Au sommet “New business models for News”, organisé par Jeff Jarvis à la CUNY Graduate School of Journalism de New York, « tout le monde planche sur le nouveau modèle des news sans s’embarrasser du papier ». Appelé à disparaître...
La succession des interventions a commencé par celle de Jeff Jarvis, dont voici la présentation :
Présentation dont la caractéristique principale est, selon moi, d'opposer les modèles du XXe siècle, passés, à ceux du XXIe siècle, à venir mais, surtout, d'ores et déjà à l'œuvre. Chaque jour un peu plus.
Voyons ces principales oppositions.
1. Économie de contenus vs. économie de liens
Diapo 3: Content v. link economy
C'est-à-dire, en fait, passer d'un modèle centralisé où le contenu est possédé, contrôlé, distribué et vendu en flux, à un modèle externalisé où le contenu n'est pas dupliqué mais où ce sont les liens externes qui pointent vers ce contenu, rendu cherchable, facile à lier, et donc monétisable.
Dans le premier cas, la valeur est créée par le contenu lui-même ; dans le second, par les liens qui signalent ce contenu. Pour oser une métaphore simplificatrice, je dirais que dans le premier cas on a la présence, dans le second la visibilité.
Or pour augmenter la visibilité d'un site ou d'un contenu, rien de tel que de travailler - et faire travailler - son capital liens ! En se concentrant sur ce qu'on sait faire de mieux, et en reconnaissant aux autres la primeur de ce qu'ils font mieux que nous : « Do what you do best, link to the rest »
Définition pertinente de l'éthique des liens selon Jay Rosen, aux antipodes des pratiques actuelles de la presse française...
2. L'info comme produit vs. l'info comme process
Diapo 9 - Product v. process
Comme le montre fort bien le graphique, l'info est aujourd'hui une production en continu, où le journal/journaliste n'est plus LA source de l'info, qui détient tout, qui fait tout, qui dit tout, univoque et uniformat, mais un process sans départ ni terme bien identifié, avec de nombreuses interactions à tous les niveaux, le plus souvent externes, pas toujours contrôlables, où le journal/journaliste est une tesselle qui s'inscrit désormais dans le puzzle plus ample du réseau.
D'où la nécessité d'abandonner l'idée d'une salle de rédaction autonome et autosuffisante, tellement centralisée qu'elle en est devenue inefficace (diapo 15) pour la transformer en réseau collaboratif : newsroom v. network (diapos 16 à 19). Externalisé, donc.
Nécessité d'autant plus impérative qu'aujourd'hui « l'article journalistique traditionnel n'est plus la brique servant de base à édifier l'information ».
3. L'article vs. l'actu
Slide 10: Article v. topic flow
Dans l'infosphère, l'info n'a plus de centre :
Chaque article doit devenir un « grain d'information, de pensée ou d'opinion », un atome identifiable par un lien unique et permanent, de sorte qu'en assemblant autant d'atomes qu'il le souhaite, dans le temps et dans l'espace, le lecteur est libre de construire sa propre information.Donc, à l'heure du Web où l'info est de moins en moins centralisée et de plus en plus distribuée, dans le temps et dans l'espace, il serait pour le moins anachronique que les médias - et les politiques - veuillent y répondre par une concentration majeure !
(...)
Dans cette ère nouvelle du one-to-one (ou many-to-many, ou many-to-one, ou one-to-many...), l'information ne se bâtit plus sur un modèle vertical, top-down qui plus est, mais horizontal, transverse, de liaisons (liens).
Par agrégation/associations d'idées, d'infos, de liens, de billets, de vidéos, de pages de résultats de moteurs, de micro-messages, de fils de discussion, de présentations, de documents partagés, etc. En clair : de tout ce qui peut faire sens. Indépendamment du support.
4. Concentration vs. externalisation/distribution
Slide 12: Centralized v. distributed
Option ringarde : envisager aujourd'hui des médias toujours plus concentrés, tel qu'il ressort des orientations de l'actuelle grande fumisterie des états généraux de la presse, où l'on dégage la furieuse impression que leur seul but est de cacher la merde au chat : on amuse la galerie d'un côté, alors même qu'en coulisse tout est déjà décidé !
Et qu'il y ait des alternatives possibles pour une nouvelle architecture de l'info ne change rien à l'affaire, dès lors que ces modèles ont le seul gros défaut de ne nécessiter aucune aide de l’État, « ce qui constitue une faute de goût majeure ».
Or comme l'a justement fait observer Edward Roussel, deuxième intervenant, baisse des revenus ne signifie pas automatiquement baisse des profits :
Mais ce sont là des menus détails, je vous le concède, qui ne devraient pas modifier d'un pouce l'inébranlable volonté de nos décideurs politiques, toujours droits dans leurs bottes dès qu'il s'agit de pérenniser les monopoles. Même mourants, pourvu qu'ils soient à leur service.
Comme quoi l'histoire de la presse n'est qu'un perpétuel recommencement...
Lien connexe : A new model for news
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2 commentaires:
Bonjour Jean-Marie
La mutation est en cours, on distingue des pistes pour le futur .... Voici venu le temps des explorateurs !
Pierre,
Par association d'idées, je me suis rappelé de ces mots de Jarvis prononcés durant son intervention : Yahoo is the last old media company !
Qu'en penses-tu ?
Jean-Marie
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