I. Coûts des nouvelles extensions
II. Combien de candidatures ?
Nous l'avons vu, l'ICANN prévoit de renflouer ses caisses à hauteur de 92,5 millions $, en tablant au minimum sur
500 candidatures (500 x 185 000 $), même si d'autres prévisions font état de
10 fois plus...
Or nous avons vu aussi, compte tenu des coûts "accessoires", qu'un ticket d'entrée aurait probablement
une fourchette basse comprise entre 300 et 350 000 $, si tout se passe bien, avec ensuite, en étant très optimistes, des frais de gestion autour de 100 000 $ par an (les coûts de registre sont renouvelables chaque année), ce qui représente des sommes importantes. Pas pour tout le monde, certes, mais quand même !
Sans compter
les aléas stratégiques pour les marques, dont le plus rédhibitoire est sans aucun doute que
cette nouvelle extension ne se substituerait pas aux autres mais s'y ajouterait. Une nuance de taille, au sens où cela ne résoudra en rien les problèmes traditionnels de propriété intellectuelle (
typosquatting & co.), et que toutes les marques devront continuer de
se protéger comme si de rien n'était sur toutes les autres extensions (globalement, pas loin de 300).
À ce compte-là, le budget "noms de domaine" des marques risque vite de prendre des proportions considérables. Au point que seules certaines multinationales pourront se permettre un tel luxe !
Donc, pour en revenir à l'ICANN, si l'on fait le compte des candidatures actuellement déclarées, elles n'atteignent pas même la cinquantaine, et ce sont essentiellement des GeoTLDs, c'est-à-dire des extensions villes, régions, cultures, langues...
En France, nous avons par exemple les candidatures du
.Paris et du
.bzh pour la Bretagne.
Sous l'impulsion du .CAT catalan (24 000 noms de domaine enregistrés en un an), plusieurs extensions régionales ont décidé de
se regrouper.
Mais l'histoire du
.SCO, à l'heure où
59 % des écossais préféreraient un .SCOT, illustre bien les problèmes de trésorerie de toutes les villes et régions autres que Paris, Berlin ou New York...
Dans un
message adressé à l'ICANN, SCO soulève plusieurs points, et notamment la question des coûts, en demandant un ajustement (de 185 000 $ à 50 000 $) et en proposant un plafond de 10 000 $ pour les coûts d'exploitation annuels de registre :
The draft guidebook states that the estimated application fee for a new gTLD will be (US)$185,000. We continue to work to ensure that a Scots community will be able to adequately meet this cost – but we are extremely concerned that this fee is very high for bidders for community/city TLDs.
In short, a community TLD will operate on a model which is considerably more restrictive than any open TLD and will have the overriding aim of serving their respective communities interest – not necessarily sell huge volumes of domains. We would propose that the application fee should be reduced (or at very least be reduced significantly for applications for community TLDs) in order to recognise their purpose as servants of their communities. To reflect this, an application fee for community applications that was closer to (US) $50,000 would be welcome.
dotSCO contends that application fee reduction is necessary if ICANN is to meet its aspirations for online communities to have a more democratic, global, multicultural and multilingual Internet.
The annual Registry ICANN fee of (US)$75,000 is a huge cost to a not-for-profit community registry that dotSCO is seeking to establish. A variable registry operation fee may be a more equitable way to operate the annual ICANN fee. Our proposal would be that community TLDs pay a small percentage of their annual surplus/profit to ICANN – up to a maximum ceiling of (US) $10,000 per year. Should a community TLD be taken up in large volumes (on a par with strings such as BIZ) then there may be a case for a revision of the annual fee beyond the (US) $10,000.
Comme quoi le problème des coûts reste sensible pour de nombreux candidats, et en ces temps de récessionite aiguë, l'ICANN ferait peut-être bien de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre.
Car avec moins d'une cinquantaine de dossiers prévisibles, il ne lui reste plus qu'à trouver et motiver les 9/10
e des candidatures manquantes... Pour ce faire, une opération de communication massive est prévue courant deuxième trimestre 2009, mais cela suffira-t-il ? Et en direction de qui ?
De fait, les extensions géographiques font partie de ce que j'appelle les extensions communautaires (“community-based”), l'un des deux types de nouvelles extensions génériques (gTLDs) définies par l'ICANN. Les autres étant les extensions ouvertes (“open”).
Dans le premier cas, seules des communautés clairement identifiées, établies et organisées pourront gérer ces domaines. Plusieurs types sont possibles, outre les communautés géographiques :
- des communautés industrielles (.car, .pharma, .sport, .bank, .hotel, etc.)
- des sociétés (
Corporate ou
Brand TLDs)
Dans le second cas, celui des communautés ouvertes, les extensions pourront être gérées par tout type de candidat. Exemple : .blog, .kids, etc.
Et dans les génériques, pourra-t-il y avoir des concurrents proches, du genre .kid et .kids (singulier, pluriel, masculin, féminin, IDNs, ...) ?
Apparemment, oui :
Perso, je trouve que la distinction n'est pas toujours évidente, voyez les .sport ou .hotel, par exemple, comment déterminer s'il s'agit d'une communauté ouverte ou précisément définie ? Et comment réagiraient les détenteurs de marques dont "sport" ou "hotel" est l'une des composantes de leur marque ?
On peut d'ores et déjà se poser d'autres questions : que se passera-t-il avec les extensions .xxx, .sex ou .porn, compte tenu des
antécédents de l'ICANN, dont l'on peut gager qu'elles seront parmi les premières applications ?...
En outre, chaque candidat devrait être son propre registre (je mets ça au conditionnel car ça reste à voir, et j'imagine déjà que les registres et registrars actuels se frottent les mains pour sous-traiter leurs compétences techniques à des candidats qui ne sauront même pas par où commencer...), et il y aura des registres ouverts et fermés. Ouverts lorsque le domaine sera disponible à l'enregistrement des déposants lambda, fermés lorsque le domaine ne sera réservé qu'à la communauté de référence.
Vous le voyez, le pari de l'ICANN est très très ambitieux,
trop peut-être. Personnellement, je pense qu'ils ont placé la barre trop haut et que le gros du marché "naturel" de l'ICANN dans les nouvelles extensions, à savoir les entreprises, pourraient ne pas suivre. À moins que l'ICANN ne cherche vraiment à mettre en place une politique raisonnable,
où les nouvelles extensions ne s'ajouteraient plus, mais remplaceraient les extensions existantes.
Faute de quoi toute cette histoire pourrait bien n'être qu'un coup dans l'eau. À moins que l'ICANN ne réduise ses prétentions...
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