jeudi 6 novembre 2008

Lestelechargements.com : suggestion à la Cour des Comptes pour son prochain rapport


Lestelechargements.com, ça vous dit quelque chose ? Rappelez-vous, que de bons souvenirs ! La loi DAVDSI, puis début février 2006, histoire de faire passer la pilule, l'annonce en fanfare : Lestelechargements.com bientôt en ligne...


Regardez dans vos favoris, effectivement, deux ans plus tard, le site est toujours en ligne :


En parking chez SEDO, pour celles et ceux qui ne sauraient interpréter la capture. Encore un qui fait partie des 17 millions et auquel on peut aussi accéder directement depuis cette page du Ministère de la Culture !!!

Que l'Etat redirige vers un parking, voilà qui est comique (quoique...), puisqu'il ne semble pas que le site ait changé de propriétaire depuis le début :


Maintenu chez Domaine.fr, le nom du déposant est confidentiel, mais la date initiale d'enregistrement du 18 janvier 2006 correspond bien à l'époque d'ouverture du site. Probable qu'ils veulent tenter de monétiser (prix fixé à 3 200 euros selon certaines sources)...

Donc, s'ils veulent rentrer dans leurs dépenses, ça risque d'être coton, vu le lancement à - TRÈS - grands frais par le gouvernement de l'époque (premier ministre, Dominique de Villepin) :



Vidéo récupérée chez Versac (quelques photos ici, un slideshow ), que je vous repropose aujourd'hui avec l'autorisation de Nicolas Vanbremeersch, où l'on entend en arrière-plan le discours des ministres, Thierry Breton et Renaud Donnedieu de Vabres (puisque les coûts étaient supportés « à parts égales entre le ministère de la culture et le ministère des finances »). Citation (à lire et à relire) :
J’ai souhaité ouvrir un véritable débat de société sur la propriété littéraire et artistique, l’économie de la culture, la culture elle-même.
J’ai voulu, avec le lancement de ce site, permettre le dialogue le plus concret le débat le plus large, en offrant à chacun un espace de discussion.
Ce site doit être un outil d’intérêt général, un outil de démocratie participative.
Très concrètement, comme vous allez pouvoir le découvrir dans la présentation qui va suivre, des témoignages, que je souhaite les plus nombreux possibles, d’artistes et de professionnels seront quotidiennement mis en ligne.
Tous les métiers de la création pourront s’exprimer, ceux qui sont en coulisse, ceux que l’on ne voit pas, réalisateurs, ingénieurs du son, éclairagistes, techniciens…
Chacun pourra réagir librement, la discussion aura lieu sur les forums, de nombreux « chats » seront organisés, et j’espère pouvoir y participer.
Ce site n’est pas un espace de propagande. Il est libre et n’est au service d’aucun intérêt particulier ou corporatiste.
C’est le premier site réellement pluraliste sur le sujet du téléchargement. Il n’a pas d’autre but que d’amener artistes, créateurs et internautes à s’entendre sur les modalités du téléchargement de musique et de cinéma.
Les points de vue les plus opposés pourront s’affronter, comme par exemple sur la question de la licence globale comme vous allez le constater lors d’une courte démonstration.
La transparence sera le maître mot de ce site.
Enfin, parce que la création naît de l’échange, le site proposera aux artistes qui le souhaitent de profiter de la fréquentation et de la médiatisation du site pour faire découvrir leurs créations. Un espace gratuit de téléchargement sera mise à disposition car Internet est un tremplin, un révélateur de talents, c’est une étape dans le parcours des œuvres et des artistes.
Ce site ambitieux met en valeur l’importance du débat dans notre démocratie, dans notre République, qui doivent demeurer fidèles à leurs messages et à leurs principes, dans l’ère numérique dans lequel nous nous trouvons désormais.
« J'ai souhaité..., j'ai voulu... », ce qu'on appelle l'action gouvernementale... Efficace et respectueuse de l'argent du contribuable. ;-)

Fort justement, Nicolas Sarkozy Vanbremeersch se déclare « atterré par cette affaire » : il y a de quoi ! Car si vous ajoutez aux centaines de milliers d'euros dépensés pour tout ce battage, plus tout le reste que nous ignorons, la modique somme de 180 000 € (cent quatre-vingt mille euros) généreusement versée à Publicis (qui a d'ailleurs fort bien défendu sa cause...) pour développer un blog sous Dotclear, autrement dit une solution libre et gratuite accessible à tous, ça nous donne rien de moins que le blog le plus cher du monde, surtout rapporté à sa durée de vie sur la toile...

Eolas relevait en son temps que Publicis n'avait pas sécurisé les noms de domaine des sites parasites lestelechargements.info, lestelechargements.fr et lestelechargements.org, ce qui frisait l'incompétence, selon lui, mais aujourd'hui moi je dis merci à lestelechargements.fr, encore en ligne pour témoigner de manière tangible de cette gabegie étatique.

Au bout du compte (c'est le cas de dire) le plus parasite n'est pas celui que l'on croit... Écoutons, lors d'un débat à l'Assemblée Nationale, le député Christian Paul :
M. Christian Paul. Je terminerai par un autre exemple, monsieur le ministre, qui vous concerne directement et montre que vous n’avez pas écouté le pays, la jeunesse de France et les internautes. Vous avez mis en ligne il y a dix jours, à grands frais pour la République, un blog baptisé « Lestelechargements.com » censé nourrir le débat. J’espère que la Cour des comptes se penchera bientôt sur cet exemple de communication interactive : près de 200 000 euros, mes chers collègues, ont été nécessaires pour ce blog pourtant créé à partir d’un logiciel libre, et donc gratuit – M. Carayon sera sensible, je pense, à cet exemple. J’ai eu l’occasion pour ma part de mettre en ligne un blog avec le même logiciel libre. L’ensemble de l’affaire m’a coûté 50 euros. Il faudra que le ministre s’explique sur les 200 000 euros qu’il a dépensés.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est un artiste !

M. Christian Paul. Voilà un bel exemple d’utilisation des fonds publics au service de la démocratie ! On pourrait s’en tenir à la simple condamnation d’un tel gaspillage au moment où le budget du spectacle vivant baisse de 8,5 %...

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Paul. …mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Ce bel exercice de communication avec les Français a tourné au fiasco démocratique, comme tourne au fiasco parlementaire le débat que nous avons en ce moment. Au bout de vingt-quatre heures, il y avait 40 000 connexions sur ce blog, ce qui prouve qu’il a créé le débat, mais 95 % des messages envoyés condamnaient les positions du Gouvernement et le projet de loi.

M. Dominique Richard. C’est du micro-trottoir !

Mme Christine Boutin. Mais non ! Vous n’y connaissez rien !

M. Christian Paul. Que s’est-il donc passé ? On a tout simplement changé la règle du jeu et verrouillé le blog ; le dialogue prévu avec les artistes n’a pas eu lieu. Vous ne pouvez donc pas dire, monsieur le ministre, que vous êtes parvenu à un point d’équilibre.

Quant à comparer les Français, jeunes et moins jeunes, qui pratiquent le téléchargement à des bataillons de sauterelles pillant le patrimoine culturel de notre pays – c’est la parabole douteuse que vous avez mise en ligne –, vous comprendrez que nous ne puissions pas y voir une grande leçon d’écoute et de dialogue démocratique.

Pour toutes ces raisons et parce que le débat est mal engagé, nous avons besoin d’avoir l’assurance que les positions durables qui seront adoptées sur le logiciel libre, l’interopérabilité ou la DRM ne seront pas seulement le fruit des votes disciplinaires de la majorité mais qu’elles se fonderont sur l’existence d’une procédure véritablement contradictoire au Parlement. Nous avons besoin pour cela d’un engagement écrit du Gouvernement – c’est la responsabilité du Premier ministre – qui nous assure d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale.
L'argumentation du ministre de la culture et de la communication est particulièrement pertinente : ce n’est pas vrai !

Mais si, c'est vrai, Monsieur le ministre. La preuve ? Cliquez sur le lien. Enfin, espérons que vos successeurs vont monétiser un max chez Sedo. Ça sera toujours ça de gagné sur l'argent des contribuables... Rémy, qu'est-ce que t'en dis ?

Et pour terminer en revenant au titre de mon billet, permettez-moi d'emprunter à M. Christian Paul : « J’espère que la Cour des comptes se penchera bientôt sur cet exemple de communication interactive... »

Nous l'espérons également. Si quelqu'un a des infos là-dessus, merci de bien vouloir nous en faire part en commentaire.



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P.S. Ceci dit, l'État doit trouver ce genre d'expérience concluante puisqu'il récidive avec jaimelesartistes.fr, nouvelle plateforme explicative et pédagogique. Un nouveau site très probablement censé
« ouvrir un véritable débat de société sur la propriété littéraire et artistique, l’économie de la culture, la culture elle-même », « permettre le dialogue le plus concret le débat le plus large, en offrant à chacun un espace de discussion », un « outil d’intérêt général, un outil de démocratie participative », un site où « tous les métiers de la création pourront s’exprimer, ceux qui sont en coulisse, ceux que l’on ne voit pas, réalisateurs, ingénieurs du son, éclairagistes, techniciens… », où « chacun pourra réagir librement », où « la discussion aura lieu sur les forums », où « de nombreux « chats » seront organisés », un site « libre », qui ne sera pas « un espace de propagande » ni « au service d’aucun intérêt particulier ou corporatiste », un « site réellement pluraliste », qui n'aura « pas d’autre but que d’amener artistes, créateurs et internautes à s’entendre sur les modalités du téléchargement de musique et de cinéma », où « les points de vue les plus opposés pourront s’affronter, comme par exemple sur la question de la licence globale », où la « transparence sera le maître mot », un site « ambitieux » qui « met en valeur l’importance du débat dans notre démocratie, dans notre République, qui doivent demeurer fidèles à leurs messages et à leurs principes, dans l’ère numérique dans lequel nous nous trouvons désormais. »
Dans laquelle, Monsieur ou Madame le ministre, dans laquelle...

Bon, et bien nous voilà rassérénés, encore de l'argent bien placé (combien ?...), le contribuable n'en doute pas une seconde.

Le contribuable remercie d'ailleurs chaleureusement les politiques d'être résolument orientés Web 2.0. Et top du top, ils ont même leur compte chez Sedo. Donc à quand jaimelesartistes.fr en parking, les paris sont ouverts... Mouarf, mouarf.

Et surtout le contribuable est très reconnaissant que vous continuiez avec autant d'assiduité et de clairvoyance à le prendre pour un con...

tribuable, justement !

Ce n'est plus lestelechargements.com mais lestelechargements.con ! D'ailleurs je ne sais pas quel est le brillant esprit qui crée des noms si joliment inspirés (Jaimelesartistes.fr est pas mal non plus dans son genre), mais je pourrais peut-être vous proposer l'alternative Quensis...

Qui a également le mérite d'avoir ses bureaux juste en face de la Cour des Comptes : ça pourra peut-être servir un jour...

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7 commentaires:

Anonyme a dit…

JM le domaine a bien changé de main (le whois n'est d'ailleurs pas du tout masqué). Il était enregistré au nom de Publicis en 2006.

La vérité est ailleurs :D

Anonyme a dit…

Merci Jean Marie de nous rafraichir la mémoire :)
Elle est énorme celle la ! Sans toi je l'aurais manquée.

Anonyme a dit…

Les infos sont simples. A l'époque j'ai testé bien sur le "répondant" de ce site. Ce fut "commentaire mort né"..

Cette pseudo écoute des internautes, ce pseudo débat sur l'industrie musicale, le téléchargement etc. est devenu une mascarade grotesque; rien ne s'est arrangé avec les années, bien au contraire.
Ceci étant dit j'aimerais bien rencontrer un jour les émérites consultants spécialistes ès-blogging de ces agences de pub.. De quand date l'affaire l'Oréal/Vichy ? Aah oui 2005!! et déjà chez Publicis.
Ca passe vite, les leçons aussi...

De mon coté je demande la permission d'utiliser la retranscription du dialogue si possible.
D'avance merci

Jean-Marie Le Ray a dit…

Tom,

Je ne sais pas d'où tu tires tes infos sur le Whois, moi j'ai ça et le statut client est bloqué. Donc impossible de savoir qui se cache derrière.
Ceci dit, ce n'est pas vraiment important, mais qu'on puisse encore accéder au parking depuis les pages du ministère de la culture, c'est franchement nul !

J-M

Sylvain,

Je n'ai pas les droits sur les dialogues, faudrait demander aux députés, mais les séances de l'Assemblée nationale sont publiques, et donc ce qui s'y dit aussi :-)

Anonyme a dit…

Merci pour cet article divertissant Jean-Marie, j'ai beaucoup ri :-))

Tu me demandes ce que j'en dis. Pas grand chose en fait. Mais je paye mes impôts en Allemagne alors peut-être me sens-je moins concerné par ce cas de gaspillage de l'argent du contribuable.

Pour une fois qu'on avait opté pour un domaine générique (semi-générique en fait) en France, je trouve dommage que l'histoire connaisse une fin si rocambolesque.

Ceci étant, je vois mal comment le Gouvernement pourrait redistribuer les richesses tirées de la mise en parking de ce nom de domaine parmi les millions de contribuables français.

En effet, en jargon technique, on appelle ça de la submonetization et c'est interdit par la plupart des fournisseurs de contenu publicitaire ;-)

Pour le reste, il y a beaucoup plus de personnalités qui utilisent les services Sedo qu'on ne pourrait le croire. Il n'y a pas si longtemps, j'ai même cru voir le papa d'Heidi Klum dans nos locaux :-)

Les voies du end user marketing sont impénétrables...

Anonyme a dit…

Effectivement, j'appuie Rémy lorsqu'il dit que l'usage des pages de parking sont plus répandues que l'on ne croit : j'ai moi-même constaté la pratique de la part de la société Kenzo, après leur avoir restitué un nom de domaine.

Jean-Marie Le Ray a dit…

Guillaume,

C'est bizarre, non ? Pourquoi alors ne pas rediriger sur le site principal ?

J-M