mercredi 14 août 2024

Mise à jour sur Federico Pucci

Depuis mon premier billet (publié le 12 mars 2017), cela fait maintenant plus de 7 ans que ma découverte de Pucci a commencé ! Et plus de 95 ans (!) que Federico Pucci a entrepris son aventure comme précurseur absolu de la traduction automatique telle qu'elle existe aujourd'hui.

En plus de 25 billets rédigés à ce jour, j'ai toujours tenté de recouper toutes les informations, parfois sans succès, mais le plus souvent en y réussissant, bien que certaines infos fassent de la résistance ! C'était le cas de la lettre recommandée adressée à Truman, que mentionne Pucci dans sa première lettre au CNR italien :

J’ai expédié ces publications par courrier recommandé au Président des États-Unis, dans l'espoir de recevoir un appui pour la construction des électro-traducteurs.

Or je n'étais jamais parvenu à vérifier cette info, jusqu'à hier ! Je vous passe les détails d'une longue recherche, infructueuse, jusqu'à ce que je m'adresse directement à la bibliothèque présidentielle Truman, qui m'a finalement répondu en confirmant qu'ils avaient bien reçu de la correspondance d'un certain Frederic (sic!) Pucci :


Transcription :
Pucci, Frederic, Sede centrale in Salerno, Piazza Malta 3, Italy, 6/13/49. Received 7/25/49. Writer refers to previous correspondence in which he submitted a booklet wich translates Italian into every language. Now has a booklet wich translates French. Calls same the electric translation.
Traduction :
Pucci, Frederic, Siège central de Salerne, Piazza Malta 3, Italie, 13/06/49. Reçu le 25/07/49. L'auteur fait référence à une correspondance antérieure dans laquelle il a soumis un livret permettant de traduire de l'italien dans toutes les langues. Il transmet maintenant un livret permettant de traduire le français. Il appelle cela la traduction électrique.
Naturellement, ce nouveau résultat offre de nouvelles pistes de recherche, vu que jusqu'ici j'avais cherché "Federico Pucci" alors qu'il conviendra de chercher "Frederic Pucci"... 

Plusieurs infos dans cet entrefilet :
  1. Pucci a envoyé son second recommandé le 13 juin et il a été reçu le 25 juillet 1949.
  2. Concernant son premier courrier, il faudrait voir les dates de l'envoi précédent.
  3. Il est question de "traduction électrique", ce qui corrobore parfaitement le message de Pucci au CNR (électro-traducteur)...
*

Deux dépêches de l'United Press publiées en 1949 : c'est de là que tout part ! La chronologie est importante :
  • La première remonte aux alentours du 31 mai (j'en ai retrouvé trace de la publication dans plusieurs journaux, pas seulement américains, durant les premiers jours de juin 1949, c'est celle qui annonce la construction à l'Université de Californie à Los Angeles d'un "cerveau électrique" par le Bureau of Standards, qui sera capable de traduire une langue étrangère... Vingt mathématiciens et techniciens travaillant sous la direction du Dr Harry Huskey ont perfectionné la machine qui, dans sa forme finale, sera à peine plus grande qu'un meuble de cuisine...
  • La seconde, qui date du 26 août, est à l'origine de toute cette histoire... 
Or dans sa lettre au CNR, Pucci ajoute à la phrase à peine citée : « Une vingtaine de jours plus tard, j’ai lu dans le journal l'annonce signalée plus haut. »

Cela voudrait donc dire que vers le 10 mai 1949, il envoie son premier courrier à la présidence US pour demander un financement de son invention. Le 31 mai, il lit cette annonce dans un Giornale italien (sans autre précision) :
« Les surprenantes inventions » : Los Angeles 31/05/1949 
M. Harry Huskey, chercheur auprès de l’Institut pour les calculs analytiques, a annoncé l’invention d'un cerveau électrique capable de traduire des langues étrangères. Sur le fonctionnement de l’appareil, initialement utilisé dans le cadre des recherches mathématiques, le scientifique a déclaré : Pour réussir à traduire les langues, celles-ci doivent être saisies à la machine. Le service des recherches navales a déjà débloqué une somme d'argent considérable pour construire le cerveau. M. Huskey est certain du bon fonctionnement de sa merveilleuse machine, qui produira une traduction littérale, mot à mot, et il incombera ensuite à l'utilisateur d’interpréter le sens de la traduction. Le cerveau électrique sera testé au plus tard d’ici un an.

Le 13 juin, il envoie sa deuxième lettre recommandée à Truman. Le 26 août 1949 sort la dépêche de l'United Press annonçant l'invention de Federico Pucci, 20 ans après sa première présentation publique (décembre 1929 !).

2029 marquera le centenaire de la création par Pucci de ce qu'il y a lieu de considérer comme la première méthode de traduction automatique à base de règles de l'histoire !

J'espère bien que, d'ici là, quelqu'un finira par se rendre compte de la primauté de Pucci dans la traduction automatique, lui qui continue d'être totalement ignoré autant après son décès que de son vivant !


P.S. Voici quelques traces retrouvées de la première dépêche :

Nassau Daily Review - Star (1er juin 1949)




Même dépêche reprise intégralement au mois d'octobre 1949 par The Office Worker :


J'ai tenu à reprendre cette version parce qu'elle a été intégrée dans une rubrique "Matière à réflexion", qui conclut ainsi :
Cette annonce donne matière à réflexion aux travailleurs de notre métier au Canada et aux États-Unis qui doivent prendre conscience du fait qu'ils vivent dans un monde mécanisé et hautement organisé dans lequel leurs chances de survivre et de progresser dépendent de plus en plus de...

La dépêche annonçait en effet la possibilité que la machine finisse par remplacer les employés moins qualifiés... 75 ans plus tard, je dirais que nous y sommes, non ?

lundi 5 août 2024

Justice et vérité pour Giulio Regeni

En 2016, un jeune étudiant italien, un citoyen européen qui travaillait pour l'université britannique de Cambridge, a été trucidé au Caire par de hauts gradés de l'appareil de sécurité égyptien. J'avais publié à l'époque ce billet : Giulio Regeni, martyr de la démocratie, qui commençait ainsi :
Sept côtes cassées, une fracture du coude, une autre de l’omoplate, des traces de décharges électriques sur les organes génitaux, des brûlures de cigarette autour des yeux et en d’autres endroits, des coupures infligées avec un rasoir ou une lame tranchante sur le corps, le dos et aux épaules, des signes de matraquage sous la plante des pieds, des lésions traumatiques partout, abrasions, ecchymoses, contusions sur le nez et le visage, écorchures et traces de coups de poing et de pied, les ongles arrachés aux doigts d’une main et d’un pied, les oreilles coupées, des dents brisées… ce ne sont là que les informations éparses que j’ai pu rassembler sur la monstrueuse agonie et le pauvre corps supplicié de Giulio.
Ils l'ont torturé consciencieusement, méticuleusement, avec cruauté, sans épargner un seul centimètre carré de son corps. Tellement les tortionnaires se sont acharnés sur lui, sa propre mère n'a pas reconnu son visage, si ce n'est par le bout de son nez !

Depuis 2016 je porte sans interruption un bracelet avec le hashtag "Vérité pour Giulio Regeni" (#veritàpergiulioregeni), bien que je craigne qu'aucune justice ni aucune vérité officielle ne voie jamais le jour...


Or j'ai lu ces derniers temps deux infos qui sont venues corroborer mon pessimisme.

1. Le gouvernement Meloni a mis à jour la liste des pays d'origine sûrs dans un document interministériel publié le 7 mai au Journal Officiel de la République italienne et signé par les ministres Antonio Tajani (Affaires étrangères), Matteo Piantedosi (Affaires intérieures) et Carlo Nordio (Justice), qui inclut l'Égypte !

Tajani, interrogé sur la justification de ce choix au moment-même où le procès des tortionnaires de Giulio Regeni est en cours en Italie, a fait semblant de s'énerver en disant que jamais ils (lui et son gouvernement) n'avaient laissé tombé l'affaire Regeni, en démentant concrètement par les faits ce qu'il prétend affirmer par les mots ! Les parfaits héritiers de Berlusconi...

2. Le tristement célèbre centre de détention de la Sécurité égyptienne du Caire où Giulio et des milliers d'autres prisonniers ont été torturés er assassinés va laisser la place à un hôtel de luxe de la chaîne Marriott International.

Dans ce bâtiment, Giulio était détenu dans la pièce 13, selon le témoin Y, qui l'a vu en présence de deux officiers et deux agents, à moitié nu, des signes de torture sur tout le corps, enchaîné et délirant en italien. Allez savoir si le futur hôtel aura aussi une chambre 13...

*

À Fiumicino, il y a une petite route qui longe l'embouchure du Tibre et l'enceinte grillagée de l'aéroport international de Rome, où une pancarte indique le monument à Pier Paolo Pasolini. Le lieu, qui semble à l'abandon, conserve toute sa poésie, quand bien même l'événement qu'il commémore est loin d'être poétique : Pasolini a été trucidé non loin de cet endroit par une bande de voyous, commandités par des politiques et des mafieux encore plus voyous qu'eux.


Mais pourquoi est-ce que je vous parle de Pasolini, me direz-vous, alors qu'il devrait être question ici de justice et de vérité pour Giulio Regeni ? Simplement parce que le "Je sais" de Pasolini, emblème de la dénonciation des abus de pouvoir et de la corruption, symbole de la lutte contre l'opacité et la manipulation par les autorités d'un pays, s'applique parfaitement au cas Regeni.

Le 14 novembre 1974, Pasolini publie dans le Corriere della Sera un article intitulé « Cos'è questo golpe? Io so », qu'on pourrait traduire par "Je sais qu'il s'agit d'un coup d'état", où Pasolini débute 12 fois ses premières phrases par : "Je sais..." :

Je sais.
Je sais quels sont les noms des responsables...
Je sais quels sont les noms de ceux qui tirent les fils...
Je sais mais je n'ai pas les preuves, ni même les indices.
Je sais parce que je suis un intellectuel, un écrivain, etc.
Comme des millions d'italiens, Pasolini savait que la stratégie de la tension existait bel et bien, mais il n'avait pas les preuves et craignait qu'une raison d'état "supérieure" aurait fini par ensevelir la vérité, d'où son cri pour tenter de mobiliser les forces saines de la nation...

Malheureusement, 50 ans plus tard, il n' y a encore aucune vérité sur les années de plomb (on assiste au contraire à différentes tentatives révisionnistes de la part du gouvernement Meloni pour induire l'idée que l'implication fasciste dans la stratégie de la tension est un faux "théorème" issu de juges politisés...), les attentats mafieux terroristes, l'implication de l'état à tous les niveaux, et de la répression d'état au terrorisme d'état, la limite est bien floue...

Il en va de même pour l'Égypte, et il en ira probablement de même pour la demande de justice et de vérité pour Giulio Regeni ! Nous avons beau connaître les visages et savoir les noms de ses tortionnaires :


  • TARIQ Sabir (général)
  • ATHAR KAMEL Mohamed Ibrahim (colonel)
  • USHAM Helmi (colonel)
  • MAGDI IBRAHIM Abdelal Sharif (major)
qui sont une véritable honte pour l'humanité, j'ai peur qu'au nom de la "raison d'état" ici-bas leur abominable crime reste à jamais impuni.

Pour aujourd'hui ce sera ma conclusion, triste et pessimiste, en espérant que l'avenir me donne tort.



jeudi 25 avril 2024

Due stanze

L'original français de ce billet (Deux chambres), qui raconte comment j'ai eu l'intuition d'établir un lien entre Vincent Van Gogh et Anne Frank par le truchement de Léonard de Vinci, a été publié sur ce blog le lundi 29 août 2016, au retour d'un voyage à Amsterdam en compagnie de ma femme et de notre fils.

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[Post cominciato il 22 aprile e pubblicato il 25 aprile 2024, Festa della Liberazione in Italia]

Ovvero come ho intuito una connessione tra Vincent Van Gogh e Anna Frank tramite Leonardo da Vinci...

Premessa

L'altro ieri il caso ha voluto che spiegassi il mio post, scritto 8 anni fa, ad una amica. Ieri lo stesso caso ha voluto che scoprissi un libretto su Van Gogh, dove si accenna alla lettera che Vincent scrisse da Arles a Paul Gauguin, il 17 ottobre 1888, e nella quale disegnava uno schizzo del quadro appena dipinto, La stanza di Vincent ad Arles, spiegando quali fossero le sue intenzioni nel ritrarre la sua camera della leggendaria Casa Gialla. Vi propongo quindi una traduzione libera del post originale scritto in data 29 agosto 2016.

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Il ricordo eccezionale che conservo di Amsterdam è quello di due stanze, apparentemente agli antipodi, ma che sono comunque unite nella mia mente: la stanza dipinta di Vincent Van Gogh ad Arles, e la stanza decorata da Anna Frank al 263 Prinsengracht.


Anche se tutto sembra separarle, tanto dai colori che da quello che rappresentano e da come si presentano, in realtà nella mia mente sono le due stesse parti di un dialogo continuo. È difficile da spiegare, ma tenterò.

1. La stanza di Vincent ad Arles

Il quadro esposto al Museo Van Gogh di Amsterdam è la versione originale di questo dipinto ad olio. Su richiesta di suo fratello Théo, Vincent dipingerà altre due versioni di “La camera da letto”, la seconda si trova all'Art Institute of Chicago (esiste anche in affitto una replica identica della camera da letto ricostruita, tramite il sito Airbnb!), e la terza al Museo d'Orsay.

Si tratta della camera che occupò nel 1888, in piazza Lamartine ad Arles, nella Casa Gialla:


Immaginate per un attimo di penetrare nella stanza dalla finestra e di scoprirne l'interno:


Lasciamo però lo stesso Vincent Van Gogh descrivere questa camera con le proprie parole e con uno schizzo che troviamo in una sua lettera a Paul Gauguin:


“Ho fatto […] un quadro della mia stanza, con i mobili in legno bianco come lei sa. Ebbene mi è piaciuta molto l’idea di dipingere un interno con quasi niente dentro, di una semplicità alla Seurat. 
(Con) le pareti di un lilla chiaro, il pavimento di un rosso spezzato e pallido, le sedie e il letto color giallo cromo, i cuscini e il lenzuolo verde limone chiarissimo, la coperta rosso sangue, la toeletta arancione, il catino azzurro, la finestra verde. Vede, avrei voluto esprimere un assoluto riposo con tutti questi toni così diversi, in cui di bianco non c’è che la piccola nota data dallo specchio con la cornice nera.”
I concetti che mi toccano di più in questa lettera sono quelli del “riposo assoluto” e l'elenco dei colori (in due frasi):
  • lilla
  • rosso
  • giallo cromo
  • limone verde
  • rosso sangue
  • arancione
  • azzurro
  • verde
  • bianco
  • nero
Una tavolozza di Van Gogh di cui abbiamo uno schizzo in una lettera di Vincent a Théo (L’Aia, 5 agosto 1882), scritta in lingua olandese © Van Gogh Museum, Amsterdam, Vincent van Gogh Foundation,



e che riprende i sei colori semplici descritti da Leonardo nel suo Trattato della Pittura (Codex urbinas, n° 1270), probabilmente iniziato verso il 1490, cioè circa 4 secoli prima, dove Leonardo definisce già dei colori primi e secondari:
“I semplici colori sono sei, de' quali il primo è bianco, (…) il giallo il secondo, il verde il terzo, l'azzurro il quarto, il rosso il quinto, il nero il sesto; ed il bianco metteremo per la luce senza la quale nessun colore veder si può, ed il giallo per la terra, il verde per l'acqua, l'azzurro per l'aria, ed il rosso per il fuoco, ed il nero per le tenebre, che stan sopra l'elemento del fuoco, perché non v'è materia o grossezza dove i raggi del sole abbiano a percuotere, e per conseguenza illuminare.

I sei colori semplici secondo Leonardo
Quando i geni s'incontrano... Perché di certo, Van Gogh era un genio, ne era consapevole, ma purtroppo non è stato mai riconosciuto in vita e non ha conosciuto il riposo assoluto che nella sua tomba ad Auvers-sur-Oise, accanto al suo amato fratello. Sfortunatamente, il seme doveva morire affinché il frutto potesse schiudersi post-mortem.



* * *

2. La stanza da letto di Anna ad Amsterdam

Nel suo diario, Anna spiega come ha dovuto finalmente condividere questa stanza, inizialmente prevista per accogliere lei e sua sorella, Margot, con Fritz Pfeffer (pseudonimo di Albert Dussel), in una convivenza difficile: “Nella mia parte di stanza non sono quasi mai sola, eppure lo desidererei tanto. Questa è anche la ragione per cui scappo così spesso in solaio.”

Una stanza nella quale si sente alle strette: “Vado quasi ogni mattina nel solaio per liberarmi i polmoni dall'aria viziata della stanza.”

Anna descrive l'alloggio segreto, o “retrocasa” (Het Achterhuis), in questo modo:
“L'alloggio, come nascondiglio, è l'ideale. Sebbene sia umido e sbilenco, credo che ad Amsterdam, e forse in tutta l'Olanda, non abbiano mai costruito niente di più comodo per chi abbia bisogno di nascondersi. La nostra cameretta, coi suoi muri nudi, era assai disadorna; grazie al babbo che fin da prima aveva portato qui la mia collezione di stelle del cinema e di cartoline illustrate ho trasformato la stanza, dopo averne spennellato di colla le pareti, in una fitta mostra di figurine. Così ha un'aria molto più allegra…”

Ecco la spiegazione dell'“arazzo” realizzato con “stelle del cinema e cartoline illustrate”, tratte in particolare dalla rivista Cinema & Theater, che il signor Kugler gli portava ogni lunedì. Sulla parete di sinistra si trova anche l'autoritratto di Leonardo:


Dialogando nel suo diario con Kitty, la sua amica immaginaria, Anna aggiunge:
Ti interesserà sapere come mi trovo nel mio nascondiglio; ebbene, posso soltanto dirti che neppure io ancora lo so. Credo che in questa casa non mi sentirò mai a mio agio. Non voglio dire con ciò di trovarmi male qui; mi sembra piuttosto di essere in vacanza in una pensione alquanto singolare. È un modo un po' strambo di considerare il nostro occultamento, ma davvero non riesco a sentirlo diversamente.
Posso facilmente immaginare che se Anna avesse avuto a sua disposizione colori oppure immagini colorate durante i suoi due anni di clandestinità (dal 6 luglio 1942 al 4 agosto 1944, giorno in cui fu denunciata e della retata in casa Frank), avrebbe potuto decorare “questo interno spoglio” per fare della sua stanza una camera "alla Vincent", piena di entusiasmo e di voglia di vivere come lo era!

So quello che voglio, ho uno scopo, un'opinione, una fede e un amore.

Lei stessa voleva pubblicare il suo diario dopo la guerra, dopo aver sentito, “alla radio di Londra, il ministro dell'Istruzione del governo olandese in esilio dire che dopo la guerra sarebbe stato necessario raccogliere e pubblicare tutto ciò che riguardava le sofferenze del popolo olandese durante l'occupazione tedesca, ed in particolare i diari.”

Ma sarebbe stata riconosciuta in vita, ed il suo diario avrebbe avuto lo stesso pubblico in tutto il mondo, oppure sfortunatamente, come nel caso di Vincent, il seme doveva morire affinché il frutto potesse schiudersi post-mortem?

Dopo aver attraversato Auschwitz, l'inferno ben organizzato, Anna e sua sorella, Margot, contrassero il tifo a Bergen-Belsen, l'inferno del caos. Margot morì probabilmente nel febbraio del 1945 e, pochi giorni dopo, tra fine febbraio ed inizio di marzo, fu Anna a morire, oramai sola, stremata e disperata.

Eppure, il 3 maggio 1944 si confidava, ancora piena di speranza:
Sono giovane e posseggo molte virtù ancora nascoste, sono giovane e forte e vivo questa grande avventura, ci sono in mezzo e non posso passar la giornata a lamentarmi. La natura mi ha favorito dandomi un carattere felice, gioviale ed energico. Ogni giorno sento che la mia mente matura, che la liberazione si avvicina, che la natura è bella, che la gente attorno a me è buona, che quest'avventura è interessante e divertente!
Perché dunque dovrei disperarmi?
Anna non aveva ancora compiuto 16 anni quando il suo corpo e quello di Margot finirono probabilmente nella fossa comune del campo di concentramento, liberato il 12 aprile 1945 dalle truppe inglesi. Ancora poche settimane e forse sarebbe sopravvissuta... Ma che senso avrebbe di riscrivere la storia del mondo?



Concluderò questo post con queste parole di Olivier Ertzscheid:
Per questo testo, per questa testimonianza, per quello che rappresenta, per tutto quello che ci permette di non dimenticare e per quello che permetterà a tanti lettori di costruire e comprendere, rimango convinto che non ci sia altra lotta da combattere se non quella della sua liberazione, che non ci sia nessun altro tributo da pagare se non quello della sua illimitata condivisione, nessun altro posto da concedergli se non quello che gli appartiene di diritto, lasciandolo “elevarsi oggi al pubblico dominio”.
Infatti, nell'anno in cui il Mein Kampf dell'altro pazzo è diventato di pubblico dominio, è ancora paradossale, triste e scandaloso che il Diario di Anna Frank sia ancora protetto da copyright. E non è certo questo il modo migliore per rendere omaggio a questa adolescente, alla sua memoria e, attraverso di lei, alla memoria di milioni di vittime sconosciute rimaste senza voce.


P.S. Per finire da dove ho cominciato, ecco una foto della nostra stanza d'albergo ad Amsterdam:


Dimenticavo un ultimo aneddoto che mi aveva colpito: quando abbiamo fatto una gita in barca sui canali della città, il discorso registrato nelle diverse lingue si è soffermato per un attimo sulle personalità di Amsterdam più famose del mondo, tra cui il primo personaggio citato non era né Vincent Van GoghJohann Cruyff, bensì Anna Frank!

*

P.S._2: potrei anche aggiungere un'altra stanza, quella di Van Gogh nell'Auberge Ravoux d'Auvers-sur-Oise, dove morì e che è sempre rimasta come l'ha lasciata:

samedi 9 mars 2024

La supercherie Carrefour !

Ou comment Carrefour m'a volé 12 litres d'eau en toute impunité...

(publicité gratuite)

[Màj - 30 mars 2024] Fin de l'histoire ? 

J'ai reçu avant-hier ce message de la Fevad :

Votre demande vient d'être clôturée

À l’examen de l’état actuel de votre dossier n°... pour l’entreprise CARREFOUR HYPERMARCHES SAS, il apparait que malgré nos relances l'entreprise ne donne pas de suite à notre intervention. Aussi sans retour de l'entreprise nous considérons qu'elle n'a pas souhaité entrer en médiation. Vous avez la possibilité de poursuivre votre action en saisissant la justice. Cette notification vaut attestation reconnaissant que vous avez tenté une démarche amiable pour régler votre différend mais que la médiation n’a pas eu lieu en raison du refus du professionnel d’entrer en médiation.

Or il est bien clair que personne de sensé n'intenterait un procès pour 12 litres d'eau ! Cela étant, imaginez un instant...

Imaginez qu'un Jean Valjean des temps modernes entre dans un Carrefour, qu'il y vole 12 litres d'eau et qu'il se fasse prendre. Que se passerait-il ? Fort probablement le gérant appellerait la police, la police embarquerait l'infortuné et je laisse la suite à votre fantaisie...

Mais imaginez au contraire que ce soit Carrefour qui vole 12 litres d'eau à un client dont le seul tort est d'avoir eu confiance dans ce qu'il croyait être une grande enseigne. Que se passerait-il ? Rien ! RIEN DU TOUT ! Néant, un beau zéro pointé. Juste un bon gros vieux message subliminal de Carrefour au soussigné : « C'est pour tes pieds, connard »...

Sûrs et certains qu'ils sont de rester totalement impunis !

*

Et j'ajouterais, outre l'impunité, avec l'arrogance totale du fort contre le faible, dont il se fout éperdument, un peu comme si je n'existais pas...

Mais laissez-moi commencer par un préambule : après m'être trouvé dans la nécessité de faire appel à un service de livraison à domicile, j'ai choisi Carrefour parce qu'ils offraient la livraison gratuitement aux plus de 65 ans, ce qui était mon cas et bien commode. Ainsi, en 2023, j'ai fait 9 commandes chez eux pour un total supérieur à 630€, soit un panier moyen de 70€ ! Tout s'est toujours bien passé jusqu'à la dernière commande...

*

Pourquoi est-ce que j'accuse Carrefour de supercherie ?

Cela tient au sens du terme : tromperie, plus ou moins habilement calculée et exécutée, impliquant généralement la substitution du faux au vrai.

Où le vrai est représenté par le produit que j'ai commandé - et payé 8,48€ -, soit 4 packs de 6 bouteilles d'eau de 1,5 litre, et le faux est représenté par le produit que j'ai reçu - et payé 8,48€, selon Carrefour -, soit 4 packs de 6 bouteilles d'eau de 1 litre. Donc si vous faites le calcul, contre 36 litres d'eau commandés et payés d'avance, je n'ai reçu que 24 litres pour le même prix !

Soit un écart de 12 litres pour un prix augmenté de façon totalement arbitraire et unilatérale !!! Ce qui fait vraiment une grosse différence. J'ai donc demandé à Carrefour l'exécution du contrat, soit en me payant la différence, soit en me livrant à domicile, comme promis, les 12 litres manquants.

Le service client m'a répondu très gentiment que « Le service Clients a tout tenté pour vous, mais votre magasin Carrefour d’Auneuil qui a préparé votre commande ne nous a pas donné l’autorisation d’effectuer un remboursement pour la substitution de votre eau. »

Ils m'ont donc offert un bon d'achat de 5€ valable jusqu'au 8 janvier 2024, à condition bien sûr que je repasse commande chez eux...

Au mois de décembre, n'ayant plus eu aucun contact par la suite, j'ai fini par saisir la Fevad.

Finalement, ils ont accepté de prendre en charge mon dossier et un conseiller Carrefour m'a téléphoné le 9 janvier 2024, toujours en réitérant la même proposition, que j'ai refusée au téléphone en demandant simplement que Carrefour me livre mes 12 litres d'eau à domicile.

Carrefour n'a tenu absolument aucun compte de mon refus pour me renvoyer le lendemain toujours la même proposition, par courriel, ayant la teneur suivante :

Après un contact avec le Drive du Carrefour d'Auneuil, ce dernier me confirme ne pas pouvoir vous relivrer les articles suivants : 

-12* Eau minérale finement pétillante CARREFOUR CLASSIC

Pour vous remercier de votre fidélité et pour m'excuser de ce dysfonctionnement, j'ai le plaisir de vous offrir 5 euros, à valoir sur votre prochaine commande ! Pour en profiter, je vous invite à saisir le code avantage ".......", valable du 11/01/2024 au 10/03/2024, lors de votre prochaine commande d'un montant minimum de 60 euros.

Il y a pourtant un double abus dans ces quelques mots :

  • un abus de langage : comment prétendre (ne pas pouvoir me) "relivrer" un produit qui ne m'a jamais été livré auparavant ?
  • un abus de pouvoir : comment prétendre que je bénéficie d'un bon de 5 euros (soit supérieur, en valeur, au prix des 12 litres d'eau) uniquement en passant une nouvelle commande d'un montant minimum de 60 euros ?

J'aurais donc jusqu'à demain pour profiter de leur gentillesse et de leurs largesses... C'est quand même fort ! Ils me traitent n'importe comment, avec suffisance et dédain, mais prétendent que je continue à passer commande chez eux... Certes, s'ils avaient fait un simple geste commercial en reversant les 5€ du bon sur ma carte de crédit, j'aurais accepté. Mais assortir le bénéfice du bon à l'obligation d'encore acheter chez eux, après ce qui s'est passé, ça je ne peux pas l'accepter. 

Je n'ai absolument rien contre le concept de produit de remplacement, ce qui peut arriver quand on commande en ligne, mais ma tolérance s'arrête à un produit semblable ou proche et d'un prix équivalent. Par contre je n'accepte pas qu'on m'impose de payer 24 litres d'eau au même prix que les 36 litres que j'avais commandés, soit une augmentation de 33% (!) sans rien me demander. Soi-disant j'aurais reçu un SMS pour me prévenir, mais entre tous les messages de spam commercial que je reçois tous les jours, franchement je ne l'ai pas vu passer. Et d'ailleurs qu'est-ce que ça aurait changé à partir du moment où vous m'avez vendu du faux pour du vrai (quantitativement parlant), où vous m'avez livré un produit pour un autre ?

Moi j'appelle ça une supercherie...

*

Vu sous un autre angle, sans être juriste (mais traducteur de métier depuis près de 40 ans, durant lesquels j'ai traduit des milliers de pages juridiques de l'anglais ou de l'italien vers le français), j'estime que dans cette histoire Carrefour m'a vendu un produit pour un autre, qui ne correspondait absolument pas à mes attentes. Ce que le droit italien appelle le principe "Aliud pro alio" [pris en compte aussi dans le Code européen des contrats, Livre II, Titre I (De la vente), Article 207], selon lequel il y a inexécution contractuelle lorsque la chose livrée ne correspond pas à la chose commandée (une chose pour une autre), autrement dit que la prestation exécutée ne correspond pas à l’obligation convenue entre les parties.

Car lorsque je commande en ligne - et que je paie avant (en magasin, vous remplissez votre chariot de ce que vous voulez et vous payez après) - j'estime qu'il y a contrat implicite entre moi et le vendeur (Carrefour dans ce cas) et que le contrat est exécuté uniquement si je reçois ce que j'ai commandé - et payé d'avance !

Certes, je ne vais sûrement pas m'engager dans une action en justice au motif d'inexécution de contrat pour environ 3 ou 4 € de valeur du litige, contre un groupe ayant réalisé un chiffre d'affaires HT dépassant 83 milliards d'euros en 2023 (différence saisissante !), mais jamais cela ne m'empêchera de persister et signer : Carrefour m'a bien volé 12 litres d'eau dans la plus totale impunité.

Comme s'ils avaient besoin de ça ! Même d'un simple point de vue logique, je ne comprends pas la position - insoutenable et injustifiable -  du Carrefour d'Auneuil. Qui sait si monsieur Alexandre Bompard, PDG de Carrefour (premier employeur privé en France, leader européen de la grande distribution et deuxième groupe mondial derrière Wal-Mart, quand même), lira un jour ce billet et remettra les pendules à l'heure ? Si peu suffirait !





lundi 28 août 2023

Martine Broda et la tâche du traducteur

Une nouvelle édition italienne de Die Aufgabe des Übersetzers, de Walter Benjamin, traduite par Maria Teresa Costa, vient d'être publiée en Italie (éd. Mimesis, collection Minima / Volti, 2023), qui commence ainsi : 
La tâche du traducteur est une lecture capitale pour quiconque souhaite approfondir la traduction et son lien essentiel avec la philosophie. (Il compito del traduttore è una lettura imprescindibile per chiunque voglia approfondire il tema della traduzione e il suo legame essenziale con la filosofia.)

Jusqu'à ce jour j'ai souvent essayé de m'attaquer à la lecture de ce texte de Benjamin, mais j'ai toujours battu en retraite, car son approche est loin d'être évidente ! Il y a 20 ans j'avais échangé via courriel avec Martine Broda, traductrice de la tâche du traducteur en français, et elle avait eu la gentillesse de me transmettre son texte, paru à Paris en 1991 (revue Po&sie, n° 55)... Ma réponse fut la suivante :

Madame, 

Je n'en attendais décidément pas tant, et votre geste me comble ! Je vous remercie infiniment. J'ai tellement entendu parler de ce texte au fil des ans qu'il en avait pris comme une résonnance mythique. Le voici devenu réalité. 

Merci, et merci encore.

 Avant de poursuivre dans un deuxième courriel :

Madame, 
Faisant suite à mon précédent message, dans lequel je vous remerciais pour votre geste, j'attendais une occasion pour vous donner mes impressions sur le texte de Walter Benjamin. Je ne l'ai pas encore fait pour une seule raison : ce texte est résolument plus ardu que ce à quoi je m'attendais, et je n'ai pas encore eu la possibilité de lui consacrer tout le temps qu'il mérite. C'est un texte à lire lentement et à digérer. Je le ferai, mais je ne sais pas quand. Je serai alors en mesure de vous donner mon opinion, non pas d'un chercheur, mais juste d'un praticien de la traduction.

Et puis bon, le temps a passé et je n'ai plus donné suite. Il aura fallu 20 ans (!!!) et la parution de la version italienne pour que je m'attelle enfin de près à ce texte, en le lisant dans les deux langues à la fois, l'une expliquant mieux l'autre là où j'avais des doutes ou des incompréhensions. 

Tout d'abord mes compliments les plus appuyés aux deux traductrices, Martine Broda pour le français, et Maria Teresa Costa pour l'italien, qui ont produit un travail vraiment remarquable ! Je n'ai trouvé dans la comparaison qu'un seul point où la traduction varie légèrement d'une langue à l'autre, dans la phrase suivante :

L'harmonie entre les langues y est si profonde que le sens n'est touché par les vents du langage qu'à la manière d'une harpe éolienne. (Italien : In esse l’armonia delle lingue è talmente profonda, che il senso viene solo sfiorato dalla lingua come un’arpa eolica dal vento.)

Autrement dit, si le français suivait l'italien, nous devrions avoir : « L'harmonie entre les langues y est si profonde que le sens n'est touché par le langage qu'à la manière d'une harpe éolienne par le vent. »

Vu que j'ignore l'allemand et que je suis incapable de juger par moi-même, je me suis tourné vers la version anglaise pour voir comment cela avait été rendu dans la langue de Shakespeare : « In them the harmony of languages is so deep that meaning is touched by language only in the way an Aeolian harp is touched by the wind. »

Donc, si je prends cette dernière comme arbitrage, je dois en conclure que Martine Broda a juste privilégié une licence poétique en traduisant par les vents du langage, sans toutefois altérer le sens de l'ensemble (puisqu'avec l'harpe éolienne jouée par le vent on est à la limite du pléonasme). Quelques autres très légères variations ne dépendent que de choix terminologiques tout à fait légitimes dans une langue et dans l'autre (par exemple, le binôme italien essenza et valore devient juste dignité en français, mais essence et dignity en anglais).

Maintenant, pour en revenir au texte de Benjamin, que je continue à trouver complexe, mon sentiment est qu'il s'en dégage une série d'intuitions fulgurantes célébrant « l'indocile liberté des mauvais traducteurs », qui sert mieux l'exigence de fidélité ne découlant nullement de l'intérêt de la conservation du sens, où certaines d'entre elles sont si subtiles qu'elles ne se révèlent que peu à peu, après y avoir pensé et repensé afin de réussir à en percevoir l'essence.

Notamment l'une où Benjamin considère que l'erreur fondamentale du traducteur consiste à ne pas se laisser violemment ébranler par la langue étrangère, à ne pas élargir et approfondir sa langue grâce à la langue étrangère, en partant d'un principe erroné, dès lors qu'il préférerait, pour paraphraser le poète Rudolf Pannwitz (pris à témoin par Benjamin), [franciser] l'indien, le grec, l'anglais, au lieu d'indianiser, gréciser, angliciser [le français], dès lors qu'il préférerait de beaucoup respecter les usages de [sa] propre langue plutôt que l'esprit de l'œuvre étrangère.

Des langues qui, pourtant, ne sont pas mutuellement étrangères, mais a priori ... parentes en ce qu'elles veulent dire, qui se complètent dans leurs intentions mêmes, toute traduction n'étant qu'une manière en quelque sorte provisoire de s'expliquer avec l'étrangeté des langues, une manière de se mesurer à ce qui rend les langues étrangères l’une à l’autre… 

En conclusion, en écartant le préjugé traditionnel selon lequel les traducteurs importants seraient des écrivains, et les écrivains peu importants, de médiocres traducteurs, Benjamin considère la tâche du traducteur comme une tâche propredistinguer avec précision de celle de l'écrivain), ce que Philippe Payen de la Garanderie nomme "la tâche de l’entre-deux", "la tâche initiale" : faire connaître une œuvre à un public allophone en lui faisant franchir l’entre-deux des langues. Mais en quoi consiste-t-elle véritablement ?

Personnellement, je l'ignore. Et j'avoue qu'avec près de 40 ans de métier, plus de 1 million de mots traduits, et après avoir, ENFIN, lu le livre de Walter Benjamin, je n'ai toujours pas la réponse à cette question ! Si quelqu'un en a une, convaincante, je suis preneur...



P.S. Sur Martine Broda :

Martine BRODA – Reconnaissances à la poétesse (France Culture, 2009)

Passage de Martine Broda


vendredi 10 février 2023

Palimptextes poétiques

Dans quatre billets publiés à ce jour, j'ai tenté durant une dizaine d'années de définir ce qu'était selon moi la notion de « palimptexte » :

  1. L'Internet aujourd'hui : de l'hypertexte au palimptexte (19 septembre 2006)
  2. Palimptexte : une tentative de définition (23 septembre 2006)
  3. Welcome to the Word Century (3 juillet 2011)
  4. Le palimptexte terminologique (2 avril 2016)
Une tentative qui n'a eu que très peu d'échos... 

« Palimptextes poétiques » est le titre de mon 21e recueil, censé réunir l'ensemble de l'appareil paratextuel des 20 précédents.

Les palimptextes, ce sont un peu les palimpsestes 2.0, cette évolution des palimpsestes selon Gérard Genette adaptés à l'ère numérique. Du reste, c'est dans Palimpsestes : la littérature au second degré, publié en 1982, que Genette introduit la notion de « paratexte », qu'il développera ensuite dans Seuils (1987) :
Le paratexte est donc pour nous ce par quoi un texte se fait livre et se propose comme tel à ses lecteurs, et plus généralement au public. Plus que d'une limite ou d'une frontière étanche, il s'agit ici d'un seuil, ou - mot de Borges à propos d'une préface - d'un « vestibule » qui offre à tout un chacun la possibilité d’entrer, ou de rebrousser chemin. « Zone indécise » entre le dedans et le dehors, elle-même sans limite rigoureuse, ni vers l’intérieur (le texte) ni vers l’extérieur (le discours du monde sur le texte), lisière, ou, comme disait Philippe Lejeune, « frange du texte imprimé qui, en réalité, commande toute la lecture ».

Cette référence à Philippe Lejeune (Le Pacte autobiographique, 1975) me touche particulièrement, puisque j'ai moi-même eu l'occasion d'échanger avec lui sur la nuance que je considérais entre poème autobiographique (Courir après les nuages, 1987, mon second recueil) et autobiographie poétique (Tryptique, 1994/98, mon huitième recueil). Un échange rapporté dans Palimptextes poétiques.

Écoutons également Benoît Mitaine :

Le paratexte est, selon la double étymologie du préfixe grec para-, l’ensemble des pages et messages qui entourent et protègent le texte. Sa fonction relève autant de la protection physique (couverture, pages de gardes) ou symbolique (prologue, préface, postface, épigraphe, etc.), que de l’identification (nom de l’auteur, titre de l’ouvrage, nom de l’éditeur, lieu et date d’édition, lieu d’impression, nom de la collection, code barre, etc.), de l’organisation (table des matières, bibliographie, répertoire, index, annexes), de la distinction (couverture souple ou rigide, format du livre, choix du papier) ou de la séduction (jaquette, illustration de surface, graphisme, etc.).

Voici donc posées les différentes définitions précisant ce que sera le recueil que je suis en train de composer, rendez-vous sur palimptextes.fr lorsqu'il sera terminé. En attendant, si vous souhaitez m'écrire à ce sujet, le courriel est jmleray@ ou info@ sur ce dernier domaine. 

Bien à vous,


dimanche 20 novembre 2022

La formidable occasion manquée de @Paris2024

Il y a bientôt 5 ans (juin 2018) je publiais sur ce même blog mon projet Glocalize @Paris2024 (voir pitch), relayé dès le lendemain sur Twitter et transmis à tous les intervenants (voir thread) impliqués de près ou de loin dans la préparation des JO 2024 :
Naturellement, il est clair que je n'ai jamais eu aucune réponse ni le moindre contact de quiconque...
 
Le sous-titre en était « ou comment créer une dynamique sociale planétaire autour de @Paris2024… », où « sociale » avait surtout le sens de « populaire » !

Impliquer les gens, à grande échelle. Avec une recette simple et peu coûteuse, mise en œuvre sur le site Glocalyze créé pour l'occasion.

Malheureusement, la structure qui préside l'organisation des jeux est de type pyramidale, dans la plus pure tradition macronienne, où toutes les décisions sont prises au sommet, qui ruissellent éventuellement à travers les corps intermédiaires, jusqu’ici, tout va bien, mais s’arrêtent systématiquement juste un cran avant d’arriver à la base, à qui elles s’imposent sans que celle-ci n'ait la possibilité d’avoir son mot à dire…

Nous en avons eu cette semaine un exemple frappant avec le "lancement" des mascottes !

Lundi 14 novembre 2022 :
Les Phryges sont annoncé(e)s à grand renfort de communications sur Twitter et les réseaux sociaux, dans la presse, à la radio, à la télé, etc. L'imposant orchestre médiatique est lancé, et il est clair que la décision vient d'en haut, planifiée comme il se doit.

Mais comment le public accueillera-t-il ces phryges, dont on ne sait au premier abord si le substantif est masculin ou féminin ! Androgynes, probablement.

Déjà, sur le nom, les premières critiques se font jour pour en souligner la difficulté de prononciation, qui plus est pour les étrangers, et sa portée trop franco-française alors qu'il devra(it) parler au monde entier.

Un nom choisi parce que le « bonnet phrygien est un symbole de liberté. Parce qu’il nous est familier, dans l'histoire, dans les arts, dans nos mairies et dans nos écoles, il représente aussi cette identité et cet esprit français. » Certes. Mais familier, ça reste à prouver. Et surtout inadapté à une initiative planétaire telle que les JO. Quant à la grandeur de la France et de sa révolution, elle commence à être loin derrière. 

Et Tony Estanguet d'ajouter : « ... nous voulions des mascottes qui soient porteuses de sens. Plutôt qu’un animal, nos mascottes représentent un idéal ! »

De toute évidence une phrase qui ne doit pas être de son cru, tellement ça sent le slogan pondu à la va-vite par quelque communicant laborieux et mal réveillé, avec la fiente encore tout autour de la coquille… vide ! 

Or les gens n’en peuvent plus des jolis slogans pleins de mots vides de sens que contredisent systématiquement les faits et les actes !

Car il ne suffit pas de prétendre en mode assertif que les « mascottes ... sont le lien émotionnel entre les Jeux et les gens » (soit dit en passant, il eut mieux valu écrire « les mascottes ... sont le lien émotionnel entre les jeux et les Gens ») pour que ce soit vrai !

J'en veux pour preuve qu'une semaine après le lancement, il n'y a pas un seul résultat sur le hashtag #prhyges (MàJ - 23h : autant pour moi, le bon hashtag est #phryges, s'il en est, un bon exemple de la difficulté de prononcer et ... d'écrire ce nom, je suis en bonne compagnie :-)


Quant au graphisme, n'en parlons pas : les mascottes ont immédiatement été renommées "Clito" dans le grand public, images à l'appui :


Il n'y a pas à dire, un véritable succès, à mettre au crédit de Tony Estanguet et de sa phénoménale équipe de consultants (bénévoles ?) !

*

Je suis très remonté contre cette façon macronienne de considérer que la base de la pyramide est constituée de millions de gens qui ne sont rien, mais bien cons quand même !

Car dès qu'il faut les mettre à contribution, la direction d'en haut ne tarit plus d'éloges. Dès l'année dernière, elle annonçait vouloir recruter "jusqu'à 50000 volontaires" en 2023 et jusqu'en 2024 :


Que de jolis mots... Et encore « visages et incarnation de Paris 2024, ambassadeurs » (selon Alexandre Morenon-Condé), etc. etc.

Via un portail de recrutement. Las, le choix des mots n'est pas innocent :  "recrutement" est le substantif du verbe "recruter", terme militaire par excellence qui signifie originellement "faire des recrues". Le sens étymologique de "recrue" étant "recru, épuisé, harassé de fatigue"... 

Loin de moi l'idée de remettre en question la valeur intrinsèque du bénévolat ou les motivations authentiques et sincères des volontaires, mais je suis horrifié par la manipulation permanente qu’en font les décideurs d’en haut, et de constater que, globalement, ça passe crème auprès de l’opinion publique, dans sa grande majorité.

J'y vois un parallèle évident avec le peuple souverain, qui ne compte absolument rien et dont tout le monde se fout entre deux élections… mais dont la souveraineté et l'importance sont revendiquées haut et révérées sans vergogne en période électorale ! On connaît la suite.

Je conclurai donc ce billet sur un appel ouvert au grand chef : 
Monsieur Tony Estanguet,
Vous aviez la possibilité d’impliquer et de faire participer les gens, qui forment la base de la pyramide, dans l’organisation de ces jeux, pas seulement pour les faire « ambassadeurs » lorsque vous le décrétez et d'autant plus fortement que ça ne coûte rien, mais au quotidien afin de créer une dynamique populaire planétaire géante autour de @Paris2024… Or vous ne l’avez pas saisie, mais peut-être êtes-vous encore à temps ! 
@Paris2024, à ce jour une formidable occasion manquée ! Ou non ?