mercredi 2 avril 2008

Que sont les blogs aujourd'hui ?

Que sont les blogs aujourd'hui ?

Réflexion suscitée par la lecture d'un billet de Narvic, dans lequel il rapporte ses commentaires au billet de Laurent Gloaguen, qui pointe lui-même vers un billet de Francis Pisani, etc.

La question que j'en retiens : qu'est-ce qu'un blog aujourd'hui ?

Pisani tente une analyse de ce que peut rapporter un blog - rien, sauf dans certains cas, jugés atypiques :
... je pense que, même s’ils utilisent la technologie de publication du blog, nous ne saurions appeler “blogs” des publications comme le Huffington Post, TechCrunch ou GigaOm. Il s’agit d’entreprises de presse qui publient exclusivement online (pour le moment en tous cas) et dont l’écriture est plus agréable à lire, plus “opinionated”, que le ton compassé, froid, hypocrite et ultra prudent de la plupart des publications traditionnelles.
C'est d'ailleurs la citation reprise par Laurent, qui a provoqué une série de commentaires très intéressants, dont ceux d'Hubert Guillaud, de Narvic (ici et ), de GreG ou de Damien B.

Mais si vous lisez déjà ces trois billets et tous les commentaires, y a de quoi réfléchir !

Pour me limiter uniquement au binôme blog/blogueur, mon point de vue est proche de celui d'Hubert Guillaud :
Jusqu'à présent on avait tendance à s'en tenir à une définition technique pour dire ce qu'était ou n'était pas un blog. Mais est-ce que cela peut être pertinent encore à un moment où tous les sites deviennent des blogs (généralisation du commentaire et du fil RSS, voir même de la navigation ante-chronologique) ?
Ceci dit, essayons de répondre à la question posée plus haut.

Pour moi, qu'est-ce qu'un blog aujourd'hui ?

Un blog, c'est d'abord ce que chacun/e en fait. Entre Chauffeur de Buzz et Huffington Post, pour citer un exemple, il y a différence de stratégie, différence de personnalité, différence de moyens, etc.

Entre Eolas et Media & Tech, il y a différence de compétences, d'intérêts, etc.

Entre Tristan Nitot et les blogs Microsoft, il y a différence de culture !

Entre Adscriptor et Search Engine Land il y a ... un océan de différence, et ainsi de suite !

Derrière un blog il y a une personnalité (qui n'est pas incluse dans la plateforme), qui va donner un ton unique, une empreinte originale, différents de ceux du voisin. Tout au moins c'est à espérer...

Donc, première chose, il n'y a pas "un blog" mais "des blogs". Et même si l'aspect technique est une composante fondamentale de notre présence sur Internet, cela n'est guère utile pour répondre à la question : « que sont les blogs aujourd'hui ? »

Des conversations ?

Ce qui est sûr, par contre, c'est que le phénomène est profond, diffus, et d'une manière générale qu'on assiste à une professionnalisation du blogging, qui va de pair avec la professionnalisation du contenu sur Internet. Moi-même, dans Adscriptor, c'est quoi ?, j'insiste un minimum sur la sphère professionnelle.

Et cela bien que la sphère personnelle semble sortir gagnante dans mon analyse des motifs pour lesquels les gens bloguent (portant sur 70 internautes ayant fourni cinq raisons pour lesquelles je blogue), où les principales raisons invoquées étaient, à :
  • 57%, le partage au sens large (35 fois le verbe, 5 fois le substantif)
  • 38,6%, les rencontres occasionnées, virtuelles ou réelles (17 fois le verbe, 10 fois le substantif)
  • 30%, l'écriture (16 fois le verbe, 5 fois le substantif)
  • 27,1%, l'échange (15 fois le verbe, 4 fois le substantif)
  • 22,9%, le plaisir de bloguer (16 fois le substantif)
En effet, en donnant une valeur arbitraire de 100% à ces cinq raisons, la répartition était la suivante :
  1. partage, 32,5%
  2. rencontres, 22%
  3. écriture, 17%
  4. échange, 15,5%
  5. plaisir, 13%


Or l'un des principaux reproches fait à cette analyse fut que l'argent semblait absent, alors qu'en réalité de plus en plus de blogueurs auraient bien aimé retirer quelques revenus de leurs blogs. Ce qui nous renvoie au billet de Francis Pisani...

Voir également ce billet, et l'étude ci-dessous, à laquelle j'ai répondu en son temps.


Pour autant, il y a encore un différentiel notable entre ce côté-ci de l'Atlantique et l'autre, où il serait pratiquement inconcevable qu'un blogueur du calibre de Fred Cavazza ne monétise pas son blog, selon la terminologie consacrée, alors qu'ici tout le monde trouve ça normal.

Personnellement, mon blog s'inscrit dans une stratégie de présence (y compris sur les moteurs) plus que d'influence, très très loin de la conception que s'en font encore certains journalistes, tel que celui qui m'a contacté il y a deux mois en attaquant ainsi : « Je suis journaliste et aimerais vous posez (sic!) quelques questions sur les volontaires d'Internet. »

Les volontaires d'Internet ! N'importe quoi ! Je ne sais pas si c'est le ton de ma réponse qui l'a fait fuir, mais il ne s'est plus manifesté. En tout cas il m'a bien fait rire, le gueux.

Toutefois un peu moins que ce cher Amaury de Rochegonde, pour qui des « millions de sites ou de blogs » « font de l’audience en propageant rumeurs et commérages », en faisant « une concurrence un peu déloyale » aux médias traditionnels, ces « vieux habitués de la responsabilité éditoriale »...

Et de se réjouir du jugement dans l'affaire Olivier Martinez, « une très mauvaise nouvelle pour les internautes amateurs de potins » !

Ça m'a tellement énervé que je lui ai envoyé un mail que je vous livre in extenso :
Votre article est un tissu d'âneries qui fait de la superficialité vertu.
Par contre, si je comprends bien, vous êtes "journaliste". C'est bizarre, je croyais que les journalistes fouillaient un peu leurs arguments avant d'en parler. Or en lisant ce "papier", on a plutôt l'impression qu'il ne fait que colporter les potins et ragots qu'il semble vouloir dénoncer.
Il ne m'a pas répondu. Mais bon, il est pas trop tard...

En conclusion, ce qui me désole le plus de voir tant d'incompétence bornée, c'est que souvent elle émane de ceux-là mêmes qui devraient expliquer ce qu'est le Web 2.0 (ce cher Amaury est tout de même responsable du service médias du magazine hebdomadaire Stratégies et s'exprime ici sur France Info...), sa complexité, sa richesse, ses subtilités, ses enjeux, etc.

Des enjeux qui sont gigantesques, soit dit en passant. Or avec des arguments pareils, c'est pas demain la veille qu'on va aider les gens à appréhender correctement la situation...

Alors voilà, que sont les blogs aujourd'hui ? La même chose qu'hier et que demain, mais d'abord ce que chacun/e en fera. Et pour vous, c'est quoi les blogs ?


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P.S. Vous pouvez répondre en commentaire, bien sûr, mais un billet complet sur l'argument vous permettrait sûrement de développer une réflexion plus aboutie, si je puis me permettre :-)

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7 commentaires:

Anonyme a dit…

2 petites réflexions :

1) Il faudrait créer un ou plusieurs nouveaux mots pour distinguer les différents type de blog. Du boulot donc pour un professionnel des mots ;-)

2) Je pense qu'il y a beaucoup d'hypocrisie dans pas mal d'affaires (de justice) web 2. L'affaire fuzz/ martinez même si la condamnation est ridicule aborde (indirectement) une bonne question : peut on (impunément) utiliser du contenu produits par d'autres pour faire de l'audience ?

Seloger.com poursuit par exemple des moteurs verticaux qui parasitent son contenu.

Je pense que de la même manière wikio se fera un jour poursuivre.

Jean-Marie Le Ray a dit…

Laurent,

Ce qui m'énerve chez les journalistes et blogueurs qui traitent le sujet à l'emporte-pièce, c'est qu'ils généralisent trop sans aller dans la nuance.
Et le problème des agrégateurs est loin d'être résolu, c'est clair. Y compris pour les blogs lorsqu'ils agrègent des flux.
Actuellement la jurisprudence semble aller dans un sens unique (rediffuseur de flux = éditeur), et là encore, selon moi, c'est généraliser sans faire dans la nuance. Quand bien même ce sont les juges qui font ça.
Je pense qu'on n'a pas fini d'en parler...
Jean-Marie

hubert guillaud a dit…

En fait, si on a du mal à dire ce qu'est un blog (voir par exemple les circonvolutions de Wikio pour établir son classement des blogs en catégories), c'est assurément parce que depuis longtemps ils sont multiples (cf. BlogStory où déjà Cyril Fiévet catégorisait différents types de blogs). Avec la généralisation de la technique à tout type de sites, les distinguer n'en est que plus difficile.

Juste une remarque, sur la professionnalisation des blogs, dont il faudrait peut-être un peu mieux mesurer la teneur. Le mouvement de professionnalisation de blogs est certes très visibles parce qu'il touche la crême des blogs, peut-on dire pour autant que cette monétarisation est un mouvement de fond ? Je ne sais pas, mais j'ai quelques doutes.

Jean-Marie Le Ray a dit…

Hubert,

Sur ta deuxième remarque, comme je le dis dans mon billet, mais peut-être pas de façon suffisamment explicite, je pense que la différence est surtout mesurable et visible de part et d'autre de l'Atlantique.
Or si l'on parle des blogs en général, force est de prendre en compte l'ensemble des blogs, et pas seulement la blogosphère francophone.
Jean-Marie

Anonyme a dit…

Je relie deux remarques : l'une de Jean-Marie, sur le blog comme manière d'assurer "une présence" en ligne, et une autre de Michel Lévi-Provençal (http://www.mikiane.com/node/2008/03/17/a-propos-de-mikianecom-attention-adh-sion-video-et-simplification-de-linterface ) :

" Oui beaucoup sont encore attachés à cette idée (saugrenue?) qu'il est primordiale de constituer une audience centralisée sur un site. Pourtant, demain l'info va circuler de façon totalement aléatoire, relayée partout, sur différents canaux et sur de multiples supports. Elle va littéralement nous inonder."

Les commentaires sur mikiane.com (avec Philippe Couve, et moi ;-) ) précisent le propos :

"Au bout de cette évolution, on n'a même plus besoin que le site ait une interface graphique d'accès pour le lecteur. On peut se contenter d'une base de données en ligne qui émet des flux repris ailleurs..." (flux RSS, moteurs, alertes personnalisées, etc.)

La "présence" en ligne ne restera par forcément attachée à la forme du blog, qui n'est peut-être que transitoire...

Jean-Marie Le Ray a dit…

Narvic,

Très intéressant ce lien. Ceci dit, je ne pense pas une seconde que le blog soit le seul vecteur de présence, mais plutôt un élément parmi d'autres de l'interface sociale de chacun/e.

C'est d'ailleurs à ça que je pense lorsque je me réfère à la complexité et la richesse du Web 2.0, où le participatif prend tout son sens dès lors que les personnes élaborent une présence "active" et "polyvalente".

Et c'est pourquoi aussi les raccourcis superficiels de certains "observateurs" m'énervent tant...

Jean-Marie

Anonyme a dit…

Salut JM,

J'aime bien ta phrase volontairement naïve :
"C'est bizarre, je croyais que les journalistes fouillaient un peu leurs arguments avant d'en parler. "

Et oui cela fait bien longtemps que le journaliste ne prend plus le temps de penser et de s'informer.

Noyé dans l'information et pressé par les intérêts commerciaux, l'information proposée par le journaliste devient de moins en moins bonne.

D'où l'émergence de médias collaboratifs (souvent utilisant une plateforme de blog d'ailleurs) tel Rue89, où le développement de la matière grise n'est pas contraint par les frais fixes engendrés en particulier par les tirages papier.