Post-scriptum en forme de digression sémantique sur ma trilogie consacrée au premier tour des élections présidentielles 2007 :
- Le but de la loi en France est-il uniquement de faire peur aux gens ?
- Estimations du premier tour : duel Sarkozy - Royal
- Le nuage de Tchernobyl
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À mon avis, sur un blog, il faut se garder comme de la peste des sujets qui fâchent, tels que la politique et la religion, mais on ne peut pas non plus toujours faire comme l'autruche, d'autant qu'il y a des circonstances où parler est nécessaire, voire impératif et/ou vital.
Je pensais donc en avoir fini avec l'argument pour en revenir aux grandes questions qui font évoluer le Web, comme GYM et autres, mais le commentaire d'un certain Marc (j'aurais d'ailleurs préféré qu'il soit moins anonyme vu qu'il se réclame de grands principes...) m'amène à m'interroger davantage sur ... le sens et la valeur des mots. Des mots qu'on utilise tous les jours et dont je me dis qu'on ne sait plus très bien le sens dont ils
Une grande confusion règne autour des mots, et les publicitaires et politiques de tous bords - hommes et femmes - ont une immense responsabilité dans cet état de chose. Car pour le traducteur-poète (ou poète-traducteur...) que je suis, tant par vocation personnelle que professionnelle, qui réfléchit au sens des mots à longueur de journée, cela me crève le cœur de voir qu'il sont employés sans égard, fourvoyés dans une approximation scientifiquement entretenue, de sorte qu'on puisse aisément leur faire dire blanc ou noir en fonction du contexte, des opportunités, des intérêts du moment. Cela permet de mieux déstructurer la culture et l'esprit des populations, tout en les désinformant par une propagande habile, qu'elle soit marchande ou politique, je le répète.
Or il en va des mots comme de la nature. On n'en abuse pas sans générer de grandes catastrophes, et lorsque vous vous y attendez le moins ils se retournent contre vous. Dans son travail intitulé LTI - Lingua Tertii Imperri (La langue du IIIe Reich), Victor Klemperer, qui mène une réflexion approfondie et sans concession sur les mécanismes du langage totalitaire, cite en exergue ces mots de Franz Rosenzweig : « La langue est plus que le sang. »
Dès le premier recueil que j'ai écrit (il y a une vingtaine d'années), non publié, comme tous mes ouvrages poétiques, qui s'intitule « L'Écorché vif » :
réminiscences de ma vie aventureuse et vagabonde, je tentais de redonner un sens - le leur ou le mien - aux mots, à ceux que l'on parle, que l'on écrit, à ceux que l'on reçoit, aux mots, en somme, à travers lesquels on s'efforce de communiquer, les fameux "mots de la tribu"
en poursuivant délibérément le rêve de la perfectionComme le petit Prince de sa rose, je me sentais de nouveau responsable pour chaque mot, pour l'usage propre de chaque mot..., responsable pour
l'utopie réalisée d'un texte qu'il n'y aura plus à reprendre - jamais !
enchâsser chaque parole dans son acception profonde - on n'y saurait en changer une seule sans briser l'équilibre subtil du recueil -, tantôt première tantôt plus actuellevulgariser la poésie, enfin
(combattre l'inadéquation du parler en redécouvrant la ligne de partage entre les antiques beautés de la "vieillerie langagière" et les nouveaux trésors de la langue moderne, davantage ouverte et "démocratique")
inventer une signification plus proche par quelques néologismes, contextuels ou non (plasmer)
masculiniser des substantifs injustement féminins depuis des millénaires (prostitué ou parturient...)
utiliser les vocables les plus humbles en leur rendant le discernement qu'ils ont désappris, leur native splendeur fanée d'avoir été trop longtemps prononcés, galvaudés
faire de la langue poétique
une langue charnelle
une langue humaine !
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une langue charnelle
une langue humaine !
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Donc vous comprendrez que lorsqu'on m'accuse d'être irresponsable et irrespectueux, voire de crime, je m'empresse d'analyser ces mots pour voir ce qui se cache derrière, et, plus grave encore, pour voir s'ils ont quelque fondement de vérité ou s'ils sont totalement farfelus.
Concernant les deux premiers, irresponsable et irrespectueux, ça me rappelle un slogan de la SNCF qui disait, si je ne m'abuse, « le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous », ou quelque chose dans ce genre.
Or que signifie "tous" ? Tous les français, ou tout le "monde", toute l'humanité ? Idem dans le cas qui nous occupe. À quel titre serais-je plus irresponsable et irrespectueux que des millions de belges, de suisses ou autres, qui pouvaient légalement et légitimement relayer les sondages dès 18h sans l'être pour autant, irresponsables et irrespectueux ? Et quid d'un respect ou d'une responsabilité changés en irrespect et irresponsabilité juste selon qu'on se trouve de part ou d'autre de la frontière ? En vertu de quoi, donc, m'accuser de la sorte ?
Probablement en vertu du "discours officiel", j'imagine. Dont les tenants menaçaient :
"l'annonce faite par certains blogueurs de vouloir délocaliser leur site à l'étranger n'est pas une issue de secours car la loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République."Un crime, bigre ! Quel gros mot ! J'aurais donc commis un crime. Qu'est-ce à dire, de quoi parle-t-on ? Car j'imagine qu'en l'espèce la définition doive être recherchée moins dans les dictionnaires que dans le code pénal, dont l'article premier fait la distinction suivante :
L'infraction que les lois punissent des peines de police est une contravention.Donc ici le crime n'est pas défini en lui-même, mais par rapport à la peine - afflictive ou infamante - dont est passible l'action considérée. Définition dont on notera l'actualité au passage, puisqu'elle remonte au mois de février 1810, il y a bientôt deux siècles. Comme je le disais en réponse au commentaire dudit Marc, à l'heure d'Internet, il serait peut-être temps de remettre les pendules à l'heure...
L'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit.
L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante est un crime.
Mais ce qui me gêne le plus, dans ce discours "officiel", c'est qu'il est faux et trompeur, au sens où il tente d'effrayer pour mieux induire en erreur son destinataire.
Je ne ferais certes pas concurrence à Maître Eolas pour tenter d'expliquer, sur le plan du droit, en quoi la phrase "la loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français HORS du territoire de la République" est incompatible avec le principe d'une loi explicitement censée ne s'appliquer QUE sur le territoire de la République, j'en serais bien incapable, mais personnellement j'y vois une contradiction manifeste dans les termes. Car si la loi en question dit n'être applicable qu' "au territoire concerné" et non pas ad personam, je ne vois dans cette déclaration rien de plus qu'une tentative d'intimidation fallacieuse. À moins que ces propos n'aient été déformés par les journalistes qui ne les auraient pas rapportés de façon fidèle, auquel cas...
Mais s'ils sont véridiques, mon opinion est qu'on confond les torchons et les serviettes.
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Nous revoilà donc au point de départ, le sens des mots et leur valeur. Deux qualités - sens et valeur - que je n'ai pas choisies au hasard, car si elles peuvent paraître redondantes, sur Internet elles acquièrent une signification toute particulière et doivent être bien dissociées.
Sur le Web, en effet, le sens des mots est une chose, et leur valeur une autre. Valeur marchande, s'entend. Puisqu'à l'instar des biens et services, maintenant ils s'achètent et se vendent !!! C'est ainsi qu'on a pu associer « racaille & Sarkozy » sans y trouver rien à redire. Et pourtant... Du reste, je ne cite qu'un des mots clés parmi les plus cités (cités, justement, banlieues, etc.) et citables...
Un exemple parfait pour expliquer comment les mots peuvent être aussi dangereux à manier que l'explosif. Voilà pourquoi des textes tels que celui-ci me dérangent profondément. Je pourrais le reprendre dans son intégralité en le démontant paragraphe par paragraphe, phrase par phrase, pour en mettre à jour les rouages manipulateurs, les incohérences flagrantes, les faussetés doucereuses, les finalités à peine masquées (mieux ferrer le gogo). Peut-être un jour, quand ma colère retombera, si elle retombe (car impossible d'écrire objectivement sous son emprise), mais ce n'est pas pour demain.
Conclusion
Nul ne peut user et abuser impunément des mots, qu'on s'appelle Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal (ou qui pour eux) ne change rien à l'affaire. Ayez toujours cette vérité à l'esprit lorsque vous vous adressez aux françaises et aux français (ce que vous ferez souvent dans les deux semaines à venir), pour peu que la sincérité ait encore cours en politique.
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