Depuis que Twitter a annoncé des nouveautés au niveau de la fonction "replies", à savoir, comme l'explique si bien Vinz, que seuls les utilisateurs de Twitter.com via le Web ne voient plus les replies des gens qu'ils ne suivent pas, mais uniquement de leurs suiveurs.
Ce qui a soulevé un tollé chez les habitués de Twitter, qui ont immédiatement lancé une campagne de #fixreplies.
J'ai donc voulu aller plus loin en analysant 200 messages choisis aléatoirement (deux séries de 100), puisque pour chaque message Twitter nous dit quelle est l'application qui l'a généré, comme on peut le voir sur cette capture :
Le décompte des applications nous donne le résultat suivant (voir le nuage correspondant en début de billet) :
Sur 31 applications listées, les 11 premières qui réalisent au moins 2% sont les suivantes :
À noter qu'en cumulant, l'ami Loïc arrive en troisième position avec 12% grâce au binôme Twhirl + Seesmic Desktop, compliments !
Et puisque Twitter c'est formidable, concluons par une première mondiale : ces deux messages, envoyés aujourd'hui, nous arrivent directement de l'espace, où Mike Massimino et l'équipe de la NASA sont en route pour leur rendez-vous avec ... Hubble !
D'ailleurs c'est la terminologie exacte. Reste à savoir qui sont les bananes ?
De plus en plus j'observe entre Sarko et Berlusko des parallélismes inquiétants pour ce qui reste de la démocratie dans nos pays, où ces tristes personnages arrivés à la tête de l'état ne conçoivent plus leur rôle et leur mission que comme des marionnettistes tirant les fils de nos destinées sans se soucier le moins du monde des véritables problèmes et aspirations des populations respectives.
Le seul but de leurs politiques (à commencer par les hommes...) est le renouvellement de leur mandat pour faire, d'abord et avant tout, voire exclusivement, leurs propres intérêts et ceux des copains (tiens, il me vient un néologisme en passant : sarkopinage, berluskopinage). C'est très clair lorsqu'on voit Sarko baver sur la réussite de son alter ego : “L’important dans la démocratie, c’est d’être réélu. Regardez Berlusconi, il a été réélu trois fois”...
Le contenu, tout le monde s'en fout. Parce que je vous raconte pas ce que Berlusconi a fait, et continue de faire, de ses mandats !
La politique a-t-elle jamais été noble ? je n'en sais trop rien. En revanche, les politiques-politiciens sont à vomir, menteurs et voleurs, Coluche l'avait bien compris lorsqu'il disait que si par mésaventure on serrait la main d'un politique mieux valait recompter ses doigts après pour s'assurer qu'ils étaient tous à leur place.
Et de nous expliquer bien avant la lettre en quoi consistaient vraiment les politiques (à commencer par les hommes...) du milieu :
Le milieu autorisé c'est un truc, vous y êtes pas vous hein ! Vous n'êtes même pas au bord. Vous n'y êtes pas du tout. Bon, le milieu autorisé c'est un truc. C'est un endroit autorisé où il y a plein de mecs qui viennent pour s'autoriser des trucs mais y a que le milieu qui compte. Et là-dedans y a une poignée de connards qui tournent en rond en s'autorisant des trucs : "Euh... Qu'est-ce que tu fais là ? Ben j'sais pas, j'vais peut-être m'autoriser un truc, mais c'est vach'ment gonflé. J'hésite ! Euh..."
Rassurez-vous, deux décennies plus tard, même les hésitations n'ont plus cours dans ces "milieux autorisés" que sont devenus les parlements et leurs chambres à coucheries...
Enfin, piètre consolation, outre la censure et la désinformation toujours plus évidentes des deux côtés des Alpes, je conclurai ce billet d'impuissance amère sur un autre parallélisme, et non des moindres, entre Sarko et Berlusko : pour autant qu'ils mettent des talons hauts, ils seront jamais à la hauteur de la situation !
Créée en 1998, l'ICANN est en charge de la gestion de ressources internet essentielles: le système des noms de domaine et l'allocation des adresses IP. C'est à l'ICANN notamment que se prennent certaines des décisions concernant la création, la redélégation ou la suppression d'extensions de 1er niveau telles que les .COM, .FR, .EU, .TEL...
Avec le temps, cette société à but non lucratif de droit californien a fini par symboliser le système actuel de gouvernance de l'Internet, placé sous le contrôle unilatéral du Département du Commerce américain. Cette situation a été vivement attaquée, sans grand succès, lors du Sommet mondial pour la Société de l'Information en 2005.
L'arrivée à échéance du contrat unissant l'ICANN au DoC, le 30 septembre prochain, crée une nouvelle opportunité de discussion autour de l'organisation de la gouvernance de l'Internet. C'est l'objet d'une consultation publique initiée le 27 avril dernier par la NTIA/DoC (1) mais aussi de propositions très concrètes formulées par le Commissaire européen Viviane Reding sur les modalités de contrôle de l'ICANN après le 30 septembre prochain (2).
L'AFNIC a été appelée à intervenir sur ces sujets le 6 mai à Bruxelles, en la personne de son Directeur général, M. Mathieu Weill. Le texte de son intervention est publié sur le site de la Commission européenne (3).
Loïc Damilaville, adjoint au Directeur général de l'AFNIC, est à votre disposition pour toute information complémentaire.
Aux quelques liens mentionnés dans le message, j'en ajoute d'autres, de billets où j'ai déjà abordé le sujet :
Voici l'approfondissement promis à la fin de mon précédent billet, intitulé Via D'Amelio, Palerme, 19 juillet 1992, lieu et date, réels et symboliques, de l'assassinat de Paolo Borsellino.
En commençant par une citation de Salvatore Borsellino, le frère de Paolo, qui reprend les mots de Leonardo Sciascia, écrivain sicilien dont l'œuvre parle beaucoup de la mafia :
Nous n'allons pas tarder à le voir, car nous y sommes, et cette fois toutes les conditions sont réunies pour que l'ensemble de la société italienne puisse régler ses comptes avec elle-même. L'exigence de vérité est forte, forte plus que jamais, donc sera-t-elle assez forte pour avoir les effets escomptés ? Là est la question.
Si la réponse est oui, ce pays a un avenir. Si la réponse est non, alors l'occasion unique à saisir aujourd'hui, avec les mains et avec les dents, ne se représentera plus. Il y a des rendez-vous avec l'histoire qu'un pays digne de ce nom ne peut manquer.
Je vais donc analyser et approfondir un documentaire diffusé une première fois le 19 janvier 2009, et rediffusé le dimanche 26 avril 2009 :
Même si vous ne comprenez pas l'italien, je vous conseille de regarder au moins les deux premières minutes, l'ampleur du désastre parle d'elle-même...
Pour celles et ceux qui ne l'auraient pas en mémoire, vous pouvez reparcourir ma brève chronologie des événements qui vont de 1992 à 1994, et pour celles et ceux qui souhaiteraient voir le détail des événements qui annoncent et accompagnent - avant, pendant et après - les 57 jours qui ont séparé les assassinats des juges Falcone, Borsellino, et des membres de leurs escortes respectives, voici l'évolution en 4 parties (en italien) :
1. Les négociations entre l'état italien et la mafia
J'y ai déjà fait allusion dans mon précédent billet, voyons un peu de quoi il s'agit. En précisant tout d'abord ces mots d'Antonio Ingroia, substitut procureur antimafia de Palerme et considéré comme l'un des successeurs de Paolo Borsellino, dans l'interview qui précède : à la lumière des enquêtes en cours, l'hypothèse d'une "négociation état-mafia" conserve toute sa validité (un'ipotesi che mantiene la sua valida consistenza)...
Toutefois les nouveautés introduites par les récentes déclarations des repentis Massimo Ciancimino et Gaspare Spatuzza confirment, entre autres, que la négociation, commencée par Totò Riina et poursuivie par Bernardo Provenzano, est antérieure au carnage de Via D'Amelio, puisqu'en fait elle aurait débuté après l'attentat de Capaci à Falcone et avant le meurtre de Paolo Borsellino.
Giovanni Brusca, responsable d'avoir déclenché la bombe qui tua Falcone, sa femme et les membres de son escorte, déclare ce qui suit, qu'il tient de Riina lui-même :
“Borsellino meurt à cause des négociations en cours entre les boss corléonais et certains membres des institutions. Le juge, après la tuerie de Capaci, en avait été informé et quelqu'un lui avait dit de se taire mais il n'a rien voulu savoir. On avait proposé à Borsellino de ne pas s'opposer à une révision du maxi-procès et de fermer l'œil sur d'autres affaires”.
“Borsellino muore per la trattativa che era stata avviata tra i boss corleonesi e pezzi delle istituzioni. Il magistrato, dopo la strage di Capaci, ne era venuto a conoscenza e qualcuno gli aveva detto di starsene zitto ma lui si era rifiutato. A Borsellino era stato proposto di non opporsi alla revisione del maxiprocesso e di chiudere un occhio su altre vicende”.
Par ailleurs, le fils de Vito Ciancimino nous révèle aujourd'hui que son père était le médiateur mandaté par Cosa Nostra pour mener la négociation (le père étant âgé, le fils l'accompagnait dans tous ses déplacements), concrètement traduite par une liste de 10 à 12 prétentions consignées par la mafia sur le fameux "papello".
Ceci dit, il est long et délicat d'expliquer les nombreux indices à charge de l'existence de cette "négociation", donc ça mérite un billet à part et demande le temps nécessaire à sa rédaction. Nous verrons ça dans un prochain épisode...
Par contre, l'implication des services secrets dans l'attentat ne semble faire aucun doute, même si, comme l'observe Salvatore Borsellino, toutes les enquêtes allant dans ce sens ont été bloquées.
Gaspare Spatuzza, l'autre repenti qui apporte de nouveaux détails sur cette affaire, déclare en effet que c'est lui qui a volé la voiture ayant servi à l'attentat, avant de la remettre à un "élément externe à Cosa Nostra" pour qu'elle fût piégée et bourrée de TNT, ou de Semtex.
Autre indice à charge de la présence des services secrets.
Gioacchino Genchi fut le premier à comprendre que le détonateur avait été actionné depuis le château Utveggio, dont cette vieille carte postale nous fait bien comprendre le panorama qu'avait sous les yeux la personne qui a actionné le détonateur.
C'est d'autant plus clair sur cette photo extraite du documentaire :
où l'on peut observer le château Utveggio à l'arrière-plan, au sommet du mont Pellegrino, d'où la vue plongeante sur le lieu de l'attentat apparaît évidente, pratiquement une perspective en ligne droite, comme on peut le constater avec en premier plan les rameaux de l'olivier qui a été planté sur le lieu de l'explosion.
Or le château Utveggio abritait une cellule des services secrets, sous couverture du Cerisdi, habituellement fermée le dimanche, mais en pleine activité ce jour-là...
Quelques secondes après le carnage, un coup de fil part du château, destiné à Bruno Contrada, à l'époque chef du SISDE à Palerme. Or l'appel vient du numéro de portable de Paolo Borsellino, qui était cloné de toute évidence. Par qui ?
Et encore, 80 secondes après l'explosion, Bruno Contrada (il Dottor Mafia...) téléphone à Lorenzo Narracci, officier du SISDE à Palerme. Donc, en clair, moins de deux minutes après l'attentat, le SISDE est tolalement opérationnel, alors que sur place la police ne sait même pas par où commencer.
Or le numéro de téléphone de Narracci avait déjà été retrouvé par les enquêteurs sur un billet découvert à ... Capaci, lors de l'attentat à Falcone !!!
Mais Gioacchino Genchi nous révèle bien d'autres épisodes vraiment inquiétants : numéros de portables clonés, réseaux de communication opérationnels tout le long du parcours de Via D'Amelio depuis plusieurs jours, le téléphone de la mère de Borsellino mis sous écoute probablement par Pietro Scotto, selon les enquêteurs, frère d'un mafieux de Palerme, Gaetano Scotto, qui aurait effectué deux appels téléphoniques à Vincenzo Paradiso, du Cerisdi, au mois de février, quelques mois avant l'attentat. Ce même Gaetano Scotto, condamné à perpétuité pour l'attentat. Ce même Vincenzo Paradiso, que Totò Cuffaro (une référence, ex-président de la région Sicile condamné en première instance à 5 ans de prison pour avoir favorisé la mafia...) a voulu comme Administrateur délégué de Sviluppo Italia Sicilia, dont l'on retrouve trace dans une enquête de Luigi De Magistris, bloquée et archivée de force après qu'un autre magistrat (qui fut en son temps l'objet d'une interpellation parlementaire...) l'ait dessaisi du dossier sans même l'en avertir.
Enfin, tout ça reste une affaire de famille... [Début]
* * *
2. La rencontre Paolo Borsellino - Nicola Mancino
Le 1er juillet 1992, 18 jours avant l'attentat, Paolo Borsellino est à Rome, dans les bureaux de la DIA, la Direction des Investigations Antimafia, pour interroger un repenti, Gaspare Mutolo, l'un des premiers qui fit des révélations sur les rapports entre la mafia et la politique, en parlant de Salvo Lima, Giulio Andreotti, Domenico Signorino, Bruno Contrada, entre autres.
L'interrogatoire commence à 15h. Dans la soirée, Borsellino annonce au repenti qu'il doit interrompre car le ministre l'a appelé pour un rendez-vous, l'interrogatoire reprendra après.
Mutolo déclarera qu'à la reprise Borsellino était tellement nerveux qu'il avait allumé deux cigarettes en même temps.
La reconstruction exacte de la visite de Borsellino au ministère de l'Intérieur s'est avérée impossible. Aux dires de Mutolo, Borsellino lui aurait dit qu'il y avait rencontré Vincenzo Parisi, Contrada lui-même et le néo-ministre, Nicola Mancino. Chose que ce dernier a toujours nié. Dans le reportage, il déclare textuellement :
Le responsable de la police auprès du ministère m'a téléphoné d'un poste interne pour m'annoncer que Paolo Borsellino voulait me serrer la main. Or je ne le connaissais pas personnellement, donc même si je ne crois pas l'avoir rencontré, je ne peux exclure qu'il m'ait serré la main...
Une déclaration ô combien étrange, pour au moins deux raisons :
Souvenons-nous quand même qu'en 1992, Falcone et Borsellino sont les deux juges plus célèbres d'Italie. Or Falcone a été assassiné moins de deux mois plus tôt, toute l'Italie ne parle encore que de ça, et l'on peut donc affirmer qu'en juillet 1992 Borsellino est LE juge plus célèbre d'Italie. Donc que le ministre de l'Intérieur, déjà en politique depuis une vingtaine d'années, lui ait serré la main sans s'en rendre compte tient davantage de la fable que de la vraisemblance
Même en prenant pour argent comptant la version de Mancino, le juge Borsellino n'était certes pas homme à serrer la main de quelqu'un sans se présenter, d'autant plus s'il s'agissait du ministre de l'Intérieur le jour de sa prise de fonctions.
Nous avons donc la parole d'un vivant contre celle d'un mort. Qui a pourtant laissé en héritage une trace bien embarrassante, sur son agenda gris : 19h30' - Mancino !
Depuis la mort de Falcone, Borsellino, déjà bien conscient que ce serait bientôt son tour, consignait tout par écrit, le programme de ses journées sur son agenda gris, et toutes ses réflexions sur son agenda rouge, dont il ne se séparait jamais. J'y reviendrai.
Mais il y a un deuxième lien, vraiment étrange, entre le néo-ministre de l'Intérieur et le SISDE, les services secrets dont l'on retrouve des traces omniprésentes aussi bien à Capaci que Via D'Amelio. À savoir l'affaire que les médias italiens ont appelée : les caisses noires du SISDE.
On n'en parle jamais, et pourtant ! Car vu l'histoire des services secrets dans ce pays depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu'à nos jours, je vous promets que ça vaut l'approfondissement. Mais ce sera pour une autre fois...
En attendant, Nicola Mancino est aujourd'hui le vice-prédisent du Conseil Supérieur de la Magistrature (autrement dit celui qui fait tourner la baraque, puisque de droit le président n'est autre que le président de la République), dont bon nombre de décisions récentes et actuelles concernant les juges les plus "gênants" pour le pouvoir (Forleo, De Magistris, les procureurs de Salerno, etc.) suscitent justement un flot de critiques...
Dans un billet publié le premier mai, intitulé Mancino et les brumes de la mémoire, le frère de Paolo Borsellino, Salvatore, écrit une lettre ouverte à l'ex-ministre de l'Intérieur, dont j'extrais le passage suivant :
Soit Mancino doit ouvertement accuser Paolo Borsellino d'avoir inscrit dans son agenda, pour la posterité, un faux rendez-vous, soit il doit avouer que la rencontre a bien eu lieu et, par conséquent, expliquer ce qui s'est passé durant cette entrevue et pourquoi Paolo en sortit totalement bouleversé.
Allora o Mancino deve accusare apertamente Paolo Borsellino di avere registrato, a futura memoria, una annotazione falsa o deve confessare di avere avuto questo incontro con Paolo e in conseguenza raccontare che cosa avvenne in quel colloquio e perché Paolo ne uscì sconvolto.
J'en arrive au dernier volet de ce billet, qui est le vol - je ne vois pas comment l'appeler autrement - de l'agenda rouge. En bref, de suite après l'attentat, la présence des télévisions sur le lieu du massacre permit de voir le colonnel des carabiniers, Giovanni Arcangioli, s'éloigner tranquillement avec le cartable du magistrat où se trouvait l'agenda rouge.
Or le fait que le cartable fût retrouvé quelques heures plus tard sur la banquette arrière de la voiture - mais SANS L'AGENDA - suscite plusieurs interrogations. D'autant plus que nul n'en aurait jamais rien su sans la présence des télés qui ont capturé cette image (un œil exercé réussit à voir le colonel s'éloigner avec le cartable dans le documentaire ci-dessus, à 7'15''), vu qu'Arcangioli n'a rédigé aucun rapport pour expliquer son geste. Donc :
Pourquoi a-t-il pris le cartable avec l'agenda, avant de le remettre à sa place sans l'agenda ?
À qui a-t-il remis le cartable (en tout état de cause la personne qui a subtilisé l'agenda) ?
Pourquoi n'en a-t-il rien dit à personne ?
Comme quasiment presque toujours en Italie dans ce genre d'affaires, après des années de procès, le jugement s'est terminé par une absolution...
Qui a fait dire à Rita Borsellino, sœur du magistrat : que cette absolution ne marque pas d'une pierre tombale l'enquête sur l'assassinat de mon frère...
Là encore, un nouveau mystère tellement épais qu'il a inspiré à deux journalistes italiens la rédaction d'un livre entièrement consacré à ce seul épisode. Et donné lieu à une nouvelle rencontre, aujourd'hui même, entre Salvatore Borsellino et les palermitains, pour préparer la grande manifestation nationale antimafia du 19 juillet prochain, où des italiens de tout le pays se rendront à Palerme, chacun/e tenant dans sa main ... un agenda rouge !!!
Lieu et date réels de l'assassinat de Paolo Borsellino, lieu et date symboliques du passage de la première République italienne (née formellement avec le référendum constitutionnel du 2 juin 1946, et commencée avec la Constitution de 1948), à la seconde République italienne, qui est celle que nous avons sous les yeux aujourd'hui. Une très longue, très difficile, très douloureuse et très complexe évolution de la République italienne, symbolisée par un duopole politique :
Le 20 juillet 1992 naissait la Seconde République italienne, basée sur la corruption, les mafias, la violence, la domination, la prévarication, la richesse illégale, le racisme et la xénophobie.
Il 20 luglio 1992 nasceva la Seconda Repubblica di questo nostro Paese, basata sulla corruzione, sulle mafie, sulla violenza, sul dominio, sulla prevaricazione, sulla ricchezza illecita, sul razzismo e sulla xenofobia.
Deux événements à proprement parler historiques, autour desquels plane un mystère profond quant aux véritables commanditaires, c'est-à-dire ceux qui se cachent derrière les commanditaires mafieux, identifiés en partie.
Qui étaient de toute façon les boucs émissaires tout trouvés puisque Giovanni Falcone et Paolo Borsellino avaient "osé" instruire le "maxi-procès", le plus spectaculaire procès intenté contre la mafia, débuté le 10 février 1986 contre 475 imputés et définitivement conclu en Cassation le 30 janvier 1992 par un jugement que l'on peut résumer en deux chiffres :
19 condamnations à perpétuité
globalement 2665 ans de prison
Or il faut bien comprendre que jusqu'alors en Italie, pratiquement jamais aucun boss mafieux n'avait été condamné à perpétuité, et tous étaient convaincus, à commencer par Riina, qu'ils s'en seraient sortis une fois de plus, notamment grâce au juge Corrado Carnevale, le "tueur de jugements" connu pour "ajuster" les condamnations d'appel, c'est-à-dire de pratiquement toutes les casser en faveur des mafieux, le plus souvent pour des détails de procédure. La Cassation lui a d'ailleurs revalu ses "bons et loyaux services", puisqu'après avoir été condamné en 2001 à 6 ans de prison en appel, la sentence a été cassée par ses confrères en 2002, en confirmant définitivement le jugement de première instance, qui abandonnait l'inculpation de corruption faute de preuves suffisantes...
Falcone avait découvert la chose et avait donc institué une rotation des juges, en écartant ainsi Carnevale du maxi-procès. Lui qui avoua plus tard (contre son gré, surpris par des écoutes téléphoniques) qu'il n'avait jamais respecté ni Falcone ni Borsellino, pas plus morts que vivants (i morti li rispetto, ... ma certi morti no)...
En bon et loyal serviteur de l'état, le 21 juin 2007 il a donc fini par être réintégré - grâce à une loi écrite spécialement pour lui ! - à la première chambre civile de la Cassation, où il peut continuer sereinement son œuvre, comme a pu s'en rendre compte Beppe Grillo. Avec une perspective qui fait froid dans le dos : sur la base de l'ancienneté, Carnevale a toutes les chances de devenir un jour président de la Cassation, or vu ses antécédents, on peut facilement imaginer le résultat de futurs procès "excellents" destinés à arriver tôt ou tard devant la Cour : Dell'Utri, Cuffaro, etc. Carnevale à la Cassation, Falcone et Borsellino au cimetière. Ainsi va l'Italie.
Donc, revenons à nos carnages, sur un plan purement chronologique, en voyant un peu les événements marquants de ces deux années cruciales pour l'Italie, de début 1992 à début 1994 :
30 janvier 1992, première condamnation "historique" de tout le gotha mafieux, sous l'impulsion déterminante des juges Falcone et Borsellino, qui avaient formé le "pool de Palerme" ;
23 mai 1992, assassinat de Falcone ;
19 juillet 1992, assassinat de Borsellino ;
15 janvier 1993, Riina est arrêté, après 23 ans de cavale...
14 mars 1993 : attentat manqué à Maurizio Costanzo, via Fauro (Rome), 21 blessés ;
nuit du 26 au 27 mai 1993 : Florence, via dei Georgofili (Galerie des Offices), 5 morts, dont deux enfants, 29 blessés ;
2 juin 1993 : Rome, via dei Sabini, près du Palais Chigi (siège du gouvernement), les carabiniers découvrent une Fiat 500 avec une bombe à bord, désamorcée. Le 2 juin en Italie est la fête de la République, voir le début du billet...
27 juillet 1993 : Milan, via Palestro (Musée des Arts Contemporains), 5 autres morts, 10 blessés ;
28 juillet 1993 : 24 heures plus tard, à Rome, attentat à la bombe derrière la basilique de Saint-Jean de Latran, 14 blessés ;
même jour, deuxième attentat à la bombe à Rome, église de Saint-Georges du Vélabre ;
9 janvier 1994 : stade olympique de Rome, le match du dimanche, l'auto piégée n'explose pas au passage d'un bus de carabiniers, à cause du détonateur défectueux, évitant ainsi un carnage qui aurait eu encore plus d'effet sur l'opinion publique que tous les autres réunis !!!
Pour un total de 9 attentats à la bombe, dont deux manqués, qui ont causé des dizaines de blessés et plus d'une vingtaine de morts, provoqué des dommages considérables au patrimoine artistique italien, impacté profondément et durablement l'opinion publique, et en outre qui dévoilent autant de mystères qu'ils en suscitent de nouveaux, puisque ce parcours est jalonné d'autres événements qui font partie du puzzle (selon mon avis très subjectif, c'est clair) :
12 mars 1992 : Salvo Lima, le bras droit d'Andreotti et son intermédiaire auprès de la mafia, est tué à Palerme ;
24 avril 1992 : démissions du dernier gouvernement Andreotti, après avoir été 7 fois président du Conseil des ministres (Silvio a encore de la marge...) ;
21 mai 1992 : la dernière interview de Paolo Borsellino, accordée à deux journalistes français (!!!), dans laquelle il évoque les enquêtes en cours à Palerme sur Berlusconi, Dell'Utri et Mangano ;
17 septembre 1992 : meurtre d'Ignazio Salvo, homme politique mafieux (DC), véritable interface entre politique et mafia, jugé coupable, comme Salvo Lima, de n'avoir pas fait assez pour protéger les intérêts de la mafia ;
24 décembre 1992 mise en examen de Bruno Contrada, ancien chef de la police de Palerme puis membre influent des services secrets italiens (condamné le 5 avril 1996 à 10 ans de réclusion pour association criminelle aggravée de type mafieuse, ou, pour mieux dire, pour "haute trahison", condamnation confirmée définitivement en Cassation le 10 mai 2007, après ... 15 ans de procès, et je vous fais grâce des étapes intermédiaires...) ;
8 janvier 1993 : meurtre à Barcellona (Messine) de Beppe Alfano, journaliste, dont la fille, Sonia, est aujourd'hui l'une des porte-parole du renouveau de conscience démocratique dans ce pays ;
27 mars 1993 : le Parquet de Palerme (Gian Carlo Caselli) demande la levée de l'immunité parlementaire pour finalement intenter à Andreotti un procès pour "concours externe en association mafieuse"...
15 septembre 1993 : Palerme, meurtre de Don Pino Puglisi, un prêtre engagé contre la mafia, assassiné par Gaspare Spatuzza, tueur d'une cinquantaine de victimes de mafia ;
26 janvier 1994 : naissance officielle de Forza Italia, c'est-à-dire la fameuse “initiative politique liée à Fininvest”, voulue par Dell'Utri, puis Craxi et d'autres... 
Voilà. Vous m'excuserez pour cette double chronologie, longue (bien que j'aie tenté de résumer le plus possible) mais indispensable pour comprendre quelque chose dans le raisonnement que je m'apprête à faire. Car il faut d'abord avoir ce tableau présent à l'esprit, pour mieux saisir comment il s'inscrit sur fond de tempête judiciaire force 10, Tangentopoli, qui a vu décimer et disparaître à la vitesse grand V la classe économique et politique du pays après quasiment un demi-siècle de DC, et, surtout, sur fond de création dans le plus grand secret du parti politique de Silvio Berlusconi, voulu par Marcello Dell'Utri dès ... l'été 1992 !!!
Pratiquement en concomitance avec les assassinats de Falcone et de Borsellino. Et sans que Berlusconi lui-même le sache ... jusqu'à l'automne.
Federico Orlando, co-directeur du Giornale, fondé par Indro Montanelli dont l'on vient de célébrer le 100e anniversaire de sa naissance, a publié un livre intitulé : “Il sabato andavamo ad Arcore”, où il raconte par le menu les réunions chez Silvio Berlusconi avec la participation des colombes (Fedele Confalonieri, Gianni Letta, Maurizio Costanzo, qui freinaient l'initiative en craignant qu'elle ne fût contre-productive pour Berlusconi) et des faucons (Doris, Dell'Utri, Previti)...
Parenthèse : à cette époque, cela faisait déjà dix ans que je vivais en Italie (septembre 1982), mais j'avoue que je n'avais encore rien compris à ce pays (il faut du temps...), et que j'étais bien incapable d'interpréter tout ce qui se passait sous mes yeux, puisque j'habitais déjà à Rome depuis fin 1985.
Car une première constatation, c'est que cette situation, pourtant terrible, n'avait rien d'exceptionnelle puisqu'elle s'inscrivait parfaitement dans la normalité l'anormalité et la continuité du tissu historique italien, caractérisé depuis la fin de la IIe Guerre mondiale, par Gladio, par les nombreux massacres perpétrés durant la stratégie de la tension - y compris par l'état lui-même -, par les loges maçonniques dévoyées, les pouvoirs occultes de toute sorte, etc.
Et, last but not least, par les relations inavouables entre politique(s) et mafias. Écoutons Marco Travaglio :
La Mafia et la Nouvelle République
(...)
Serait-ce un hasard ? Le 14 mai 1993, la mafia commet un attentat à Rome, le premier attentat romain de l'histoire de la mafia, le premier attentat de toute l'histoire de la mafia hors de la Sicile, et contre qui ? Contre Maurizio Costanzo, qui s'en sort par miracle, d'un centième de seconde.
Costanzo faisait partie de la P2 : de toute évidence, dans certains milieux, nul ne s'attendait à ce qu'il fût hostile à l'arrivée de Berlusconi en politique. Pourquoi dis-je cela ? Parce qu'au même moment, en Sicile, dans tout le sud-ouest de la Botte et jusqu'en Calabre, on voyait l'effervescence d'étranges ligues du sud qui, dans le sillage de la Ligue du Nord - il y eut même à Lamezia Terme une réunion avec un représentant de la Ligue du Nord -, visaient la sécession en voulant détacher de l'Italie péninsulaire la Calabre ou la Sicile... De fait, ces mouvements s'appelaient "la Sicile libre, la Calabre libre". Ces ligues fédéraient un peuple interlope, fait non pas de padans féroces, mais plutôt de gens étranges, un peu liés à la mafia, un peu à la 'ndrangheta, un peu à la P2 ; l'un d'eux, le prince Domenico Napoleone Orsini, qui avait des liens avec ces personnages, avait également des liens avec Marcello Dell'Utri.
Nous savons donc que Dell'Utri - chose démontrée par Gioacchino Genchi en analysant les relevés téléphoniques d'appels entrants et sortants, quel hasard ! - avait des contacts directs avec le prince Orsini. Dans un premier temps, Dell'Utri suivait de près l'évolution de ces milieux, justement parce que ce sont des organisations mafieuses, liées à des membres de la P2 et de la subversion d'extrême-droite, qui se fédèrent dès qu'elles sentent l'odeur d'un coup d'état possible, de la naissance d'une nouvelle République, et qu'elles veulent faire peser le poids, une fois de plus, de leur mainmise sur un ou plusieurs nouveaux partis.
Comme Sicilia Libera, parti à la création duquel s'intéressent directement des boss du calibre de Tullio Cannella, Leoluca Bagarella, les frères Graviano ou Giovanni Brusca.
Puis il se passe quelque chose, après la tentative d'assassinat de Costanzo et les attentats évoqués plus haut (voir chronologie)..., cette stratégie terroriste mise en œuvre par la mafia obtient les résultats escomptés : Riina ne frappe pas au hasard, comme il eut l'occasion de le dire à ses troupes, on fait la guerre pour faire la paix avec l'État.
Une nouvelle paix avec de nouveaux acteurs et de nouveaux contacts politiques, qui, à la différence des précédents, déjà à l'agonie, étaient bien vivants, réactifs, et en mesure de respecter les accords, une fois conclus.
Nous en sommes à l'été 1993, et l'aventure de Forza Italia est déjà décidée : vers avril-mai, Berlusconi annonce à Montanelli qu'il se lance en politique et que le quotidien (Il Giornale) devrait le suivre dans sa bataille politique, ce à quoi Montanelli opposa une fin de non-recevoir. La rupture entre Silvio Berlusconi et Indro Montanelli se consume durant l'automne, Montanelli continuant de dénoncer l'entrée en politique de Berlusconi vu l'énorme conflit d'intérêts en jeu, et l'impossibilité de bien faire deux métiers en même temps.
De l'autre côté, les chaînes Fininvest bombardent Montanelli, désormais devenu un obstacle, pour le faire démissionner : le plus célèbre des journalistes conservateurs qui se déchaîne contre ce qui devait devenir, selon les désirs de Berlusconi, un parti modéré, libéral, un parti censé incarner des idéaux dont Montanelli avait toujours été le porte-drapeau, mais dont il savait aussi qu'il ne le serait jamais devenu, car Berlusconi était tout sauf un modéré ou un libéral, c'était surtout un extrémiste autoritaire.
Durant les mêmes mois, la mafia décide d'abandonner le projet de parti "Sicile libre" qu'elle avait fondé et parrainé, à la suite d'une série de réunions, dont la dernière, pour laquelle Bernardo Provenzano (selon son bras droit à l'époque, Nino Giuffré, devenu repenti par la suite et considéré fiable par la justice dans des dizaines de procès, y compris contre Dell'Utri) convoqua la coupole des familles mafieuses, afin de connaître leur choix : soit ils préféraient continuer avec le projet de parti régional, soit ils préféraient une situation plus traditionnelle en se reportant sur un nouveau parti en train de naître à Milan, grâce aux efforts déployés par leur vieil ami : Marcello Dell'Utri, qu'ils connaissaient au moins depuis le début des années soixante-dix, c'est-à-dire lorsque Dell'Utri, qui fréquentait des mafieux comme Gaetano Cinà et Vittorio Mangano, avait fait installer ce dernier à demeure chez Berlusconi.
On peut toujours discuter pour savoir s'il fit cela sciemment ou inconsciemment, mais le fait est qu'il donna à Cosa Nostra la possibilité de pénétrer et de placer un de leurs hommes au domicile privé de Berlusconi, l'un des financiers et entrepreneurs les plus importants et prometteurs de l'époque, qui n'était alors que constructeur mais serait bientôt devenu éditeur, puis politique.
Les rencontres Mangano - Dell'Utri
Il est bizarre que plus personne ne se souvienne, pas même à l'extrême gauche, du déroulement documenté de ces faits. En novembre 1993, alors que tout est prêt pour le lancement de Forza Italia, du kit des candidats aux essais dans l'immense parc du domaine d'Arcore pour voir quels étaient les candidats plus télégéniques, il ne manquait plus qu'à choisir les couleurs des cocardes et des drapeaux, à trois mois des élections de mars 1994, Mangano et Dell'Utri se rencontrent deux fois à Milan. Ce n'est pas une rumeur, les rendez-vous sont écrits noir sur blanc dans l'agenda de la secrétaire de Dell'Utri : Palazzo Cellini, siège de Publitalia, Milano 2, les magistrats perquisitionnent et saisissent l'agenda : mois de novembre 1993, deux rendez-vous sont fixés entre Dell'Utri et Mangano, les 2 et 30 novembre.
Or à ce moment-là Mangano n'était plus le petit jeunot des années 1973-74, lorsqu'il avait été engagé comme garçon d'écurie à Arcore. La scène se passe vingt ans plus tard. Et entre-temps Mangano est resté onze ans derrière les barreaux, après une condamnation totale à 13 ans pour drogue et mafia dans le cadre du procès Spatola pour mafia et du maxi-procès pour drogue, deux procès que Falcone et Borsellino avaient instruits ensemble.
Sorti de prison en 1991, il avait été promu chef de la famille de Portanuova, en remerciement de son silence pendant l'emprisonnement, un avancement de carrière qui lui permit de participer aux prises de décisions sur les attentas de la mafia contre l'état.
Donc, quelques semaines à peine après les derniers attentats à Milan et Rome, Dell'Utri rencontre un tel personnage dans ses propres bureaux de Milan, là même où il travaille à la naissance de Forza Italia.
Personnellement, je ne sais pas si tout cela a une pertinence au niveau juridique, ce sera aux juges de décider ; par contre, je crois qu'il est fondamental de savoir ces choses tant au plan politique qu'historique...
(...)
Dans le jugement Dell'Utri, qui le condamne en première instance à neuf ans d'emprisonnement et à être déchu de toute fonction publique, les magistrats de Palerme écrivent : les rapports entre Cosa Nostra et Dell'Utri « survivent aux attentats de 1992 et 1993, alors même que les contacts traditionnels, qui n'étaient plus fiables, les politiciens d'hier - Lima, Salvo - sont frappés par la vengeance de Cosa Nostra, et ce en dépit de l'évolution de la conscience sociale face au phénomène mafieux dans son ensemble ».
Autrement dit, bien que les gens commencent vraiment à se passionner pour l'anti-mafia après la mort de Falcone et de Borsellino, Dell'Utri ne change pas.
Il existe des « preuves certaines de l'implication mafieuse de l'accusé Dell'Utri, y compris relatives à sa saison politique - dont nous avons déjà parlé -. Forza Italia voit le jour en 1993 sur une idée de Dell'Utri, qui n'a pu nier qu'il avait rencontré Mangano à Milan en novembre 1993, en pleine phase d'organisation du parti de Forza Italia et alors même que Cosa Nostra s'apprêtait à changer de cap, en direction de cette force politique naissante ».
Dell'Utri a donc rencontré Mangano en 1993, puis en 1994, « en promettant des avantages politiques précis à la mafia, qui plus est à un moment où la mafia s'orientait à voter Forza Italia ». Tout cela est écrit dans un jugement de première instance, qui devra évidemment être confirmé ou rejeté en appel et en cassation.
Certes, quand on voit qu'il a fallu 15 ans pour arriver à un jugement définitif dans le procès Contrada, on se dit qu'on n'est pas encore sorti de l'auberge...
Ceci dit, au lu et au su de ce qui précède, bien des questions demeurent, dont celles-ci :
Pourquoi la mafia a-t-elle commis cette série de massacres, qui plus est hors de son territoire sicilien, chose qui ne s'était jamais produite ni avant ni après l'année tragique de 1993 ?
Pourquoi le dernier attentat raté, commis au stade olympique début janvier 1994, qui aurait été indubitablement le plus violent de tous, n'a-t-il pas été répété avec un détonateur en état de marche ?
Il n'est certes pas facile de répondre, mais de nombreuses déclarations de repentis, dont beaucoup se recoupent, apportent quelques éléments de réponses...
D'abord, concernant le carnage manqué, reconstitué dans les détails par les enquêteurs sur la base de témoignages recoupés et d'investigations poussées, il est étrange de constater l'époque à laquelle il se situe : les six précédents se sont concentré de mars (deux mois après la capture de Riina) à juillet 1993, il a donc lieu six mois plus tard, entre les rencontres de Dell'Utri et Mangano et la création "officielle" de Forza Italia en novembre 1993, et les élections remportées par Forza Italia en mars 1994.
Donc dans le cadre d'ensemble il semble couler de source qu'il n'a pas été répété parce qu'entre-temps la mafia a fini par obtenir ce qu'elle voulait, toute cette campagne d'attentats n'ayant eu pour but, selon les juges, que de "négocier" une pax mafiosa avec l'état. Une négociation dont le contenu tenait sur une seule feuille de papier, le fameux "papello" che Riina aurait remis - ou fait remettre - à ses interlocuteurs représentant l'état italien, et sur lequel était consignée la liste des prétentions de la mafia vis-à-vis de l'état : relâcher la répression contre Cosa Nostra et promulguer une législation ad hoc pour endiguer le phénomène des repentis, pour assouplir les conditions de détentions très strictes fixées par l'article 41-bis, qui établit un régime carcéral de très haute sécurité pour les chefs mafieux, etc.
Un compromis état-mafia en tout état de cause totalement inacceptable pour Paolo Borsellino, dont le meilleur ami venait d'être assassiné deux mois plus tôt. Nous revoici donc au point de départ : la tuerie de Via D'Amelio et les nombreux mystères qui planent encore autour de cette affaire. Avec toutefois de très très gros éléments de nouveauté. Dont les déclarations de deux nouveaux repentis de premier plan :
Gaspare Spatuzza, déjà mentionné dans ma chronologie, et qui raconte depuis plusieurs mois des éléments tellement nouveaux que l'ouverture d'un procès Borsellino quater ne devrait plus tarder.
Les développements de cette affaire feront l'objet d'un prochain billet, car comme le dit justement Silvia Cordella dans l'introduction de son article :
...il manque encore de nombreux éléments sur les commanditaires externes à Cosa Nostra, circonstance qui fait que la "vérité judiciaire" sur les attentats de 1992 n'est pour l'instant qu'un puzzle incomplet.
Pour l'instant, je conclus non sans observer une coïncidence vraiment très étrange.
Depuis que Spatuzza a commencé à parler, à l'automne 2008, il est clair qu'un nouveau procès devra avoir lieu. Un procès réclamé à corps et à cris, depuis longtemps, par Salvatore Borsellino, frère de Paolo et un peu le porte-parole de l'ensemble de la société civile italienne.
Or l'un des hommes capable d'apporter énormément dans le cadre d'un nouveau procès se nomme Gioacchino Genchi, ce même Gioacchino Genchi capable de dénicher les détails qui tuent, le premier à avoir compris d'où a été actionné le détonateur qui a fait sauter la Fiat 126 bourrée d'un quintal de TNT (volée par Gaspare Spatuzza), et capable d'apporter des éclairages indispensables sur la naissance de cette seconde République...
Ce même Gioacchino Genchi que les pouvoirs en place se sont empressés de discréditer et de déligitimer sous les prétextes les plus absurdes et abjects, pour qu'il ne puisse plus participer aux enquêtes à venir maintenant qu'ils savent qu'ils ne pourront plus y échapper. À suivre...
L'un des fondements systémiques de la propagande martelante du régime berlusconien est la désinformation : active, passive et sous toutes ses formes, par omissions, dissimulations, escamotages, menaces, etc.
En cela, Berlusconi continue de suivre à la lettre les conseils pertinents prodigués par Craxi, dès la confection du premier parti politique / produit publicitaire (à moins que ce ne fut parti publicitaire / produit politique, au choix) de l'histoire des démocraties :
À travers l'arme dont tu disposes - la mainmise sur les télévisions -, tu peux faire une propagande martelante... (Con l'arma che hai tu, Silvio, in mano delle televisioni, attraverso le quali puoi fare una propaganda martellante)
Et Berlusconi ne s'en est jamais privé, usant et abusant à l'envi de cette désinformation/propagande massive, intensive, agressive, omniprésente, qui occupe l'espace et le temps de la vie des personnes. Outre un combat sans merci, acharné, permanent, de la "vraie" information, celle qui veut rendre compte des faits, honnêtement, fidèlement.
Avec une puissance de feu dont Goebbels et Hitler eux-mêmes auraient rêvé, ce qui rend la chose d'une extrême dangerosité, puisque la machine de guerre propagandiste de Berlusconi combine à la perfection deux axiomes clés de ces personnages :
- Plus un mensonge est gros, plus il a de chances d'être cru... (Goebbels)
- Un mensonge répété dix fois reste un mensonge ; répété dix mille fois, il devient une vérité... (Hitler)
en démultipliant ces deux facteurs par un effet de masse qui touche en permanence pratiquement 100% des italiens !
Une démonstration a contrario de la pertinence et de la justesse de ces mots de Saviano, en réponse à la question d'un journaliste qui lui demandait pourquoi son livre était-il devenu si dangereux pour la camorra : - à cause des lecteurs !
Et d'expliquer que la vente de son livre, dont le premier tirage était à 5000 (cinq mille) exemplaires, s'est répandue comme une traînée de poudre chez les jeunes, dans les prisons, etc., par la seule grâce du bouche à oreille. Jusqu'à devenir un phénomène planétaire. Plus d'1 million d'exemplaires vendus uniquement en Italie, pour l'instant des traductions dans 32 langues (il est également best-seller dans de nombreux pays), bientôt un film, etc.
Donc, sa thèse c'est que ce livre est devenu dangereux pour la camorra non pas parce qu'il l'a écrit (beaucoup en ont écrit d'autres sur le même argument dont personne n'a jamais entendu parler), mais parce qu'il est lu !
Et cette diffusion en masse de son message à permis à Gomorra de dépasser : 1) le seuil du silence ; 2) la ligne d'ombre.
Je rapporte ces deux expressions (prononcées par Saviano dans deux interviews, la première avec Fazio, la seconde avec Enzo Biagi), parce qu'elles sont très symboliques : ce sont les lecteurs qui donnent au message de Saviano voix (en dépassant le seuil du silence) et visibilité, lumière (en dépassant la ligne d'ombre).
Donc chaque fois que l'info passe d'une manière ou d'une autre, soit par le livre lui-même, soit par celles et ceux qui en parlent, c'est son message qui porte toujours plus loin, toujours plus fort !
Or Berlusconi n'a aucun besoin du bouche à oreille, il lui suffit de claquer des doigts pour que la quasi-totalité des médias - télé, radio, presse - répètent servilement les berlusconneries du jour, sans esprit critique (fortement déconseillé pour faire carrière) ni aucune analyse (à moins qu'elle n'aille dans le sens du poil)...
À tel point qu'en 2004, des personnalités italiennes connues (Giulietto Chiesa, Luigi Ciotti, Gino Strada, Alex Zanotelli) avaient lancé un appel lors des États Généraux de l'Information organisés à Rome :
L’information n’a jamais été à ce point censurée, partisane et unilatérale comme elle l’est aujourd’hui. Une mystification colossale empêche des millions de personnes d’avoir une réaction critique. Dans ces conditions un vrai débat politique et culturel est totalement impossible.
Dans ces conditions, les italiens sont victimes d’un matraquage et d’une propagande médiatiques et ne peuvent aborder et discuter les problèmes fondamentaux de la société : la guerre, l’immigration, la mafia, les handicaps, la prison, l’exclusion, la pauvreté, l’école, la santé et le travail. Cela signifie que le débat démocratique entre citoyens, sans même parler des partis politiques, ne peut exister.
La seule chose fausse, dans cette déclaration, c'est qu'en 2009 la situation est infiniment pire qu'en 2004, et bien moins pire que ce qu'elle sera en 2010 si entre-temps personne ne s'oppose au marionnettiste Berlusconi...
En la matière, je voudrais donc vous donner un "petit" exemple, mais qui a valeur de symbole, ô combien significatif...
Le 2 mars dernier, le Tribunal de Milan a rendu un jugement sur une affaire qui opposait Mediaset-RTI, le groupe de Berlusconi, et RCS, pour avoir diffusé sur son site amiral du Corriere della Sera 59 clips reprenant du contenu des chaînes du groupe.
Dans son ordonnance de référé du 2 Mars 2009, le tribunal de Milan ... a ordonné le retrait immédiat des sites de RCS de clips reprenant des scènes du Grande Fratello (équivalent italien du Loft), en faisant droit à la demande de Mediaset, etc.
Ce référé contre RCS s'inscrit dans une plus ample stratégie mise en œuvre par Mediaset dès l'été dernier avec l'action entreprise contre YouTube, qui vise à défendre notre droit d'avoir l'exclusivité totale sur tous nos contenus télévisuels.
Après cette victoire importante, Mediaset confirme son intention de poursuivre son action pour protéger le droit d'auteur et affirmer des principes de légalité sur les contenus du Web. Toute utilisation illicite de notre contenu sur Internet sera donc systématiquement poursuivie.
D'ailleurs nous allons lancer plusieurs actions légales contre des sites Web et des fournisseurs de contenus qui diffusent sans autorisation des contenus télé Mediaset.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais le dernier paragraphe est une menace manifeste, provenant d'un groupe qui a une force de frappe financière - et pas seulement - énorme.
Bien. Maintenant, examinons un instant ce qui distingue le communiqué ci-dessus, certes correct du point de vue formel, mais tellement partiel qu'il en est presque faux, en se limitant sciemment à ne reprendre qu'une infime partie des faits caractérisant l'information globale. Qui est la suivante, rapportée par RCS :
Dans la substance, le Tribunal de Milan a rejeté les prétentions de Mediaset, qui voulait interdire à RCS de publier sur son site de brefs extraits de toutes les émissions diffusées par Canale 5 et Italia 1, et demandait au juge des référés le retrait de 59 clips vidéos. Or au final, le juge n'a ordonné que le retrait de 4 clips sur 59, en reconnaissant à tous les autres l'expression discriminante du droit de chronique et de critique qu'ont les journalistes, droit qui ne s'applique pas, dans le cas d'espèce, aux contenus extraits du "Loft" italien. (voir en P.S. les explications sur « droit de chronique » et « droit de critique »).
Dans la note qu'il a communiquée, le groupe RCS observe donc que la décision du Tribunal continue de protéger la liberté d'expression et le droit à l'information, en freinant les grands groupes tels que Mediaset qui voudraient les limiter. Et de conclure en réaffirmant sa volonté de continuer à offrir l'information de cette nature, y compris sur différentes plate-formes multimédias, à la fois en sauvegardant sa vocation journalistique et en respectant les droits d'auteur et la propriété intellectuelle.
Nous sommes bien loin du ton triomphaliste du communiqué de Mediaset.
Voici ce que j'appelle un exemple de désinformation passive, où l'on a 7% de vérité (retrait de 4 clips sur 59) vs. 93% d'omission (prétentions de Mediaset déboutées pour 55 clips sur 59) !
Un autre point intéressant est que Mediaset a demandé le retrait de clips se rapportant à Canale 5 et Italia 1, mais pas à Rete 4, petit détail qui fera l'objet d'un billet dédié, j'y reviendrai...
Comme quoi pour désinformer on n'est pas obligé de publier des informations fausses, il suffit de présenter - ou pas - différemment et partiellement l'info, en clair de la manipuler en fonction des exigences du moment.
Car entre dissimuler les faits, les altérer, les fausser ou empêcher qui les rapporte de s'exprimer librement par divers moyens de pression (lois, procès ou pire...), l'arsenal des censures et des manipulations est vaste. En commençant par nier l'évidence, ce que fait régulièrement Berlusconi.
Dernier exemple en date, pas plus tard qu'hier, à Prague, suite à ses gaffes à répétition de ces derniers jours, Berlusconi a déclaré aux journalistes italiens qu'il avait été diffamé par la presse, qui désinformait son lectorat par la même occasion, et que par conséquent il était tenté d'entreprendre des actions "directes et dures" vis-à-vis de certains journaux et journalistes :
Ci sono state calunnie nei miei confronti e disinformazione nei confronti dei lettori. E quindi, a un certo momento io non voglio arrivare a dire: servono azioni dirette e dure nei confronti di certi giornali e di certi protagonisti della stampa, però sono tentato perchè non si fa così...
Une déclaration loin d'être anodine, à laquelle Repubblica rétorque : rapporter les faits ou critiquer n'est pas diffamer, dès lors que la liberté de la presse correspond sans aucun doute à l'intérêt d'une démocratie !
La libertà di stampa, invece, coincide sicuramente con l'interesse di una democrazia. Perché la cronaca non è diffamazione e la critica non è calunnia.
Mais de toute évidence, Berlusconi, qui se vante d'être l'éditeur le plus libéral de toute l'histoire de la presse et de la télévision (Sì, io sono l'editore più liberale della storia della carta stampata e della televisione), anticipe d'ores et déjà son nouveau programme d'épuration, prêt de longue date, et dont la réalisation concrète ne devrait plus tarder. S'il y arrive, ce dont je doute, sans vouloir être trop optimiste...
Vous pouvez tromper quelques-uns tout le temps,
Vous pouvez tromper tout le monde de temps en temps,
Jamais vous ne pourrez tromper tout le monde tout le temps. !!!
Berlusconi n'y arrivera pas plus que les autres dictateurs de pacotille qui l'ont précédé dans l'histoire de l'humanité, même s'il est clair que les faits exposés plus haut sont à mettre en étroite relation avec le révisionnisme berlusconien, où l'on franchit une étape supplémentaire dans l'horreur de la désinformation, de la censure et de la propagande de régime, mais cela fera l'objet d'un billet à venir...
P.S. Dans le système juridique italien, le « droit de chronique » va généralement de pair avec le « droit de critique », garanti dans la Constitution italienne, à l'article 21 : « Tout individu a le droit de manifester librement sa pensée par la parole, par l’écrit et par tout autre moyen de diffusion. ».
Le « droit de chronique », c'est la manifestation de la liberté d'expression propre aux journalistes, qui consiste non seulement à diffuser des informations mais aussi à les commenter.
La Cassation le considère légitime lorsque plusieurs conditions sont réunies :
- l’utilité sociale (rien à voir avec le commérage)
- la vérité des faits exposés
- la forme civile de l’exposition
Sur le « droit de critique », les limites à l'exercice sont le langage correct et le respect des droits d’autrui. Le problème étant de pouvoir présenter des faits documentés tout en sachant que cela ne plaira probablement pas à l'auteur des faits en question...
Après avoir demandé à Narvic son avis sur la question pour tenter d'identifier les correspondances avec le droit de la presse en France, voici un extrait de sa réponse :
À ma connaissance, en droit français, il n'y a pas vraiment de notion tout à fait équivalente (il n'y a aucun droit d'expression spécifique des journalistes. Ils bénéficient exactement des mêmes que tous les citoyens : loi sur la presse de 1881). La liberté d'expression est définie de manière "négative" : tout est autorisé, sauf les cas précis d'interdiction prévus par des lois, notamment la diffamation : imputation ou allégation d'un fait précis, qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération. Le droit français cherche donc à savoir à partir d'où une critique ou un commentaire (qui sont libres pour tous) basculent dans la diffamation.
La jurisprudence sur la diffamation a précisé des notions qui se rapprochent de ce que tu me décris. On peut échapper à la condamnation pour diffamation même si les faits imputés ou allégués portent atteinte à l'honneur et à la considération, si on les prouve : c'est l"exception de vérité" (mais la preuve doit être "parfaite", ce qui n'arrive pas très souvent... ;-) ), et même s'ils sont faux, en invoquant "la bonne foi". La Cour d'appel de Paris rappelle que "quatre éléments doivent être réunis pour que le bénéfice de la bonne foi puisse être reconnu au prévenu : la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression, ainsi que la qualité de l’enquête".
Il me semble que l'on rejoint ici l'approche italienne : l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur n'est pas forcément condamnable, si le prévenu poursuivait "un but légitime d'information du public" (= l'utilité sociale) et qu'il le prouve : "exception de vérité" (= la vérité des faits exposés), et même si le fait est faux, à condition que le prévenu ait mené "une enquête réelle et sérieuse", "sans animosité personnelle", qu'il soit "prudent et mesuré" dans son expression (= la forme civile de l'expression).