mardi 3 juin 2008

Les Assises du Numérique : la 28e piste

Les Assises du Numérique : la 28e piste

Les Assises du Numérique se sont ouvertes le 29 mai et se poursuivront dans les prochaines semaines, à Paris et sur tout le territoire, Éric Besson dixit.

Sont proposées 27 pistes à parcourir :


Avec comme ambition affichée de faire de la France, à l'horizon 2012, une « puissance numérique à l'égal des économies les plus dynamiques de notre planète ».

Ce qui témoigne quand même d'un certain optimisme... Ceci dit, il va s'en passer des choses d'ici 2012 ! En France et sur le Web.

Il me semble d'ailleurs que cette initiative pourrait parfaitement s'encadrer dans 5 des 8 grandes ambitions identifiées par Jacques Attali :
  • préparer la jeunesse à l’économie du savoir et de la prise de risque ;
  • participer pleinement à la croissance mondiale et devenir champion de la nouvelle croissance ;
  • améliorer la compétitivité des entreprises françaises, en particulier des PME ;
  • construire une société de plein-emploi ;
  • instaurer une nouvelle gouvernance au service de la croissance.
Quoi qu'il en soit, une centaine d'ateliers organisés en juin devraient déboucher « sur la remise de propositions au président de la République ».

Avec à la clé la création d'un Conseil national du numérique, pensé comme une « enceinte globale de concertation », et en plus ça ne coûterait pas un sou au contribuable, puisque selon Eric Besson, même s'il « ne dispose pas de budget. Ce plan ne devrait rien coûter à l'Etat, certaines mesures devraient même être accélératrices de croissance et rapporter ».

Voilà pour les beaux discours. Plongeons-nous maintenant dans la réalité.

* * *

La réalité, ce pourrait être ce que la Quadrature du Net qualifie d'imposture, en dénonçant :
un évènement où le public, les internautes, les consommateurs sont ignorés. Aucune organisation défendant leurs droits n'intervient par exemple lors de la table ronde sur la culture et les loisirs à l'ère du numérique. Les associations de consommateurs n'auront pas le droit à la parole. Les services du Premier Ministre et d'Éric Besson n'ont par ailleurs même pas daigné répondre négativement à la demande de participation de la Quadrature du Net.

À croire que le public n'existe pas. À croire que les associations défendant ses droits n'ont pas leur mot à dire. À croire que même soutenu par Privacy International, l'Electronic Frontier Foundation, l'Open Society Institute et des associations française, danoises, espagnoles, allemandes... on reste insignifiant pour le gouvernement français. À croire que le point de vue de l'UFC Que Choisir, la CLCV et l'UNAF n'est pas intéressant non plus.

Cette table ronde n'est qu'une opération de communication destinée à donner l'illusion d'un débat ouvert, organisé sous l'égide des pouvoirs publics. Or les textes relatifs au numérique, déjà prêts, seront adoptés quand les français seront à la plage. L'annonce de l'examen par le Sénat début juillet du projet de loi instaurant la riposte graduée le confirme. Les manœuvres à Bruxelles du lobby du cinéma français soutenu par le gouvernement français également.[1] Les jeux sont déjà faits.

Étrange conception du débat à l'ère du numérique... les associations de défense des droits du public interdites de parole, les entreprises comme interlocuteur unique des institutions, des projets déjà prêts qui vont passer en catimini quand les français seront à la plage, et demain, le net sans les internautes ?
Ce qu'on appelle une approche top-down : tout vient d'en haut, la base suivra...

De toute évidence, le bottom-up, personne connaît ! Ils devraient pourtant s'appuyer sur la logique d'un expert, Jean-François Pillou, en appliquant à leur programme ce qu'il dit de Comment Ça Marche : « Quand on lance un site, il suffit de regarder ce dont les utilisateurs ont besoin ».

Or si les usages devraient être pris en compte, il ne me semble pas que les usagers fassent partie de « l'ensemble des acteurs du numérique, publics, associatifs et privés (Commission européenne, Parlement, Alcatel-Lucent, Bull, IBM, Microsoft, Ericsson, Orange, SFR, TDF,...) » chargés d'élaborer de concert les grandes lignes à planifier...

Pire encore, certains signes avant-coureurs, de la réponse graduée à la judiciarisation excessive d'Internet du fait d'une LCEN lacunaire, de la nullité franco-française en matière d'informatiques et libertés aux déclarations tranchées de notre cher président sur le problème considérable d'Internet (c'est quand même pas sain que le journal soit gratuit...) (il me semble pourtant que les gratuits publiés IRL concurrencent la presse en dehors du Web...), tout cela et d'autres faits inquiétants, j'en passe et des meilleurs, laissent plutôt mal augurer de ce que sera la France numérique en 2012...

Donc, si je peux ajouter mon grain de sel, permettez-moi de vous proposer d'ores et déjà une 28ème piste, condition sine qua non à la réalisation de toutes les autres, à mettre impérativement en œuvre A PRIORI :

Changer de mentalités.

Jean-Marie Le Ray

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P.S. Si vous voulez participer, rendez-vous sur le forum, même si mon petit doigt me dit qu'un forum alternatif pourrait bientôt être mis en place...

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4 commentaires:

Anonyme a dit…

Avez-vous noté ce paradoxe amusant qu'il faudrait remettre au Président un conseil pour "instaurer une nouvelle gouvernance au service de la croissance" ?

C'est au moment des élections qu'il faut penser à ça.

Les vélléitaires sont au pouvoir, leur objectif est surtout d'y rester et on les comprend.
Alors pourquoi leur conseiller de changer de mentalité ? Eux, ils se portent très bien.

Toute cette agitation grotesque est une mascarade tendant à faire partager au peuple la responsabilité de l'impuissance à répartir équitablement les bénéfices de deux siècles d'industrie.

C'est la "participation 2.0" ! (sourire)

Tenez, cadeau : une de mes citations préférées, c'est de Jacques Higelin.

"Que les damnés obscènes, cyniques et corrompus, fassent grief de leurs peines à ceux qu'ils ont élus"

Olivier Auber a dit…

Il y a aussi cette piste là:
http://www.adminet.ca/Cawailleurs/archives/742/assises-du-numerique-creer-un-veritable-espace-public-sur-internet
déposée sur le wiki des assises:
http://wiki.assisesdunumerique.fr/xwiki/bin/view/Assises/WikiGouvernance

Meichelf a dit…

J'ai la même impression que toi Jean-Marie...c'est du cinéma pour amuser la galerie, pour faire semblant !

Le pire c'est que les pistes alternatives procèdent du même type de démarche : c'est moi qui sait...suivez le guide ! Et cela quelle que soit la pertinence des propos ! (J'apprécie l'effort de vulgarisation !)

Le changement de mentalités et d'attitudes nous concerne tout autant pour être crédible : La forme met en paradoxe le fond...c'est là dessus qu'il va falloir travailler !

Anonyme a dit…

@ oa
La création d'une architecture molécularisée du Web, où chaque poste sera serveur et où il n'y aura aucune possibilité d'interrompre l'ensemble, est à l'ordre du jour des préoccupations de l'Open depuis longtemps.
La réalisation de solutions concrètes s'accélère depuis que SUN a "libéré" Java.
Un autre Web naîtra bientôt et il est intéressant de constater que sa nécessité se popularise.

Mais voici le plus intéressant : cet autre Web se fera quoi qu'il arrive, que les politiques et les financiers s'y intéressent ou pas.
Comme je l'ai déjà dit par ailleurs, nous aurons seulement perdu dix ans à faire fonctionner les machines à sous.