mardi 29 avril 2025

Intelligence artificielle - Troisième bloc

Intelligence artificielle - Premier bloc

Intelligence artificielle - Deuxième bloc

Intelligence artificielle - Quatrième bloc

Les quatre blocs en PDF

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  1. L'intelligence artificielle et la politique
  2. L'intelligence artificielle et la statistique
  3. L'intelligence artificielle et la santé
  4. L'intelligence artificielle et l'environnement
  5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie
  6. L'intelligence artificielle et la fabrication / production
  7. L'intelligence artificielle et la construction / le BTP
  8. L'intelligence artificielle et l'énergie
  9. L'intelligence artificielle et l'agriculture
  10. L'intelligence artificielle et les ressources humaines

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1. L'intelligence artificielle et la politique

Le mercredi 3 mai 2023, Libération titrait en une « Intelligence artificielle et politique : les liaisons dangereuses ». 


Popularisation de ChatGPT, diffusion de fausses images, accélération des techniques de propagande... L'irruption de l'IA bouleverse déjà le monde politique, qui redoute son influence sur la présidentielle de 2027.

Et une ingérence dans les processus démocratiques, les quatre pages d'articles successives (2-5) étant totalement à charge de l'IA. Or deux ans ont passé, nous sommes à mi-chemin de l'élection présidentielle et qu'a fait la politique depuis pour affronter la question ? Rien...

Si ce n'est la publication d'un beau rapport, le 13 mars 2024, intitulé « IA : notre ambition pour la France », où Macron partage sa volonté affichée de faire du pays un champion de l'IA, parfaitement conscient de la situation, où les rapporteurs écrivent noir sur blanc de bien belles paroles, à partir de la page 54, point 1.7, L’IA peut-elle nuire à la qualité de l’information ? :
Or, l’IA a le potentiel de mettre en cause l’activité des entreprises de presse et par conséquent le rôle fondamental qu’elles jouent dans la production d’une information fiable et pluraliste. De nouveaux médias à base exclusive d’IA, sans respect de ces responsabilités, cherchent déjà à se positionner comme concurrents des médias « traditionnels ». Des sites fournissent des informations non fiables, générées par des IA et portant souvent des noms destinés à faire croire qu’il s’agit de contenus produits par des journalistes. S’ajoutent des robots plagiaires qui utilisent de manière irrégulière les contenus publiés par les médias traditionnels pour produire des articles, sans créditer leurs sources et sans rémunération.
Le cadre est posé. À quand un numéro vert ? Comme l'observe Tariq Krim

À deux ans de la prochaine élection présidentielle, les politiques numériques de l’État français semblent désormais en pilotage automatique.
  • Absence de vision claire : aucune doctrine numérique forte n’est portée par le gouvernement. Les grands outils comme France 2030 ou la BPI sont en train de se réorienter vers les secteurs défense et souveraineté après avoir joué la carte de la réindustrialisation, mais il va falloir du temps pour que cette stratégie porte ses fruits.
  • Stratégie du risque politique zéro : pour l’instant, on cherche à gagner du temps pour masquer la sidération face à la politique économique et diplomatique des US.
Donc, il est vrai que ChatGPT peut servir de « super-propagateur d'infox », que les images peuvent informer ou désinformer, et l’IA doper les arnaques et la propagande en ligne, etc., mais c'est exactement la même chose pour chacun des 40 binômes « Intelligence artificielle et... » que je traite dans mes billets : tous se prêtent à une simple analyse SWOT pour identifier forces, faiblesses, opportunités et menaces, pour trouver un équilibre entre positif et négatif, et d'une manière générale les parties prenantes préfèrent de loin mettre en avant le positif.

La politique, non ! C'est tout le contraire. Pourquoi ? Avez-vous jamais entendu Retailleau dire un seul mot positif sur l'immigration ? Et pourtant...

Dissertation. Prenez, au choix, l'un des cinq sujets problématisés par ChatGPT, vous avez quatre heures :
  1. L’intelligence artificielle peut-elle améliorer le processus démocratique ou constitue-t-elle une menace pour la démocratie ?
  2. L’intelligence artificielle remet-elle en question la souveraineté des États ?
  3. L’intelligence artificielle permet-elle une gouvernance plus efficace ou accentue-t-elle les inégalités politiques ?
  4. Peut-on confier des décisions politiques à une intelligence artificielle ?
  5. L’intelligence artificielle transforme-t-elle la manière de faire campagne et de gouverner ? [Début]
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2. L'intelligence artificielle et la statistique

Habituellement, lorsque l'on parle de statistiques on pense "sondages" ! Ou à la rigueur "chiffres" auxquels on fait dire tout et son contraire, ça dépend du moment et des humeurs... Mais qui dit "sondages" dit aussi "élections" et donc "vote".

L'IA influence-t-elle les électeurs ? C'est évident ! Mais ni plus ni moins que les sondages avant elle, qui se satisfaisaient fort bien des médias dominants (télé, radio, presse, etc.) pour manipuler l'opinion publique à l'envi... Il est d'ailleurs intéressant de comparer la liste des milliardaires propriétaires de tous les médias qui comptent, aux noms des acteurs qui possèdent les principaux instituts de sondage : surprise, beaucoup se recoupent (groupes Bolloré, Pinault, Arnault, Saadé, Dassault, Bouygues, Niel, Drahi, Amaury, Havas, Lagardère, Rothschild, Medef, Fidelity, Kretinsky, Stérin, etc.), la plupart étant plus ou moins des soutiens enthousiastes de Macron, par ailleurs.

Donc l'IA est un outil puissant, certes, mais rien de nouveau sous le soleil.

N'oublions pas que d'autres applications impliquent l'intelligence artificielle et la statistique, comme les algorithmes génétiques, la finance, les indices de prix, les SIG, les grandes cohortes de données en santé, etc.

Il n'y a pas que la politique dans la vie ! [Début]

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3. L'intelligence artificielle et la santé

Il y a aussi la santé !

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) nous propose une excellente introduction en la matière, à lire absolument pour mieux comprendre, en profondeur, de quoi il s'agit.

Les implications de l'IA pour la santé ont une portée gigantesque, un billet de 100 pages ne suffirait pas à épuiser le sujet. Pour ne parler que du cancer, le potentiel en termes de prévention, de détection et de personnalisation des traitements fait naître d'immenses espoirs chez les patients et les médecins. Plus de 160 000 décès chaque année en France à cause du cancer, près de 20 millions de cas diagnostiqués sur un an dans le monde (dont la moitié à peu près décèdent), la maladie cancéreuse produit une quantité considérable de données (outre que de souffrances...) :

Ces grands volumes de données posent des problèmes d’archivage dans la durée, d’administration de bases de données gigantesques, centralisées ou réparties. Les autres défis autour des données sont la centralisation et le croisement de sources multiples, l’interopérabilité, le partage entre structures hospitalières et la ville, le contrôle de la qualité, le lien entre clinique, images et omiques, la sécurité des bases de données et la protection des personnes.

Un challenge difficile à surmonter est l’utilisation du traitement automatique du langage naturel afin d’exploiter la richesse des informations contenues dans les dossiers médicaux en données utilisables pour la recherche dans une modélisation partagée de la maladie selon des standards internationaux.

(blanc) 

L’IA permet parfois de faire aussi bien et plus vite ce que sait faire un cerveau humain : reconnaître une tumeur ou compter les cellules. Mais l’IA, c’est aller au-delà de ce qu’un cerveau humain est capable de faire grâce à la puissance des machines en analysant des quantités de données considérables. Ainsi, le codage automatique de centaines de milliers de comptes rendus médicaux, l’étude quantitative des données à l’origine des images ou l’interprétation automatique du transcriptome illustrent les apports de l’IA avec des résultats jusque-là inatteignables. Il ne s’agit plus d’outils qui aident ou remplacent le médecin mais d’outils qui permettent d’aller plus loin dans la recherche, les soins et la compréhension de la maladie.

Résumé d’une communication présentée lors de la journée dédiée « Médecine et intelligence artificielle » du mardi 3 mai 2022 à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Nordlinger B, Villani C, de Fresnoye O Dir. Médecine et intelligence artificielle. Paris : CNRS éditions, 2022 ».

La dernière partie que j'ai soulignée est fondamentale et peut pratiquement s'appliquer à toutes les disciplines en matière de santé ! [Début]

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4. L'intelligence artificielle et l'environnement

Les problèmes de santé ont une origine à la fois endogène, nous les portons en nous, et exogène, à savoir qu'ils sont provoqués par des facteurs externes, dont notre environnement. 

Chaque jour il est question de transition écologique, de green deal, de biodiversité, de responsabilité environnementale, etc., désormais l'intelligence artificielle devient durable, voir la feuille de route internationale pour le lancement de la coalition mondiale (février 2025), et naturellement, l'intelligence artificielle a son mot à dire sur chacun des objectifs de développement durable de l'agenda 2030, bien fourni :


Au début du mois s'est déroulé au Rwanda le sommet mondial sur l'intelligence artificielle en Afrique, qui s'est conclu par une Déclaration Africaine sur l'Intelligence Artificielle, dont les objectifs :
  • Exploiter le potentiel de l'IA pour stimuler l'innovation et la compétitivité afin de faire progresser les économies, les industries, et les sociétés africaines.
  • Positionner l'Afrique comme un leader mondial dans l'adoption d'une IA éthique, fiable, et inclusive.
  • Favoriser la conception, le développement, le déploiement, l'utilisation, et la gouvernance durables et responsables des technologies d'IA en Afrique.
s'accompagnent des engagements suivants :
  • Initiatives d'éducation à l'IA à l'échelle du continent avec le développement de programmes scolaires pour les jeunes à tous les niveaux
  • Programmes adaptés d'établissements d'enseignement supérieur qui fournissent des compétences en IA compétitives au niveau mondial
  • Capacité accrue de recherche en IA dans les établissements d'enseignement supérieur en renforçant les programmes de doctorat en Afrique et en développant la capacité de recherche grâce à des partenariats internationaux stratégiques
  • Programmes qui informeront et habiliteront les citoyens à connaître les avantages et les risques de l'IA grâce à des formations de sensibilisation et d'alphabétisation à l'IA
  • Création d'un Panel Scientifique Africain sur l'IA, qui sera composé d'experts en IA d'Afrique et de la diaspora, pour promouvoir une recherche contextuelle pertinente et fondée sur des preuves sur les risques, les opportunités, et l'impact socio-économique de l'IA en Afrique, fournissant une base de connaissances pour les décideurs politiques, les chercheurs, et les praticiens
Comme on le voit, compte tenu de l'importance de l'IA à l'échelle mondiale, chaque continent, chaque pays, tente de se positionner le mieux possible en vue d'affronter les bouleversements en cours. [Début]

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5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie

Dans un mois aura lieu le King’s Festival of Artificial Intelligence, avec toute une série d'événements autour de l'IA, y compris sur la médecine, les maladies, l'accès aux données de santé : on parle ici de médecine prédictive, de soins extrêmement précis, de diagnostics simultanés de millions de patients, en identifiant les causes profondes de chaque malade et en tenant compte de l’intégralité de ses antécédents cliniques, biologiques, de son mode de vie, tout en adaptant les interventions en fonction des projections et des simulations sanitaires individualisées.

Au fur et à mesure que l'apprentissage par renforcement des modèles d'IA s'affine, ils peuvent prendre eux-mêmes les décisions mais manquent d'explicabilité : or c'est un problème d'éthique (cfr. les documents du Comité d'éthique de l'Inserm - CEI), mais aussi juridique, puisque les décisions prises par le modèle engagent la responsabilité des cliniciens. Un médecin n’acceptera jamais un diagnostic automatisé sans l’avoir lui-même validé au préalable.

Tous les aspects de la médecine sont concernés, de l'imagerie médicale aux neurosciences, des ovocytes aux lois de bioéthique, de l'antibiorésistance à la surprescription de médicaments pour les enfants et les adolescents, la liste est potentiellement sans fin.

Et puisqu'il est question de médicaments, arrêtons-nous un instant sur la pharmacie. Une thèse s'interroge : l’officine, bientôt dotée d’intelligence artificielle ? Une question à laquelle a déjà répondu, depuis quelques années déjà, la grande industrie pharmaceutique : oui !

Cela étant, les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas toujours les compétences requises. Si l'on prend l'exemple de Sanofi, qui n'est quand même pas le pharmacien du coin, ils ne se sont mis à l'IA qu'en juin 2023. Car l'intégration de l'IA dans le secteur pharmaceutique implique de nombreux défis, notamment en matière de protection des données sensibles, de conformité réglementaire et de risques de biais dans les résultats générés par l’IA. Des premières recherches à la commercialisation du médicament, il faut compter entre 12 et 15 ans !

En intégrant l'IA, l'ambition de Sanofi est de réduire cette durée de moitié. Au mois de mai 2024, ils ont lancé le programme Muse, en partenariat avec OpenAI et FormationBio (voir comment se déroule le déploiement de Muse, ici et ), qui vise à recruter des patients pour les essais cliniques, tout en réduisant les délais de recrutement. Concrètement, l’outil analyse le contexte (maladie, traitements existants), identifie les profils des patients idéaux, puis élabore des stratégies de recrutement à l’aide de documents et de questionnaires personnalisés pour chaque population visée. L’objectif étant d'augmenter la pertinence des essais en recrutant des profils issus de groupes d’habitude sous-représentés. (Interview de Kaoutar Sghiouer, responsable monde de la data et de l'intelligence artificielle chez Sanofi, dans Challenges n° 861 / 6-12 février 2025).

Toujours selon Kaoutar Sghiouer (interview à BFMTV), les principaux avantages de l'IA sont la prédiction des performances et la simulation de la stabilité d'un médicament, ainsi que l'optimisation de sa production manufacturière et de la logistique, en attendant l'IA augmentée, qui devrait permettre d'individualiser les traitements (zéro possibilité de ne pas y avoir accès), et de créer un "doublon" d'un médicament, ou une "copie", un peu à l'instar de l'ARN-messager. Je laisse aux spécialistes le soin de déchiffrer, pour l'heure, ce sera tout pour la MedTech...

Enfin, indépendamment de ce qui précède, le binôme IA-Pharma représente aussi un espoir pour le traitement des maladies orphelines.

Du côté obscur de la force, je mentionnerais juste les risques en termes d'agents pathogènes et d'armes biologiques (ou autres). Sur les premiers, Eric Schmidt a déjà lancé un fort avertissement. Sur les secondes, dès 2023, Dario Amodei a témoigné devant le Sénat des États-Unis, en précisant que, selon lui, dans les prochaines années, il existait un risque majeur qu'un chatbot soit capable de guider les utilisateurs à travers chaque étape nécessaire à la création d'une arme biologique : « Cela pourrait considérablement élargir l'éventail des acteurs disposant des capacités techniques nécessaires pour mener une attaque biologique à grande échelle ».

Suite à son témoignage, deux sénateurs ont demandé une enquête plus approfondie, en se basant sur une étude conjointe Harvard/MIT, qui présentait l'expérimentation suivante
Pour tester les dangers des derniers modèles d'intelligence artificielle comme GPT-4, ils ont donné une heure à trois groupes d'étudiants – tous sans formation en sciences de la vie – pour voir si l'utilisation des chatbots pouvait les aider à créer une nouvelle épidémie mortelle.

Dans le temps imparti, les résultats obtenus ont utilement informé les étudiants de quatre candidats potentiels à une pandémie, comme la variole ; expliqué comment des agents pathogènes peuvent être synthétisés à partir d'une séquence génomique et liés à des protocoles spécifiques ; et indiqué des entreprises susceptibles de créer des séquences d'ADN personnalisées sans dépistage préalable de commandes suspectes.
Selon l'étude :
Collectivement, ces résultats suggèrent que les LLM (les grands modèles de langage qui alimentent les chatbots comme ChatGPT, bien conscient du problème) rendront les agents de classe pandémique largement accessibles dès qu'ils seront identifiés de façon crédible, même à des personnes peu ou pas formées en laboratoire. Parmi les mesures utiles en vue d'empêcher toute non-prolifération : l'évaluation préalable des LLM par des tiers, le traitement des jeux de données d'apprentissage pour éliminer les concepts nocifs, et un filtrage vérifiable de l'ADN généré par les fournisseurs de synthèse et utilisé par les organismes de recherche sous contrat ou par les « laboratoires cloud » robotisés afin de concevoir des organismes ou des virus.

Si vous souhaitez conclure, personnellement, je ne sais pas trop quoi dire ! Une petite vidéo, peut-être... [Début]

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6. L'intelligence artificielle et la fabrication / production

Dans un article intitulé « Comment l'IA révolutionne l'industrie manufacturière », Appinventiv nous propose les douze principaux domaines les plus impactés :
Voici la liste :
  1. Gestion de la chaîne logistique
  2. Cobots (robots collaboratifs)
  3. Gestion d'entrepôt
  4. Optimisation des chaînes de montage
  5. Maintenance prédictive
  6. Développement de nouveaux produits
  7. Optimisation des performances
  8. Assurance qualité
  9. Simplification des formalités administratives
  10. Prévision de la demande
  11. Gestion des commandes
  12. Usines connectées
Usine 4.0, gestion de réseaux privés sécurisés, surveillance de l’état de santé des équipements, supervision de leur consommation et géolocalisation indoor de leur emplacement, monitoring des machines d’analyses, binôme IoT/Big Data, binôme IA/robotique (le cerveau et les bras de l'industrie, auxquels ajouter la vision industrielle), binôme OT/IT, etc., nous sommes déjà en route vers l'Usine 5.0 avec la collaboration entre humains et machines (applications collaboratives robotisées).

Pour l'instant, je me contenterai d'approfondir les points 2 et 12.

Point 2les cobots

Il s'agit des robots collaboratifsprobablement plus coopératifs que collaboratifs. En termes simples, la différence entre robotique collective (ou robotique en essaim) et robotique collaborative est que la première utilise de nombreux robots travaillant ensemble pour accomplir une tâche complexe, tandis que la seconde implique des robots conçus pour travailler directement avec des humains dans un environnement partagé. Cette dernière est également connue sous le nom de cobotique

En relation au point précédent (5. L'intelligence artificielle et la médecine / pharmacie), l'utilisation médicale des cobots peut se décliner sous plusieurs formes d'assistance : aider les patients à se lever, à être plus attentifs lors de séances de rééducation, voire apporter un soutien émotionnel vis-à-vis de personnes handicapées et déprimées, ou avoir une fonction d'auxiliaires thérapeutiques au service de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il peut aussi s'agir de robots chirurgicaux assistés par des médecins.

Cette branche technologique émergente vise à combiner la cognitique (intégration de l’humain et du numérique, etc.), les facteurs humains (comportement, décision, robustesse, contrôle de l’erreur, etc.), la biomécanique (mécanique physique, dynamique des mouvements, efforts, limites biologiques, etc.) avec la robotique classique (modélisation, programmation, mouvements, capteurs, forces, etc.). De même qu'elle soulève plusieurs enjeux en matière de santé et de sécurité au travail (SST).

La nouvelle spécification technique ISO/TS 15066 pour la collaboration avec les robots définit qu’une application robotique collaborative implique la mise en œuvre d’au moins l'une de ces 4 mesures de sécurité :
  1. Arrêt nominal de sécurité contrôlé (le robot s'immobilise lorsqu'il détecte une présence dans son espace de travail)
  2. Guidage manuel (le robot ne se déplace que lorsqu’il est sous contrôle d’un opérateur)
  3. Contrôle de la vitesse et de la distance de séparation (fonction de sécurité actionnée par des capteurs lorsque quelqu'un se trouve à proximité)
  4. Limitation force et énergie (limitation de la force du robot lorsqu’il entre en contact avec une personne)
En clair, en robotique collective, les systèmes sont dotés d'un grand nombre de robots homogènes "simples" agissant ensemble de manière décentralisée, en suivant des règles locales pour réaliser des tâches globales, alors qu'en robotique collaborative des robots hétérogènes, souvent plus complexes, opèrent de concert en se coordonnant explicitement pour accomplir une tâche commune. Pour en savoir plus...

Point 12 : les usines connectées

Rothschild nous propose une belle illustration des (r)évolutions industrielles :


Nous sommes donc aujourd'hui à la frontière entre l'usine 4.0 et l'usine 5.0. ChatGPT nous propose le comparatif suivant :


Pour Proaction International, en revanche, les trois piliers de l'industrie 5.0 sont l'humanocentrisme, la durabilité et la capacité d'adaptation :


Une capacité d'adaptation qui passe par le partage transparent des informations entre personnes, machines et capteurs afin d'autonomiser les travailleurs, qui sont très certainement connectés aussi (ou augmentés).

Nous sommes passés de l'Internet des objets (IoT) à l'Internet industriel des objets (IIOT) pour une usine intelligente (smart factory), où l’intelligence artificielle est le cerveau du système, avec les rôles principaux ci-après :
  • Maintenance prédictive
  • Optimisation de la production
  • Contrôle qualité intelligent
  • Gestion logistique et des stocks
  • Aide à la décision
Les systèmes industriels (SI), qui se caractérisent par les couches OT (Operational Technology), IT (Information Technology) et ICS (Industrial Control System) de contrôle-commande industriel exigent une disponibilité continue et ne tolèrent que peu, voire pas, d’interruptions. Tout arrêt imprévu ou toute défaillance peut entraîner des pertes financières, des dommages humains, matériels ou environnementaux, et même perturber des chaînes d’approvisionnement critiques comme l’eau, l’électricité, le gaz ou les transports.

En bref, hier c'était l'avenir de la production, aujourd'hui, nous y sommes déjà ! [Début]

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7. L'intelligence artificielle et la construction / le BTP

Nous retrouvons ces chaînes d’approvisionnement critiques (eau, électricité, gaz, transports) aussi dans le BTP. Dans la construction lourde et l'exploitation minière, les chaînes d'approvisionnement sont souvent décentralisées, d'où une augmentation des coûts de transport. Beaucoup des secteurs que j'ai traités se recoupent parfois. Lorsque vous parlez d'armes biologiques, cela concerne autant le secteur militaire que pharmaceutique. De même, lorsque vous parlez du bâtiment, la domotique n'est jamais très loin...

Dès 2019, la FFB (Fédération française du bâtiment) a mis en place un groupe de travail sur le binôme « Intelligence artificielle et bâtiment » représentant divers métiers et territoires. Un rapport intitulé « Comprendre, anticiper et agir : des opportunités pour la profession » a été publié, qui résume six mois de réflexions basées sur la tenue d'une trentaine d'auditions d'experts, chercheurs, institutionnels, députés, start-up et grandes entreprises.

Le rapport insiste sur la nécessité de faire des entreprises du bâtiment « des productrices conscientes de données », une question complexe pour trois raisons :
  • le secteur s’avère fragmenté : il compte de nombreux métiers (donc d’intervenants) et près de 400 000 entreprises de toutes tailles en France métropolitaine ;
  • les données d’un chantier ou de toute intervention n’apparaissent pas suffisamment organisées pour être structurées en l’état : sauf exception, elles sont au mieux classées dans un fichier Excel ;
  • les données se révèlent rarement partagées, chacun gardant ses prérogatives sur son domaine d’activité ou peut-être, de manière plus prosaïque, n’y a-t-il pas de réelle demande de partage.
La qualité du réseau numérique est également un enjeu, le numérique constituant (après l’eau, le gaz et l’électricité) un nouveau « fluide ». La prévention n'est pas oubliée non plus.

Donc, concernant la gestion et la maîtrise des données, le rapport identifie quatre risques :
  1. perte de la maîtrise des données
  2. non-interopérabilité des systèmes
  3. cyberattaques
  4. fiabilité du cloud
et trois cas d’utilisation des données selon la CNIL :
  1. IN-IN : seul l’utilisateur en a la maîtrise ;
  2. IN-OUT : données transmises à un prestataire, sans action sur le bâtiment ;
  3. IN-OUT-IN : pilotage automatique à distance.
Les implications majeures des données dans le bâtiment, notamment juridiques, sont reprises dans ce schéma :


Or, vu que les données constituent le « carburant » de l’IA, ce rapport sera suivi d'un second, quatre ans plus tard (juin 2023), intitulé « Mobiliser les données au service de l’IA et de l’innovation dans le secteur du bâtiment », pour présenter des exemples concrets d’application et les enjeux du cadre règlementaire européen en cours de définition.

La FFB met désormais à disposition de ses adhérents des modules opérationnels sur « La mise en place d’un diagnostic data IA », « Le choix de l’approche IA » et « L’expérimentation de la solution IA ».

Comme le souligne Quentin Panissod, l'IA s’incarne, dans le secteur du bâtiment, dans de multiples terrains d’application à toutes les étapes des projets. De la conception des plans à l’anticipation des pannes en passant par l’aide à la gestion des chantiers. Prometteuse, elle soulève des problèmes de compétences et de transparence, à prendre en considération pour sa pleine mise en œuvre demain.

Problèmes de compétences et de transparence transversaux à tous les secteurs. [Début]

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8. L'intelligence artificielle et l'énergie

Dans ce binôme "intelligence artificielle - énergie", remarquons tout d'abord que l'IA est une consommatrice phénoménale d'énergie. Ça va même au-delà de l'entendement ! S'il est clair que l'IA peut contribuer activement à la protection de l'environnement (nous l'avons vu plus haut), c'est également une source de pollution considérable (un peu comme la voiture électrique...). Les centres de données et les algorithmes complexes nécessitent une très grande puissance de calcul, entraînant une consommation d’énergie permanente, 24/7/365, d'où un impact significatif sur la planète

Du reste, les centre de données sont les véritables moteurs de nos vies numériques : cloud, IA, surveillance, streaming, stockage, etc. Beaucoup sont de véritables mastodontes, avec des consommations équivalant à celle de villes moyennes ou grandes. Si l'on prend les quinze plus gros data centers de la planète, on a une capacité énergétique cumulée de 2,5 GW. Donc si un parc d'1 GW de puissance installée peut alimenter 800 000 foyers en électricité, je vous laisse faire le calcul... 

Selon le CNRS, les ordinateurs, data centers et réseauxengloutissent près de 10 % de la consommation mondiale d’électricité, un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Or le problème avec l'IA, c'est que les centres de données traditionnels ne suffisent plus, raison pour laquelle Nvidia développe à présent des usines d'IA !


Vidéo :


Pour citer un exemple concret, le superordinateur Colossus d'Elon Musk, implanté à Memphis (Tennessee), construit afin d'alimenter l'intelligence artificielle de X (xAI) à l'aide de 35 turbines à gaz méthane (dont 20 n'ont pas été autorisées), capables d'alimenter une ville entière, vu que l'IA est très énergivore : elle consomme plus d'électricité pour fournir ses résultats par rapport aux requêtes de recherche classiques.

À terme, Musk a prévu d'étendre le nombre de ses processeurs à 1 million de GPU...

Mais on peut toujours faire mieux dans la démesure : le système CS-3 est conçu pour entraîner des modèles de langage 10 fois plus grands que GPT-4 et Gemini (...) en s'appuyant sur un important système de mémoire pouvant atteindre 1,2 pétaoctet. Par ailleurs, 24 000 milliards de modèles de paramètres peuvent être stockés dans un seul espace mémoire logique sans partitionnement ni remaniement, selon Cerebras (dont j'ai déjà parlé ici), qui assure : « L'apprentissage d'un modèle à mille milliards de paramètres sur le CS-3 est aussi simple que l'apprentissage d'un modèle à un milliard de paramètres sur les GPU ».

Soit 1000 fois plus rapide qu'avec les GPU (Graphics Processing Unit), qui sont des processeurs optimisés pour un traitement massivement parallèle, très utilisés pour le calcul haute performance et déjà jusqu’à 100 fois plus rapides que les CPU (Central Processing Unit) traditionnels.

Tout cela sans parler du fait que, pour être instantanément transmises d'un continent à un autre, toutes ces données empruntent des câbles, la plupart sous-marins :



[Parenthèse : le jour où j'écris ce point 8., l'Espagne et le Portugal sont en état d’urgence à cause d'une panne d’électricité géante, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de précédents d'une telle envergure. Il semble que cette perturbation majeure ait été causée par des variations extrêmes de température à l’intérieur de l’Espagne, générant un phénomène appelé « vibration atmosphérique induite » sur les lignes à très haute tension (400 000 volts). Les oscillations anormales ont désynchronisé les systèmes électriques et provoqué une réaction en chaîne sur l'ensemble du réseau interconnecté.]

Je me pose juste la question de savoir ce que l'intelligence artificielle pourrait faire pour éviter ce genre de désastre, ce qui m'amène à la deuxième partie : l'IA au service de l'énergie et de sa gestion.

À une époque où le volume total de données - produites et en transit - pourrait atteindre 175 zettaoctets (175 milliards de téraoctets, comparez avec la capacité de votre disque dur 😀) :  


et où l'informatique quantique (Google toujours présent...) prévoit de faire des bonds en avant gigantesques (voir ma réflexion sur le sujet), je vous laisse terminer votre lecture sur différents cas d'usage... [Début]

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9. L'intelligence artificielle et l'agriculture

Revenons à un domaine plus terre à terre ! En fin d'année (2-3 décembre 2025), se déroulera au centre de congrès Bellevue (Biarritz) le « Davos » de l'intelligence artificielle appliquée aux campagnes, premier forum international sur l’agriculture numérique organisé par l’Estia, l’école d’ingénieurs de Bidart, et par DeepFarm : Tera Nova, un clin d’œil à la fois à la « nouvelle terre » et aux volumes croissants de données (téra signifiant 10¹²) (voir le précédent paragraphe...).
Dix milliards d’habitants à nourrir en 2050, dans un contexte de dérèglement climatique : capteurs, drones, robots, satellites, IoT...
Avec 500 participants internationaux, 75 intervenants et une conférence scientifique quasi finalisée, l’événement promet d’attirer des figures de premier plan. Le comité d’honneur compte des personnalités telles que Barack Obama, Jack Ma, Aliko Dangote et Xavier Niel, sollicités pour des interventions phares.
Exemples d'applications :


  • Surveillance et cartographie des cultures
  • Gestion optimisée de l’eau et des intrants
  • Amélioration de la productivité et de la rentabilité
  • Réduction de l’impact environnemental
De même que l'imagerie satellite contribue à une agriculture durable, ou permet de détecter les incendies de forêt et planifier les interventions d’urgence, d’identifier des zones en manque d’eau, en déficit d’engrais ou infestées par des nuisibles.

Cela étant, à eux seuls l'intelligence artificielle et les algorithmes connexes ne régleront pas à terme le problème de la faim dans le monde, l'humain ne semble pas près d'être remplacé par la machine dans un futur proche. [Début]

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10. L'intelligence artificielle et les ressources humaines

L'humain est sans aucun doute le point commun à tous les binômes « Intelligence artificielle et... ». Or, tout comme « Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée » (Maximilien de Béthune, duc de Sully), « Expérience et compétence sont les deux mamelles dont les RH sont alimentées ».

Quand on parle RH, on pense immédiatement DRH, grandes boîtes, processus de recrutement complexes, chasseurs de têtes (ça me rappelle un souvenir : quand je m'intéressais aux noms de domaine, j'avais pris givaros.com, le site des recruteurs 😀), etc. Mais la portée des ressources humaines dans tous les secteurs est bien plus vaste que le seul périmètre des multinationales !

Un bon artisan est une ressource précieuse, un talent dirait-on en langage moderne, tout comme un bon ouvrier, un artiste, un compagnon... L'enseignement secondaire et l'université ont toujours privilégié les métiers "intellectuels" par rapport aux métiers manuels, mais l'arrivée de l'intelligence artificielle pourrait renverser cette tendance : les métiers intellectuels semblent plus facilement remplaçables que les métiers manuels. Le robot-plombier qui répare votre salle de bain, c'est pas encore pour demain. 

Cela dit, comment classifier un pilote de chasse ? Manuel ou intellectuel ? Les deux, mon général. Or dans un tweet récent, Elon Musk a prévenu que l'arrivée des essaims de drones à bas coût allait renvoyer vite fait les pilotes de chasse et les équipages dans leurs pénates (Crewed aircraft will be destroyed instantly by cheap drone swarms) ! Comme quoi, plus personne n'est à l'abri...

Donc, en recherchant "intelligence artificielle et RH", vous allez trouver nombre d'articles fort sérieux et bien documentés : je vous y renvoie pour une lecture abondante et fructueuse. [Début]


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