vendredi 19 janvier 2007

La professionnalisation du contenu sur Internet


Le contenu, kesako ?
L'UGC, kesako ?
Mr Mojo risin'
Consultant en contenu : kesako ?

En commentant mon dernier billet sur ce que les anglo-saxons nous enseignent, Serge me pose la question suivante :
...je ne sais pas ce qu'est un "consultant en contenu" pourrais-tu me le définir? Que fait-il? Quels sont ses clients? Que leur apporte-t-il en terme de rentabilité? Quel prix pratique-t-il?...
Dans un premier temps, je lui ai donc répondu par un commentaire succinct (au passage, dommage que Blogger ne permette pas de générer un lien direct). En fait, je n'avais jamais songé à détailler ce qu'est le métier d'un consultant en contenu, en donnant naïvement pour acquis que ça coulait de source. Grave erreur en apparence, puisque même Manuel Diaz, un orfèvre en la matière, a souligné le côté un peu abstrait de la terminologie.

Pourtant je me demande : si je vous avais dit "consultant financier", immédiatement vous auriez eu une idée assez précise de quoi je parlais. Par contre, "consultant en contenu" semble soulever un certain flou. Alors pourquoi ? Ce n'est sûrement pas le mot "consultant" qui pose problème, mais plus probablement le deuxième terme de l'équation, "contenu", désormais devenu, tout au moins sur Internet, un mot-valise où l'on peut fourrer tout et n'importe quoi.

Donc avant de donner ma propre réponse aux interrogations posées par Serge, il me paraît bon de tenter une définition de ce qu'est le contenu sur le Web, vaste besogne  !

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Le contenu, kesako ?

Contenu, 124 millions d'occurrences sur Google, et sa déclinaison en anglais, content, près de 1 milliard 400 millions de résultats ! Une notion extrêmement répandue, même à défaut de vraiment savoir ce dont il s'agit...

Il est vrai qu'Internet révolutionne le sens d'un nombre considérable de termes, en marquant une ligne de démarcation nette. Pour rester dans notre exemple, il y a le contenu AVANT et APRÈS Internet.

AVANT, selon le petit Robert :
  1. Ce qui est dans un contenant.
  2. Ce qu'exprime un texte, un discours (cf. teneur).
  3. Ce que signifie un signe (cf. signifié)
Donc, pour tenter un parallèle avec la linguistique, où la signification est le rapport réciproque qui unit le signifiant et le signifié, sur le réseau des réseaux le sens est donné par la conjonction/adéquation du contenant (Internet) et du contenu (tout ce qu'il y a dedans).

APRÈS, le contenu sur la toile, pêle-mêle, c'est l'ensemble des informations linguistiques et graphiques, cartographiques, multimédias (vidéo, voix, données, ...), visibles ou non, structurées ou non, interactives ou non, libres ou propriétaires, etc., qui revêtent des significations/portées différentes en fonction des émetteurs/destinataires :
  1. pour l'internaute lambda, de même que pour la grande majorité des (très) petites entreprises, ce sont toutes les données, lato sensu, qui forment leur présence sur le Web ;
  2. pour les moyennes et grandes entreprises, ce peut être un site/portail de e-commerce, un catalogue sophistiqué en ligne, un intranet, etc. ;
  3. Pour les moteurs et les grands acteurs du Web, c'est de plus en plus l'eldorado de l'UGC, à savoir le contenu généré par l'utilisateur de façon plus ou moins librement consentie, plus ou moins licite, à travers lequel les principaux intéressés bâtissent leurs "inventaires", à savoir des référentiels de données planétaires ayant pour double ambition de rendre accessible toute la connaissance de l'humanité d'une part, et de monétiser/marchandiser ce vieux rêve encyclopédiste de l'autre... Il faut bien vivre :-)
En outre, le contenu ça se gère à différents niveaux, citons entre autres : la saisie, le stockage, l'archivage, la sauvegarde, la sécurité/confidentialité, le contrôle/audit, la recherche, la diffusion, la préservation, la destruction/perte, la syndication, etc.

Sans oublier la cerise sur le gâteau, le multilinguisme et toutes les (non-) stratégies possibles de localisation (PDF, 4,7 Mo) du contenu, quel qu'il soit...

Enfin sur Internet le contenu se doit d'être riche, un nouveau concept, une extension du "rich content" (marquant initialement la combinaison de fonctionnalités d'animation, graphiques, audio et vidéo pour offrir de la musique, des jeux, des films, etc.), aussi bien qualitativement que quantitativement...

Et ce n'est qu'un début. Car avec l'explosion prévisible à court terme du mobile (à ce propos, les observateurs ne manqueront pas d'observer que les grandes manœuvres sont déjà en cours dans la téléphonie mobile, où les alliances se multiplient entre moteurs et pure players, pour ne citer qu'eux), et, bien plus inimaginable encore, de l'Internet des choses, le contenu généré par l'utilisateur a de beaux jours devant lui.

Notion assez emblématique de la génération 2.0 du Web participatif (blogs, wikis, forums, podcasts, réseaux sociaux, votes, recommandations, partages de ressources - liens, photos, vidéos, etc.), de l'intelligence collective, de la sagesse des foules, du peer review (auto-régulation, si vous voulez), ou encore, last but not least, du journalisme citoyen, l'User-Generated Content est défini par Didier Durand comme « le contenu - massif - créé par Mr Tout le Monde et publié sur l'Internet à disposition (gratuite) de la planète entière ».

Mais la question est plutôt délicate à appréhender, aussi voudrais-je m'arrêter un instant sur l'UGC, qui est probablement l'un des enjeux majeurs de l'Internet aujourd'hui. [Début]

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L'UGC, kesako ?

Le contenu généré par l'utilisateur, c'est "Tu bosses et je ramasse", selon Emmanuel Parody, grâce à qui j'ai le mieux compris les tenants et les aboutissants de la production de contenus sur Internet. C'est dans ce billet, qu'il faudrait que je cite dans son intégralité, commentaires inclus, mais autant vous encourager à le lire, lentement et attentivement.

La dimension clé pour comprendre de quoi l'on parle, c'est que dans l'optique des acteurs qui font le Web, l'UGC est une industrie. Écoutons Emmanuel :
(M)on propos consiste à aborder la question sous un angle industriel. Je n’ai aucun doute que l’aventure individuelle d’un blogueur talentueux puisse permettre l’éclosion d’un projet ou d’une success story. D’un point de vue industriel l’histoire se raconte autrement et ce n’est pas contradictoire. Le partage des revenus ou la perf ne suffisent pas à produire le contenu du moins pas celui que l’on attend d’un media d’information.

Sur la crédibilité, c’est une autre question, je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle se gagne avec le temps et que chacun à sa chance, c’est probablement le meilleur du phénomène du blog. Pour cette raison je crois volontiers aux trajectoires individuelles mais ca ne fait pas une industrie…
Avec une généralisation du haut débit qui tend à générer une croissance mécanique de la consommation et la création des contenus par les utilisateurs, dont la rémunération devra tôt ou tard être abordée, comme l'observe Francis Pisani en rapportant les propos d'un de ses commentateurs :
[…] les utilisateurs prendront conscience qu’actuellement ils ne bénéficient pas de l’exploitation commerciale des contenus qu’ils produisent. Les services qui permettront de rémunérer les producteurs de contenus l’emporteront sur ceux qui ne rémunèrent pas leurs utilisateurs.
Ça me donne envie de comparer les grands moteurs à des banques, peut-être pas au sens propre (quoique...), qui deviennent des mastodontes de la finance grâce à VOTRE argent, et chez qui vous allez emprunter ce qui n'est finalement que l'argent des autres. Idem pour les moteurs qui capitalisent VOS données pour mieux les monétiser ensuite, la seule contrepartie étant que, de temps en temps, ils vous envoient quelques visiteurs, ce qui est bien gentil de leur part, mais ne nous empêche pas de rester des utilisateurs captifs !

Donc, après les flux monétaires, voici arriver à la vitesse grand V les flux de contenus... [Début]

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Mr Mojo risin'

En fait les premiers signes sont déjà là, avec l'éclosion d'un nouveau "profil professionnel", comme en témoigne cet article du Washington Post sur un MoJo (mobile journalist), un journaliste itinérant, en quelque sorte, pour certains une version plus modeste du grand reporter, qui sillonne les rues de nos quartiers pour fournir en abondance de l'info de proximité, toujours fraîche, voire instantanée.

(à noter en marge du papier du Washington Post cet encadré Technorati qui propose un lien vers tous les billets de blog pointant soit vers cet article - 165 liens à l'heure où j'écris -, soit vers le journal, à mon avis un bon exemple de "coexistence win-win", du collaboratif gagnant-gagnant, quoi...)


Pour autant, va-t-on vers une déclinaison journalistique de la règle des 1% ? Car si le journalisme citoyen est un peu le parangon de ce qu'est l'UGC, cette notion est de plus en plus questionnée, tout comme en général la qualité "communautaire" de ce qui est produit par les utilisateurs, où bien souvent trolls et bilieux se mélangent joyeusement dans la masse.

Comme nous le rappelle Joël Ronez :
Il est surtout mauvais de manière générale d’accoler sans préavis les productions maison faites par des journalistes avec des contenus individuels. Je crois fermement au média participatif, mais pas à l’égalitarisme universel des contenus. Chacun a un statut, un usage, mais ils n’ont certainement pas la même valeur. C’est à l’éditeur à “éditorialiser” les contenus collectés, ou à organiser le débat et les échanges, en mettant à disposition d’une communauté des outils.
Le final cut a de l'avenir...

Alors, demain, tous journalistes ? Disons plutôt une évolution probable du "generated-content" vers le "cogenerated-content", une "co-génération" impliquant une production accompagnée par des professionnels comme ... le consultant en contenu. CDFD :-) [Début]

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Consultant en contenu : kesako ?

Maintenant que j'ai tenté de cerner d'un peu plus près ce qu'est le contenu sur Internet, il est temps que j'essaie d'approfondir les interrogations soulevées par Serge :
  1. Qu'est-ce qu'un consultant en contenu ?
  2. Que fait un consultant en contenu ?
  3. Qui sont les clients d'un consultant en contenu ?
  4. Qu'apporte à ses clients un consultant en contenu en terme de rentabilité ?
  5. Quels sont les prix que pratique un consultant en contenu ?
* * *

1. Qu'est-ce qu'un consultant en contenu ?

Avant tout, c'est quelqu'un qui a une vision globale du paysage Internet (sixième grand média, rappelons-le) sous ses différents aspects et rouages, alimentée par une veille permanente, une vision adaptative, réactive, capable d'anticiper et/ou de rebondir en temps voulu, mais aussi d'isoler un secteur dans une démarche marketing, pour en segmenter les tendances et analyser le positionnement évolutif (en progression ou en régression) de son client sur le Web, tant à l'échelle nationale qu'internationale (pays par pays).

C'est également quelqu'un en mesure de favoriser une réflexion commune sur votre identité numérique, afin de déployer un registre de langue en phase avec votre style de communication, en le basant sur l'adage « la réputation c'est la répétition », ou comment réinventer constamment le même message dans la continuité et réussir à l'affirmer dans cet univers hyperconcurrentiel, hypercompétitif, qu'est le Web. Reputation is repetition...

Enfin c'est un animateur, capable de réunir une équipe cohérente, où compétence rime avec pertinence, pour couvrir « l'ensemble des informations linguistiques et graphiques, cartographiques, multimédias (vidéo, voix, données, ...), visibles ou non, structurées ou non, interactives ou non, libres ou propriétaires, etc. », qui émanent d'une entreprise.

2. Que fait un consultant en contenu ?

Sa tâche essentielle consiste à partager cette vision en la mettant au service d'un projet, qu'il s'agisse de formation, de conseil au développement d'une présence qualifiée sur le Web ou autre.

Personnellement, je transpose à chaque projet la règle G + 2H + 5W que j'applique généralement au discours, en remettant au goût du jour la vieille recette de Quintilien (ça ne nous rajeunit pas)...

Se poser ces questions et y répondre de manière détaillée est indispensable dès lors que chaque action de communication doit être pensée EN COHÉRENCE avec la politique globale existante et EN AMONT du développement de toute forme d'expression/de présence en ligne : qui communique, à qui, quoi, comment, avec quels résultats, etc.

Si vous parlez avec un référenceur, si vous parlez avec un traducteur, si vous parlez avec un graphiste, si vous parlez avec un ..., chacun vous dira que les impératifs liés à chaque métier doivent être pris en compte A PRIORI plutôt qu'A POSTERIORI : AVANT on décide en connaissance de cause, APRÈS on fait ce qu'on peut, mais ça s'apparente davantage à du rapiéçage qu'à une stratégie bien pensée !

3. Qui sont les clients d'un consultant en contenu ?

Du particulier à la multinationale, quiconque a conscience que présence ne signifie pas forcément visibilité, et que le temps de l'improvisation est révolu pour se faire connaître en intégrant tous les paramètres utiles. Sur le réseau, faire savoir/faire valoir ses produits/services nécessite donc de faire appel à des professionnels, sauf avoir de telles ressources en interne.
Et s'il est vrai qu'une entreprise est reconnaissable à sa signalétique autant qu'à sa manière de communiquer, aucune communication corporate ne peut plus faire l'impasse sur la nature du contenu qu'elle produit à l'intention des internautes (qui ont par ailleurs de fortes chances d'être aussi ses clients dans la "vraie vie").

4. Qu'apporte à ses clients un consultant en contenu en terme de rentabilité ?

Je ne pense pas que la question soit suffisamment ciblée pour lui donner une réponse satisfaisante, tant sont nombreux les critères susceptibles d'impacter le ROI. Comme pour tout accompagnement d'un projet, cela dépend des actions envisagées.

Toutefois, juste à titre d'exemple, ça me fait penser à la traduction : aujourd'hui encore, beaucoup trop d'entreprises s'imaginent qu'il suffit de savoir plus ou moins bien deux langues pour traduire, et font appel à leur secrétaire "bilingue" ou à n'importe qui pour rédiger leur correspondance d'affaire ou d'autres documents commerciaux sensibles, en ayant comme seul critère qualitatif de payer le moins cher possible, voire rien du tout. Idem sur Internet, où les sites multilingues traduits par BabelFish et consorts sont légion.

Le résultat, désastreux en termes d'image et de réputation, est à la hauteur de l'investissement. Autant essayer de solutionner la quadrature du triangle... Donc, faire appel à un traducteur professionnel est-il rentable ? That is the question !

5. Quels sont les prix que pratique un consultant en contenu ?

Variables :-) [Début]



P.S. Rien à voir, mais les observateurs attentifs auront compris que je suis un fan de Jim Morrison...

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1 commentaire:

Joe a dit…

le premier "consultant en contenu" était le comte Dorante il pouvait conseiller un bourgeois contre monnaie sonnante et trébuchante sur la syntaxe de sa phrase afin de faire de la prose et de ne point parler la vulgaire langue du tiers état.

ou peut être j'ai mal compris.