Francis Pisani titre deux billets récents Nous ne lisons pas et Quand l’actu ne vaut rien.
Dans le premier, il reprend une thèse de Jakob Nielsen selon laquelle les lecteurs se contentent de balayer les textes, en nous fournissant les chiffres suivants :
- on ne lit que 20% du texte d’une page moyenne (page testée de 600 mots) ;
- nous n’avons pas le temps de lire plus de 30% des mots qui s’affichent sur l’écran ;
- on ne lit 50% de l’information que si le nombre de mots est inférieur à 111 ;
- plus l’auteur ajoute de mots, moins nous avons de temps à leur consacrer : 4 secondes pour chaque paquet de 100 mots en plus.
Et de citer la « commoditization of news », « le fait que la valeur des articles d’actualités, plus encore que celle des produits de consommation courante, tend vers zéro. »
En ajoutant :
Conscient de ne rien avoir à dire «de plus» ou «de mieux» je n’ai rien écrit sur le sujet.En corrélant son discours, je suppose, au titre du billet : Quand l’actu ne vaut rien.
(...)
Traiter des sujets que tout le monde traite revient, pour les médias d’information, à assécher la source qu’ils exploitent.
Donc, je partage en partie la position de Francis. Ou mieux : je partage en partie son constat. Mais je ne partage pas sa généralisation. Sans quoi je renierais tout le travail que j'essaie de faire sur ce blog.
Dont les statistiques de fréquentation tendent, d'un côté, à prouver les assertions de Francis ; et à démontrer le contraire de l'autre.
Je m'explique. Pour appuyer son hypothèse : Quand l'actu ne vaut rien, Francis prend l'exemple de la rupture des négociations (ont-elles jamais eu lieu ?) entre Microsoft et Yahoo!
Or selon moi, dans l'absolu, il y a incompatibilité entre le titre et l'exemple, puisque tout rapprochement potentiel entre Microsoft et Yahoo! serait en réalité l'une des infos les plus importantes pour le Web depuis l'arrivée de Google, un tournant décisif pour Internet.
Lorsque l'on voit la puissance d'un Google et l'impact économique démesuré que prendra probablement Internet dans les années à venir, la naissance d'un compétiteur à la hauteur est une actu de tout premier plan.
Au passage, sur ce coup, je ne suis pas d'accord avec Didier, autre blogueur qui n'est pas avare en analyses : je ne vois aujourd'hui aucune pluralité sur Internet, pas même un semblant, mais uniquement l'hégémonie toujours plus puissante et envahissante de Google.
Donc, oui, un rachat du dauphin par son suivant pourrait conduire au cartel ou à l'oligopole, mais ce serait déjà un plus par rapport au monopole actuel. On a encore très présent dans l'informatique de bureau et les suites bureautiques ce que le monopole Microsoft signifie : des
Et encore, avant qu'il y ait duopole, encore faudrait-il qu'il y ait une intégration digne de ce nom entre M$ et Y!, ce qui serait loin d'être acquis...
Une actu de tout premier plan, donc. Alors comment peut-on en arriver au constat que cette actu ne vaut rien ?
Je n'ai qu'une réponse : ce n'est pas l'actu en elle-même qui ne vaut rien, mais la façon dont elle est traitée. Ce qui fait une grande différence...
Car si vous prenez les 3 000 news, il est faux et simplificateur, voire caricatural, de dire que toutes ne valent rien parce que toutes répètent la même chose. Ce n'est pas vrai. Et si vous posez comme hypothèse - vraisemblable - qu'il y en a au moins 5% qui tentent de sortir du lot dans leur manière de traiter l'info, ça fait déjà 150 articles et billets (Google News n'indexe pas que les journaux, mais aussi certains blogs, ... pas Adscriptor, c'est dommage ;-) dont l'on peut aisément supposer qu'ils donnent un plus à leur lecteur.
Et je peux vous dire, moi qui passe une bonne partie de mon temps à éplucher les infos auprès des meilleures sources qu'elles existent, et de plus qu'elles sont assez faciles à repérer.
Donc il est normal qu'une actu comme un mariage Microsoft-Yahoo! fasse couler de l'encre, ce n'est pas pour rien que j'y ai déjà consacré plus d'une trentaine d'analyses - et je n'ai pas fini... -, ou, pour le moins, j'espère que mes billets seront considérés comme tels : des analyses.
C'est là où j'en arrive à la partie des stats : la fréquentation d'Adscriptor oscille entre 200 et 300 visiteurs par jour, très exactement 287 sur les 7 jours écoulés, avec un temps moyen de permanence - et donc de lecture - de 2 minutes 03''.
Ce qui veut dire, d'une part, que les analyses n'intéressent pas grand monde, en tout cas moins que certaines "actus" de grande consommation...
De l'autre, que les gens qui veulent s'informer sont prêts à prendre le temps de le faire, et par conséquent que les chiffres de Jakob Nielsen ne sont pas généralisables.
Car j'ai la faiblesse de croire que cette moyenne de temps de lecture, qui n'est jamais descendue en dessous d'une minute depuis le début de ce blog, pour autant que je m'en souvienne, est une reconnaissance implicite de la plus-value d'Adscriptor : ne pas faire du réchauffé en essayant de fournir des analyses et des infos utiles à mieux comprendre les évolutions du Web.
Analyses subjectives, certes, que certains pourront trouver mauvaises, voire nulles à chier, mais analyses quand même. Sinon ça sert à quoi, que Dugros il se décarcasse ?
Je vous le demande !
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8 commentaires:
Billet trop long, pas le temps de le lire ;-)
Effectivement le billet de Pisani sous-entend que les 3000 billets sont des INFOS et non des ANALYSES. Tu as raison de pointer qu'il y a forcément des analyses sortent du lot. Il y a donc un côté caricatural dans son propos, mais là où Pisani a raison, c'est qu'Internet permet la republication et la rerepublication et la rerererere...publication d'une même info.
C'est justement pour ça que le journalisme professionnel, pour sortir du lot, doit se concentrer sur la différence, sur la valeur ajoutée, donc entre autres sur l'analyse (ce qui suppose de l'expertise). Car la publication d'info brute ne permet pas de se distinguer.
Salut Jean-marie,
Je n'ai peut-être pas été clair dans mes mots: je voulais dire que tant que Yahoo et MS existent séparément, on a un peu plus de chance de ne pas vivre un Internet cartellisé.
Il faut garder au moins 3 grands acteurs pour éviter cette débâcle...
A 2, ce serait perdu!
Maintenant, je reconnais volontiers l'hégémonie toujours croissante de Google. J'ai beaucoup écrit sur ce thème!
a+
didier
François,
Vu la débâcle actuelle qui règne dans la presse, ce serait effectivement une bonne piste de commencer par là !
Didier,
Effectivement, j'avais pas compris. Ceci dit, je ne vois pas pour l'instant 3 grands acteurs, mais 1 seul.
Les deux suivants n'ayant jamais réussi à combler leur retard, qui ne cesse d'empirer.
Donc je me dis que, peut-être, en réunissant leurs forces, on arriverait à avoir au moins un concurrent de Google digne de ce nom.
Ça ferait 2. Est-ce que ce serait perdu ? C'est déjà perdu :-)
Jean-Marie
Je conseille toujours de distinguer soigneusement les actualités et l'information.
Pour les actualités, n'importe quelle source est correcte si elle se contente de répercuter les communiqués officiels, la documentation brute : faits et chiffres.
L'information, c'est l'analyse, la réflexion et les opinions : c'est là que le lecteur opère un tri s'il veut être informé.
Au quotidien, je lis trois sources d'actualités et une vingtaine pour l'information.
AdScriptor est une excellente source d'information. Et mieux vaut 300 lecteurs attentifs qu'un million de distraits.
Szarah,
Pas évident de toujours distinguer les actualités de l'information. Ou des informations.
Je comprends le distinguo, même si j'aurais des problèmes pour l'appliquer consciemment à chaque actu/info qui me passe devant les yeux.
L'origine de ce billet, et ce qui m'a frappé dans les posts de Francis Pisani, c'est que j'y vois une corrélation avec le désamour des gens pour la presse.
Toujours ma vieille lubie de l'asymétrie de crédibilité dans l'information...
Jean-Marie
Sur Adscriptor, je lis 100% du texte, jusqu'au bout, en y passant le temps nécessaire ( que je ne mesure pas . Et ceci, même à propos d'une polémique dont le sujet de fond était : "Qui paie l'argent de poche d'une vedette oubliée qui veut refaire la une de l'actualité People ? ".
Sur les blogs comme sur le reste il y a au moins deux voies possibles :
- Suivre la mode, les tendances, les conseils pour faire monter le "bloguimat"
- Suivre sa voie tout en tenant compte des remarques de ses lecteurs
Le grand avantage, et sans doute historiquement unique du blog, est que, pour l'instant, ce choix reste totalement indépendant de considérations économiques et de survie financière du média.
La plus-value d'Adscriptor est dans ce choix d'une ligne qui doit tout à son auteur et rien au bourdonnement stérile du buzz.
René,
Merci pour ce commentaire réconfortant, alors même que d'autres continuent de se poser ce genre de questions.
J'imagine que c'est toujours la même histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein : pourtant c'est toujours le même verre...
Jean-Marie
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