samedi 12 novembre 2011

Silvio Berlusconi : dans la queue le venin

À lire : Ciao Berlusconi ! Comment Silvio est-il devenu l’actif le plus toxique d’Italie ?
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Aujourd'hui, samedi 12 novembre 2011, Silvio Berlusconi devrait démissionner dans la soirée, forcé de le faire par l'Europe et les marchés, et les italiens à la traîne. Fort heureusement, il a été pris de vitesse par les événements sans même pouvoir jouer ses dernières cartes. La chute a été rapide, inattendue dans son immédiateté, mais pour autant ça ne veut pas dire qu'il soit encore hors circuit. Malheureusement !

Dans son cas, in cauda venenum ne s'applique pas à ses discours - ça fait si longtemps qu'il n'a plus rien à dire, hors ses mensonges -, mais à sa fin de règne, un règne délétère qui se base depuis le début sur la tromperie, la corruption, la censure, le chantage, l'escroquerie, la manipulation, la propagande digne du meilleur Goebbels, la cupidité de son entourage servile, l'endormissement et l'abrutissement de l'opinion publique (panem et circenses), le viol du langage et des consciences, les fausses promesses, l'espionnage, les collusions mafieuses, criminelles, maçonniques fourvoyées, occultes, etc. etc.

Et sur la crédulité indifférente et immense de tout un peuple qui s'est laissé rouler dans la boue, à son insu de son plein gré, par ce triste bonimenteur marchand de soupe.

J'ai déjà déployé une somme considérable de temps et d'énergie pour dénoncer cela à celles et ceux qui veulent bien me lire, dans plus d'une centaine de billets sur ce blog et environ 200 autres billets sur mon blog italien. Et je ne l'ai fait pour personne d'autre que mon fils, pour qu'il grandisse dans un pays libre et démocratique. Sans lui je n'aurais probablement pas eu la force de le faire.

Or aujourd'hui le désastre berlusconien semble s'étaler au grand jour dans toute la presse et les médias internationaux, alors que dans mon coin j'essaie d'expliquer cela en long, en large et en travers depuis plus de deux ans : le jour-même de la création de son dernier parti politique, le PDL, aujourd'hui au bord de l'implosion, je dénonçais un parti mort-né, un véritable avortement, ce qu'il a lui-même reconnu implicitement il y a moins d'un mois, en déclarant que ce sigle politique "ne communiquait absolument plus rien aux gens, ni sentiments ni émotions".

Un constat d'échec cuisant qu'il fait sans le vouloir, qu'il reconnaît sans le dire, une catastrophe absolue qui laisse l'Italie exsangue après presque 20 ans de berlusconisme, durant lesquels lui et Tremonti ont créé pratiquement 600 milliards d'euros de dette publique, soit près d'un tiers de l'actuelle dette italienne à eux seuls. Sans créer en contrepartie ni emplois ni richesses, mais juste davantage de criminalité, de pauvreté et d'injustice. La culture civile est détruite, la cohésion sociale idem, plus rien n'est sur pied dans ce pays, c'est impressionnant, quasi impossible à raconter ! Il me faudrait au moins une centaine d'autres billets juste pour esquisser un début d'explication...

Sur sa prochaine édition européenne à paraître, Time met sa tête de faux bouffon rigolard à la une en titrant : « L'homme qui est derrière l'économie la plus dangereuse au monde » (The man behind the world's most dangerous economy), et pour ses éditions américaine et asiatique : « Comment Berlusconi est-il devenu l'actif le plus toxique d'Italie ! » (Ciao Berlusconi! How he became Italy's most toxic asset).

Or combien de fois ai-je dit ici-même que Berlusconi était un danger pour l'Europe et pour la démocratie ? J'en ai même fait le titre d'un billet !

Tout comme le mois de la création de son parti, j'anticipais ce qui est réalité aujourd'hui : Oggi, l'Italia andrebbe commissariata ... ma da chi? (Aujourd'hui l'Italie devrait être mise sous tutelle, sous surveillance, ... mais par qui ?).

J'écrivais cela le 10 mars 2009, il aura donc fallu deux ans et demi pour que l'Europe se réveille et se rende compte que l'Italie n'est plus seulement une affaire européenne, mais qu'elle inquiète tous les grands de ce monde !

Et ils ont raison de s'inquiéter, l'Europe et les grands de ce monde, car la partie n'est pas encore jouée ! Ce n'est pas le genre de personnage à tomber sans réagir, et surtout à tomber tout seul. Car s'il peut entraîner le pays dans sa chute, il le fera volontiers, sans remords ni scrupules et sans l'ombre d'une hésitation. D'autant plus qu'il est aux abois à présent, lui aussi sait qu'il est au bord du gouffre, et par conséquent prêt à faire n'importe quoi dans l'espoir indécent de sauver ce qui peut encore l'être...

Donc si l'Italie veut regagner sa crédibilité irrémédiablement compromise, et moins encore au plan international qu'en tant que nation, elle a une voie toute tracée : mettre enfin Berlusconi hors d'état de nuire en le frappant d'ostracisme pour l'empêcher de décider quoi que ce soit à quelque niveau que ce soit ! Seules les oubliettes conviennent à un tel énergumène.

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Aujourd'hui, samedi 12 novembre 2011, Silvio Berlusconi devrait démissionner dans la soirée, et j'espère sincèrement que c'est la fin d'un cauchemar que des millions de citoyens de ce pays vivent éveillés chaque jour. L'Italie est déjà impardonnable d'avoir attendu si longtemps pour chasser Berlusconi, au point de n'avoir plus été capable d'y parvenir seule, mais si elle devait succomber une fois encore aux sirènes maléfiques de ce bonimenteur marchand de soupe, alors il est évident que son peuple serait indigne de la démocratie. La démocratie, ça se conquiert et ça se défend :
Pourquoi défendre la démocratie ? Personnellement, c'est juste une question de principe. Je pense en effet que la démocratie est la forme politique plus évoluée qui aurait pu permettre aux peuples de s'affranchir des différents totalitarismes, du communisme au capitalisme en passant par le nazisme ou le "socialisme de marché", etc.

Or ce que je vois se produire aujourd'hui dans deux "démocraties" telles que la France et l'Italie me pousse à être très pessimiste quant à la capacité des peuples de s'affranchir de ces totalitarismes en exerçant leur responsabilité, et leur discernement. Ou tout simplement leur esprit critique.

(...)

Car (la démocratie) « est une valeur. Et c’est cette valeur, l’inaliénable vocation des hommes à prendre en charge leur destin, tant individuel que collectif », que j'ai à cœur de défendre.

Et je n'arrive pas à me faire une raison de voir la facilité et la passivité avec lesquelles ces deux peuples se font manipuler...
Vingt ans de fascisme et vingt ans de démocrature populiste suffiront-ils pour faire comprendre aux italiens qu'il serait temps de changer de cap, ou faudrait-il attendre, comme le disait Umberto Eco, que Silvio Berlusconi fasse un million de morts avant que les italiens ne cessent de le soutenir ?

L'avenir nous le dira. Mais gare aux coups de queue du caïman...

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mardi 8 novembre 2011

L'influence délétère de Silvio Berlusconi

L'une des raisons pour lesquelles Berlusconi s'accroche au pouvoir avec un acharnement incompréhensible vu de l'extérieur, c'est qu'il en profite pour se faire voter des lois "ad personam", autrement dit des lois favorables à lui, à sa famille, ses amis ou ses sociétés. Et si dans le passé, d'autres l'ont fait en sa faveur, aujourd'hui plus personne autre que lui ne pourrait le faire à sa place. D'où son entêtement extrême à vouloir rester aux affaires pour continuer à sucer le peu de sang vif qui reste encore à son pays.

Je vais vous donner quelques exemples peu connus en France, qui expliquent fort bien l'assiduité dans l'enchaînement et la constance sans faille de Silvio Berlusconi pour devenir le patron incontesté de l'Italie. Jusqu'à aujourd'hui !!!

1. Dans les années 70, dès son premier grand chantier, celui qui lui apporta la notoriété, dont Giorgio Bocca (partisan et grand journaliste italien) écrivait, le 11 mars 1976 sur le quotidien La Repubblica :
“Milan est la ville où un certain Berlusconi, 34 ans, est en train de construire "Milano 2", un chantier qui coûte 500 millions de lires par jour. Qui lui a donné cet argent ? Nul ne le sait. Qui lui a donné les permis de construire et l'autorisation de détourner le trafic aérien pour que les avions ne passent plus au-dessus de son quartier ? Ça on le sait, même si on ignore le reste. Comment est-il possible qu'un jeunot de 34 ans comme ce Berlusconi ait son “jet” personnel qui le mène aux Caraïbes, où il prend son bateau qui serait en fait un navire océanographique ? Nous serions quand même très curieux et très intéressés de connaître des lèvres de Monsieur Berlusconi l'histoire de sa vie : qu'il nous raconte comment fait-on pour passer de l'aiguille au million, ou du million aux cent milliards”.
Oui, qui lui a donné cet argent ?

Et qui lui a donné les permis de construire et l'autorisation de détourner le trafic aérien pour que les avions ne passent plus au-dessus de son quartier ? Grâce à un subterfuge gros comme ... un hôpital ! L'hôpital San Raffaele, celui de son ami Verzé, prêtre défroqué dans les années 60 et suspendu a divinis qui continue de s'habiller en curé 50 ans après et vient d'être chassé du conseil d'administration de l'hôpital au bord de la faillite avec plus d'1,5 milliard d'euros de dettes cumulées auprès des banques, son principal collaborateur récemment suicidé et un empire déclinant caractérisé par du louche ... à la louche !

Voici une reproduction des plans de vol donnés aux pilotes atterrissant et décollant de l'aéroport de Linate où la grosse tache noire marquée "Hospital" n'est pas du tout l'hôpital, dont la construction n'était pas même terminée à l'époque, mais représente l'ensemble de la zone Milano 2, la ville-satellite édifiée par Berlusconi, dont le slogan était : "une oasis de paix aux confins de Milan !"


Oasis dont on voit mieux les contours ici, avec en haut à gauche du M2, le H et les dimensions réelles de ce qui était destiné à devenir le complexe hospitalier. Mais jusqu'alors, début des années 70, je rappelle, nul n'avait encore jamais vu un hôpital de 700.000 m² ! Tout comme on aperçoit dans le coin inférieur gauche le cimetière de Lambrate, attenant à Milano 2.

Or voici ce que ça donne aujourd'hui sur Google Maps, où j'ai délimité la zone de Milano 2 en rouge et les deux rectangles hachurés de jaune, qui recouvrent la surface de l'hôpital en haut et du cimetière en bas :


Pour autant, le stratagème a suffi pour détourner le trafic aérien au grand dam des communes environnantes... Du reste, selon la Convention de Chicago relative à l'Aviation Internationale Civile, cette zone devait rester verte et inhabitable, car on comprend bien qu'à l'époque, le passage d'une centaine d'avions par jour sur les têtes des habitants, ça faisait désordre...

2. Le 16 avril 1973, un an avant que l'arrêt n° 226/1974 de la cour constitutionnelle italienne ne libéralise la diffusion télévisée par câble, la chaîne Telemilanocavo est constituée pour desservir les 20 000 télespectateurs de Milano 2, qui deviendra ensuite TeleMilano58 en prenant le numéro du canal qu'elle occupait. Après quatre années de relative inactivité, c'est en 1977 (année précédant celle de l'inscription de Berlusconi à la P2...) que la chaîne commence à émettre sur le réseau hertzien local de la région de Milan, puis évolue sous l'impulsion d'un nouvel associé de Berlusconi, expert de fréquences TV et titulaire de la société Elettronica industriale, Adriano Galliani (actuel vice-président du Milan AC).

Lui a l'expertise, Berlusconi les moyens, et de là partira l'aventure télévisée de Sua Emittenza, que Larousse traduit joliment par Éminence des ondes, dont les débuts ont été retracés dans un livre de Giovanni Ruggeri et Mario Guarino intitulé INCHIESTA SUL SIGNOR TV : Berlusconi essaiera d'en empêcher la publication par tous les moyens et les attaquera en diffamation, mais sans succès...

La référence faite plus haut à la P2 n'est pas gratuite, puisque le tristement célèbre "plan de renaissance démocratique", qui date de 1976, rappelons-le, prévoyait explicitement pour la presse et la TV :
  1. la création immédiate d'une agence chargée de coordonner la presse locale (qui fera dans le temps l'objet d'acquisitions successives) et la TV via câble à implanter en cascade de manière à contrôler l'opinion pubblique des citoyens lambdas au coeur du pays [immediata costituzione di una agenzia per il coordinamento della stampa locale (da acquisire con operazioni successive nel tempo) e della TV via cavo da impiantare a catena in modo da controllare la pubblica opinione media nel vivo del Paese].
  2. la multiplication des chaînes radio et TV au nom de la liberté d'antenne (art. 21 de la Constitution italienne), et la suppression de la RAI. Toutes ces chaînes et ces journaux devront être coordonnés par une agence centralisée de la presse [moltiplicazione delle reti radio e TV in nome della libertà di antenna (art. 21 della Costituzione), e la soppressione della RAI. Queste emittenti e i giornali dovevano essere coordinati da un'agenzia centrale per la stampa].
Pour réussir à fédérer le plus possible les télés locales indépendantes, en 1979 Berlusconi acquiert auprès de la Titanus (à l'époque l'une des plus importantes sociétés cinématographiques d'Italie) environ 300 films pour 2,5 milliards de lires, somme alors considérable, dont il proposera ensuite la diffusion gratuite aux chaînes locales pourvu qu'elles acceptent en contrepartie de faire partie d'un "circuit télévisé" qu'il contrôle. Il passe d'autres partenariats et entrecoupe ses films de publicités provenant d'une seule et même régie, qui deviendra en octobre 1979 Publitalia 80, dirigée par Marcello Dell'Utri...

C'est le plan P2 qui se met doucement mais sûrement en place, à la lettre !

Je vous passe les détails, il faudrait écrire un livre entier (...), disons seulement que le plus grand chaos règne dans le paysage audiovisuel italien, avec en 1975 environ 350 chaînes en Italie, et d'autres grands éditeurs qui voudraient bien leur part du gâteau : Mondadori avec Rete Quattro, Rusconi avec Antenna Nord puis Italia 1, etc. Mais aucun d'eux n'a les disponibilités financières inépuisables ni les relations de Berlusconi, qui raflera la mise...

Un parcours sans trop d'embûches jusqu'au 16 octobre 1984, où les parquets de Rome, Turin et Pescara décident d' "éteindre" au niveau régional ses trois principales chaînes : Canale 5, Italia 1 & Rete Quattro. Une menace sérieuse dont il sera sauvé en catastrophe par trois décrets de Bettino Craxi, un premier décret-loi jugé anticonstitutionnel dans la foulée mais immédiatement représenté tel quel : le 6 décembre, le décret "Berlusconi-bis" est approuvé par le parlement italien sous l'impulsion de Craxi qui menace de faire sauter le gouvernement. L'année suivante, enfin, le décret "Berlusconi" sera définitivement converti en loi.

C'est donc Bettino Craxi qui a permis à Berlusconi de conserver - et, à partir de là, d'augmenter démesurément son pouvoir d'influence, qui a conditionné, et conditionne aujourd'hui encore, toute la vie "démocratique" (au sens piduiste...) italienne. D'ailleurs presque 10 plus tard, Craxi aura également sa part de responsabilité dans les origines du parti politique Forza Italia, et rappellera à Berlusconi l'énorme pouvoir de propagande que lui confèrent la propriété et le contrôle des télés :
Imagine un collège électoral, qui compte environ 110 000 électeurs, dont 80-85 000 ont droit de vote. Sur ceux-là, environ 60-65 000 iront voter. Donc si tu tiens compte de ce nombre et de l'arme formidable que tu as entre les mains, tes télévisions, grâce auxquelles tu peux orchestrer une propagande martelante en faveur de tel ou tel candidat, alors il te suffit d'organiser une étiquette capable d'en regrouper 25 ou 30 000 pour avoir de fortes chances de renverser les pronostics, soit par l'effet de surprise, soit par l'effet « télévision » ou simplement par effet de la volonté qu'ont les électeurs non communistes de ne pas être gouvernés par des communistes.
(...)
Il te suffit de trouver le bon sigle, et grâce à tes télés et à l'organisation structurée de tes entreprises ... avec les femmes et les hommes que tu as partout sur le territoire italien, alors tu pourras réussir à récupérer toute la partie de l'électorat qui est bouleversée, confuse, mais aussi déterminée à ne pas être gouvernée par les communistes et à sauver ce qui peut encore l'être.

"Questo e' un collegio elettorale. Gli elettori saranno presumibilmente 110 mila persone e 80 85 mila quelli che avranno diritto al voto. Quelli che andranno a votare saranno 60 65 mila. Prendendo in considerazione queste persone e con l' arma che tu hai in mano delle tv, attraverso le quali puoi fare una propaganda martellante a favore di questo o quel candidato, ti bastera' organizzare un' etichetta che riesca a raggrupparne 25 30 mila, per avere forti probabilita' di rovesciare il pronostico. Accadra' per l' effetto sorpresa, per l' effetto televisione o per l' effetto del desiderio che gli elettori non comunisti hanno di non essere governati dai comunisti".
Bettino insiste, cerca di convincere l'amico Silvio: "Se trovi una sigla giusta, con le tv e le tue strutture aziendali... Hai uomini sul territorio in tutta Italia, puoi riuscire a recuperare quella parte di elettorato che e' sconvolto, confuso, ma anche deciso a non farsi governare dai comunisti e a salvare il salvabile".
Craxi, qui fut en outre témoin de Berlusconi à son mariage avec Veronica Lario et parrain de Barbara, leur première fille, fut donc aussi un bon prophète puisque c'est effectivement ce qui s'est passé.

Une maîtrise des ondes trop souvent abusive, qui atteignit son comble avec l'affaire Rete 4 contre Europa 7, un conflit impossible à bloguer car trop long, pour lequel Berlusconi s'est fait faire un nombre impressionnant de lois et d'autres mesures ad hoc.

Après plus d'une décennie qui a vu notamment trois sentences de la Cour constitutionnelle italienne (1988, 1994 et 2002) contraires à Rete 4, après la loi Gasparri et une infinie série de retournements ...), dont un rapport d'avril 2004 sur les risques de violation, dans l'Union européenne et particulièrement en Italie, de la liberté d'expression et d'information, où le Parlement européen observe, entre autres :
(...)

61. ... que le système italien présente une anomalie qui réside dans la réunion d'un pouvoir économique, politique et médiatique entre les mains d'un seul homme, à savoir Silvio Berlusconi, actuel président du Conseil des ministres, et dans le fait que le gouvernement italien contrôle directement ou indirectement toutes les chaînes de télévision nationales;

62. prend acte du fait que, depuis des décennies, le système radiotélévisuel fonctionne en Italie dans une situation d'illégalité, qui a été établie à de nombreuses reprises par la Cour constitutionnelle et face à laquelle le concours du législateur ordinaire et des institutions compétentes n'a pas permis le retour à un régime légal...
suivi de la résolution P5_TA(2004)0373 du Parlement européen sur la Liberté d'expression et d'information, qui reprend les termes exacts du rapport en concluant :
87. invite le Parlement italien :

- à hâter ses travaux sur la réforme du secteur audiovisuel selon les recommandations de la Cour constitutionnelle italienne et du président de la République, en tenant compte des incompatibilités avec le droit communautaire que ceux-ci ont relevées dans certaines dispositions projet de loi Gasparri,

- à résoudre réellement et de manière appropriée le problème que pose le conflit d'intérêts du président du Conseil, qui contrôle directement le principal exploitant de télévision privée et indirectement le principal exploitant de télévision publique, la principale régie publicitaire, ainsi que de nombreuses autres activités liées au secteur audiovisuel et médiatique,

- et à adopter des mesures garantissant l'indépendance de l'organisme public de radiodiffusion et de télévision ;
... après un arrêt de la Cour de Justice européenne du 31 janvier 2008, qui statue que LE RÉGIME ITALIEN POUR L’ATTRIBUTION DE RADIOFRÉQUENCES POUR LES ACTIVITÉS DE RADIODIFFUSION TÉLÉVISUELLE EST CONTRAIRE AU DROIT COMMUNAUTAIRE, en ce qu'il « ne respecte pas le principe de libre prestation de services et ne suit pas de critères de sélection objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés. », après tout cela et de nombreux autres épisodes que je passe sous silence, l'Union européenne a fini par ouvrir une procédure d'infraction contre l'Italie pour l'obliger à mettre un terme à une situation illégitime qui dure depuis une bonne dizaine d'années !

Les choses se sont terminées au profit de Berlusconi, en lui permettant ainsi d'asseoir définitivement son emprise sur la télévision commerciale en Italie.

Quant à l'autre partie "télé" du plan P2, qui prévoyait l'abattement des chaînes publiques, Berlusconi poursuit cette tâche avec assiduité depuis qu'il est au pouvoir, et il faut lui reconnaître qu'il a parfaitement réussi dans l'entreprise. En 1994 il avait promis de ne pas même toucher une plante à la RAI, et il a maintenu sa promesse, puisqu'il ne reste aujourd'hui pratiquement plus rien du service public, sauf les plantes...

Il y a une déclaration de Berlusconi que j'ai vu passer par hasard en 2009, qui selon moi résume parfaitement tout ce que je viens d'expliquer. Berlusconi est en Tunisie où il est associé à Tarak Ben Ammar au capital de Nessma TV, et lors d'une visite sur le tournage de Baaria, il eut ces mots particulièrement inquiétants, en français (à partir de 1'25'', merci à Daniele Sensi pour m'avoir rafraîchi la mémoire) :
Une télévision qui va naître, c'est toujours un miracle, fantastique ! Parce qu'à l'époque moderne, il n'y a rien qui influence les gens plus que la télévision. Même la presse reste loin derrière. Donc vous avez entre vos mains une grande opportunité de faire du bien...


Le désastre italien après 20 ans de berlusconisme (qui n'a rien à envier aux 20 ans du fascisme mussolinien) est l'illustration parfaite de ce type d'influence.

Une influence extrêmement délétère pour la démocratie, et je vois déjà sur l'Internet tunisien des réactions très critiques sur Nessma, qui fut même déclarée indésirable en Algérie. Un peu comme La Cinq en son temps, virée par notre Jacquou national qui s'en prit violemment au "marchand de soupe" transalpin. À noter au passage que l'affaire eut des suites ;-)

J'arrête ici la première partie de ce billet, mais dans un prochain je vous raconterai l'une des dernières dispositions sur mesure, présentée par Berlusconi lui-même, pas très vieille puisqu'elle remonte pas plus tard qu'au 14 juillet dernier. Pour l'occasion, c'était jour de fête aussi en Italie...

Vous verrez, c'est surprenant !

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P.S. Les deux cartes en début de billet sont extraites du Dossier Berlusconi, années 70, paru aux éditions Kaos. (p. 76-77)

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lundi 17 octobre 2011

Et maintenant, que fera Berlusconi ?

Dix mois exactement après le précédent vote du 14 décembre 2010, le 14 octobre 2011 Berlusconi a de nouveau remporté le vote de confiance avec 316 voix pour, soit très précisément le quorum nécessaire, contrairement à ce que raconte la Tribune.

Sur les réactions côté français, je vois surtout consternation et incompréhension. Normal, vu de l'étranger, la situation italienne est totalement incompréhensible. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il finira l'actuelle législature, dont le terme naturel serait au printemps 2013. Plus personne n'y croit ici en dépit des déclarations, à commencer par Berlusconi et Bossi, le couple infernal qui tient l'Italie sous le joug.

Je vais donc me lancer dans un petit exercice de prospective, en essayant de dessiner le tableau de ce qui pourrait se passer dans les semaines et les mois à venir.

Le premier point, central, pour lequel Berlusconi s'accroche au pouvoir avec le désespoir d'un pthirus pubis en fin de carrière, et sans lequel toute perspective de compréhension est faussé si on ne le prend pas en compte, c'est qu'il a besoin de se faire voter encore quelques lois ad personam pour lui éviter la taule.

La première, c'est la fameuse loi-bâillon qu'il repropose régulièrement pour censurer la presse et toute la partie de l'information qu'il n'a pas encore réussi à contrôler à ce jour. Attendez-vous à ce qu'on en reparle très bientôt...

Aujourd'hui même, Repubblica publie une écoute où Berlusconi dit à Lavitola (un jour faudra que j'écrive un billet sur ce personnage...), textuellement :
Je laisse tout tomber ou alors, allons-y avec la révolution, mais la vraie révolution : faisons descendre des millions de personnes dans la rue, démolissons le Tribunal de Milan, assiégeons Repubblica, ou des trucs dans ce genre, je ne vois pas d'autre alternative...

(Io lascio oppure facciamo la rivoluzione, ma la rivoluzione vera... Portiamo in piazza milioni di persone, facciamo fuori il palazzo di giustizia di Milano, assediamo Repubblica: cose di questo genere, non c'è un'alternativa...)
Si vous voulez l'entendre de sa voix... Ce même Lavitola qui est sous le coup d'un mandat d'arrêt, à qui Berlusconi en personne conseille (autre conversation finie sur écoute, en dépit du fait que Berlusconi téléphonait avec un mobile ayant une carte SIM intitulée à un colombien...) de rester à l'étranger et de ne pas rentrer en Italie bien que, publiquement, personne ne fût encore au courant !

Donc vous comprenez qu'il n'a aucune envie que ses déclarations sortent au grand jour, d'autant que le pauvre homme est devenu totalement incontrôlable. Dès qu'il ouvre la bouche il profère des horreurs, pornos ou subversives, c'est selon, et quand il parle publiquement il ne dit jamais rien de vrai !

La deuxième loi dans l'ordre des priorités, ou vice-versa, est ce qu'ils appellent ici la "prescription brève" et qui devrait servir à lui éviter d'être condamné dans l'affaire Mills (condamnation inévitable autrement) et dans d'autres en cours ou à venir. Après le procès express, décidément Silvio le Bref porte bien son nom...

Or d'après les estimations que j'ai pu lire ici et là, avec cette loi plus d'un million de procès prendraient fin brusquement sans aucun espoir de justice pour des centaines de milliers de victimes...

Mais il y a également d'autres procès dont personne ne parle jamais et qui pourraient l'inquiéter. Il s'agit des procès pour l'assassinat de Paolo Borsellino, qui a marqué le début de la saison sanglante ayant vu en parallèle l'éclosion d'un parti né de nulle part, et dont de nombreux repentis (pas loin d'une trentaine !) dénoncent depuis des années l'implication de Dell'Utri et Berlusconi dans les négociations du pacte état-mafia (le fameux Papello), certains les accusant explicitement d'être les commanditaires des attentats, dont celui du Stade Olympique de Rome.

Mais cette fois, c'est officiel, le Procureur général du Parquet de Caltanissetta, Roberto Scarpinato, a officiellement demandé la réouverture des deux premiers procès Borsellino, en déclarant qu'il était évident que d'autres "sujets", extérieurs à la mafia, sont impliqués dans l'assassinat du juge, et ont organisé ensuite un dépistage massif pour éloigner les enquêteurs de la vérité :

C'è una faticosa ricostruzione della verità all'interno di una strage, nella quale, purtroppo, le acque sono confuse a causa di depistaggi che non sono stati concepiti all'interno della mafia, ma all'esterno. Vi sono seri elementi che fanno ritenere che sia nella fase di ideazione della strage che quella esecutiva siano stati coinvolti soggetti esterni all'organizzazione mafiosa. Noi abbiamo trasmesso una copia della richiesta alla commissione parlamentare antimafia, anche su richiesta del presidente.

(Nous avons tenté de reconstruire laborieusement la vérité interne à l'attentat, autour duquel, malheureusement, les eaux sont troubles à cause de dépistages conçus non pas par la mafia, mais en dehors. De sérieux éléments suggèrent que des sujets externes à l'organisation mafieuse sont impliqués aussi bien dans la phase préparatoire que dans la phase exécutive du massacre. Nous avons transmis une copie de la requête de réouverture du procès à la Commission parlementaire antimafia, à la demande de son président.)

Tout le reste, comme les plans d'austérité et de relance pour "sauver" l'Italie selon les indications de la BCE, notamment, c'est bien le cadet de ses soucis, car il sait trop bien qu'il ne pourra jamais terminer la législature dans ces conditions. Mais comme la SEULE possibilité pour réussir à se sortir de la situation inextricable dans laquelle il se trouve est de se maintenir au pouvoir - unique condition dans laquelle il peut espérer voir son impunité garantie -, alors il prépare déjà les prochaines élections, qui, selon toutes probabilités, devraient se tenir au printemps 2012.

Selon l'Espresso, il aurait déjà commencé en grand secret à réserver les espaces publicitaires pour la campagne électorale, et caresserait l'idée de déployer deux listes distinctes, l'une liée à son nom et à son image (!), et l'autre, à son nouveau parti politique de droite.

Donc, d'après plusieurs infos que j'ai pu recouper, cette refonte se ferait autour de deux options possibles, avec Italia per sempre (l'Italie pour toujours) comme liste personnelle, et Siamo Italia (jeu de mots - fort bien trouvé, d'ailleurs - entre "Nous sommes l'Italie" et "Si, j'aime l'Italie) pour les nouveaux nom et logo du futur parti.

Soyons sûrs que sa puissance financière et son contrôle des télés feront le reste, d'où sa volonté absolue de bâillonner dès maintenant (ou pour le moins de tenter) presse, télé et Web confondus. Condition sine qua non pour réussir dans son intention. La lutte sera dure...

Pour conclure en résumant, voici le programme que planifie probablement Berlusconi dans les mois à venir :

  1. d'abord se blinder au niveau judiciaire en faisant passer en force des lois en sa faveur et pour censurer les voix dissidentes, et
  2. une fois tranquille de ce côté, lancer sa campagne politique destinée à retourner l'opinion publique, une fois de plus, en vue des élections au printemps prochain.

Sauf imprévus d'ici là, et notamment un sursaut de dignité soit des forces qui ne sont pas encore totalement corrompues, soit d'une opinion publique réveillée, soit des deux...

Revivre le cauchemar de 1994 en 2012 serait fatal pour l'Italie, et pour l'Europe, qu'on se le dise !

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jeudi 6 octobre 2011

Forza Gnocca !

Ce blog ayant vu le jour pour parler de traduction, permettez-moi de m'autoriser une digression sur une déclaration tenue ce jour par l'infâme Berlusconi, cette espèce de vieux bouffon qui fait également office de président du conseil des ministres italien à temps perdu et entre deux orgies (les majuscules, faut les mériter).

Donc le jour-même où le Président de la République italienne, M. Giorgio Napolitano, a prononcé un discours touchant pour l'enterrement de quatre femmes et une adolescente à Barletta, travailleuses au noir dans un atelier qui s'est écroulé sur leurs têtes en début de semaine, ce débile de Berlusconi ne trouve rien de mieux à déclarer que s'il devait renommer son parti politique, il l'appellerait "Forza Gnocca".

Or je vois ici et dans la presse que la chose a été traduite en français par "allez minette", expression gentillette, voire guillerette, qui ne rend guère justice à la force de l'italien (tant qu'à faire, mieux vaut le "go pussy" anglo-saxon), un problème déjà rencontré dans le passé, lorsque Berlusconi avait publiquement traité de connards tous les italiens qui ne votaient pas pour lui.

Je vais donc tenter de vous expliquer le "Forza Gnocca", dont une interprétation "propre" nous dit que le terme "Gnocca" est une « référence étymologique au sexe féminin, qui désigne communément une femme avenante. »

Formellement, c'est juste, mais comme pour couillon/connard, le registre de la langue n'est pas le bon.

Voyons ça de plus près, comme dirait un gynécologue.

La première analogie berlusconienne est celle à son parti politique originel, dénommé Forza Italia, qui reprend le cri des "tifosi" lorsqu'ils supportent l'équipe d'Italie, en hurlant soit "Forza Italia" soit "Forza Azzurri", dont l'on peut transposer en français une équivalence pratiquement identique avec "Allez la France" (Forza Italia), ou "Allez les Bleus" (Forza Azzurri). Marque d'encouragement et d'enthousiasme.

Ça c'est pour la première partie de l'expression. Quant à "Gnocca", la deuxième partie, c'est effectivement l'un des termes utilisés pour désigner le sexe de la femme, ou encore la femme elle-même lorsqu'on juxtapose au terme une épithète : "bella gnocca" (traduisible par "un canon", une "affaire", un "beau colis", etc.), ou plus rarement "brutta gnocca" (un boudin) ou pire, "porca gnocca" (une salope). Ceci étant, il est clair que chaque fois qu'on fait référence à la femme par le terme "gnocca", la connotation sexuelle est prégnante.

Reste donc à savoir si dans l'expression "Forza Gnocca", le "gnocca" se réfère plutôt à la femme, ou plutôt à son sexe. Et bien sans grande crainte de me tromper, je peux vous dire qu'en ce moment, dans l'esprit des italiens, y a pas photo !

Aujourd'hui même, une députée de gauche s'est faite apostropher au Parlement par un gentil "vai a farti scopare" (va te faire baiser, va te faire tirer, etc.), qui émanerait d'un parlementaire de la Ligue du Nord dont le chef, Umberto Bossi, aime fréquemment à s'exprimer par un doigt d'honneur ou par un prout sonore lui sortant de la bouche ("pernacchia", en italien) entre deux borborygmes. C'est un jugement politique comme un autre, me direz-vous, éminemment partageable en Italie...

Ou encore lorsque les écoutes téléphoniques nous rapportent les conversations téléphoniques du premier ministre ("Poi ce le prestiamo... Insomma la patonza deve girare..." : après on se les échangera, faut faire tourner la moule...), ou le jugement que portent ses courtisanes sur lui ("un vieux cul flacide", selon celle qui est actuellement accusée d'avoir organisé le réseau de prostitution autour de Berlusconi, et qui s'appelle Minetti, avec un "i" final...), etc. etc.

Donc le meilleur moyen de traduire "Forza Gnocca" en français, pour rendre l'idée de la façon dont les italiens le perçoivent aujourd'hui, ce n'est certes pas "allez minette", mais plutôt "allez la moulasse", voire "vive la moulasse", ou la motte, la chatte, le barbu, le cresson, le gazon, la chagatte, la choune, la cramouille, la moniche, la babasse, et ainsi de suite (j'ai plus de 500 "options" dans mon dico d'argot).

Maintenant imaginez une seule seconde si Sarko nous rebaptisait l'UMP par un plaisant "Vive la moulasse", et vous voyez déjà la révolution dans les chaumières... Ici, non, tout va bien madame la marquise, c'est tout juste si l'opposition a remarqué que la chose était scandaleuse...

Au moins, on est sûr que le Silvio il travaille pour l'image de son pays et sa crédibilité dans le monde ! C'est d'ailleurs exactement ce dont l'Italie a besoin en ce moment...

Reste à savoir l'emblème qu'il choisira, mais faisons-lui confiance.

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P.S. Quand je pense à l'article 54 de la Constitution italienne, qui énonce que "tout fonctionnaire public ayant prêté serment a le devoir d'accomplir son mandat avec honneur et discipline", je me dis que plus anticonstitutionnel que Berlusconi, tu meurs !

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mardi 4 octobre 2011

Censure en Italie : premiers signes sur Wikipedia.it

Voir mon approfondissement sur l'Observatoire des médias...

Si cette fois Berlusconi passe sa putain de loi-bâillon qu'il avait dû remiser dans les placards l'année dernière, en discussion dès demain à la chambre des députés, alors c'est la censure totale en Italie, terminé la liberté de la presse et mort assurée de la blogosphère...

Sans trop rentrer dans les détails, voici déjà un premier signe tangible sur Wikipedia.it, avec la page d'accueil en blanc en signe de protestation :

et où vous pourrez lire sur n'importe quelle autre page le message suivant :
« Cher lecteur, chère lectrice,

À terme, la Wikipédia en italien risque de ne plus être capable de maintenir le service qui, au fil des années, s'est avéré si utile pour vous, et dont vous vous attendiez à disposer encore maintenant. Pour l'heure, l'article que vous cherchez existe toujours, mais le risque existe qu'il disparaisse prochainement.

Au cours des dix dernières années, Wikipedia a intégré les habitudes quotidiennes de millions d'internautes à la recherche d'une source de connaissance neutre, libre et, par-dessus tout, indépendante. Une encyclopédie multilingue d'une ampleur inédite, considérable, librement disponible pour tous, à n'importe quel moment, et entièrement gratuite.

Aujourd'hui, malheureusement, les piliers sur lesquels Wikipedia repose — neutralité, liberté et vérifiabilité des contenus — risquent d'être fortement compromis par l'alinéa n° 29 d'une proposition de loi, connue sur le titre de « Loi sur les écoutes téléphoniques ».

Cette proposition, dont le Parlement italien est en train de débattre, formalise, entre autres, une obligation pour l'ensemble des sites internet de publier, sous 48 heures de la demande et sans commentaire, une correction de n'importe quel contenu que le plaignant estime dommageable à son image.

Malheureusement, la loi ne requiert pas une évaluation de la plainte par un juge — l'opinion de la personne supposément pénalisée suffit pour imposer une correction sur n'importe quel site.

De fait, quiconque s'estime offensé par un contenu publié sur un blog, un magazine en ligne et, très probablement, Wikipédia, peut directement réclamer le retrait de ce contenu et son remplacement permanent par une version corrigée, visant à contredire et désapprouver le contenu supposément dommageable, indépendamment de la vérité de l'information considérée comme offensante et de ses sources.

Au cours de ces dernières années, les utilisateurs de Wikipédia (et nous tenons, une fois de plus, à souligner que Wikipédia ne dispose pas d'une équipe éditoriale) ont toujours été disponibles pour évaluer — et modifier, si nécessaire — n'importe quel contenu qui semblait dommageable à quiconque, sans porter atteinte à la neutralité et l'indépendance du projet. Dans les très rares cas où l'on ne pouvait trouver de solution satisfaisante, l'article a été intégralement retiré.

L'obligation qui nous est donnée de publier sur notre site une correction telle que formalisée par le susnommé alinéa n° 29, sans même avoir le droit de discuter ou de vérifier la plainte, constitue une entrave inadmissible à la liberté et à l'indépendance de Wikipédia, au point même de menacer les principes sur lesquels notre encyclopédie libre est basée. Cette entrave va proprement paralyser notre méthode d'accès et d'édition horizontale, mettant de fait fin à son existence telle que nous l'avons connu jusqu'à aujourd'hui.

Nous tenons à spécifier que nul d'entre nous ne met en question la sauvegarde et la protection de la réputation de l'image et de l'honneur de quiconque — mais nous notons également que n'importe quel citoyen italien est déjà protégé à cet égard par l'article n° 595 du Code criminel qui punit la diffamation.

Par ce communiqué, nous souhaitons avertir nos lecteurs contre le risque résultant de la dépendance à la volonté arbitraire de quiconque désireux de maintenir son image et sa réputation. Avec de telles dispositions, les internautes cesseraient probablement d'aborder certains sujets ou de parler de certaines personnalités, juste pour ne pas avoir de problèmes.

Nous souhaitons que Wikipédia reste libre et ouverte à tous, parce que nos articles sont aussi vos articles — nous sommes toujours resté neutres, pourquoi veut-on nous neutraliser ?

Les utilisateurs de Wikipédia.
»
Je n'ai plus de mots pour qualifier Silvio Berlusconi ! Écœuré...

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P.S. Voici ce que dit l'article incriminé (sous réserve qu'il ne soit pas encore modifié durant le débat parlementaire...) :
« Pour tous les sites Internet, y compris les journaux et magazines publiés par voie télématique, les déclarations ou les rectifications seront publiées, dans les quarante-huit heures suivant la demande, avec le même graphisme, le même niveau d'accessibilité au site et la même visibilité que les informations auxquelles se réfère ladite demande. »
Donc si j'écris, entre autres, "Silvio Berlusconi est actuellement mis en examen pour corruption et pour favoriser la prostitution de mineures" et que ça lui plaît pas, je serai obligé de publier n'importe quelle déclaration qu'il m'enverra et de la laisser en ligne à la place de mon texte. Quant au fait qu'il est réellement mis en examen pour corruption et pour favoriser la prostitution de mineures, ça n'aura plus aucune espèce d'importance...

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mardi 20 septembre 2011

Pourquoi Berlusconi est-il encore au pouvoir ?

Plus l'énergumène en fait de toutes les couleurs et moins sa permanence aux affaires résulte compréhensible aux opinions publiques démocratiques non italiennes. Voici deux ans et demi que je tente d'expliquer l'exception italienne à un lectorat francophone et pourquoi Silvio Berluconi est également un danger pour l'Europe, chose que je ne suis désormais plus seul à dire..., et Bruxelles le sait, mais malheureusement la situation n'arrête pas d'empirer.

Je pourrais vous en tartiner des billets et des billets sur l'horreur démocratique que représente ce vieux pervers corrompu qui dirige l'Italie, mais je vais essayer de prendre un peu de hauteur - pour autant que le sujet le permette - pour répondre à la question que je pose en titre, en identifiant quatre raisons fondamentales pour lesquelles Berlusconi est encore au pouvoir bien qu'il ne soit qu'une immonde caricature de ce que devrait être un homme d'état :
  1. Berlusconi n'est pas seul
  2. La "Loi Calderoli" : une vraie saloperie !
  3. L'absence - la complicité - de l'opposition
  4. L'apathie de la population italienne
* * *

1. Berlusconi n'est pas seul

Berlusconi n'est pas arrivé seul en politique, mais porté par tout un système de pouvoirs occultes qu'il est difficile d'expliquer en France (et ailleurs...), aussi bien externes (notamment Grande-Bretagne, États-Unis et Vatican) qu'internes (mafias). Et si ce dernier rapprochement vous étonne, sachez que les connexités (nous dirons ça comme ça) entre les mafias et Berlusconi sont innombrables et sérieusement documentées, y compris judiciairement (que ce soit directement ou par personne interposée : Dell'Utri, pour n'en citer qu'un), voire financièrement (des enquêtes dont personne ne parle jamais dans la presse sont actuellement en cours).

L'origine de milliards et de milliards de lires qui ont servi a financer ses débuts est tout simplement inconnue, alors que plusieurs repentis ont déclaré que la mafia avait blanchi des milliards dans ses affaires. Quant à l'origine de son parti politique, elle fait planer de nombreux doutes, notamment si l'on considère les ambitions politiques de la mafia.

De même que l'on compte par dizaines et dizaines les politiques de l'entourage de Berlusconi qui ont des "connexités" avec la mafia et sévissent actuellement sur les bancs du gouvernement et du parlement italiens, y compris au plus haut niveau en passant par des ministres. Ou d'autres, tels Angelino Alfano, ex-ministre de la justice (!) récemment nommé par Berlusconi comme son successeur, dont il est difficile de comprendre pourquoi il fut un jour invité au mariage d'une fille d'un chef mafieux et s'y rendit avec un cadeau pour les époux avant d'aller embrasser le père de la mariée... Chose qu'il nia dans un premier temps, jusqu'à ce que circule un clip vidéo où on le voyait embrasser le parrain. Il s'en tira par une pirouette en disant qu'il ne savait pas de qui il s'agissait et que sa présence était le pur fruit du hasard, même si en Sicile il est difficile d'être invité à un mariage de ce niveau-là par hasard ! Mais bon, s'il le dit... Il n'y a aucune raison de douter de sa parole plus que de celle de Berlusconi, n'est-ce pas ?

Or quel serait le lien commun entre mafias, Grande-Bretagne, États-Unis et Vatican, me direz-vous ? Un ciment fort : celui de l'anti-communisme, considéré comme un danger permanent par ces trois entités, une réalité historique aux fondements mêmes de la République italienne (au point qu'une énorme quantité d'ex-nazis et d'ex-collabos furent exflitrés ou graciés pour occuper ensuite des positions clés dans les appareils administratifs de l'État italien, mais pas seulement, puisque les États-Unis ont fait la même chose dans bon nombre de dictatures en Europe, en Amérique latine ou au Japon...), et dont la "joyeuse machine de guerre" était prête à prendre le pouvoir en Italie aux élections de 1994, qui furent gagnées par Berlusconi, mais sûrement pas par l'Italie...

Quant à l'appui de l'église à Berlusconi, il est largement compensé et récompensé par d'immenses avantages économiques, notamment pour les caisses et le patrimoine immobilier du Vatican, dont la banque, le IOR, fut un coffre-fort de la mafia et où transita le plus gros pot-de-vin jamais versé en Italie aux politiques corrompus, à commencer par Giulio Andreotti, dont Berlusconi est un digne héritier...

Berlusconi n'est donc pas seul, il fait partie d'un système : un système anti-démocratique et autoritaire, qui se partage les destinées d'un pays entier au moins depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale en privatisant les profits (de toute nature) et en socialisant les dommages collatéraux pour la société italienne. Un système qui a provoqué une infinie série de massacres, de Portella della Ginestra aux attentats des années 1992-93, en passant par la stratégie de la tension : carnages, bombes et assassinats de juges, de journalistes, d'innocents et de gens honnêtes, etc., dont pratiquement aucun coupable n'a jamais payé ! Un système basé sur la corruption, le chantage, les dépistages, disparitions et autres trafics en tous genres, de la drogue à la prostitution, du pétrole aux déchets dangereux et nucléaires, etc.

Un système au sein duquel l'état omniprésent a élevé les comportements criminels au rang de modèle économique, en contribuant par un pacte de sang à faire de la mafia la première entreprise italienne, un système parfaitement huilé, personnalisé par la P2 du maléfique Gelli qui continue de nos jours à produire ses effets hautement néfastes, notamment via la mise en oeuvre systématique par Berlusconi du plan de renaissance démocratique, qui consiste non pas à abolir la démocratie dans ses formes, mais à la vider totalement de sa substance pour n'en laisser qu'une belle coquille présentable. Grâce au contrôle de l'information, entre autres choses...

Car Berlusconi ne fait pas seulement partie du système, il en est au centre. En quelque sorte il est le garant du système - ou tout au moins, il l'a été jusqu'à aujourd'hui -, et c'est grâce à lui que tout se tient : un réseau infini de corruptions, de chantages, de dossiers plus ou moins secrets, etc., qui assure la permanence du système grâce au contrôle de quasiment toute la politique et d'une bonne partie de l'économie italiennes par Berlusconi, chose que prévoyait explicitement le Plan de Renaissance démocratique, qui chiffrait également, sans hésiter et avec un froid machiavélisme, les coûts nécessaires pour que le Plan fût une réussite, soit dit en passant :
  • entre 30 et 40 milliards devraient suffire pour permettre à des hommes de bonne volonté et choisis avec soin d'occuper les postes clés indispensables pour contrôler les partis politiques, la presse et les syndicats (le Gouvernement, la Magistrature et le Parlement représentent des objectifs ultérieurs, auxquels l'on pourra prétendre uniquement après la bonne réussite de la première phase, quand bien même ces deux phases s'entrecouperont et subiront nécessairement des interférences réciproques, comme nous le verrons dans le détail au fur et à mesure que nous élaborerons les procédures de mise en oeuvre).
  • environ 10 milliards de fonds nécessaires pour acheter le parti de la DC
  • un coût supplémentaire de 5 à 10 milliards pour diviser les syndicats en vue de leur "renaissance"...
  • un fonds national d'environ 10 000 milliards sur 2 ans pour une réforme structurelle des services sociaux (logement - hôpitaux - écoles - transports)...
Mais d'autres exigences ne sont pas explicitement chiffrées :
  • il faut en outre faire l'acquisition d'un ou deux périodiques hebdomadaires que l'on opposera à Panorama, l'Espresso, l'Europeo... (Gelli ignorait que Berlusconi aurait fait mieux encore en corrompant des juges pour faire main basse sur le tout, ce qui lui a valu une amende de 560 millions €, récemment infligée à lui et son groupe par la Cour d'appel de Milan)
  • Un autre élément clé était la constitution immédiate d'une agence de coordination de la presse locale (au moyen d'acquisitions étalées dans le temps) et d'un réseau TV via câble pour pouvoir contrôler l'opinion publique des italiens lambda (Altro punto chiave è l’immediata costituzione di una agenzia per il coordinamento della stampa locale - da acquisire con operazioni successive nel tempo - e della TV via cavo da impiantare a catena in modo da controllare la pubblica opinione media nel vivo del Paese).
Vous avez sous les yeux le parcours de Berlusconi. Et son programme politique, écrit par Gelli (ou plutôt par de petites mains de la CIA) vers la moitié des années 70. Pour autant, ses intempérances ont fini par mettre en danger le système, puisqu'il a désormais perdu toute crédibilité, tant nationale qu'internationale. Et la crédibilité est la condition numéro 1 pour faire vivre le système :
toute opération politique réussira pour peu que les hommes qui la mettent en oeuvre soient animés d'une foi solide et emportent la crédibilité (ogni operazione politica è destinata al successo se gli uomini che se ne assumono l’onere sono animati da buona fede ed ottengono credibilità)...
Citation extraite du Mémorandum sur la situation politique en Italie, saisi en 1982 à la fille de Gelli en même temps que le Plan de Renaissance démocratique...

Récemment, Berlusconi a d'ailleurs été désapprouvé publiquement par Gelli, ce qui est tout dire ! Gelli qui affirmait au début de ce dernier mandat de Berlusconi que lui seul aurait été capable de mettre en oeuvre son Plan, voici son diagnostic sur l'Italie d'aujourd'hui et sur Berlusconi (interview au magazine Oggi, en début d'année) :
- Le pays est déjà en plein chaos, l'économie est un désastre et nous n'avons plus d'hommes politiques. Par contre beaucoup de voleurs. Et ce n'est pas moi que le dis : ils sont presque tous mis en examen. Or personne ne prend les mesures nécessaires, personne ne met de l'ordre dans ce chaos. 
- Je n'aime pas la politique de Berlusconi. Il s'est avéré être un faible, il a peur de la minorité et ne fait pas valoir le pouvoir qu'il a reçu du peuple. Aujourd'hui le pays traverse une phase d'immobilisme, extrêmement dangereuse. Berlusconi a été trop loin dans la débauche, il aurait dû consacrer davantage de son temps à d'autres types de rencontres, de dîners. 
(Il Paese è già nel caos, l'economia va malissimo e non ci sono politici. Solo tanti ladri. E non sono io a dirlo: sono quasi tutti indagati. E nessuno prende i provvedimenti necessari, nessuno mette ordine. «La sua politica non mi piace. Si è dimostrato un debole, ha paura della minoranza e non fa valere il potere che il popolo gli ha dato. Oggi il Paese è in una fase di stallo. Molto pericolosa. Berlusconi è stato troppo goliardico, avrebbe dovuto dedicare più tempo ad altri incontri, ad altre cene.)
Tout est dit ! (même si se faire traiter de voleur par Gelli, c'est un peu comme se faire traiter de mafieux par Riina...)

Voilà pourquoi les rapports de force sont en train de changer et les mafias de se repositionner en vue de l'après-Berlusconi, inéluctable : ce n'est plus qu'une question de temps. Le problème est que lui ne veut rien savoir, qu'il est incontrôlable et continuera probablement à faire le mal de ce pays jusqu'à son dernier souffle. Sans compter que la permanence d'un tel système aurait besoin d'une transition en douceur, pour perdurer tel quel sans que personne ne s'y oppose vraiment. Tandis que si la chute de Berlusconi est violente, c'est tout le système qui s'écroulera avec lui. Exactement comme lors de la transition du début des années 90, lors du passage de la Ie à la IIe République.

Raison pour laquelle tous ceux et celles qui tomberont avec lui, et il y en a !, s'attachent par tous les moyens à maintenir le système agonisant jusqu'au bout, il en va de leur disgrâce autant que de celle de leur chef. Et pour ce faire, le Porcellum leur est indispensable
(même si un référendum populaire pourrait bien avoir lieu pour l'abroger, hier soir Antonio Di Pietro annoncait que le seuil indispensable des 500 000 signatures était atteint).

2. La Loi Calderoli : une vraie saloperie !

En 2005, la majorité de centre-droit de Silvio Berlusconi fait voter la loi électorale dite Loi Calderoli (ministre de la Ligue du Nord), qu'il a lui-même définie comme une « saloperie » (porcata, qu'on traduirait par cochonnerie en français mais sur un registre de langue moins soutenu, d'où mon choix qui correspond davantage au sens italien), également connue en Italie sous l'appellation de Porcellum. Je vous passerai les détails techniques, pour me concentrer uniquement sur les effets hautement nocifs de cette loi, à savoir que les électeurs ne peuvent indiquer leurs préférences mais doivent se limiter à voter parmi des listes bloquées de candidats désignés en amont par les partis politiques, qui sont ainsi les seuls à pouvoir décider de la nomination des parlementaires.

Autrement dit, cette loi a complètement court-circuité la représentation démocratique, puisque les "élus" n'ont plus aucun compte à rendre à leurs électeurs (qui n'ont eu le choix que de voter pour des listes farcies de "représentants" qu'ils n'ont pas choisis), mais uniquement aux partis - et donc aux chefs de parti - qui les ont nommés. Ce qui explique pourquoi Berlusconi s'en est sorti par 3 voix lors du vote de confiance de décembre dernier, car les parlementaires ne sont plus tenus par aucune fidélité politique mais se vendent au plus offrant, d'autant plus cher que leur position est capable de faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre.

C'est ainsi qu'on a assisté pendant tout le mois qui a précédé le vote de confiance à un spectacle désolant, totalement indigne d'une démocratie : un véritable marché au bétail où de nombreux parlementaires ont retourné leur veste (certains, plusieurs fois), passant de l'opposition au soutien convaincu à Berlusconi. Et de nombreux signes montrent qu'actuellement un second marché au bétail est en cours. Nous verrons...

Donc lorsque vous entendez dire que Berlusconi est soutenu par la majorité des italiens, c'est totalement faux, il est simplement soutenu par une majorité parlementaire achetée, un peu plus de 310 "honorables" dont beaucoup se sont carrément vendus (députés sans accents, si vous voyez ce que je veux dire...). Et plus sa position devient délicate, plus les votes son monnayés au prix fort ! Un misérable marchandage qui explique que la majorité du parlement a voté pour avaliser la version (la blague, devrais-je dire) de Berlusconi, selon laquelle il s'est intéressé de Ruby auprès de la préfecture de Milan uniquement parce qu'il croyait qu'elle était la nièce de Hosny Moubarak et que son seul désir était d'éviter un incident diplomatique !

Mussolini aurait pu transformer le parlement italien en bivouac de ses soudards, Berlusconi en a fait un repaire de voleurs : ce n'est plus Ali Baba et les 40 voleurs, c'est Silvio Berlusconi et les 300 voleurs. De démocratie ! Qui confisquent les voix (au propre et au figuré) des italiens et prennent le pays en otage. Un pays qui souffre malheureusement d'une très grave forme de syndrome de Stockholm, et qui n'est défendu ni pris en charge par aucune véritable opposition politique à l'absolue catastrophe berlusconienne.

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Ça suffira pour aujourd'hui, je traiterai les deux derniers points dans un prochain billet...

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dimanche 11 septembre 2011

Berlusconi pourrait être arrêté !

[MàJ - 13 sept. 2011] Les juges de Naples ont posé à Berlusconi l'ultimatum suivant : soit il se présente devant eux de son plein gré avant dimanche, soit ils le font accompagner de force...

Silvio Berlusconi a commencé sa carrière comme chanteur pour beaufs en croisière, et il pourrait bien la terminer comme "victime" des innombrables personnages interlopes qui le font chanter : putes, maquereaux, mafieux, politiques corrompus, pouvoirs maçonniques et occultes, impossible de quantifier tellement il y en a !

Mais depuis deux décennies qu'il fuit les juges comme la peste, pour la première fois nous sommes dans une situation totalement inédite, où il doit être entendu non plus comme accusé, mais comme victime d'un chantage. Or après des semaines que les juges de Naples tentent de l'interroger, ils avaient fini par obtenir, par l'intermédiaire de ses avocats, une audition pour mardi prochain, qui aurait dû se dérouler au Palais Chigi, siège du gouvernement...

Oui mais voilà, Berlusconi a une trouille monumentale de ce rendez-vous, et au dernier moment il s'est inventé une visite à Bruxelles, motivée uniquement par sa volonté de fuir à une arrestation possible.

Laissez-moi vous expliquer : en tant que simple témoin interrogé sur les faits, la présence de ses avocats n'est pas nécessaire, puisque formellement il s'agit d'une audition en garantie de la victime d'un chantage. Il serait donc seul face à l'équipe de juges venus de Naples, qui enquêtent sur une tentative d'extorsion à ses dépens, tentative dont seraient coupables, entre autres, deux soit-disants "entrepreneurs" louches, Gianpaolo Tarantini et Valter Lavitola. Le premier est en prison, le second est en cavale dans quelque pays d'Amérique du Sud ou ailleurs.

Tarantini, qui fait actuellement l'objet de 7 procédures judiciaires diverses, est celui qui portait la chair fraîche à sa Majesté Ubunga-Bunga Ier dans son royaume d'Arcore (demeure historique près de Milan que Berlusconi escroqua en son temps à une orpheline...), rebaptisé Hardcore vu la qualité des soirées, dont Patrizia D'Addario nous a laissé quelques enregistrements son et vidéo... Soirées au-dessus de tout soupçon à l'enseigne de l'élégance, selon Berlusconi, mais pour lesquelles il est "imputé" pour instigation à la prostitution de mineures, entre autres chefs d'accusation (il est vrai qu'avec lui on n'a que l'embarras du choix...), ce qui est la moindre des choses pour un chef de gouvernement qui se respecte.

Quant à Lavitola, avec qui Berlusconi parlait pratiquement tous les jours sur un mobile enregistré à Panama et avec une carte SIM dont le titulaire est un colombien inconnu, ils sont copains comme cochons :
Dans quelques mois je me casse de ce pays, j'en ai la nausée de ce pays de merde...
Ainsi parla le président du conseil italien à son interlocuteur... Mais s'il n'y avait que ça !

Le fait est que selon l'avocat même de Berlusconi, les écoutes téléphoniques porteraient sur pas moins de 1732 coups de fil en 6 mois dans lesquels Berlusconi en dit de toutes les couleurs et dont il est facile de comprendre qu'il sait parfaitement que la plupart de ces poupées sont des putes. Les deux "entrepreneurs" - Tarantini et Lavitola - en pleine conversation nous confortent sur le sujet :
il est clair que ce sont des putes, mais d'abord c'est pas un délit, et de toute façon le monde entier a compris que ce sont des putes, il n'y a pas une seule personne au monde qui pense que ce ne sont pas des putes”.

(ma che erano puttane, oramai…anzitutto non è reato e seconda cosa l’hanno capito tutto il mondo che sono puttane, non ci sta una persona al mondo che non pensa che siano puttane).
Or toute la défense de Berlusconi se base sur le fait que, selon lui, il ignorait que c'étaient des putes (tout comme il "croyait" que Ruby était la nièce de Mubarak...), parce que Tarantini les lui aurait présenté en affirmant que c'étaient des amies à lui désireuses de connaître le grand chef !

Ce doit être pour ça que Berlusconi aurait versé à Tarantini 850 000 euros en liquide, par l'intermédiaire de sa secrétaire personnelle, depuis 30 ans à son service, qui versait l'argent à Lavitola, pour que celui-ci le remette ensuite à Tarantini. Lavitola qui aurait gardé pour lui la moitié de la somme au passage, soit au moins 400 000 euros. Entre gens de bonne compagnie, ça se comprend.

Et c'est là où nous en arrivons à la thèse des juges, selon qui cet argent serait le prix du silence pour que Tarantini maintienne la version convenue entre les différents acteurs de ce drame tragicomique, selon laquelle Berlusconi ignorait qu'il avait affaire à des putes. Donc victime de maîtres-chanteurs, certes, mais victime consentante puisqu'il aurait payé pour étouffer l'affaire sans dénoncer le chantage.

Par conséquent lors de son audition comme témoin (qui n'aura plus lieu mardi et dont la date doit de nouveau être fixée), Berlusconi sera sommé de s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il a versé cet argent à Tarantini, en plus d'un loyer mensuel de 20 000 euros (oui, vous avez bien lu : 20 000 euros, au noir, c'est clair). Donc si Berlusconi s'entête dans sa "version officielle", à savoir qu'il a voulu dépanner une famille en grandes difficultés économiques (sic!) et que la thèse des juges est une pure invention (re-sic!), il risque d'être accusé lors de l'audition pour faux témoignage, et le mensonge sous serment dans un tel cas signifie la mise en arrestation immédiate.

D'autant plus qu'il y a plus grave encore ! Car avec Berlusconi, à chaque fois qu'on croit toucher le fond, on se rend compte avec horreur que le fond est encore loin : dans une conversation téléphonique avec son compère Lavitola, conversation qui a eu lieu le 24 août dernier (il y a moins d'un mois !!!), Lavitola qui est à l'étranger déclare à Berlusconi son intention de rentrer en Italie pour donner sa version aux juges. Réponse de Berlusconi : "Reste là où tu es"...

Et depuis l'entrepreneur Lavitola est en cavale à l'étranger, sur les conseils du président du conseil, justement, qui mérite bien son nom...

Et pour cet aspect des choses, Berlusconi aura encore plus de mal à expliquer aux juges napolitains le pourquoi du comment il conseille à un citoyen italien mis en examen de fuir à la justice de son pays, que tout le pognon qu'il balance généreusement à ses amis dans le besoin, sans rien vouloir en échange, naturellement : en plus des 850 000 euros à Tarantini, dix millions d'euros à Marcello Dell'Utri, condamné en appel à 7 ans de prison pour concours externe en association mafieuse, actuellement sénateur en vertu de ses mérites, 3 millions d'euros à Lele Mora, autre apporteur de putes emprisonné, lesquelles ont globalement reçu, elles aussi, une quantité inconnue de millions d'euros...

Un vrai distributeur de billets, le Silvio. Au point qu'il risque même l'inculpation pour blanchiment d'argent illégal, vu que ces sommes énormes ne sont apparues au grand jour que grâce au travail des juges, puisqu'il n'a jamais rien déclaré, ça va de soi. J'espère donc que l'audition aura bientôt lieu (les juges lui ont donné un délai de 10 jours pour fixer une nouvelle audition, après quoi ils le convoqueront d'office), même si je n'y crois guère, vu que Berlusconi fera TOUT ce qui est en son pouvoir pour l'empêcher, et son pouvoir est encore grand, mais d'ores et déjà si tout ou partie des 1732 conversations téléphoniques qui ont Berlusconi comme l'un des deux interlocteurs devait fuiter, voici ce que Tarantini en dit lui-même à Lavitola : "leur contenu, c'est de la tuerie, une véritable bombe".

Dans ce cas, je ne vois aucune raison d'en douter. J'espère juste qu'elle explosera le plus vite possible pour que l'Italie se débarrasse enfin de cet énergumène inqualifiable qui ressemble chaque jour davantage à un sépulcre ambulant, en-dedans et en-dehors : Silvio Berlusconi !

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