Parce que j'en suis content. Les services de Google me satisfont totalement. Ils sont en phase avec mes exigences du moment. Ils sont pertinents, généralement simples à utiliser. Et gratuits !
Oh mais je vous vois venir : non, ils ne sont pas gratuits. Ou alors ils sont gratuits sans être gratuits. Ce n'est plus de la gratuité, alors, c'est une gratuité factice. Une gratuité où l'on me reprend d'une main ce qu'on me donne de l'autre, un troc : des services gratuits, simples et pertinents contre mes données personnelles en monnaie d'échange.
Alors quoi ? Devrais-je m'en offusquer ? Devrais-je m'en inquiéter ? Google me « fournit gratuitement d'excellents produits de première nécessité » car elle veut tout savoir sur moi. Et savoir quoi, je vous le demande ?
Mes habitudes de navigation, pour identifier mes goûts, me profiler par un ciblage comportemental le plus précis possible, et pouvoir ainsi me présenter les pubs qu'elle jugera les plus pertinentes, les plus susceptibles de me faire cliquer, réagir, acheter, etc.
Ah ! Mais vous plaisantez ! Laisserais-je le mauvais Google accumuler les données personnelles sur mon compte sans réagir ? Sans dénoncer ? Sans ceci, sans cela, bla-bla, etc. etc. etc.
Franchement, vous voulez savoir ce que j'en pense : je m'en fous ! Je me fous TOTALEMENT du fait que Google connaisse mes "petits secrets" qui n'en sont pas. Google peut me présenter toutes les pubs du monde, là, sous mes yeux, maintenant, hic et nunc disaient nos anciens, en dernier ressort c'est à moi qu'il appartient de cliquer, ou pas.
Exemple : j'utilise GMail depuis le début, j'ai actuellement environ 140 mille messages dans ma "boîte" et chaque fois que j'en ouvre un des pubs s'affichent sur le côté. Et bien vous savez quoi ? Je crois que je n'ai jamais cliqué sur aucun lien ! Ou si ça m'est arrivé en quelques occasions qu'on peut compter sur les doigts de la main, c'est tantôt suite à une erreur de manip, tantôt pour assouvir une curiosité passagère, mais enfin, si Google n'avait que des clients comme moi pour soutenir son modèle économique, ça ferait longtemps qu'ils auraient mis la clé sous la porte.
Car pour moi ces pubs sont totalement transparentes. Je ne les regarde jamais. Je m'en fous, à vrai dire. Or si là est le seul prix à payer pour utiliser un gestionnaire de courriels ou d'autres services particulièrement efficaces et puissants, pourquoi devrais-je m'en priver ? Et en plus, gratuitement !
Gratuit, mais ça veut dire quoi, gratuit ?
Selon le Robert :
- Qui se fait, qui se donne pour rien. => désintéressé, bénévole, gracieux
- Que l'on donne sans faire payer : dont on jouit sans payer
- etc., mais sans rapport avec ce qui nous occupe...
Pour autant, est-ce là un bon motif pour laisser Google régenter le monde ? D'abord est-ce le but de Google ? Est-ce sa mission ?
organiser l’information mondiale – toute l’information, et pas seulement une partie – et faire en sorte qu’elle soit universellement accessible et utilisable, dans toutes les langues, tous les pays, et sur tous les supports, en ligne et hors ligne : Internet, téléphonie mobile, presse, édition, vidéo, photo, cinéma, télévision, radio, affichage, annuaires papier, etc., la liste est loin d’être exhaustive...Une question simple : les lignes qui précèdent sont-elles synonymes de "régenter" ?
Et puisqu'il conviendrait toujours de s'interroger véritablement sur le sens et la valeur des mots qu'on emploie, que signifie vraiment régenter ?
Toujours selon le Robert : 1. Diriger. - 2. Diriger avec une autorité excessive, ou injustifiée. Étymologie : de "régent", on s'en serait douté : personne qui gouverne, qui régit, administre (je vous fais grâce des détails)...
Or est-ce que c'est le cas de Google ? Non. Pas que je sache. Son ambition ? Non plus. Sa mission déclarée ? Encore moins.
Non, c'est la politique qui régente. Ce sont nos états qui régissent, administrent. Pour leur plus grand profit, d'ailleurs. Ce sont eux qui contraignent des centaines de millions de "citoyens" à leur "donner" entre 6 et 7 mois par an de leur "vie" et de leur "argent" pour que les politiciens qui nous "régentent" fassent n'importe quoi et en profitent au maximum, sans la moindre vergogne, entre inepties et gabegies, cynismes et démagogies, incompétences et impunités...
Donc pourquoi vouloir mettre Google sur le même plan. Prenons un exemple simple : Google Books. Olivier et beaucoup s'inquiètent de ce que Google, une entreprise privée, mette ainsi la main sur un patrimoine public, un patrimoine de la connaissance, du savoir, etc. Or qu'avons-nous en face, du côté des états qui seraient censés "administrer" ce patrimoine public pour le bien commun ? Et bien nous avons ça (c'est moi qui souligne) :
Livres, œuvres musicales, tableaux, photographies et films, toute la diversité culturelle de l'Europe offerte à tous les citoyens en un simple clic de souris sur un seul portail: le rêve d'une bibliothèque numérique européenne pourrait devenir réalité cet automne. Cependant, la Commission a indiqué aujourd'hui, dans une nouvelle communication sur la mise à disposition des versions numériques d'œuvres provenant d'institutions culturelles de l'Europe entière, que les États membres avaient encore des efforts à fournir. Grâce à la numérisation du matériel culturel, les Européens pourront accéder aux collections des musées, des bibliothèques et des archives des autres pays sans avoir à voyager ou à tourner des centaines de pages pour trouver une information donnée. Les bibliothèques européennes contiennent, à elles seules, plus de 2,5 milliards de livres, mais environ 1 % des archives seulement sont disponibles sous forme numérique. La Commission appelle donc les États membres à intensifier leur action pour rendre davantage d'œuvres numériques disponibles en ligne, afin que les Européens puissent les consulter dans le cadre de leurs loisirs, de leur travail ou de leurs études. Pour sa part, la Commission allouera, en 2009-2010, quelque 120 millions d'euros à l'amélioration de l'accessibilité en ligne du patrimoine culturel européen.Donc à qui devrions-nous nous en prendre ? À Google qui fait ça "gratuitement" mais non sans désintérêt, ou à nos états qui ne font rien, pas même l'intérêt commun, ou si peu, tout en nous prenant beaucoup ?
Et je pourrais continuer sur la même lancée sans trop me forcer, tellement les exemples sont nombreux... Alors pourquoi toute cette parano autour de Google, franchement je ne comprends pas trop. Allez, hop, remettons-en une couche, histoire de revenir au sujet du moment !
Juste un article de plus pour enfoncer le même clou dans nos cerveaux : « Google Chrome fait déjà tiquer les défenseurs de la vie privée, notamment après la lecture des conditions générales d'utilisation du navigateur (CGU). » Or comme je l'ai dit ici, ce passage était loin d'être spécifique à Chrome, puisqu'il est inséré pratiquement dans les CGU de tous les services de Google.
C'est tout simplement ce qu'on appelle un boilerplate, un passage standard copié-collé quasiment à l'identique dans nombre de contrats anglo-saxons, ce qui explique aussi pourquoi la teneur est si proche des CGU de Facebook.
Donc ma question est la suivante : pourquoi réagir sur Chrome, à peine sorti, et n'avoir pratiquement jamais rien dit sur tous les autres produits-services de Google dont les CGU portent la même mention.
En un mot, pourquoi toute cette parano ? Le retrait immédiat du passage incriminé des CGU de Chrome est d'ailleurs un signe évident de la réactivité de la société et du fait que Google prend sa mission au sérieux. Cette collecte de données n'est d'ailleurs pas réservée à Google, comme je l'ai montré dans ce billet. Tous les acteurs majeurs du Web tentent d'en savoir toujours plus sur nous, inutile de s'en étonner.
Donc, face à cette situation, comme l'indique Horacio Gonzalez dans un billet plein de bon sens, mieux vaut choisir son camp parmi les trois attitudes possibles :
- J'utilise à fond les outils de Google, et je leur confie mes informations personnelles
- Je ne raconte rien sur moi et n'utilise aucun des services de Google
- J'utilise les outils de Google en sachant ce que je fais, ..., et en choisissant des outils différents sur les sujets pour lesquels je veux protéger la confidentialité de mes données et le respect de ma vie privée.
Aujourd'hui j'en suis content, et je le dis. Demain je n'en serai plus content pour une raison ou une autre, et je le dirai aussi. En attendant, je n'éprouve nul besoin de brûler des idoles, car je n'en ai pas. Pas plus que je ne suis sectaire. Vous préférez Microsoft, grand bien vous fasse. D'autres ne jurent que par Firefox (financé par Google, soit dit en passant), no problem. Chacun est libre, et moi de même.
Après tout, chacun est assez grand pour se sentir libre de choisir son camp. Je vous ai dit le mien, me direz-vous le vôtre (attention à l'ordre des propositions, parfois réorganisées automatiquement) ?
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P.S. Billet en réponse à ce commentaire de Szarah :
Je comprends votre enthousiasme, monsieur Le Ray : Google vient de vous délivrer d'un calvaire quotidien.
Vous êtes content et vous le dites.
C'est un peu comme si vous présentiez votre nouvelle fiancée (sourire).
Elle est même sur clé USB, dis donc ! (je plaisante).
Etes-vous déjà prêt à considérer qu'une entreprise qui fournit gratuitement d'excellents produits de première nécessité mérite par là de régenter le monde ?
J'espère que vous savez facilement mettre le feu à vos idoles.
Parce que, bon, il faudra bien que quelqu'un vous délivre de Chrome quand vous serez redescendu sur terre (sourire).