Billet destiné à s'étoffer dès que j'aurai du nouveau, vu que la première livraison en accès public est pour l'instant limitée à 220 documents, soit 0,087% de l'ensemble, autant dire une misère...
[MàJ - 30 novembre 2010] La publication se poursuit au compte-gouttes, donc j'espère qu'il faudra pas attendre des mois... (même si quelque chose me dit qu'on entendra encore parler de cette affaire !)
Selon Wikileaks, il s'agit de 251 287 documents, sur plus de 3 millions de pages pour un total de 261 276 536 mots, soit une moyenne de 1 040 mots par note.
[MàJ - 2 décembre 2010] Or vu que depuis le début de la mise en ligne le site a publié environ 400 nouvelles notes en 4 jours, soit une moyenne d'une centaine par jour, à ce rythme il faudrait encore ... 2500 jours, soit pratiquement 7 ans de publications journalières.
Un non-sens absolu à l'heure d'Internet, d'autant plus que d'autres révélations sont d'ores et déjà annoncées dès le mois prochain sur Bank of America...
Et à l'heure où Wikileaks ne pourrait bien être que le précurseur d'une fuite plus massive, généralisée, constante. Comme l'observe justement Brian Skahan :
the real story from #wikileaks is that the door of massive data leaks is open permanently. governments and corporations face a new reality
Donc en attendant d'approfondir, voici la chronologie d'une affaire dont je pense être sans aucun doute la source d'info francophone la plus complète. Et la seule, à vrai dire.
Il y a quelques jours, le fils de Berlusconi, Pier Silvio, a déclaré à l'occasion d'un congrès qui s'est tenu à l'Università Cattolica, à Milan, que c'est la « situation politique » et « la situation de crise générale, pas seulement en Italie », qui pèsent davantage sur la performance négative qu'enregistre en ce moment l'action Mediaset à la Bourse italienne, plutôt « que les résultats du Groupe sur les neuf premiers mois de l'année », en hausse relative.
En effet, dans la semaine qui vient de s'écouler, le titre a touché son plus bas depuis 4 mois, bien qu'il rebondisse légèrement depuis hier. Ce qui fait préciser à Pier Silvio Berlusconi : « Le yoyo quotidien du cours est difficilement déchiffrable ».
Il n'empêche ! Si l'on observe l'évolution sur les 5 dernières années, la baisse semble évidente et durable :
D'autant plus que les différentes affaires judiciaires qui s'accumulent sur le Groupe hypothèquent gravement son avenir :
Le procès sur les droits télévisés de Mediaset, dans le cadre duquel Silvio Berlusconi est accusé de fraude fiscale, réalisée en gonflant artificiellement le prix des droits de diffusion de films, qui auraient été acquis à travers plusieurs sociétés écrans lui appartenant pour les revendre ensuite au Groupe, lequel aurait ainsi pu constituer des caisses noires à l'étranger et payer moins d'impôts dans son pays. Sont également cités à comparaître le président de Mediaset, Fedele Confalonieri, et David Mills, déjà condamné dans un autre procès pour avoir été corrompu par Berlusconi himself. Rappelons en passant que David Mills fut l'artisan-créateur du Compartiment B de Fininvest, le secteur très confidentiel réunissant pas moins de 64 sociétés off-shore...
Dans l'affaire Mediatrade en revanche, qui concerne également les droits télévisés, Berlusconi se serait "approprié indûment" des fonds d'une de ses sociétés contrôlée avec le concours d'un associé, l'homme d'affaires américano-égyptien, Frank Agramo.
Et puis n'oublions pas l'affaire Mondadori, dans laquelle le juge de première instance a condamné le groupe Fininvest (programmé pour corrompre...), à verser la bagatelle de 750 millions d'euros à Carlo De Benedetti, président du groupe CIR, à qui Berlusconi avait soufflé la maison d'édition Mondadori (PDF, 15 Mo, IT), en corrompant le magistrat chargé de la procédure judiciaire.
Commentaire à chaud de Marina Berlusconi (dont certaines rumeurs disent qu'elle pourrait se lancer en politique pour succéder à son père...) : « Si nous devions payer une telle somme, démesurée, Mediaset devrait mettre la clé sous la porte ! ». Le jour du jugement, le titre avait immédiatement décroché de 6,30% !
Berlusconi a ensuite remporté les premières manches, puisqu'il a obtenu le blocage du paiement de l'amende, jugée trop élevée : une expertise diligentée par la Cour d'Appel de Milan a d'ailleurs diminué la valeur du préjudice subi à environ 560 millions d'euros. Par conséquent, si le Tribunal de deuxième instance retient les résultats de l'expertise, il est probable que De Benedetti encaissera quoi qu'il en soit un pactole considérable en réparation...
Côté presse nationale, ça ne va pas très fort non plus avec Il Giornale, le quotidien du frère de Berlusconi, prête-nom plutôt qu'éditeur pur et dur... Même si l'arrivée de Vittorio Feltri l'année dernière a boosté les ventes, vu qu'il tape sur tout ce qui bouge dans un sens opposé aux desiderata de son patron (il vient d'ailleurs d'être suspendu trois mois par l'ordre des journalistes, pour avoir violé la déontologie du métier...), les résultats financiers sont encore dans le rouge et la seule raison pour laquelle la famille Berlusconi le garde, c'est qu'il s'agit d'un formidable outil d'influence et de propagande...
Passons maintenant à la RAI, la télévision publique, dont Berlusconi réussit encore à contrôler les JT de la 1ère et de la 2ème chaînes. Le dernier exemple en date n'est pas vieux puisqu'il date d'hier, où les titres du 20 heures de la 1ère chaîne ne disent pas UN mot du jugement du Tribunal de Palerme (dont les motivations ont été rendues publiques hier, justement) qui, en juin dernier, a condamné en appel le Sénateur Marcello Dell'Utri à 7 ans de prison pour concours externe en association mafieuse, alors que Silvio Berlusconi est cité pas moins de 461 fois dans le dispositif, troisième personnage plus cité après Marcello Dell'Utri (1073 fois) et Vittorio Mangano (613 fois), le héros...
Jugement impitoyable : pendant près de 20 ans, Berlusconi a préféré payer la mafia sans jamais dénoncer les différents chantages aux forces de l'ordre, pour protéger aussi bien sa famille que ses télévisions, et Marcello Dell'Utri, son éminence noire, a constamment fait le lien entre Berlusconi et les chefs mafieux, "en contribuant de manière efficace et consciente à consolider et renforcer l'association mafieuse". Ce n'est pas moi qui le dit, mais la Cour d'Appel ! J'aborderai bientôt aussi le chapitre des "présumés" financements mafieux à Berlusconi, dont Massimo Ciancimino raconte qu'ils ont été particulièrement fructueux, preuves à l'appui...
Quant à Vittorio Mangano, défini publiquement comme un héros par les compères Berlusconi-Dell'Utri alors qu'ils savaient pertinemment que c'était un mafieux, il était à demeure chez Berlusconi, à Villa San Martino, pour garantir sa "protection" à la famille Berlusconi, et accessoirement pour servir de tête de pont entre la mafia sicilienne et les mafieux installés dans le nord de l'Italie en vue de développer le trafic international de drogue, Paolo Borsellino dixit...
P.S. Jusqu'à présent, voilà plus de 16 ans que Berlusconi a réussi à endormir les italiens grâce à sa puissance médiatique, en contrôlant l'information, c'est-à-dire en désinformant par une propagande essentiellement basée sur le mensonge, la calomnie (il faudrait que je vous raconte les innombrables "dossiers" qui circulent ici...) et la déconstruction du langage.
Pour autant la politique italienne ressemble aux immenses sarcophages métalliques enfouis dans des décharges disséminées du nord au sud de la péninsule : ils sont tellement pleins à craquer de déchets toxiques que leurs déversements miasmeux commencent à déborder de partout, et l'incommensurable cloaque italien ne pourra plus rester dissimulé longtemps encore.
Il me semble d'ailleurs que, de plus en plus, l'opinion publique internationale est en train de se rendre compte que l'Italie de Berlusconi est un danger pour l'Europe. Donc il ne reste plus qu'à en convaincre les italiens eux-mêmes, mais la tâche s'annonce ardue. Et pourtant, on ne peut pas lui reprocher de ne pas y mettre du sien !