Suite chez Jean Véronis...
Pièce en un acte et combien de législatures ?
Il y a presque deux ans, j'écrivais dans
Le sens et la valeur des mots :
Voilà pourquoi des textes tels que celui-ci me dérangent profondément. Je pourrais le reprendre dans son intégralité en le démontant paragraphe par paragraphe, phrase par phrase, pour en mettre à jour les rouages manipulateurs, les incohérences flagrantes, les faussetés doucereuses, les finalités à peine masquées (mieux ferrer le gogo). Peut-être un jour, quand ma colère retombera, si elle retombe (car impossible d'écrire objectivement sous son emprise), mais ce n'est pas pour demain.
Un texte dont
Jean Véronis proposait le nuage suivant :
L'heure est donc venue de mettre mon projet à exécution, maintenant que je peux utiliser à volonté les outils de
Quensis (
site Web), pour procéder à un traitement statistique de ce texte et vous proposer mon analyse, très personnelle et sans aucune velléité, ni d'exhaustivité ni de rigueur scientifique.
C'est juste ce que je pense. Point, à la ligne.
En commençant par le nuage généré avec
Wordle sur la base des 110 termes qui reviennent le plus dans
ce discours, qui comprend
8645 occurrences une fois décortiqué.
Et une explication préalable sur ce
SARKO qui trône au centre : pour une raison que je ne m'explique pas, Wordle n'accepte pas le JE ! En fait, lorsque j'ai chargé le fichier avec les 162 JE du discours, tous les autres mots apparaissaient sur le graphique, sauf le JE. Pas plus que le MOI en faisant l'essai.
Dès lors, mon choix de tester avec SARKO, qui représente précisément :
- 129 fois le pronom JE :
- 52 fois « je veux », 4 fois « je ne veux pas »
- 24 fois « je propose » (dont une seule fois « je vous propose »)
- 10 fois « je dis », 5 fois « je (vous) le dis »
- 4 fois « je salue », etc.
- 8 fois J' : j'affirme, j'ai proposé, j'ai envie, j'ai la conviction...
- 8 fois MOI, dont 6 fois « La République pour moi c’est... »
- 6 fois MON : devoir, ambition, projet, objectif (3 fois)
- 5 fois ME + M' : je ne me résigne pas, on m'a répondu...
- 3 fois MA : responsabilité, mission, volonté
- 3 fois MES : mes amis, à mes yeux (2 fois)
Soit un total présidentiel de 162 occurrences ! Que j'ai toutes fondues initialement sous le JE, puis sous le SARKO que Wordle accepte volontiers en remplacement. D'où son poids disproportionné dans le graphique...
Mais ça ne s'arrête pas là, puisque nous avons 76 fois la République, 53 fois la France (dont 30 fois la France qui « veut »), 37 fois l’État, 29 fois la Nation !
Le tout pour un modeste total de 357 occurrences, dont un remarquable taux dépassant 45% d’occupation par le JE/MOI présidentiel...
Sans compter 68 fois « Elle », qui représente tantôt la Nation, tantôt la République, tantôt la France, que Sarko fait pratiquement parler à la troisième personne : « la France veut ». Ou encore, « La République, c’est… », « la République fraternelle dans laquelle JE crois. » (ça en fait au moins un...) :
Il y a bien une exception française auquel il est légitime que nous soyons attachés, non parce qu'il est la marque d'une quelconque supériorité par rapport aux autres, mais parce qu'il exprime ce que nous sommes et ce qui nous unit. Cette exception tient en trois mots : la Nation, la République, l'État. Cette exception est politique. Elle est intellectuelle. Elle est morale. Elle est culturelle.
C’est le miracle de la France...
C’est le miracle de la France...
C’est le miracle de la France...
C’est le miracle de la France...
C’est le miracle de la France...
C’est le miracle de la France...
Mais chacun sent bien que ce miracle est menacé.
(J'ai mis en gras les erreurs de syntaxe, dans un tel discours, ça la fout mal...)
Mais
no problem, Sarko le thaumaturge arrive :
Dès lors, mon projet est simple : Je veux construire une nouvelle relation avec les Français, faite de vérité, de respect de la parole donnée, de confiance. Je veux un nouvel Etat, une nouvelle nation, une nouvelle République.
C'est simple, en effet. Simple et modeste. Comme le J majuscule après les deux points, normal pour un personnage majuscule, modestement
primus inter pares. Tous les problèmes de la France, ne vous inquiétez pas, JE M'en charge !
- Nous, peut-être ? Pourrions-nous faire ça ensemble ? Avec nous, les français (21 fois), nous, les citoyens (11 fois, toutes occurrences confondues), nous, le peuple (8 fois) ?
Ah ! «
La parole rendue au peuple, le pouvoir redonné au peuple, ... », fausse et illusoire promesse froidement contredite par un extraordinaire total de 40 occurrences, soit neuf fois moins que pour ELLE & LUI, la France et son époux, pardon Carla !
Idem pour le triptyque NOUS (24 fois) / Nos (8 fois) / Notre (13 fois) (dont 5 fois « notre République »), dont l'utilisation plus condescendante qu’autre chose est confirmée par l’emploi parcimonieux du VOUS : 15 fois en tout et pour tout, dont 6 fois dans les dernières lignes… (mais jamais ô grand jamais, ni votre, ni vos, … ni vaches et cochons).
Vous êtes la preuve vivante du contraire.
Vous êtes l’espérance qui ne veut pas s’éteindre.
Vous êtes les témoins d’une France qui veut renaître et qui ne craint ni le changement, ni l’avenir.
Vous êtes les témoins d’une France qui n’a pas peur de la rupture.
(…)
Je vous le promets, nous allons construire une France nouvelle dont vous serez les acteurs.
Magnifique envolée finale, peut-être avec un zeste de grandiloquence, mais pas trop, juste ce qu'il faut pour amener le lecteur, que dis-je ? l'auditeur, que dis-je ? le gogo, que dis-je ? le concitoyen (en deux mots), vers la chute, engageante, impliquante, et, pour tout dire, prégnante :
Je souhaite sceller un nouveau pacte avec tous les Français.
Promesse berlusconienne s'il en est,
autant dire jamais tenue, limite berlusconnerie (
berlusconata)…
Sarkozy est vraiment
un type formidable, le roi des discours (
mais pas seulement)...
Conclusion
Qu'est-ce qui cloche dans son discours (auquel on ne reprochera certes pas de manquer de volontarisme, le
bonhomme est habitué) ? Oh, pas grand chose, juste un détail, à savoir que pour résoudre tous les problèmes de la France, un seul homme suffira, le troupeau des 60 et quelques millions de concitoyens n'a qu'à ME suivre, SARKO/ZORRO est arrivé, je vais tout résoudre tout seul, j'en ai la volonté, j'en ai la conviction, donc je vous le promets. Que ma parole vous suffise. Ou iriez-vous jusqu'à penser que je ne sois pas homme à honorer ma parole, peut-être ? Demandez à Édouard, à Jacques éventuellement, il s'en porteront garants...
Donc croyez-moi, suivez-moi, et si possible fermez vos gueules.
D'ailleurs avec Obama nous allons
changer le monde, et vite...
Je vous le dis haut et fort ! Du reste, vous n'avez qu'à
lire son discours : là où je proclame
France & République, fort à propos il rétorque
Amérique & Nation. Voyez
son nuage, on dirait son pays :
Mais tiens, c'est bizarre, Barack, où es-tu passé ?
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P.S. À noter que dans son discours (quatre fois moins long que celui de Sarkozy), Barack Obama utilise
3 fois le JE (répétons-le : 3 fois), contre 62 fois le NOUS, 68 fois le NOTRE/NOS et une dizaine de fois le VOUS/VOTRE/VOS !
Nous appellerons ça des visions diamétralement et TOTALEMENT opposées...
[
MàJ - 23h45'] Suite à de vifs échanges en commentaire avec un certain "Christophe" qui m'a beaucoup énervé (j'ai horreur qu'on mette en doute mon honnêteté intellectuelle), un heureux concours de circonstances va me permettre de faire taire ce blanc-bec. En travaillant sur le
nuage sémantique du
discours sur la question raciale prononcé à Philadelphie par Obama, j'ai découvert de façon tout à fait fortuite
Wordle advanced, qui inclut
les pronoms dans le nuage, chose que je n'avais pas réussi à faire avec la version 1.0.
En fait, si vous avez 10 fois le mot NUAGE, au lieu de saisir 10 fois NUAGE l'un à la suite de l'autre, il suffit de faire NUAGE:10 ! Idem avec les pronoms, et ça marche ! Allez savoir...
J'ai donc repris le nuage contesté, en me basant cette fois sur celui de Jean Véronis en début de billet, en gardant le même poids spécifique à chaque terme, en ôtant le mot TOUR (sans aucune pertinence dans le discours) et en ajoutant JE (137 occurrences, j'ai viré MOI, MA, MES, etc.), VEUX (56 fois) et VEUT (36 fois), là où Jean n'avait retenu que VEULENT. Et si j'ai encore laissé de côté le pronom "Elle", c'est tout simplement parce que sa valeur n'est pas uniforme : tantôt Nation, tantôt France, tantôt République, etc. Alors qu'avec JE, le problème ne se pose pas ! Voici ce que ça donne :
Donc, Monsieur l'anonyme, vous avez sous les yeux un nuage reprenant exactement les mots de Sarkozy, sans en modifier les "déterminants" selon votre propre jargon. Ma question est : est-ce que ça change quoi que ce soit à mon analyse ?
[
MàJ II - dimanche 25 janvier 2009] Je viens de voir dans mes stats que ce billet a été repris en
Une de Médiapart !!!
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