Deuxième partie.
Troisième et dernière partie.
Qu'est-ce que la mafia ?, en un seul billet, navigable.
Comme le reconnaît l'Encyclopædia Universalis dans son introduction au thème, « fréquemment utilisé, le terme mafia souffre cependant d'un déficit global de définition ». D'autant plus que la réalité qu'il englobe est totalement différente d'un pays à l'autre : donc bien que ce soit le même mot, qui définit apparemment les mêmes choses si on s'en limite aux définitions du dictionnaire, le fait est que la perception "culturelle" qu'en ont les italiens n'a absolument rien à voir avec celle qu'en auront les français.
Et pour tout dire, posons qu'au-delà d'une représentation superficielle et médiatique par trop caricaturale, les français ignorent totalement ce qu'est la mafia.
Cet article se propose donc de répondre à la question « Qu'est-ce que la mafia ? » pour un lectorat francophone, tout en précisant d'emblée qu'il n'y a pas une seule mafia, mais plusieurs. Par conséquent, sans parler des mafias japonaises, russes, etc., le singulier désigne aussi le pluriel, et le contenu de l'article s'applique à toutes les formes de mafia italienne indépendamment du nom qu'elles portent : cosa nostra, camorra, 'ndrangheta, stidda, sacra corona unita, etc., et des spécificités qui les différencient.
Commençons par les définitions des dictionnaires, que je commenterai ensuite en les raccordant avec mon explication et en les "critiquant" (au sens propre). J'en ai choisi deux dans ma bibliothèque :
- Petit Larousse illustré, édition 2000 (c'est la plus récente que j'ai à la maison) : organisation criminelle sicilienne dont les activités, exercées par des clans familiaux soumis à une direction collégiale occulte, reposent sur une stratégie d'infiltration de la société civile et des institutions.
- La Grande Encyclopédie (publiée en France entre 1886 et 1902) : sorte de brigandage régularisé, de société privée qui se constitue parallèlement au gouvernement officiel et en contradiction avec lui. Elle se rattache aux Compagnie d'armi, formées en 1800 par la monarchie, qui, pour se défendre contre la Révolution française et assurer un peu d'ordre, arma et enrégimenta les brigands. La dissolution du régime féodal avait donné beau jeu à ceux-ci ; la Mafia continua plus méthodiquement leurs opérations et fit payer tribut aux propriétaires en garantie de leur sécurité. Garibaldi, en 1860, prononça la dissolution des Compagnie d'armi ; une commission extraordinaire en 1875, Nicotera en 1876, Crispi en 1895 firent de vains efforts pour abolir la Mafia, dont le peuple reconnaît l'autorité ; on s'explique les formidables progrès que firent les Fasci dei lavoratori organisés par les socialistes, à leur tête De Felice, groupant le prolétariat sicilien pour la revendication de réformes sociales. L'état actuel de la propriété, la misère générale des travailleurs assurent à la Mafia leurs sympathies. Les propriétaires sont contraints de se placer sous sa protection, de lui payer tribut, de prendre ses affiliés pour gardes, jardiniers, etc. Celui qui refuse ou qui dénonce un mafioso n'échappe pas à la vendetta. La mafia est solidement organisée, sous des chefs sévèrement obéis. Ses adeptes ont à faire la preuve de leur courage dans un duel au couteau. Ils s'engagent à ne jamais s'adresser aux tribunaux et à ne jamais témoigner devant eux, à se faire justice eux-mêmes. Le meurtre ou les vols sont interdits, sauf en cas de vendetta. La Mafia protège ceux que poursuit la justice ; elle intervient dans les fermages, etc. Les agents d'exécutions violentes sont appelés Malandrini ; les mafiosi s'intitulent Giovanni d’onore.
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La mafia est une pieuvre aux multiples tentacules, chaque tentacule exerçant son étreinte mortelle sur une des dimensions de la vie en société :
- criminelle
- systémique
- militaire
- internationale
- rituelle
- familiale
- politique
- économique
- sociale
- culturelle
- légale
- conclusion : l'Antimafia
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La dimension criminelle de la mafiaDepuis l'aube de l'Humanité, le crime a toujours fait partie intégrante des sociétés. La force de la mafia, c'est d'avoir su organiser le crime. D'où les expressions "crime organisé", ou "organisation criminelle", comme dit le Larousse. Et, surtout, de l'avoir organisé efficacement, très efficacement.
Récemment, un repenti mafieux de premier plan, Gasparre Spatuzza, a déclaré : « La mafia est le système plus fonctionnel qui soit » (La mafia è il sistema più funzionante che ci sia).
Voilà, le mot clé est prononcé : "système", le même terme qui désigne la camorra, comme nous le rappelle Roberto Saviano dans Gomorra...
Un système criminel dont le but se renouvelle constamment, toujours identique à lui-même : conquérir le pouvoir et l'argent. Par tous les moyens. Illicites et ... licites !
Car c'est là où l'évolution de la mafia dans les siècles représente un danger et un poison mortels pour la démocratie : grâce à une constante stratégie d'infiltration de la société civile et des institutions (cf. Larousse), elle vise aujourd'hui à en conquérir la sphère "légale", en asseyant son emprise essentiellement sur quatre piliers, étroitement interdépendants :
- le contrôle territorial
- les relations de dépendance personnelle
- la violence comme instance suprême de régulation des conflits
- les relations symbiotiques avec la politique
Le tout déployé de façon systématique pour étendre sa mainmise toujours plus loin, toujours plus profondément, dans l'espace et dans le temps.
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Un système est un ensemble d'éléments interagissant entre eux selon un certain nombre de principes ou règles, qui ne laisse rien au hasard, où tout est prévu, planifié, analysé, pesé...
1. Le contrôle territorial s'exerce surtout à travers le "pizzo", véritable taxe mafieuse imposée à tous les agents économiques, du petit commerçant à la grande surface, du vendeur ambulant aux multinationales, etc., comme je l'ai déjà brièvement expliqué dans le bilan 2009 de l'entreprise MAFIA SA, en précisant :
...la force de la mafia c'est la façon dont elle contrôle et noyaute le territoire et se substitue à l'État dans une série croissante de "fonctions régaliennes". Outre les complicités au niveau de l'État, c'est aussi ce qui explique pourquoi certaines cavales durent des décennies, parce que des portions entières de territoire échappent au contrôle des pouvoirs publics.Cela passe également par la corruption et les pots-de-vin, notamment dans les marchés publics (autour de la "table à trois jambes" siègent les mafieux, les entreprises et les politiques...), ou pour s'accaparer les financements nationaux et communautaires, voire par l'embauche de gens recommandés directement par la mafia, d'où le double avantage de les faire payer par l'entreprise à ne rien faire, si ce n'est surveiller et contrôler tout ce qui s'y passe.
Ce concept est fort bien décrit dans la définition n° 2, celle de la Grande Encyclopédie.
À un niveau supérieur, ce contrôle territorial s'exerce également à travers la culture, comme je le détaillerai plus avant, parfois même avec une telle prégnance qu'il est capable de dégager un fort consensus social !
2. Les relations de dépendance personnelle, c'est le réseau de contacts directement géré par les chefs, le plus souvent à l'insu des autres mafieux, qui tissent leur toile en usant de tous les leviers - chantage, corruption, menaces, etc. -, pour établir l'assujettissement de la "relation" ou du "contact" dans la plus parfaite "omertà" : en clair, silence et obéissance absolus sous peine de mort...
3. La violence comme instance suprême de régulation des conflits - économiques, sociaux, politiques, etc. -, c'est la menace permanente du bras armé qui frappe sans prévenir, n'importe où et n'importe quand (temps et espace, toujours), qu'on s'y attende ou pas, dans un crescendo de terreur physique ou morale, qui va des intimidations aux voies de fait sur les choses et les gens, jusqu'à l'enlèvement et à l'assassinat. Comme l'explique fort bien un diction mafieux, si tu ne paies pas par le sang, tu paieras par les larmes...
4. Les relations symbiotiques - ou organiques - avec la politique, c'est la partie la plus délicate, sur laquelle je reviendrai dans la "dimension politique de la mafia", mais disons que la politique est à la mafia ce que l'eau est aux poissons...
L'étroite interdépendance de ces éléments caractérise la mafia, en ce qu'elle se distingue par la réunion des quatre : sans violence vous avez le clientélisme mais pas la mafia, sans la politique vous avez le "milieu" classique mais pas la mafia ; par ailleurs, les relations de dépendance personnelle se nouent davantage grâce à la politique qu'avec la violence, bien qu'elle y contribue, de même que les rapports avec la politique sont liés de très près au contrôle du territoire, notamment à travers le vote (la mafia dispose de dizaines de milliers de votes qu'elle peut déplacer sur un candidat ou sur l'autre, au gré des intérêts du moment...).
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La mafia est une organisation militaire et terroriste en guerre permanente, chargée de perpétuer la violence comme instance suprême de régulation des conflits. Sa force de frappe - brutale, cruelle, impressionnante -, se déploie sur un théâtre de guerre (le pays) aux milliers de champs de bataille (les territoires), à la conquête d'un pouvoir spatio-temporel hégémoniste, colonisateur, aux alliances variables : soit les clans se combattent entre eux (entre 1981 et 1983, plus de mille morts pour la seule "guerre de Palerme"), soit ils s'allient contre la société civile pour éliminer la résistance des citoyens honnêtes, que l'état abandonne le plus souvent à leur destinée. Une guerre sans fin.
Naturellement, le trafic d'armes en tout genre est étroitement lié à la dimension militaire, puisque c'est avant tout la principale source d'approvisionnement matériel des mafias, dans un enchevêtrement de trafics (armes contre drogue, armes contre déchets, voire armes nucléaires contre déchets nucléaires) où les ressources économiques phénoménales générées par la drogue ou les déchets permettent aussi de financer les opérations militaires.
Enfin, la dimension militaire de la mafia est également sa partie la plus visible, la plus spectaculaire, et donc la plus médiatisée. L'actuel gouvernement Berlusconi se gargarise des "succès sans précédents" obtenus dans la lutte contre les mafias, en oubliant un peu vite - à dessein - que ces succès sont dus d'abord à l'engagement des juges et des forces de l'ordre en première ligne, mais surtout que la capture des chefs militaires laisse intacte la capacité de l'hydre mafieuse de renouveler ses têtes à l'infini, ce qui revient à soigner les effets sans éliminer les causes...
Les séquestres de biens et de ressources sont évidemment indispensables (l'argent est toujours le nerf de la guerre), mais la législation est tellement pleine de trous que les bénéfices obtenus d'une main sont négativement compensés par les largesses accordées de l'autre...
Or en n'agissant que sur l'aspect militaire, on perd la guerre : nous en revenons là aux convergences coupables entre pouvoirs politiques et mafias, puisqu'en Italie il est largement prouvé, et depuis longtemps, que l'aile militaire de la mafia a trop souvent été recrutée par des pans entiers de l'état italien (et pas seulement...) pour en être le bras armé et faire les plus sales boulots, depuis Portella della Ginestra aux attentats meurtriers de 1992-1993, dans le cadre de pactes inavouables !
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Il est notoire que la mafia a franchi les frontières italiennes depuis longtemps, pour étendre son emprise potentiellement dans tous les coins du globe. Sa première terre de conquête fut les États-Unis, mais elle a essaimé depuis en Australie, au Canada, partout en Europe et dernièrement en Europe de l'Est et dans les pays satellites de l'ex-Union Soviétique... Par ailleurs, là où elle n'arrive pas elle s'allie avec les mafias locales, d'Asie ou d'Amérique du Sud, ou avec la politique corrompue, comme en Afrique. Une propension naturelle à la mondialisation qui lui ouvre des perspectives souriantes pour le futur :
Dans ce paysage, le destin d'une organisation singulière devient secondaire, l'attention se déplace sur la croissance de l'accumulation illégale et sur la formation de groupes criminels toujours plus ramifiés et toujours plus puissants. Les activités illégales ont devant elles un très grand avenir, elles font entièrement partie du nouvel ordre mondial, avec de graves risques pour la société civile.Un scénario catastrophe qui n'est pas sans rappeler les prévisions que fait Jacques Attali dans Une brève histoire de l'avenir (Fayard, 2006), sur la naissance de l'hyperempire, destiné à déconstruire "les services publics, puis la démocratie, puis les États et les nations mêmes." Pensez donc qu'il situe l'émergence de cet hyperempire vers 2050, alors que l'Italie est d'ores et déjà en plein dedans depuis au moins deux décennies... Voici la description qu'il en fait (p. 264-266) :
La classe moyenne, principal acteur de la démocratie de marché, retrouvera la précarité à laquelle elle croyait avoir échappé en se détachant de la classe ouvrière ; le contrat l'emportera de plus en plus sur la loi ; les mercenaires, sur les armées et sur les polices ; les arbitres, sur les juges. Les juristes de droit privé feront florès.
Pendant un certain temps, les États des pays maîtres de l'ordre polycentrique pourront encore fixer quelques règles de leur vie sociale. La majorité politique y rejoindra la majorité économique, c'est-à-dire l'âge auquel l'enfant deviendra un consommateur autonome. Dans chaque pays, les partis politiques, en plein désarroi, chercheront – de plus en plus en vain – des domaines de compétence : ni la gauche ni la droite ne pourront empêcher la privatisation progressive de l'éducation, de la santé, de la sécurité, de l'assurance, ni le remplacement de ces services par des objets produits en série, ni, bientôt, l'avènement de l'hyperempire. La droite en accélérera même l'avènement par des privatisations. La gauche en fera autant en donnant à la classe moyenne les moyens d'accéder plus équitablement à la marchandisation du temps et à la consommation privée. L'appropriation publique des grandes entreprises ne sera plus une solution crédible; le mouvement social n'aura plus la force de s'opposer à la marchandisation du monde. Des gouvernements médiocres, appuyés sur de rares fonctionnaires et des parlementaires discrédités, manipulés par des groupe de pression, continueront à donner un spectacle de moins en moins fréquenté, de moins en moins pris au sérieux. L'opinion ne s'intéressera pas beaucoup plus à leurs faits et gestes qu'elle ne s'intéresse aujourd'hui à ceux des tout derniers monarques du continent européen.Et de conclure le chapitre sur cette phrase menaçante (p. 301) : "Après la violence de l'argent, viendra - vient déjà - celle des armes.", puis d'enchaîner sur le chapitre dédié à l'hyperconflit, dont je ne résiste pas à vous citer cet extrait (p. 308-311) :
Les États n'ont jamais été les acteurs exclusifs de la violence du monde. Des mafias, des gangs, des mouvements terroristes - je les nomme ici pirates - se sont toujours immiscés entre les nations pour les combattre ou, à tout le moins, violer leurs lois. Quand la déconstruction affaiblira les États, que le droit et la police se feront plus discrets, la violence proliférera dans la vie publique et entre individus ; ces pirates deviendront même des agents essentiels de l'économie et de la géopolitique.
(...)
Des organisations mafieuses, des cartels, des criminels en col blanc, responsables de trafic de drogue, de femmes, d'armes ou de jeux, opérant sans base géographique, collecteront des fonds, menaçant et agissant comme des États et contre des États pour garantir leur sécurité. lis se doteront – ils se dotent déjà – des armes les plus sophistiquées ; ils menaceront juges, policiers et dirigeants politiques susceptibles de se mettre en travers de leur route. Parfois, comme c'est déjà le cas en Colombie, en Somalie, au Brésil ou au Pakistan, ces bandes contrôleront des villes, des territoires, voire des pays entiers.
(...)
Certaines de ces forces se ligueront contre des États, et en particulier contre des démocraties : on verra - on voit déjà - des barons de la drogue au service de causes politiques ou se servir d'immigrants comme passeurs. On verra - on voit déjà - des nations en ruines devenir les repaires de mafieux. On verra - on voit déjà - des forces terroristes, par nature nomades, trouver refuge dans des non-États ; on verra - on voit déjà - des organisations mafieuses soutenir des ambitions politiques, laïques ou religieuses comme le fit la Mafia, Cosa Nostra, ou les gangsters français devenus collabos en 1940.Voilà ! La seule erreur, dans ce terrible scénario, c'est de décliner les verbes au futur et au passé simple, alors que l'Italie les vit au temps présent, qui plus est avec un regain de force depuis que Berlusconi est au pouvoir...
J'arrête là cette première partie, en vous laissant méditer cette question : « Pourquoi l'Italie de Berlusconi est-elle un danger pour l'Europe ? »
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4 commentaires:
J'ai deux questions sur cette vision prospective.
1. Qui dit MAFIA dit loi du silence. Internet dit liberté d'expression. Comment les deux vont pouvoir cohabiter?
2. Est ce que la pieuvre peut finir par mettre la main sur Google, Twitter, Facebook ou tout autre outil dominant dans la libre information? ou alors forcer le passage de lois dans de nombreux pays visant à restreindre cette liberté?
Joseph,
Très intéressantes, tes questions ! J'ai besoin d'y penser, je te ferai savoir ma réponse...
Jean-Marie
Joseph,
Mafia loi du silence, certes. Mais les temps changent, et la mafia a toujours su s'adapter aux évolutions et aux tendances, souvent avec plusieurs longueurs d'avance.
Et, chose autrefois impensable, il y a aujourd'hui un "présumé" chef mafieux qui tient son blog ! (cherche "ninomandala" sur blogspot). Il est question de lui ici. Sa position est nette : il a subi des condamnations, il purge sa peine, et reste libre de s'exprimer... Certains analystes ont même observé qu'il pouvait faire passer certains messages entre les lignes !
Cela d'une part. Ensuite il y a l'éclairage de Roberto Saviano, entre autres, qui nous fait comprendre combien il est important de parler de mafia. Puisque le premier complice de la mafia, c'est justement le silence. Il y a un proverbe qui dit "occupe toi d'abord de la mafia, avant que la mafia ne s'occupe de toi"...
Or que dit Saviano ? Je l'ai expliqué en commentant ce billet : sa thèse est que Gomorra est devenu dangereux pour la camorra non pas parce qu'il l'a écrit (beaucoup en ont écrit d'autres sur le même argument dont personne n'a jamais entendu parler), mais parce qu'il est lu !
Et cette diffusion en masse de son message à permis à Gomorra de dépasser : 1) le seuil du silence ; 2) la ligne d'ombre.
Je rapporte ces deux expressions (prononcées par Saviano dans deux interviews, la première avec Fazio, la seconde avec Enzo Biagi), parce qu'elles sont très symboliques : ce sont les lecteurs qui donnent au message de Saviano voix (en dépassant le seuil du silence) et visibilité, lumière (en dépassant la ligne d'ombre).
Donc chaque fois que l'info passe d'une manière ou d'une autre, soit par le livre lui-même, soit par celles et ceux qui en parlent, c'est son message qui porte toujours plus loin, toujours plus fort !
Voilà ma réponse à ta première question.
Sur la deuxième, je ne pense pas. Les grands acteurs mondiaux sont américains pour la plupart, et à ce stade ils sont protégés de la mafia. De ce point de vue je vois plus le danger venir de la politique, on ne compte plus le nombre de lois que Berlusconi s'est fait sur mesure, et beaucoup avantagent la mafia. Pour l'instant on a réussi à éviter des lois liberticides qui sont mêmes dénoncées par l'ambassadeur US dans un des mémos diplomatiques qui a filtré de Wikileaks.
Donc de ce côté-là, je pense que le danger vient des gouvernements eux-mêmes qui sont horripilés par la liberté d'un média qu'ils n'arrivent pas à contrôler, mais je leur fais confiance, petit à petit ils réussiront à contrôler aussi Internet.
En France on en a déjà un avant-goût avec la loppsi, et tout se fait dans la plus grande "légalité" :-)
J-M
merci pour ces réponses.
Intéressant de voir que la mafia peut s'adapter aux nouveaux outils. Mais la transparence sera toujours l'ennemie de la mafia. Twitter ou Google font que même un petit chuchotement peut devenir aussi fort que le hurlement d'une sirène.
et merci pour ces articles bien structurés.
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