dimanche 9 avril 2006

Ecrire pour le Web : quand vos lecteurs sont des moteurs

Écrire pour le Web : quand vos lecteurs sont des moteurs...

Sur le Web actuel, l'approche journalistique 5W + 2H devient la règle G + 2H + 5W, la rédaction traditionnelle évolue en ingénierie de l'écriture Web, et le référencement fait place à l'optimisation pour les moteurs de recherche

Écrire pour le Web
La (vieille) règle des 5W + 2H
Ingénierie de l'écriture Web
SEO & SEOs

Écrire pour le Web exige la prise en compte d'un nouveau plublic, au-delà des lecteurs et des éditeurs, à savoir les moteurs de recherche.

Cette réflexion n'est pas récente, mais la lecture d'un article de Steve Lohr publié aujourd'hui dans le New York Times, intitulé This Boring Headline Is Written for Google (du genre : Titrer banal pour Google ; littéralement : Le titre ennuyeux est écrit pour Google), me donne l'occasion de réagir.

Le journaliste nous rappelle plusieurs évidences, essentielles, sur les moteurs :
  1. leurs algorithmes ne comprennent ni l'humour, ni les nuances, ni le style, leurs bots étant des agents logiques, séquentiels, robotisés, etc. En une formule, la sémantique sans le sens...
  2. ils génèrent plus de 30% du trafic vers les sites de presse (==> votre visibilité dans les pages de résultats dépend strictement de votre positionnement, ou pour mieux dire, de vos positionnements en fonction des mots clés pris en compte par chaque recherche...)
  3. à tel point que certains journaux (dont le site Web de BBC News, nous dit S. Lohr) n'hésitent plus à proposer deux titres pour le même article : un pour les moteurs, l'autre pour les lecteurs !
Aux uns le titre concis (concret + précis) et factuel, aux autres la « Une » jouant sur les mots et faisant appel aux non-dits et aux connaissances culturelles et contextuelles implicites. [Début]

En réalité, celles et ceux qui rédigent pour le Web ont tous quelque chose à apprendre des journalistes - l'expérience enseigne -, dont l'un des premiers canons du journalisme : la règle des 5W (who, what, where, when, why), à laquelle on peut ajouter celle des 2H (how, how much).

5W + 2H = qui, quoi, où, quand, pourquoi, comment, combien : autant de questions auxquelles tout rédacteur doit répondre, si possible de façon succincte et exhaustive, pour fournir un cadre d'ensemble à son lectorat.
Un paradigme qui a évolué aujourd'hui en 5W + 2H + G, et s'inverse même sous l'influence grandissante des moteurs de recherche, pour devenir la règle G + 2H + 5W
où G = Google, le moteur par antonomase !

Cela signifie que dans l'Internet du troisième millénaire, cyberespace marchand par excellence, où chacun/e peut commercer, acheter, vendre, louer ses services, s'informer, se former, etc. etc., les traditionnelles techniques rédactionnelles se transforment en ingénierie de l'écriture Web, où les critères invisibles (partie code de la page, apparemment non visible au lecteur mais lisible par le moteur) finissent par avoir plus d'importance que la partie visible, immédiatement appréhendable par le cerveau humain.

Un webmaster me disait récemment que depuis longtemps le développement de ses sites n'était plus dicté par ses envies, mais bien par l'appel du marché. Il se reconnaîtra :-)

C'est là qu'il convient d'être toujours à l'affût des tendances et des sujets chauds, pour anticiper et/ou rebondir à temps, par une veille de tous les instants. Il faudra un jour que je ponde un beau billet sur ce sujet constamment d'actualité : la VEILLE. [Début]

Donc, déjà qu'il était dur de devenir écrivain, passer de cet état à celui d'ingénieur de l'écriture Web (Webscripteur ?) - puisque désormais il s'agit moins de rédiger que de « construire » son texte, faute de quoi on risque l'invisibilité permanente -, il y a de quoi décourager les meilleures volontés.

Pour citer un exemple au hasard, prenons mon cas ! Malgré les efforts que je déploie pour rendre ce blog intéressant, avec certains billets sur lesquels je n'ai aucune réaction j'ai souvent cette impression :
lorsque vous répondez « personne » à la question : « pour qui j'écris ? », vous en arrivez vite à vous demander : « pourquoi j'écris ? » !
C'est d'ailleurs le cas de mon précédent billet, synthèse plutôt complète de l'évolution prévisible de Google, alors que selon mes stats, il a été consulté à peine par quelques dizaines de personnes (18 aujourd'hui, pour un total de lecture de 47 secondes), en même temps que le nombre d'abonnés de mon flux RSS régressait de 32 à 22 ! Comme signal encourageant, on fait mieux, mais bon... [Début]

* * *

Les anglo-saxons, gens pragmatiques qui ont toujours plusieurs longueurs d'avance quand il s'agit d'Internet, ont forgé deux sigles qui correspondent à la nouvelle réalité du Web, SEO & SEOs : Search Engine Optimization & Search Engine Optimizers, soit l'optimisation pour les moteurs de recherche (et non pas « l'optimisation des » comme dit Google, qui a dû confondre son rôle et le nôtre...) et les optimiseurs, autrement dit les référenceurs (terme relativement plus flou en français).

En outre, l'optimisation d'un site pour les moteurs regroupe trois notions différentes :
  1. l'optimisation graphique
  2. l'optimisation technique
  3. l'optimisation linguistique
Or puisque le sujet est l'écriture sur le Web, je ne m'intéresserai qu'au profil de l'optimiseur linguistique et à son objectif principal :

bâtir un texte selon la règle G + 2H + 5W !

- Le paramètre G indique que vous allez cibler votre sujet autour des concepts et des mots clés les plus porteurs à un moment donné. Les critères sont un peu les mêmes que pour les AdWords, lorsque vous devez optimiser vos enchères, par exemple.

En gros, pour cet article, je pourrais identifier les mots clés suivants :
Positionnement, référencement, Web-écriture, rédactionnel, visibilité, SEO, Internet, moteurs de recherche, Google, blog, 5W + 2H, optimisation, optimiseur, etc.
- Comment ? Billet de blog, habillage avec :
  • titraille
  • chapeau, ou chapô (5W + 1) : résumé en une seule phrase du « qui, quoi, où, quand et pourquoi », pour présenter l'article en s'efforçant d'être informatif, ou mieux encore : incitatif ! Autrement dit, règle de la pyramide inversée, placer dès le début l'info clé pour susciter la curiosité et/ou l'intérêt du lecteur et lui donner envie d'en savoir plus... (exemples)
  • intertitres
- Combien ? De plus en plus, la présence des gens sur la Toile est liée à des visées économiques, d'où l'importance de définir le « combien ». Ici, rien à gagner, si ce n'est ma considération...
- Qui ? De qui je parle, ou à qui ? Dans ce cas, à un public que j'espère intéressé par ...
- Quoi ? Conseils d'optimisation d'écriture pour les moteurs de recherche
- Où ? Sur Internet, cet article n'est lié à aucun lieu en particulier. À noter qu'Internet abolit la funeste loi du mort kilométrique, qui consistait grosso modo à compenser l'éloignement émotionnel d'un fait en insistant sur son intensité (plus ça se passe loin de chez moi, moins ça m'intéresse, d'où la tendance à privilégier une certaine proximité de l'information)
- Quand ? Hic et nunc ! Sauf pour les actus liées à un moment précis, sur le réseau, le temps - comme l'espace - devient davantage virtuel que réel, à moins qu'il ne s'agisse d'un temps réel virtuel ! Pour un blog, un site ou autre, constance et fréquence des mises à jour sont les deux mamelles du succès ;-)
- Pourquoi ? Pour promotionner mon site, mon activité ou ma visibilité en ligne, tout texte peut et doit être promotionnel, l'important est qu'il reste pertinent et, surtout, crédible.

* * *

Vous êtes prêts pour écrire votre prochain article ? Alors à vos claviers ! Mais sachez que vos lecteurs sont des gens pressés, très occupés, qui vont rapidement survoler titre et sous-titre et lire en diagonale les premières lignes. Vous n'avez que quelques fractions de seconde pour capter leur attention, et le défi se renouvelle à chaque paragraphe, faute de les perdre avant la fin de l'article...

De fait, les stratégies d'écriture peuvent et doivent devenir des atouts de positionnement, au même titre que les stratégies de liens ou les stratégies de trafic. [Début]


Ressources connexes





Tags , , , , , , ,

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Jean Marie, quand est ce que tu ecris un livre?

Jean-Marie Le Ray a dit…

@ AW : « Jean Marie, quand est ce que tu ecris un livre? »

Quand je trouve un éditeur ;-)
J-M

P.S. T'es pas éditeur, par hasard ?

Anonyme a dit…

Non, je reste à ma place de lecteur pour le moment, il y a tellement de choses intéressantes à lire que c'est deja pas mal de boulot. :-)

Anonyme a dit…

Félicitations pour cet excellent article.
Les référenceurs ont souvent des difficultés à faire admettre leurs recommandations, surtout aux journalistes qui voient dans le référencement et les techniques d'optimisation un frein à leur créativité. Mais que faut-il choisir ? La poésie ou la performance ?

Jean-Marie Le Ray a dit…

@ Lionel : « Mais que faut-il choisir ? La poésie ou la performance ? »

- la performance poétique :-)

J-M

P.S. J'écris des poèmes depuis plus de 30 ans, et de même qu'il y a une grande analogie entre les poètes et les traducteurs, au niveau du choix des mots, il y a également une grande analogie entre les poètes et les Webscripteurs (si on m'autorise le néologisme), toujours au niveau du choix des mots ... clés

Anonyme a dit…

Bravo, très bon article.
Je l'ai lu d'un bout à l'autre en faisant attention à chaque notions apportés. Car même entre les mots il y a du contenu (je parle notamment de tous les liens compris dans cet article...).

M. Meaneang a dit…

Excellent article, instruit, pertinent et complet en termes d'approche...

Vous qui vous posiez la question "pourquoi j'écris" je peux vous le dire pour des passionnés, comme vous, comme moi et pourquoi ? pour faire avancer la science !

Vivement que vous trouviez un éditeur.

Dans mon blog (http://miseaunet.blogspot.com) j'essaie de me pencher sur l'écriture et le web 2.0 et je me sens moins seule depuis que j'ai lu votre article.

Anonyme a dit…

Votre article est intéressant, et il me fait réfléchir sur plusieurs points :
- la volonté d'aider les moteurs de recherche me rappelle l'histoire des balises META, qui offre la possibilité de spécifier des mots-clés ; les moteurs de recherche avaient finalement dû se passer de cette aide car les internautes en abusaient. Ainsi, avec l'optimisation des textes, ou l'écriture de textes destinés uniquement aux moteurs de recherche, nous reprenons ce chemin déjà parcouru, et tout me laisse croire que le futur sera comme le passé, il y aura des 'optimisations' abusives, et donc, les moteurs de recherche devront prendre des mesures ; bref, l'histoire est un éternel recommencement, et ma politique en matière de contenu de site, serait plutôt orienté 'Information Architecture' que 'SEO' ;
- écrire pour les robots est une chose, mais celui qui fera le succès de votre site reste l'internaute, ainsi, votre remarque sur votre article passé inaperçu (cela a probablement changé depuis ce billet, non ?) ; je vous fais confiance pour la partie optimisation, mais cela n'a pas suffit ; il me semble que c'est un point important pour les entreprises qui voudraient se mettre sur le Net ; y être, s'est bien ; être optimisé, c'est bien ; mais au final, cela ne suffit pas pour garantir le succès ;
- l'importance d'une réflexion sur l'acte d'écriture ; en effet, nous sommes dans une société de l'information, mais même avec l'avènement du multimédia, l'écrit reste fort important, et malheureusement, cet outil n'est pas toujours maîtrisé comme il se doit ; il y a les problèmes de formes (layout, couleur, etc), et les problèmes de fond (écrire pour être compris, etc) ;
- les raisons de blogger ; en ce qui me concerne, j'aime écrire, et tenir un blog me permet de m'obliger à maintenir mes connaissances à jour, ainsi qu'à les repenser ; vous parliez de veille, cela s'intègre dans cette optique ;

Anonyme a dit…

Voila de bonne chose a apprendre pour améliorerez sa visibilité merci!

Anonyme a dit…

Effectivement, très bon article et surtout très bonne formule G + 5W + 2H. Par contre, je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent que la performance (en terme de seo) est un frein au style. Avec beaucoup d'entraînement et des choix réfléchis, on peut très bien optimiser un contenu rédactionnel tout en lui donnant du "goût". Quelqu'un a parlé de "performance créative" : en tant que concepteur-rédacteur, je dis oui.

Anonyme a dit…

Votre article est très bon, mais il manque probablement une section sur "pourquoi se soucier de Google ?" voire "faut-il se soucier de Google ?".

Trop de personnes en ligne considèrent que c'est normal, voire indispensable d'écrire en tenant compte des moteurs, mais je ne le pense pas.

Il existe des milliers de sites qui ne sont pas optimisés pour les moteurs et qui pourtant ressortent bien.

Il existe aussi de nombreux sites qui vivent très bien sans aucun trafic des moteurs.

Baser toute sa stratégie sur Google est une erreur qui peut avoir de graves conséquences: http://www.gourous-du-net.com/2008/03/02/google-vous-fait-mettre-la-clef-sous-la-porte/

Donc aider Google ou les moteurs, oui, mais se focaliser dessus, non.

Jean-Marie Le Ray a dit…

Maxime,

Certes ! Mais ne pas se soucier de Google, ça demande automatiquement une stratégie alternative de présence et de visibilité, y compris via le référencement payant ou les Adwords.
Mais c'est pas donné (c'est le cas de dire...) à tout le monde :-)

Jean-Marie

Anonyme a dit…

Etant donné que personne ne sait si une stratégie de référencement va donner du résultat, et encore moins la qualité de ce résultat s'il existe, il faut dans tous les cas prévoir une alternative dès le début.

Aucun boulanger n'oserait dépendre d'un petit panneau "venez acheter votre pain" dans la devanture d'un magasin de chaussures au bout de la rue. Si demain le cordonnier change d'avis, revend son affaire ou préfère la boulangerie concurrente, que se passe-t-il ?