée par le Général de Gaulle en 1966 :
« La France considère que les changements accomplis ou en voie de l’être, depuis 1949, en Europe, en Asie et ailleurs, ainsi que l’évolution de sa propre situation et de ses propres forces ne justifient plus, pour ce qui la concerne, les dispositions d’ordre militaire prises après la conclusion de l’Alliance. »

[La France] « se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements intégrés et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’OTAN ». Certes, elle « est disposée à s’entendre avec [ses alliés] quant aux facilités militaires à s’accorder mutuellement dans le cas d’un conflit où elle s’engagerait à leurs côtés ». Bref, elle « croit devoir, pour son compte, modifier la forme de [l’]alliance sans en altérer le fond ».
Nous avons donc là deux visions totalement opposées, avec une réaffirmation forte de la souveraineté nationale pour la France, face à une Italie à souveraineté limitée sans véritable géopolitique, à noter d'ailleurs que le pays accueille encore aujourd'hui, 65 ans après la fin de la guerre, plus d'une centaine de bases américaines sur son sol...

Or comme l'observait en 2008 Dominique Vidal : « Quatre décennies plus tard, comment ne pas être frappé par l’étonnante actualité de ces débats, mais aussi par la cohérence, sur la longue durée, de la pensée stratégique du général de Gaulle ? »

Et de conclure :
L’échappée belle n’aura qu’un temps. Après la démission, puis la disparition du général, ses successeurs – de Georges Pompidou à François Mitterrand – referont progressivement le chemin à l’envers. Et, comme pour préparer le trentième anniversaire de la lettre à Johnson, la France réintègrera, le 5 décembre 1995, le conseil des ministres et le comité militaire de l’OTAN. Héritier déclaré du général de Gaulle, le président Jacques Chirac ouvrira ainsi la porte à une réintégration de la France dans l’OTAN, que M. Nicolas Sarkozy cherche à parachever.
Une parenthèse gaulliste de 43 ans finalement refermée par Nicolas Sarkozy, qui a réintégré la France dans l’OTAN en 2009 : un "acte historique" n'ayant pas fait que des heureux, voir ici ou , par exemple...

J'ai été très frappé de lire un jour l'opération Sarkozy, écrit par Thierry Meyssan, article qui n'a pourtant pas fait l'objet, sauf erreur de ma part, d'une plainte en diffamation de la part de Sarkozy. Étonnant !

Or je ne connais pas Thierry Meyssan, je vois seulement qu'il fait l'objet d'attaques très violentes sur le Web, personnellement je n'ai aucune information le concernant qui pourrait m'induire à penser dans un sens ou dans l'autre, donc pour l'instant je préfère me baser uniquement sur les faits que je peux vérifier. Et les faits me disent que beaucoup des choses qu'il a écrites, notamment sur Stay-Behind et sur la situation du Japon au sortir de la guerre, sont entièrement recoupées par mes propres recherches sur l'histoire de l'Italie. Je ferai donc miens les mots de ce commentaire de Nelly : « C’est un article intéressant. S’il nous vient des doutes on peut toujours se renseigner, les informations ne manquent pas sur la toile. »

Article dans lequel il est également question de Frank Wisner Jr. - je note au passage -, actuel émissaire de Barack Obama auprès de Mubarak ("the exact wrong person to send", selon certains à Washington, et ailleurs) (du reste, cet ex-collaborateur de Kissinger, plus récemment lobbyiste en Égypte pour le compte de la firme Patton Boggs, membre du Directoire de la Banque Commerciale Internationale d'Égypte, a été rappelé dans la foulée !)...

Donc quand on met ensemble différents éléments, évidemment on se pose des questions. Mais ce n'est pas interdit, que je sache, et cela fait même partie de la normale dialectique démocratique. Alors que chacun se fasse son propre avis, du reste le discernement individuel devrait être ce qui distingue tout citoyen responsable...

Je vous encourage par conséquent à lire le réseau Voltaire sur la situation actuelle, cela devrait donner à chacun des arguments pour approfondir la situation. En tout cas, j'espère que le présent billet pourra fournir son apport et contribuer ainsi au débat général, vu que l'évolution de ce qui se passe ces jours-ci aura forcément un impact dans nos vies quotidiennes.

OTAN se faire une idée :-) [Début]

, , , , , , , , , ,

2 commentaires:

yaquin a dit…

Plutôt qu'une institution internationale, nous avons un plus grand besoin d'une opinion publique mondiale consciente des enjeux d'une coexistence pacifique des peuples et d'une prise en main de leur destinée commune.
Un cadre marocain prêt à s'engager pour accompagner l'avènement de cette doxa internationale.

Jean-Marie Le Ray a dit…

Yaquin,

c'est parfaitement vrai ! Dommage que nos gouvernements - y compris "démocratiques" - ne me semblent pas tellement œuvrer dans le sens d'une responsabilisation et d'une conscientisation des citoyens, mais plutôt dans le sens opposé de leur déresponsabilisation et de leur abrutissement. Ainsi il leur est plus facile de gouverner et de faire leurs intérêts et ceux de leurs tribus plutôt que ceux de la collectivité et du bien public...

J-M